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Channel: Histoire de la Bibliophilie
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Bonne Année 2016 !


Du nouveau chez Lortic, le Le Gascon du XIXe siècle

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D'une famille originaire de Izaut-de-l'Hôtel [Haute-Garonne], dans le Comminges, face aux Pyrénées, Pierre-Marcellin Lortic est né à Saint-Gaudens [Haute-Garonne], rue de la Sous-Préfecture, le 4 avril 1822. Son père, Jean Lortic (1785-1850), était un ancien militaire, tailleur dans sa ville natale d'Izaut, avant de devenir portier à la sous-préfecture de Saint-Gaudens, où il épousa, le 20 mai 1810, Bertrande Terris (° 1786).

On ne sait rien de Lortic avant son arrivée à Paris, en 1840. 

Publicité de Marcellin Lortic (1852-1928).
In Gazette des Beaux-Arts, 1er mars 1895

Après son apprentissage chez Auguste-Pierre-Paul Gruel (1800-1846), rue Royale-Saint-Honoré [rue Royale, VIIIe], il s'installa à son compte, en 1846, 199 rue Saint-Honoré [Ier], à l'angle de la rue Saint-Roch, en face de l'église du même nom. Le 19 août 1848, il épousa, à Paris, Marie-Odile-Eugénie Desfossé, qui lui donnera quatre fils.


Adresse de Pierre-Marcellin Lortic (1822-1892).
In Almanach-Bottin du commerce de Paris, 1854


Adresse de Pierre-Marcellin Lortic (1822-1892).
In Almanach-Bottin du commerce de Paris, 1855


Atelier de Pierre-Marcellin Lortic
1, rue de la Monnaie, 1865 (photo Charles Marville)

Atelier de Pierre-Marcellin Lortic
voisin de la Chapellerie F. Beaume,
2, rue des Prêtres-Saint-Germain-l'Auxerrois, 1866 (photo Charles Marville)
Il déménagea, en 1855, au 10 place du Louvre [Ier], puis, en 1860, au 1 de la rue de la Monnaie [Ier], qui deviendra le 11, après la disparition en 1866 de la place des Trois-Maries, lors de la création de la rue du Pont-Neuf. L'immeuble sera acquis en 1903 pour la construction du « magasin 2 » de la Samaritaine, qui s'achèvera en 1910.

Portrait de Pierre-Marcellin Lortic
In H. Beraldi. La Reliure du XIXe siècle. Paris, Conquet, 1896, t. IV, p. 242 

« Lortic, petit Languedocien brun, agité, volontaire, ardent, avantageux, ambitieux, passionné pour la reliure et enragé pour parvenir, aimant ce qui brille – sur un livre, et sur une poitrine ; parti de rien en 1840 et déjà arrivé dix ans après ; ne manquant pas une exposition, et pas une médaille ; […]
Ayant intelligemment reconnu combien le métier de relieur est ingrat, il y joignit avec profit le commerce des livres. […]. Bref Lortic, libraire, faisait commerce de livres tout habillés par Lortic, relieur. […]
Lortic avait du livre relié une conception à lui : il le voulait ferme, très bloc, fin de cartons, très fin de nerfs : au total, élégant. Il couvrait ses dos d'un matériel de fers tortillés qui lui était particulier et fait reconnaître ses reliures entre toutes. […]
La densité du livre, il l'obtint quelquefois par un battage exagéré, voire par le laminage. De là des hurlements dans le camp trautziste : Lortic agrandit les livres à force de les laminer ! […]
Plus personnel, plus audacieux que Trautz, Lortic fut moins égal, moins sûr – pour user du mot à la mode : moins impeccable- dans le métier. Il eut deux défauts saillants : trop serrer les dos, et surtout la rage d'amincir le maroquin, ou de l'écraser au polissage jusqu'à le réduire à l'état de basane : la peau semble exténuée, prête à se fendiller, à s'écailler, à craquer. […]
Dans le choix et l'association des couleurs, il fut aussi moins sûr que Trautz, et tomba parfois dans les tons faux ou criards.
Pour le décor, Lortic, avec une passion véritable, concevait le livre relié comme un joyau : il aimait le riche, le fastueux, le flamboyant, les plats couverts d'or, les doublures scintillantes de feuillages et de semis ; les tranches ciselées ; les gardes de moire, même de brocart d'or. (Le tout, précieusement conservé dans des étuis, généralement en maroquin vert.) […]
Pour la dorure, il l'eut caractéristique et extraordinaire : il faut compter Lortic au premier rang des grands doreurs. Non pas qu'il dorât de sa main. Mais dans un atelier de reliure, la dorure – tout comme le corps d'ouvrage – est, non ce que les doreurs la font, mais ce que le maître de l'atelier, le patron, veut qu'elle soit. […]
Lortic voulut la dorure d'un bel or jaune, chaude, très enfoncée, très repassée, très brillante, rutilante. Il l'eut toujours belle, magnifique et constante, semblable à elle-même bien qu'elle ait été faite de mains différentes. » (Henri Beraldi. La Reliure du XIXEsiècle. Paris, L. Conquet, 1896, t. III, p. 73-79)

Signature de Pierre-Marcellin Lortic


Lortic eut trois doreurs principaux.

Signature de Wampflug
Wampflug fut apprenti chez Niedrée, doreur chez Lortic en 1855. Après être passé chez Petit, rue du Bac [VIIe], il s'établit à son compte en 1863, rue Violet, à Grenelle [Paris XVe].

Signature de Maillard
Nicolas [et non Charles, comme écrivent tous les historiens de la reliure, contrairement à ce que disent ses actes de naissance et de décès] Maillard, fils de relieur, né à Bar-le-Duc [Meuse] le 2 avril 1840,fut d'abord doreur 3 place de l'Échelle [Ier], chezla veuve d'Alexandre Despierres, relieur de l'Empereur, décédé à Paris le 27 juillet 1859. Il resta chez Lortic de 1866 à 1876, puis chez Cuzin de 1876 à 1881 (avec le droit de signer « MAILLARD . DOR»). Il mourut à Paris, le 5 juillet 1900.
Signature de Domont
(Coll. Bertrand Hugonnard-Roche)

Jules-Anatole Domont, né à Amiens [Somme], le 11 février 1847, fils de menuisier, fut d'abord apprenti chez Koehler, puis entra chez Mézamat comme apprenti doreur. Doreur chez Marius Michel père de 1866 à 1868. Incorporé dans l'infanterie de marine, il fut fait prisonnier après la bataille de Bazeilles [Ardennes], en 1870. Libéré, il fut doreur chez Smeers de 1873 à 1876, puis chez Lortic de 1876 à 1879. En 1879, il finit par s'installer à son compte, doreur sur cuir, dans le VIe arrondissement, 7 rue de l'Éperon , puis, en 1882, 11 rue de Buci. Tous les relieurs qui n'avaient pas d'atelier de dorure furent ses clients. Il enseigna la dorure de 1894 à 1914. Le 28 décembre 1925, il épousa, à Amiens, Marie-Esther-Malvina Goret. Il mourut en 1931.
Missel de Châlons (1543)
In H. Beraldi. La Reliure du XIXe siècle. Paris, Conquet, 1896, t. III, p. 83

« Comme décor, Lortic fit généralement, pour répondre aux exigences de la bibliophilie de son temps, des copies : reliures monastiques, Grolier, Henri II, fanfares, ou des pseudo-copies, du nouveau dans le genre ancien, et en poussant toujours au flamboyant. […]
Lortic pensa avec raison que pour compter dans l'art de la reliure, il fallait dégager un nouveau type de décor. Il le voulut, et il le fit.

Les Portes de fer (1844)
In H. Beraldi. La Reliure du XIXe siècle. Paris, Conquet, 1896, t. III, p. 90

Il reprit, vers 1872, une nouvelle variante de décor plafonnant, à compartiments. Il couvrit le livre d'une série de caissons formés par des entrelacs de trois filets ; le vide de ces caissons étant rempli de petits fers, ainsi que les intervalles en forme de croix qui séparent les caissons. » (Ibid., p. 83-89)

Les plus grands noms de la bibliophilie française et étrangère furent ses clients : Ambroise Firmin-Didot (1790-1876), qui possédait 504 reliures signées par lui, Charles-Louis de Bourbon, duc de Parme et comte de Villafranca (1799-1883), l'architecte Joseph Lesoufaché (1804-1887), le duc d'Aumale (1822-1897), l'architecte Hippolyte Destailleurs (1822-1893), l'industriel Ernest Daguin (1817-1892), Victor Masséna (1836-1910), duc de Rivoli, etc.
L'homme de lettres Charles Asselineau (1820-1874) lui a consacré le chapitre IX de L'Enfer du bibliophile (Paris, Jules Tardieu, 1860, p. 43-46) :

« Nous traversons le Pont-Neuf. Nous voici rue de la Monnaie. A la première maison de gauche, le démon m'entraîne et me pousse sur l'escalier. Deux étages, et nous entrons dans un salon. Ce salon, je le reconnais, c'est celui de L***, le célèbre relieur, mon ouvrier ordinaire. »

Baudelaire confia à Lortic la reliure de 8 exemplaires de l’édition originale de Les Fleurs du mal(Poulet-Malassis et De Broise, Paris, 1857, in-8), avec les 6 pièces condamnées, la faute « Feurs du Mal » aux pages 31 et 108 et l'erreur de pagination de la page 45 [marquée 44].
Pour son avocat, l'exemplaire était enrichi de sa main par des corrections typographiques et par une liste des pièces condamnées ; relié en maroquin vert, le premier plat était frappé à l’or d’une dédicace : « A Gustave Chaix d’Est-Ange, défenseur des Fleurs du mal. C. B. ». Cet exemplaire a figuré dans l’une des plus belles bibliothèques particulières françaises, celle du marquis du Bourg de Bozas Chaix d’Est-Ange, dispersée à l’Hôtel Drouot en 1990.
Outre celui qu’il offrit à son avocat, figurèrent dans l’ensemble trois des 20 exemplaires sur papier de Hollande : son propre exemplaire, celui qu’il destinait à sa mère [finalement offert à Achille Fould] et celui qu’il donna à Aglaé Sabatier, qui lui avait inspiré plusieurs des poèmes du recueil.

En 1881, Edmond de Goncourt écrivit :

« Que je plains les lettrés qui ne sont pas sensibles à la séduction d'une reliure, dont l'œil n'est pas amusé par la bijouterie d'une dorure sur un maroquin, et qui n'éprouvent pas, en les repos paresseux de l'esprit, une certaine délectation physique à toucher de leurs doigts, à palper, à manier une de ces peaux du Levant si moelleusement assouplies ! […] mes reliures d'affection sont des reliures de Capé et de Lortic. Le vieux Capé était inimitable pour la résurrection des reliures riches du XVIIIe siècle et de leurs arabesques fleuries. [...] Mais pour moi, – quand il est dans ses bons jours, – Lortic, sans conteste, est le premier des relieurs. C’est le roi de la reliure janséniste, de cette reliure toute nue, où nulle dorure ne distrait l’œil d’une imperfection, d’une bavochure, d’un filet maladroitement poussé, d’une arête mousse, d’un nerf balourd, – de cette reliure où se reconnaît l’habileté d’un relieur ainsi que l’habileté d’un potier dans une porcelaine blanche non décorée. Nul relieur n’a, comme lui, l’art d’écraser une peau, et de faire de sa surface polie la glace fauve qu’il obtient dans le brun d’un maroquin La Vallière ; nul, comme lui, n’a le secret de ces petits nerfs aigus, qu’il détache sur le dos minuscule des mignonnes et suprêmement élégantes plaquettes que lui seul a faites. Lortic est encore sans pair et sans égal pour jeter des fleurs de lis sur le plat d’une reliure, et la reliure de mon Histoire de Marie-Antoinette, où sur le semis d’or ressaute, dans le maroquin rouge, le profil d’argent d’une médaille de la Dauphine, est une reliure qui peut tenir à côté des plus parfaits ouvrages des relieurs anciens. » (La Maison d'un artiste. Paris, G. Charpentier, 1881, t. I, p. 316-318)

Lortic était le rival de Trautz. Les trautzistes, menés par le comte de Lurde (1800-1872), donnèrent à toutes les ornementations de Lortic le nom de « lorticulture ». Le baron de La Roche Lacarelle (1816-1887) disait : « Si je vais en enfer, mon supplice sera d'y voir des reliures de Lortic. »

Lortic exposa pour la première fois à l'Exposition nationale de Paris, aux Champs-Élysées, en 1849 :

« Ses reliures sont d'une bonne exécution. Le Jury a remarqué particulièrement une reliure en mosaïque à compartiments, dont toutes les pièces sont découpées et rejointes avec beaucoup d'art. Les filets qui en suivent les contours sont poussés au petit fer, avec une grande habileté.
Tous les volumes exposés par M. Lortic méritent chacun des éloges, et le Jury les mentionne honorablement. » (Exposition de 1867. Délégation des ouvriers relieurs. Première partie. La Reliure aux Expositions de l'Industrie. Paris, 1868, p. 118)

Le Chrystal Palace
Exposition universelle de Londres (1851)
Il remporta sa première médaille de prix à la première Exposition universelle et internationale de 1851, à Londres, pour sa reliure du Catholicon (Strasbourg, J. Mentelin, s. d. [1470], in-fol.), par Johannes Balbus de Janua [Jean de Gênes]. Le Jury décernait effectivement deux sortes de récompenses : les grandes médailles, appelées « médailles du conseil », réservées aux inventions, et les médailles d'un ordre inférieur, ou « médailles de prix », pour les perfectionnements.

« M. Lortic - qui a présenté, entre autres ouvrages reliés d'une manière supérieure, un grand in-folio, le Catholicon de Janua, en maroquin, avec des dessins entrelacés dans le goût de Grolier, dont les rubans sont richement ornés de détails en or, mérite de grands éloges, et quelques livres très-minces témoignent d'une habileté rarement surpassée. - Médaille de prix pour le goût, la bonne exécution et la perfection apportés à plusieurs livres qu'il a reliés. » (ibid., p. 151)

« Parmi les ouvrages exposés, on peut mentionner, pour leurs bons dessins, les reliures de M. P. Lortic : l'Orloge des princes, décoré avec un semé de fleurs de lys sur un fond sombre, et un Catholicon de Janua. Ce dernier manque un peu par les marges. » (Richard Redgrave. ibid., p. 158)

« La commission des récompenses a accordé une médaille à MM. Niédrée et Lortic. Ce dernier avoit exposé une grande mosaïque du dessin le plus varié, exécutée avec une rare précision ; cette belle reliure étoit doublée de maroquin et enrichie d'une large dentelle et de compartiments copiés sur un ouvrage Du Gascon. Le volume ainsi couvert est un in-fol. imprimé au XVesiècle : et porte pour titre : Catholicon de Janua de Balbi.La première page de cet exemplaire est ornée d'arabesques en or et en couleur que l'artiste avoit fidèlement reproduites sur la tranche. On admiroit aussi à Londres, toujours de M. Lortic, une couverture semée de fleurs de lys sur un bel exemplaire de l'Horloge des Princes, gothique, et un autre maroquin parfaitement réussi, renfermant un Végèce, d'édition ancienne. » [sic] (Bulletin du bibliophile. Paris, J. Techener, 1851, octobre, p. 507)

Palais de l'Industrie
Exposition universelle de Paris (1855)
Àl'Exposition universelle de 1855, à Paris, il a obtenu une médaille de première classe :

« Le Jury a visité avec intérêt la vitrine de M. Lortic. M. Lortic est un relieur de talent ; le corps de sa reliure est convenablement exécuté ; sa dorure est d'un bon dessin, ses fers poussés d'une main assurée, et M. Lortic est appelé à devenir un de nos premiers relieurs, s'il veut bien comprendre que l'artiste le plus habile a toujours beaucoup à faire pour se rapprocher de la perfection. » (Exposition universelle de 1855. Rapports du Jury mixte international. Paris, Imprimerie impériale, 1856, p. 629)

Classe 7. La Reliure. Dessin de Desroches-Valnay
In L'Exposition universelle de 1867 illustrée (t. II, p. 188)
La Rotonde
Exposition universelle de Vienne (1873)
Àl'Exposition internationale de 1873, à Vienne, il exposa des « Reliures d'art genre ancien, cousues sur nerfs XIIIeau XIXesiècles. (Exposition collective du cercle de la librairie et exposition individuelle.) » :

« nous nous sommes vus forcés de nous borner à n'apprécier les travaux exposés par M. Lortic qu'au travers des glaces de la vitrine, […].
Un in-4° : Missale Leodiensis ecclesiæ, mar. Lavallière, poli ; dorure, dessin mosaïqué (seizième siècle), bleu, rouge, jaune et vert ; armes fleurdelysées, portant la devise : Deus et dies, édition de 1540, Paris.
Cette reliure paraissait bien exécutée, ainsi que la dorure ; mais, peut-on apprécier, en de telles conditions ?
Un volume in-4° : le Roman de la Rose, mar. rouge, poli ; dorure quinzième siècle, avec bandes en champ ; dessin genre monastique (ou incunable), au milieu duquel un quadrillé de doubles filets cintrés à froid avec fleurs or dans leur centre.
Une Plaquette in-8°, mar. rouge ancien, avec bandes en champ, même genre que ci-dessus, au milieu duquel un dessin Grolier or, formant médaillon, avec ce titre : Sibbmachers. Orfévrerie au marteau de Nuremberg, 1596.
Un Missale in-4° : mar. Lavallière, poli, mosaïqué. Le milieu du plat est orné d'une croix grecque contenant à ses extrémités les attributs des quatre Evangélistes, et, au centre, l'image de la mère du Christ, le tout entouré d'un dessin grands branchages, se terminant par un dauphin.
Le genre attribué à cette composition, d'après l'exposant, appartiendrait au treizième siècle ; selon nous, il ne peut être attribué qu'au seizième siècle. Ces mosaïques sont d'un bon goût et de bonne exécution.
Nous y remarquons encore un autre Roman de la Rose, mar. rouge, poli ; dorure genre Grolier, mosaïqué de bleu, de vert et de rouge, avec bande mosaïque verte encadrant le dessin.
Un exemplaire des Contes de La Fontaine, en deux volumes in-12°, mar. Lavallière clair, poli ; dorure désignée dix-neuvième siècle, se composant de plusieurs filets formant parquet, dont les milieux sont ornés de fleurs mosaïquées remplies par un pointillé.
Une Plaquette in-12°, mar. Lavallière, poli ; dorure Fanfare, identiquement semblable aux anciens types de l'époque, tels qu'il nous a été donné d'en voir à la Bibliothèque de l'Arsenal.
Un volume in-12°, seizième siècle, Entrée de François Ierà Béziers, mar. bleu clair poli, avec bandes en champ ; genre incunable ; dessin de filets or entrelacés, dont le milieu forme médaillon orné d'un dauphin.
Un volume in-18, mar. rouge, poli : Œuvres du sieur Régnier, dix-septième siècle (1652) ; dorure qui se rapporte au genre Legascon. Les têtes servant de type à ce genre, et qui représentent Legascon lui-même, au lieu d'être faites en pointillé comme sur les originaux qui se trouvent à la Bibliothèque déjà citée, sont pourtant ici représentées par un fer plein.
Un volume in-8° : Ar. Beschet, le Roi chez la Reine, mar. rouge, poli ; dorure, dentelle Duseuil, 1864.
Un volume grand in-8° : le Temple de Gnide, mar. Lavallière poli ; dorure dix-neuvième siècle, composée de filets entrelacés, or, formant des milieux s'alternant de croix mosaïquées et de roses également mosaïquées ; ces mosaïques étaient d'une exécution très difficultueuse, les croix étaient bleues avec milieu rouge et les roses alternativement jaunes ou roses avec feuilles vertes.
La dorure, néanmoins, un peu trop chargée, empêchait de reconnaître les nuances de la mosaïque.
Un volume grand in-8° : Dorat, les Baisers précédés du mois de mai, mar. bleu azuline, poli ; dorure, dentelle genre Derome.
Un volume in-8° : Dorat, Fables nouvelles (La Haye, 1773), mar. rouge, poli, pièces vertes ; dorure, dentelle genre Derome.
Un volume in-18, mar. vert clair : Voltaire, la Pucelle (Londres, 1780), genre Duseuil.
Un volume in-8° : Œuvres françoises de Jean de la Jessié, mar. rouge poli ; dorure Padeloup ; au milieu du plat, les armes de la chevalerie représentant une colonne surmontée d'un casque de chevalier.
Plusieurs de ces volumes avaient des intérieurs avec dessins, filets mosaïqués, etc.
Nous devons constater que la dorure de tous ces volumes étant très fournie en or à la couchure, avait un beau brillant et surpassait aussi, sous ce rapport, tout ce qu'en fait de dorure nous avons vu à l'Exposition.
M. Lortic est porté sur la liste des récompenses sous la désignation : M. Lortic, 10e groupe, livres et manuscrits. M. Lortic a obtenu la médaille de progrès. […]
Nous regrettons aussi que M. Lortic n'ait pas jugé à propos (sans doute) de faire connaître, à l'exemple de la maison Mame, de Tours, le nom de l'ouvrier qu'il a pu avoir pour coopérateur dans ce travail de dorure, qui semblait être surtout l'objet de son exhibition ; […]
L'on nous affirme que la dorure de la plupart des livres exposés par M. Lortic, a été exécutée par M. Maillard, 165, rue d'Alésia (14e arrondissement). » [sic] (Rapport des délégués de Paris. Ouvriers relieurs à l'Exposition de Vienne. Paris, 1875, p. 27-31)

Exposition universelle de Philadelphie (1876)
Une Saincte Bible en françois (Anvers, Antoine de La Haye, 1541, in-fol.) obtint une médaille à l'Exposition internationale de Philadelphie en 1876.


Vitrine de Lortic
Exposition universelle de Paris (1878) 
Àl'Exposition universelle de Paris, en 1878, Lortic obtint une médaille d'or : sa splendide bibliothèque, qui contenait une collection de reliures de luxe du XIIIeau XVIIe siècle, représentait une valeur de plus de 400.000 francs. Àla suite de sa belle coopération, il avait reçu la croix de chevalier de la Légion d'honneur, le 20 octobre 1878 : la seconde de la reliure et la première au titre français, celle de Trautz ayant été donnée au titre étranger.

Etiquette de Lortic (coll. Othmer Library)
Depuis 1876, Lortic collait dans le coin gauche du premier contreplat de ses reliures une étiquette représentant huit livres empilés recouverts d'une feuille, tenue par une lampe d'Aladin et portant : « LORTICRELIEUR DOREUR PARIS ». Sur trois modèles successifs de cette étiquette, les tranches de ces livres portent, de haut en bas, les différentes médailles gagnées lors des différentes expositions universelles : « 1RES», « MÉDAILLES», « AUX EXPOSI.», « LONDRES 1851 », « PARIS – 55», « VIENNE – 73 » et « PHILADEL76» ; « PRES MÉDAILLES», « EXPOSITIONS», « LONDRES 1851.», « PARIS 1855.», « VIENNE 1873.» et « PHILADELPHIE 76.» ; « PRES MÉDAILLES », « EXPOSITIONS », « LONDRES 1851.», « PARIS 1855.», « VIENNE 1873.», « PHILADELPHIE 76.», « PARIS 1878.» et « MÉDAILLE D'OR.». Dans ce dernier modèle, la lampe est surmontée d'une Légion d'honneur, dont le ruban porte : « CH. DE LA LÉGION D'HONNEUR 1878.».

Ex-libris de Jean Alesson
Cette étiquette, non signée, a vraisemblablement été dessinée par son ami « Jean Alesson », pseudonyme d'Anatole Alès (1840-1903), bibliographe, journaliste et romancier, dessinateur de son propre ex-libris dans le même style et auteur de la Bibliothèque liturgique. Description des livres de liturgie imprimés aux XVeet XVIesiècles, faisant partie de la bibliothèque de S. A. R. MgrCharles-Louis de Bourbon, Ctede Villafranca(Paris, A. Hennuyer, 1878-1884, 2 vol. in-8).

Signature de Marcellin Lortic
(Coll. Bertrand Hugonnard-Roche)
Autre signature de Marcelin Lortic
Lortic mit fin à son activité en 1884. De ses deux fils aînés qui lui succédèrent, Marcellin Lortic (1852-1928) et Paul-Joseph Lortic (° 1853), qui signèrent « LORTIC FRERES», le premier resta en 1891 le seul propriétaire de l’atelier et signa « M.  LORTIC» ou « LORTIC  FILS».

Pierre-Macellin Lortic, l'un des plus grands relieurs du XIXesiècle mourut à Paris, en son domicile, 45 rue Denfert Rochereau [XIVe], le 16 avril 1892.



La vente de ses livres rares et curieux, anciens et modernes, la plupart couverts de riches reliures exécutées par lui, dont plusieurs en mosaïque, eut lieu les vendredi 19 et samedi 20 janvier 1894, à l'Hôtel Drouot pour la première partie, et dans les salles de ventes aux enchères de la Librairie Paul-Huard-Guillemin, 28 rue des Bons-Enfants, anciennes Maisons Silvestre et Labitte, pour la deuxième partie : Catalogue de la bibliothèque de feu M. Lortic, relieur-doreur. Première partie [Deuxième partie] (Paris, Ém. Paul, L. Huard et Guillemin, 1894, in-8, 2 parties en 1 vol., [3]-[1 bl.]-IV-75-[1 bl.]-[2]-[2]-20-[2] p., 354 lots).

La vente de la première partie, Théologie [18 lots = 7,5 %], Sciences et Arts divers [12 lots = 5 %], Beaux-Arts [28 lots = 11,7 %], Belles-Lettres [86 lots = 35,8 %], Histoire [60 lots = 25 %], Estampes [36 lots = 15 %], a produit 36.766 francs :



1. La Saincte Bible en françois. Anvers, Antoine de La Haye, 1541. Deux parties en un vol. in-fol. goth. à 2 col.,fig. sur bois. Mar. vert foncé, riches comp. à petits fers et mosaïqués de mar. de diverses couleurs, doublé de mar. r. semé de reines-marquerites en mosaïque de mar. citron et bleu, gardes en moire r., tr. dor., étui de mar. vert doublé de peau de chamois [Lortic]. Valut à Lortic un triomphe à l'Exposition universelle de Philadelphie en 1876. Edition rare de la première traduction française de la Bible entière ; donnée par J. Le Fèvre d'Etaples et censurée par le Parlement. 3.050 fr. à Edmond Lortic.
8. Horæ in laudē Beatiss. Virginis Mariæ. Paris, Geofroy Tory, 1531, in-4, réglé, fig. sur bois, encadr. v. brun ant., riches comp. dorés, tr. dor. Rel. du XVIe siècle fatiguée. Edition très rare ornée de 13 planches gravées sur bois. Rel. de l'époque, dont les plats, richement ornés, portent la marque du « Pot cassé ». 980 fr.
9. Horæ in laudem Beatissimæ Virginis Mariæ. Paris, Regnauld et Claude Chaudière, 1549, gr. in-4, fig. sur bois, mar. brun, fil. à fr., doublé de mar. r., guirlande de feuillage, tr. dor. et ciselée, étui de mar. vert, doublé de peau de chamois [Lortic]. Rarissime édition. 215 fr.




29. La Pratique de l'aiguille industrieuse, du très-excellent Milour Matthias Mignerak anglois, ouvrier fort expert en toute sorte de lingerie. Paris, Jean Le Clerc, 1605, in-4, 72 [et non 70 comme le dit Brunet] pl. sur bois, mar. r., dos orné, fil. doublé de mar. vert, riches comp. dorés à petits fers et au pointillé, genre Le Gascon, tr. dor. [David, Marius Michel doreur]. 350 fr.


33.Les Arts somptuaires. Histoire du costume et de l'ameublement et des arts et industries qui s'y rattachent, sous la direction de Hangard-Maugé, dessins de Clus Ciappori. Paris, 1857-58, 2 vol. in-4, pl. en chromolithog., mar. r., dos orné, fil. et comp., dent. int., tr. dor. [Lortic]. Aux armes et au chiffre du comte de Villafranca. 145 fr.


37.Icones Historiarum Veteris Testamenti. Lyon, Jean Frellon, 1547, in-4, 94 fig. sur bois de Hans Holbein, mar. brun, dos orné, fil., encadr. de fil. entrelacés sur les plats, doublé de mar. bleu, dent. gardes de moire bleue, tr. dor. [Lortic]. 200 fr.


    56. Livre d'architecture contenant plusieurs portiques de différentes inventions, par Alexandre Francine, Florentin. Paris, Melchior Tavernier, 1631, in-fol., 29 pl. sur cuivre, mar. vert, dos orné, large et riche dent. à petits fers, dent. int., tr. dor. [Lortic]. 270 fr.


57.Architectura von Ausztheilung Symmetria und Proportion der fünff Seulen. Nurnberg, Hubrecht et Balthasar Caymor, 1598, in-fol. goth., 203 pl. sur cuivre, mar. brun, dos orné, fil. doublé de mar. r., semé de croix de Malte, tr. dor. [Gruel]. 220 fr.



58.Nouveaux Pourtraitz et Figures de termes pour user en architecture, par Joseph Boillot, Lengrois. Langres, Jean des Preys, s. d. [1592], in-fol., 55 [et non 53 comme dit Brunet] pl. sur cuivre et sur bois, mar. grenat, dos orné, bel encadrement et comp. à fr., doublé de mar. r., dent. tr. dor., étui [Lortic]. 216 fr.
63. Le Rommant de la Rose. S. l. n. d. [Lyon, Guillaume Leroy, v. 1485], in-fol. goth. à 2 col., fig. sur bois, v. ant. éc., dos orné, fil. tr. r. La plus ancienne édition connue de ce poème. Aux armes de la duchesse de Pompadour. 285 fr.
70.Les Faiz (Dictes et Ballades) maistre Alain Charetier. Paris, Pierre Le Caron, s. d. [v. 1489], 2 parties en 1 vol. in-fol. goth. à 2 col., fig. sur bois, mar. r., dos orné, fil., dent. int., tr. dor. [Duru]. 151 fr.


    86. Contes et nouvelles en vers, par M. de La Fontaine. Amsterdam [Paris], 1762, 2 vol. in-8, portr., fig., vign. et culs-de-lampe par Eisen et Choffard, mar. r., dos orné, fil., tr. dor., étuis [Rel. anc.]. Édition dite « des Fermiers généraux ». 535 fr.
    109. Sensuit le preux chevalier art' [Artus] de Bretaigne. Paris, veuve de Jean Trepperel, s. d. [v. 1518], in-4, goth. à 2 col., fig. sur bois, mar. bleu à long grain, dos orné, large dent. et milieu à fr., doublé de tabis vert, dent., tr. dor. [Thouvenin]. Timbre de bibliothèque trois fois répété. 280 fr.
    110.Les Quatre Filz Aymon, ducz de Dordonne. Paris, Jean Bonfons, s. d., in-4 goth., fig. sur bois, mar. r., dos orné, fil., riches comp. de fil. entrelacés et de fers azurés, doublé de mar. bleu, encadr. de feuillages, gardes de moire bleue, tr. dor. et ciselée, étui de mar. vert doublé de peau [Lortic]. 440 fr.
    121.La Peau de chagrin, par M. de Balzac. Paris, Gosselin et Canel, 1831, 2 vol. in-8 en feuilles. Exemplaire formé des épreuves de l'édition originale. Corrections et annotations écrites de la main de Balzac. Bons à tirer signés « H. B. » ou « Bc. ». Non rogné. 269 fr.
    124.Notre-Dame de Paris, par Victor Hugo. Paris, Charles Gosselin, 1831, 2 vol. in-8 en feuilles. Édition originale fort rare, exemplaire formé des épreuves de ce volume, avec variantes, corrections et bons à tirer autographes de Victor Hugo. Non rogné. 2.000 fr.
    143.Œuvres de Voltaire. Paris, Lefèvre, 1829-1844, 70 vol. et 1 vol. de Table gr. in-8, fig. et portr., demi-rel. mar. r. avec coins, dos orné à petits fers, tête dor. non rog. [Capé]. Magnifique et précieux ex. sur grand papier Jésus vélin, auquel on a ajouté plus de 2.100 pièces : dessins originaux, suites de figures publiées et portraits. 9.350 fr.
    153. Le Premier (et Second) Volume de la Thoison d'or, par le Père Guillaume. Troyes, Nicolas Le Rouge, 1530, 2 tomes en 1 vol. in-fol. goth., mar. r., dos et plats couverts d'entrelacs de mar. noir, bleu et vert, doublé de mar. bleu, semé de croix de saint André et de fleurs de lis, gardes de moire bleue, tr. dor., étui en mar. brun, doublé de peau de chamois [Lortic]. 450 fr.
    158. Le Rozier historial de France contenant deux Roziers. Paris, 1522, in-fol. goth. à 2 col., fig. sur bois, mar. r. jans., dent. int., tr. dor. [Thibaron-Joly]. Première édition de cet ouvrage attribué à Estienne Porchier ou à Pierre Chenisot. 211 fr.
    165. Cest lordre qui a esté gardée à Tours pour appeler devant le roy nostre souverain seigneur ceulx des troys estatz de ce royaume. S. l. [Paris, Jean Dupré ?], 1483, in-fol. goth., mar. brun, dos orné, comp. d'entrelacs dorés et à fr., encadr. à fr., dent. int., tr. dor. [Lortic]. 315 fr.


166.C'est l'ordre qui a esté tenu à la nouvelle et joyeuse entrée, que […] le Roy treschrestien Henry deuzième de ce nom, a faicte en la bonne ville et cité de Paris. Paris, Jacques Roffet, s. d. [1549], 2 parties en 1 vol. in-4, 11 pl. gravées sur bois, mar. La Vallière, encadr. à fr., doublé de mar. r., encadr. et milieu de guirlandes de feuillage, semé de fleurs de lis et d'H couronnés, tr. dor., étui de mar. noir doublé de peau de chamois [Lortic]. Le plus beau livre d'entrée des rois de France. 470 fr.


167. Bref et sommaire recueil de ce qui a esté faict et de l'ordre tenüe à la joyeuse et triumphante entrée de […] tres-chrestien Prince Charles IX. Paris, Imprimerie de Denis du Pré, pour Olivier Codoré, 1572, 4 parties en 1 vol. in-4, fig. sur bois, mar. r., dos orné et mosaïqué, fil. comp. et entrelacs en mosaïque de mar. bleu, vert, jaune et blanc, doublé de mar. bleu, semé de fleurs de lis et de doubles C couronnés, armes de France au centre, gardes de moire bleue, tr. dor. et ciselée, étui de mar. vert doublé de peau de chamois [Lortic]. 600 fr.
183.Hystoire agrégative des annales et cronicques d'Anjou. Paris, Anthoyne Couteau, imprimeur, pour Charles de Boigne et Clément Alexandre, libraires à Angers, 1529, in-fol. goth. à longues lignes, lettres ornées, mar. r., dos et plats ornés d'entrelacs et de comp. à fr., doublé de mar. bleu, semé de fleurs de lys, gardes de moire bleue, tr. dor., étui de mar. bleu doublé de peau de chamois. [Lortic]. Marque de Galliot du Pré au titre. 215 fr.


189.Le Premier [Second et Tiers] Volume des illustrations de la Gaulle Belgique. Paris, François Regnault, 1531-1532, 3 tomes en 1 vol. in-fol. goth. à 2 col., mar. r., dos et plats ornés d'entrelacs en mosaïque de mar. noir et bleu, doublé de mar. vert, encadr. de guirlandes de feuillage, gardes de moire verte, tr. dor., étui de mar. vert doublé de peau de chamois [Lortic]. Marque de Galliot du Pré à chaque titre. 500 fr.

Les exemplaires de la deuxième partie, Théologie, Jurisprudence, Sciences, Chasse et Beaux-Arts [24 lots = 21 %], Belles-Lettres [64 lots = 56,1 %] et Bibliographie et Reliure [26 lots = 22,8 %], étaient, pour certains, des doubles, et, pour la plupart, moins précieux ou incomplets ; plusieurs étaient dépareillés ; quelques-uns étaient préparés pour la reliure. On y remarquait de nombreux catalogues de vente aux enchères : Soleinne, Bertin, Solar, Morante, Essling, Bearzi, Benzon, Double, Grésy, Fontaine, Martin, Gruel, etc.




Son fils Edmond Lortic (1861-1899), qui avait hérité de l'activité de libraire et qui s'était installé 60 rue de Richelieu [IIe], décéda prématurément à Bagnères-de-Bigorre [Hautes-Pyrénées], le 14 août 1899. Ses livres furent vendus à Drouot, du jeudi 6 au samedi 8 décembre 1900 : Catalogue des livres anciens et modernes, manuscrits et imprimés, estampes et dessins, composant la librairie de feu M. Edmond Lortic. Première partie(Paris, Henri Leclerc, 1900, in-8, [3]-[1 bl.]-65-[1 bl.]-[1]-[1 bl.]-[1]-[1 bl.] p., 416 lots). Le résultat de cette vente dépassa de beaucoup les prévisions : le total de la vente atteignit 62.531 francs.

Son fils aîné, Marcellin Lortic, déménagea dans le VIearrondissement, 50 rue Saint-André-des-Arts, puis 27 rue Guénégaud , dans un immeuble bâti en 1774.
















Premier article sur Les Gardiens de Bibliopolis

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In Le Matricule des anges, janvier 2016.

Alexandre Lantelme (1832-1903), bibliophile grenoblois

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Voreppe, par Alexandre Debelle (1805-1897).
In Album du Dauphiné. Grenoble, Prudhomme, 1839, 4e année, p. 25, pl. 161.
D'une famille de peigneurs de chanvre depuis au moins trois générations, originaire de Voreppe [Isère], Alexandre Lantelme est né à Voreppe, rue du Château [près du château de Vallier de By, aujourd'hui de Sieyès], le 1er août 1832, fils de Joseph Lantelme (1783-1836), peigneur de chanvre, et de Marie-Virginie Royer (1791-1866), fille de cabaretier, mariés en 1811.
Le 2 octobre 1866, il épousa, à Grenoble, Marie-Louise-Henriette Cécillon (1841-1890), fille d'un avoué.
Lantelme devint avoué près le Tribunal civil de Grenoble, 6 rue du Quai, président de la Chambre de discipline, président du Conseil des directeurs de la Caisse d'épargne de Grenoble, suppléant du Juge de paix du canton Est et membre du Conseil d'administration de la Bibliothèque de Grenoble.


Ancienne Bibliothèque de Grenoble, hier et aujourd'hui.
« Durant cinquante années, il consacra les loisirs que lui laissait sa profession à colliger les manuscrits, les incunables, les belles éditions et, entre toutes, les œuvres d'auteurs dauphinois ou intéressant l'histoire de la province. […]
On se réunissait à la librairie de la place de la Halle [place Sainte-Claire], sanctuaire desservi par un érudit [Albert Ravanat, 1845-1894] au commerce agréable, aux connaissances étendues, poète à ses heures, adonné au culte de la muse chère aux rimeurs du cru. C'était le rendez-vous des bibliophiles qui venaient y échanger des idées, des appréciations sur les livres, sur les catalogues reçus et les ventes en perspective, causeries émaillées de bons mots, de saillies spirituelles et toujours fort intéressantes. Que de fois n'avons-nous pas vu cet excellent Lantelme diriger ses pas de ce côté, portant, rayonnant de satisfaction, sa dernière trouvaille qu'il allait soumettre aux habitués de la maison ! L'un des plus assidus était E. Chaper [Eugène Chaper, 1827-1890], son collègue en bibliophilie, avec lequel il avait le plaisir de s'entretenir fréquemment. »
(Gustave Vellein. « La Bibliothèque A. Lantelme. » In Petite revue des bibliophiles dauphinois. Grenoble, Allier frères, N° 2, février 1906, p. 63-78)

Grenoble, place de la Halle.
Librairie Albert Ravanat, 1885.
Alexandre Lantelme mourut à Grenoble le 3 novembre 1903.
Sa bibliothèque, peu nombreuse, fut dispersée à l'Hôtel Drouot, du 29 novembre au 3 décembre 1904 : Catalogue de la bibliothèque de feu M. Alexandre Lantelme, de Grenoble. Première partie [Deuxième partie] (Paris, Damascène Morgand, Édouard Rahir successeur, 1904, 2 parties en 1 vol. in-8, VII-[1 bl.]-108-52 p., 864 lots).

La première partie de la bibliothèque de Lantelme contenait de beaux manuscrits avec miniatures, des incunables et des curiosités typographiques, des livres d'heures sur vélin, des ouvrages de grands écrivains, des livres sur le Dauphiné et de riches reliures anciennes et modernes.
La deuxième partie de la bibliothèque de Lantelme renfermait des livres, des incunables, des ouvrages sur le Dauphiné et des livres sur la Grande Chartreuse, moins beaux comme état ou moins bien reliés, et des autographes.
Le produit total des deux ventes a été de 82.500 francs environ.

2. La Bible qui est toute la Saincte escriture. Genève, 1554, in-8, veau brun, riche mosaïque du temps. 1.000 fr.
6. Testamentum Novum ex. D. Erasmi versione. Lugduni, 1550, in-16, veau compart. mosaïqués et dorés au pointillé (Rel. anc.). 405 fr.
15. Breviarium Romanum. Venetiis, 1585, pet. in-4 goth., belle rel. du XVIesiècle, mar. n. orné de feuillages, fleurons et étoiles, tranche ciselée et peinte. 470 fr.
18. [Breviarium Uticensis]. [À la fin : ] Impressum Ucecie per insignem artis impressoris magistrum Johannem de Prato anno salutis 1493 die vero secunda Octobris. Petit in-8 goth. à 2 col., imprimé en rouge et noir, peau de truie, fleurons, ornements à froid sur les plats (Gruel). Bréviaire imprimé à Uzès par Jean du Pré, de Lyon. Seul livre connu imprimé à Uzès au XVesiècle. Exemplaire de l'évêque d'Uzès. 1.900 fr.
19. Horæ, s. 1. n. d, in-16, manuscrits de la fin du XIIIesiècle, sur vélin, orné de 2 belles miniatures, de 3 lettres ornées et d'encadrements de pages ou bordures très remarquables, v. br. avec dorures (Rel. anc.). 1.400 fr.
21. Horæbeatæ Virginis Mariæ. S. 1. n. d., in-8, très beau manuscrit sur vélin de la fin du XVesiècle, exécuté en France, orné de 12 grandes et superbes miniatures et de 16 petites, velours vert (Rel. anc.). 2.160 fr.
22. Horæbeatæ Virginis Mariæ. S. l. n. d., in-8, mar. brun foncé, dos et plats couverts de dorures, compart. de feuillages, avec fleurs, larmes et faux, portant au centre des plats, dans deux grands médaillons, le nom de Geneviève Planteroze, tr. dor. Manuscrit français des premières années du XVIesiècle, sur vélin, orné de 14 miniatures et de bordures au calendrier. 2.305 fr.
23. Horæbeatæ Virginis Mariæ. S. 1. n. d., manuscrit in-8, très bien exécuté au commencement du XVIe siècle, orné de belles peintures en grisaille qu'on attribue à un artiste de Touraine, riches dorures (Rel. moderne de Fauconnier). 2.005 fr.
24. Horæbeatæ Virginis Mariæ. S. l. n. d., in-12, mar. La Vallière, comp. de fil., chiffres, tr. dor. fermoirs (Gruel). Manuscrit sur vélin, exécuté en France dans les premières années du XVIesiècle, renfermant 18 grandes miniatures et 28 petites. 2.085 fr.
25. [Heures à l'usage de Rome]. [À la fin : ] Ces présentes heures à l'usaige de Romme furent achevées le xvii jour de novembre 1492 pour Simon Vostre, in-8 goth., imp. sur vélin, orn. de fig. sur bois, mar. n. avec fermoirs (Rel. anc.). 1.300 fr.
26. [Heures à l'usage de Rome]. Paris, Pigouchet, s. d. (calendrier de 1488 à 1508), pet. in 8 goth. imprim. sur vélin, fig. sur bois, peau de truie, orn. à froid, avec fermoirs (Gruel). 1000 fr.
27. [Heures à l'usage de Rome]. Ces présentes heures à l'usage de Rome furent achevées le 20 jour de Aoust l'an 1496 pour Simon Vostre. In-8 goth., rel. vélin, orné de 17 grandes fig. sur bois. 2.000 fr.
42. [Heures à l'usage de Rome]. Paris, Gillet Hardouyn, s. d. (calendrier de 1513 à 1529), in-8, impr. sur vélin, fig. sur bois, mar. grenat, compart. à la Grolier, fermoirs d'argent ciselé (Gruel). 1.145 fr.
50. Horæin laudem beatæ Virginis Mariæ ad usum Romanum. Paris, Abel l'Angelier, 1588, 2 part, en 1 vol. in-12, fig. grav. sur cuivre par Thomas de Leu, mar. v. semé de marguerites dans le genre des rel. faites pour Marguerite de Valois (Rel. anc.). 1.055 fr.
55. [Heures à l'usage de Toul]. Paris, Simon Vostre, s. d. (calendrier de 1502 à 1520), in-8, goth., 18 grandes fig. sur bois, bordures, imp. sur vélin, mar. r. 805 fr.
56.[Heures à l'usage de Tours]. Paris, Simon Vostre, s. d. (calendrier de 1513 à 1530), in-8, 23 gr. fig. sur bois, bordures, mar. r. (Rel. anc.). 1.455 fr.
82. Les Avertissemens es trois estatz du Monde selon la signification de ung monstre né l'an 1512. Valence, Jean Belon, 1513, gr. in-4 goth. à 2 col., fig. sur bois, mar. brun, dent., comp. de fil. et fleurons à froid, chiffres dor., tr. dor. (Gruel). 320 fr.
97. De Imitatione Christi. [À la fin : ] Viri egragii Thome montis sancte Agnetis in Traiecto regularis canonici libri de xpi imitatione numero quatuor finiunt feliciter per Gintheum zainer ex reutlingen pgenitu literis impssi ahenis. S. d., in-fol. goth., peau de truie, chiffres et ornements à froid, doublures et gardes en vélin blanc, tr. dor. (Chambolle-Duru). Édition princeps impr. à Augsbourg, par G. Zainer vers 1471. 2.700 fr.
143. Statuta Delphinalia. Grenoble, Balsarin, 1531, pet. in-4, mar. brun, encadr. de fil., fleurons et bandes d'ornements à froid, chiffres dorés, tr. dor. (Gruel). 365 fr.
144. [Commentaria et apparatus super Statuto Delphinali]. Valence, Élie Olivelli, 1496, gr. in-4 goth. à 2 col., mar. brun, fil., fleurons et bandes d'ornements à froid, chiffres dorés, tr. dor. (Gruel). 245 fr.
151. Essais sur l'idée du parfait Magistrat [par Frain du Tremblay]. Paris, Pierre Eymery, 1701, in-8, mar. r. fil. à froid avec pièce d'armoiries aux angles des plats et sur le dos, ex. aux armes de Madame de Maintenon. 605 fr.
163. Essais de Michel, seigneur de Montaigne. Paris, Abel l'Angelier, 1588, in-4, bel ex. en mar. r. fil. et fleurons d'angles, doubl. de mar. v. olive, compart. de fil. dorure au pointillé (Chambolle-Duru, dorure de Marius-Michel). 450 fr.

(BnF, Rés. 8-NFS-23)
Frontispice
Faux ex-libris d'Edmée Maus
203. Cy commence ung petit & utile tractie des eaues artifficieles et les vertus et proprietes dicelles. [Àla fin : ] Le present traictier. Imprime a vienne par maistre Pierre schenck. S. d. [v. 1484], pet. in-4 goth., fig. sur bois, mar. vert, fil. et orn. à froid, chiffres dorés, tr. dor. Au verso du titre un grand bois représente l'auteur. 1.245 fr. Cet exemplaire a appartenu à Nicolas Yemeniz [n° 746, rel. Bauzonnet], Charles Fairfax Murray (1842-1919), Edmée Maus (1905-1971) et Charles Gillet (1879-1972), avant d'être acquis en 2009 par la BnF, chez un libraire parisien, pour 150.000 €.
L'ovale de maroquin portant en or le monogramme « EM », qui est sur le premier contreplat, n'est pas l'ex-libris de Mauss : il a été confectionné par les libraires qui ont acheté sa collection à sa sœur et héritière, Simone Maus (1908-2007), épouse de Robert Nordmann (1898-1986).
215. L'Astronomie journalière, ou Miroir des astres. Grenoble, P. Fremon, 1669, in-18, mar. La Vallière jans., chiffres, tr. dor. (Gruel). 47 fr.
256. Le Grant Testament Maistre Françoys Villon. Paris, Alain Lotrian, s. d. [v. 1525], pet. in-8 goth., mar. La Vallière (Chambolle-Duru). 375 fr.
260. Lesperon de discipline pour inciter les humains aux bonnes lettres […] par Antoine du Saix. S. 1. [Genève, J. Vivran], 1532, 2 part. en 1 vol. in-4 goth., mar. v. olive, comp. de fil., milieux mosaïques (Lortic). 530 fr.
262. Recueil des œuvres de feu Bonaventure des Périers. Lyon, Jean de Tournes, 1544, petit in-8,
mar. r., fil. (Niedrée). 260 fr.
277. Recueil des œuvres poétiques du sieur David Rigaud. Lyon, Claude La Rivière, 1653, pet. in-8, mar. La Vallière, dos orné, double rangée de fil. à froid et dor., milieux, tr. dor. (Chambolle-Duru). 185 fr.
285. Contes et nouvelles en vers par M. de La Fontaine. Amsterdam [Paris, Barbou], 1762, 2 vol. in-8, portr. et fig., mar. r., dos orné, fil., fleurs dans les angles, tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). 430 fr.
295. Fables nouvelles [par Dorat]. La Haye et Paris, Delalain, 1773, 2 tom. en 1 vol. in-8 gr. pap., vignettes de Marillier, mar. r. compart. de fil. tr. dor. (Lortic). 350 fr.
303. Orlando furioso de M. Ludovico Ariosto. Venetia appresse V. Valgrisio et B. Costantini, 1557, in-16, curieuse rel. du XVIesiècle mar. br. à recouvrements encadr. de fil. droits et courbés, doub. de veau brun compart. du même genre, tr. ciselée et dor., fermoirs. 440 fr.
308. Les Œuvres de M. de Molière. Paris, Denys Thierry et Claude Barbin, 1674-1675, 7 vol. in-12. mar. br. compart. de fil. et fleurons d'angles (Gruel). 390 fr.
309. Les Œuvres de Monsieur de Molière. Paris, Thierry, Barbin et Trabouillet, 1682, 8 vol. pet. in-8, fig. de Brissart, mar. r., dos orné, double rangée de fil., fleurons d'angle, tr. dor. (Lortic). 500 fr.
312. Œuvres de Molière, ill. par Jacques Léman [et Maurice Leloir]. Paris, Lemonnyer et Testard, 1882-1896, 32 vol. in-4 fig. br. ex. sur gr. pap. du Japon, fig. en double état. 365 fr.
324.Œuvres de Racine. Paris, Cl. Barbin, 1697, 2 vol. in-12, frontisp. et fig. de Chauveau, mar. r. compart. de fil. doubl. de mar. bl. dent. (Chambolle-Duru). 300 fr.
332. Les Excellentes Magnifiques et Triomphantes Cronicques de Judas Machabeus. Paris, Antoine Bonnemère, 1514, pet. in-folio goth. mar. bl. fil. à froid (Duru). 495 fr.
343. Zizimi, prince ottoman. Grenoble, Jean Nicolas, 1673, in-12, mar. bleu, dos orné, fil., tr. dor. (Cuzin). 120 fr.
349. Histoire de Gil Blas de Santillane, par M. Le Sage. Paris, 1747, 4 vol. in-12, prem. édit. complète, la dernière revue par l'auteur, mar. r. fil. (Lortic). 257 fr.
353.La Nouvelle Héloïse [J.-J. Rousseau]. Genève, 1780, 4 vol. in-8, figures de Moreau et portrait, rel. anc. en v. m. aux armes de la comtesse de Provence. 270 fr.

La Pléiade. Paris, L. Curmer, 1842.
Frontispice.
355. La Pléiade, ballades, fabliaux, nouvelles et légendes. Paris, Curmer, 1842, in-8 frontisp. et figures, mar. bl. fil. doubl. de mar. r. fil et dent. (Chambolle-Duru). Ex. rel. sur brochure. 240 fr.
365. [Plutarchi Cheronensis Apophtegmata], par Franc. Philelphum e graeco in latinae translata. Venetiis, Vindelin de Spira, 1471, prem. édit. très rare, pet. in-fol. vél. 215 fr.
389. Vie [Cy commence la] de Madame Saincte Katherine de Seine. [Àla fin : ] Impr. à Lyon par Pierre Maréchal [...] l'an de grâce 1519 le xv jour de janvier. In-4, édit. fort rare, ex. incompl. du premier feuillet, vign. sur bois, mar. La Vallière, compart. de fil. (Chambolle-Duru). 520 fr.
415.Le Premier [Second, Tiers et Quart] Volume de Froissart des Croniques de france, dangleterre, descoce, despaigne, […]. Paris, Anthoyne Vérard, 1518, 4 tom. en 3 vol. in-fol. goth. à 2 col., mar. r., dos orné, fil., tr. dor. (Capé). 510 fr.
420. La Très Joyeuse, Plaisante et Récréative Hystoire, composée par le loyal serviteur, des faiz, gestes, triumphes et prouesses du bon chevalier sans paour et sans reprouçhe, le gentil seigneur de Bayart. [Àla fin : ] Nouvellement imprimée à Paris, par Nicolas Couteau pour Galliot du Pré [...] l'an 1527. In-4 goth., titre imprimé en rouge et noir, mar. rouge, dos orné, fil., tr. dor. (Rel, anc.). 300 fr.
449. Les Gouverneurs et les Lieutenans au gouvernement de Dauphiné. Grenoble, Jean Verdier, 1704, in-12, mar. grenat, fil. à froid, fleurons d'angle, chiffres, tr. dor. (Gruel). 104 fr.
451. Décorations faites dans la ville de Grenoble […] pour la réception de Monseigneur le duc de Bourgogne et de Monseigneur le duc de Berry. Grenoble, Antoine Fremon, 1701, pet. in-fol., 7 pl., mar. r. jans., tr. dor. (Chambolle-Duru). 176 fr.
465. Histoire généalogique de la Maison de Beaumont en Dauphiné [par l'Abbé Gab. Brizart]. Paris, de l'imp. du Cabinet du Roi, 1779, 2 vol. in-fol, figures, blasons et vignettes par Moreau, v. m. (Rel. anc.). 205 fr.
783. Septem miracula Delphinatus. Gratianopoli, Ph. Charvys, 1656, in-8, vélin, fil. et chiffres, tr. dor. (Gruel). 65 fr.
801. Réflexions de piété pour honorer utilement la Sainte Ėpine de la couronne de N. S. Jésus- Christ. Grenoble, J. Verdier, 1709, in-12, vélin, fil., tr. dor. 31 fr.
812. Stylus curiæmajoris Viennesii et Valentinesii. Lyon, B. Rigaud, 1581, in-8, vélin, fil. et chiffres, tr. dor. (Gruel). 81 fr.
817. Statuta [et privilegia] ordinis Cartusiensis. Bâle, J. Amerbach, 1510, in-fol. goth., fig. sur bois, mar. vert, fil. à froid, tr. dor. Vient de la bibliothèque de Costa de Beauregard. 230 fr.
826. Statuts des moniales chartreuses. Correrie de la Grande Chartreuse, Claude Faure, 1690, in-8, mar. vert jans., tr. dor (Chambolle-Duru). 86 fr.
843. Annales ordinis Cartusiensis. Correrie de la Grande Chartreuse, Antoine Fremon, 1687, in-fol., veau, fil. à froid, tr. rouge (Rel. anc.). 41 fr.

Pour d'autres renseignements et illustrations concernant Alexandre Lantelme et sa bibliothèque, on consultera avec profit la Bibliothèque dauphinoise de Jean-Marc Barféty.

http://www.bibliotheque-dauphinoise.com/



























Étienne Baluze (1630-1718), bibliothécaire de Colbert

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Gravé par Simon Thomassin, d'après Hyacinthe Rigaud.

L’acte de baptême d’Étienne Baluze n’existe plus aux Archives municipales de Tulle, ni aux Archives départementales de la Corrèze : le registre baptistaire de la paroisse de Saint-Julien pour l’année 1630 a disparu.

Tulle en 1890.




Maison natale de Baluze.
Quartier de Redole-Peyre, à Tulle.

Étienne Baluze est né le 24 novembre 1630, comme il l’a écrit dans son autobiographie latine placée en-tête du catalogue de sa bibliothèque et comme il résulte du livre de raison tenu par son père. La généralité des biographes et des bibliographes a reproduit la date erronée, donnée par la traduction de l’autobiographie par Pierre de Chiniac [Histoire des capitulaires des rois françois de la première et seconde race. Paris, Benoît Morin, 1779, p. 157], sans prendre la précaution de recourir à la source :

« Igitur natus sum Tutelæ Lemovicum in prima Aquitania anno MDCXXX. ante diem VIII. Kal. Decembris ex clara & antiqua apud nostrates familia, patre Joanne Karolo Baluzio præstantissimo Jurisconsulto, matre Catharina Teyssieria singularis profecto exempli femina. »
[Je suis né à Tulle ville du Limousin dans la première Aquitaine l’an 1630 le 24 de Novembre d’une des plus illustres et anciennes familles, j’eus pour père Jean Charles Baluze très savant Jurisconsulte, et pour mère Catherine Teyssier femme d’une conduite irréprochable et d’une piété exemplaire.]

Le 8 des Calendes de décembre [ou avant les Calendes de décembre, c’est la même chose] est le 24 novembre et non le 24 décembre, comme le savent ceux qui ont la moindre notion du calendrier en usage chez les Romains.

Après des études à Toulouse, où il acheta une bulle originale de Grégoire XIII, le savant Pierre de Marca l’attira à Paris en 1656, le prit comme secrétaire et lui légua ses papiers. En 1667, Colbert l’appela pour avoir soin de sa magnifique bibliothèque. Pendant les 33 ans qu’il administra la bibliothèque Colbertine, il ne négligea pas son propre cabinet : c’est lui qui posséda les carnets de Mazarin et la cassette de Fouquet. En 1670, il devint professeur de droit canon au Collège royal. C’est surtout à lui qu’on doit l’introduction en France des soupers littéraires, dont l’usage se prolongea jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.
Avancé en âge, il se retira en 1700 dans une très belle maison, hors des murs de Paris, proche du collège des Écossais, à qui cette maison appartenait. En 1707, après la mort de son ami Jean Gallois, il fut nommé inspecteur du Collège royal. L’année suivante, il donna une Histoire généalogique de la maison d’Auvergne qui lui valut d’être envoyé en exil à Rouen, puis Blois, Tours et Orléans, de 1710 à 1713, accusé injustement d’avoir inséré des pièces fausses dans son ouvrage, pour soutenir les prétentions du cardinal de Bouillon. Il fit imprimer en 1717 une Histoire de la ville de Tulle, en latin, gage de son amour pour sa patrie. 

Rue de Tournon (Plan Turgot).
Hôtel Terrat, 6 rue de Tournon.
Les Œuvres de Saint-Cyprien, en latin, le plus considérable de tous les ouvrages écrits par Baluze, étaient sur le point de paraître lorsque la mort l’emporta le 28 juillet 1718, en son domicile de la rue de Tournon, vis-à-vis l’hôtel Terrat [VIe, depuis hôtel Brancas]. On l’inhuma dans l’église Saint-Sulpice. Il avait composé lui-même son épitaphe :

« Il gît ici le sire Étienne ;
Il a consommé ses travaux :
En ce monde il eut tant de maux,
Qu’on ne croit pas qu’il y revienne. »

Dans son testament du 25 mai 1716, il avait instituée pour légataire universelle Geneviève-Magdeleine Muguet, veuve Le Maire, fille de son ami imprimeur François Muguet (1630-1702), et, au lieu d’imiter presque tous les bibliophiles de son temps, avait ordonné :

« Je deffends et prohibe expressément la vente de ma bibliothèque en gros, volant qu’elle soit vendue en détail au plus offrant et dernier enchérisseur, afin que les curieux puissent en avoir leur part, y ayant une très-grande quantité de livres rares, difficiles à trouver, que les gens de lettres seront bien aises d’avoir occasion d’acquérir. J’excepte néantmoins de cette prohibition ma bibliothèque de manuscrits, au cas qu’il se trouve quelqu’un qui les veuille acheter en gros et en donner un prix raisonnable, dont ma légatrice universelle puisse estre contente. » [sic]



La veuve Le Maire fit imprimer la Bibliotheca Baluziana : seu Catalogus librorum bibliothecae V. Cl. D. Steph. Baluzii Tutelensis (Paris, Gabriel Martin et Jean Boudot, 1719, 3 parties en 2 vol. in-12, [1]-[1 bl.]-[14]-XXXII-[1]-[1 bl.]-527-[1 bl.]-[1]-[1 bl.]-497 [chiffrées 601-1.097]-[1 bl.] p., avec erreurs de pagination, 10.799 lots + « Reliqua » et [1]-[1 bl.]-[2]-136-116 p., 1.672 lots + « Armoires »).

Christie's, Londres, 9 juin 2015 : £ 3.250

Après un avis aux lecteurs [« Lectori. »], on trouve l’autobiographie de Baluze [« Fragmentum De vitâ, moribus & scriptis Viri Cl. Stephani Baluzii, ex ipsius autographo editum. »] et un catalogue de ses œuvres [« Catalogus operum viri clarissimi Stephani Baluzii Tutelensis, quæ hactenùs edita sunt. »]. Les ouvrages sont classés par formats : in-folio et in-quarto [« Pars prima »], in-octavo, in-12 et petits formats [« Pars secunda »], la « Pars tertia » contenant l’ensemble des collections manuscrites, et en 5 classes : « Theologia », « Jurisprudentia », « Historia », « Humaniores litteræ » et « Miscellanei ». Le catalogue se termine par le « Catalogus collectaneorum V. C. Stephani Baluzii », mélanges rangés dans sept armoires.


Les ouvrages utiles étaient facilement identifiables grâce à l’ex-libris manuscrit qui figurait à l’extrémité inférieure de la page de titre : « Stephanus Baluzius Tutelensis ». La vente eut lieu au domicile du défunt, à partir du 8 mai 1719. L’abbé Bignon acheta la « Pars tertia » : 957 manuscrits, 715 actes ou diplômes [dont 249 bulles des papes] et le contenu des 7 armoires, payés 30.000 livres, pour la Bibliothèque du Roi.




Joseph Crozet (1808-1841) et son successeur Paul Colomb de Batines (1811-1855)

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Entrée et façade du Palais Royal, rue de Valois.
Plan de Paris en 1830, par X. Girard.
Joseph Crozet, naquit à Paris, le 7 août 1808. Il succéda à son père, Claude Crozet, libraire, 1 rue du Lycée [rue de Valois, Ier] depuis 1809, après son décès le 22 décembre 1829.
Le 20 février 1830, il épousa, à Paris, Marie-Ursule Techener, de quatre ans sa cadette, sœur de Joseph Techener (1802-1873), qui avait ouvert une librairie en 1827 au 12 place de la Colonnade du Louvre [Ier], puis s'installa 17 quai Voltaire [VIIe].


En 1835, Joseph Crozet déménagea au 15 quai Malaquais [VIe], dans le petit hôtel de Chimay, entre l'ancien Musée des monuments français [aujourd'hui Palais des Beaux-Arts] et le grand hôtel de Chimay

Plan de Paris en 1830, par X. Girard.
Anatole France (1844-1924) habitera ce petit hôtel de 1844 à 1853, Honoré Champion (1846-1913) y fondera sa librairie en 1874, son fils Pierre Champion (1880-1942) y naîtra.

« C'est lui qui, avec M. Techener, son beau-frère, est allé reconquérir sur l'Angleterre, à force de sollicitudes et d'argent, ces trésors du Roman de chevalerie, du Mystère et de la Moralité, dépouilles opimes de nos bibliothèques, qu'on pouvoit croire irrévocablement perdues. C'est lui dont le tact ingénieux et délicat nous a rendu le goût de la vieille reliure, et qui a fait revivre par ses conseils assidus l'art délicieux de Gascon, de Deseuille et de Padeloup, dans les habiles essais de Thouvenin et dans les merveilleux travaux de Bauzonnet. » [sic]
(Ch. Nodier. « Nécrologie. Joseph Crozet. » In Bulletin du bibliophile. Paris, Techener, 1841, N° 11, janvier-février, p. 459-460)

Crozet fit des ventes, à la Maison Silvestre, 30 rue des Bons-Enfants [Ier].

Du mercredi 19 au mardi 25 mars 1834, le cabinet de Pierre Revoil (1776-1842), qui avait passé à Paris les quatre dernières années de sa vie : Catalogue des livres anciens, rares et précieux, imprimés et manuscrits, composant le cabinet de M. le chevalier Revoil, ancien professeur de peinture à l'Académie de Lyon (Paris, Crozet, 1834, in-8).
Du 22 janvier 1835 à avril 1840, le fonds des frères Jean-Jacques De Bure (1765-1853) et Marie-Jacques De Bure (1767-1847) : Catalogue des livres faisant partie du fonds de librairie ancienne et moderne de J. J. et M. J. De Bure frères, libraires de la Bibliothèque royale (Paris, De Bure frères et Crozet, 1834-avril 1840, 8 vol. in-8).
Le jeudi 26 novembre 1835 : Catalogue de bons livres, anciens et modernes, presque tous d'une belle condition, provenant de la bibliothèque de M. M. (Paris, Crozet, novembre 1835, in-8, [2]-40 p., 632 lots).

En 1837, Crozet succéda aux frères De Bure dans la fonction de Libraire de la Bibliothèque royale, rue Richelieu [IIe] : cette bibliothèque était alors ouverte, pour les lecteurs, tous les jours (excepté les dimanches et les fêtes), de 10 à 15 heures, et, pour les curieux, les mardis et vendredis, aux mêmes heures.

« J. Crozet, beau-frère de Techener, était alors libraire de la Bibliothèque Royale ; son magasin du quai Malaquais, n° 15, contenait les plus beaux livres, les plus belles reliures, les raretés les plus insignes. Ce magasin voyait tous les jours se réunir un cénacle de bibliophiles, qui causaient livres et reliures, sous la présidence de Charles Nodier, qu'on écoutait et consultait comme un oracle. Crozet parlait peu et ne se compromettait guère ; Nodier lui avait fait une réputation de connaisseur fin et délicat, de bibliophile expérimenté. Tous les habitués du magasin de Crozet se persuadèrent aisément que les éloges de Charles Nodier n'avaient rien d'exagéré. Crozet fut ainsi sacré le plus savant libraire de Paris.
Cependant Crozet était absolument incapable de faire un bon catalogue, et même un simple catalogue de livres, quoiqu'il connût les livres et qu'il fût très-habile à distinguer les reliures en nommant les relieurs. Il avait, dans le travail, une hésitation perpétuelle ; il passait son temps à défaire et à refaire ce qu'il avait fait. Ainsi, après avoir levé lui-même toutes les cartes pour le catalogue de la bibliothèque de Pixérécourt [sic], il s'était mis à remanier de diverses façons ces cartes, qui offraient les plus étranges disparates. Il les avait d'abord abrégées, puis augmentées, puis diminuées ; il changeait le lendemain son ouvrage de la veille. Ce fut bien pis, quand il voulut classer les cartes surchargées de ratures : il les brouilla et rebrouilla, sans parvenir à leur donner un ordre systématique.
Le pauvre homme suait sang et eau ; il en était malade. Le découragement s'emparait de lui et il désespérait d'arriver à un résultat quelconque. Charles Nodier avait beau l'exhorter, le conseiller, le réconforter ; rien ne faisait : Crozet restait absorbé dans son impuissance. Pixérécourt [sic], d'ailleurs, ne lui laissait pas un moment de repos ; il le pressait, il le maudissait. Vous me ferez mourir d'impatience et de chagrin ! lui disait-il sans cesse ; mon catalogue ne sera pas prêt en temps utile, et ma vente est manquée !
Enfin, un matin, Crozet apparut, pâle et tremblant, chez Pixérécourt [sic] ; il s'excusa des retards continuels occasionnés par son mauvais état de santé, et il manifesta timidement l'intention de suspendre son travail, sinon de le cesser tout à fait. Guilbert de Pixérécourt [sic] entra dans une de ses plus furieuses colères. Crozet était bien décidé à n'en pas supporter davantage : il déclara donc, avec calme et fermeté, qu'il renonçait au catalogue et à la vente des livres de ce bibliophile si difficile à contenter, et il prit congé de lui, sans vouloir rien entendre. »
(P.-L. Jacob, bibliophile. « Guilbert de Pixérécourt [sic] ». In Le Bibliophile français - Gazette illustrée. Paris, Bachelin-Deflorenne, N° 5, mars 1869, p. 273-274)

La bibliothèque de René-Charles Guilbert de Pixerécourt (1773-1844) fut vendue du mardi 22 janvier au mardi 26 février 1839, en 29 vacations : Catalogue des livres rares et précieux et de la plus belle condition, composant la bibliothèque de M. G. de Pixerécourt (Paris, J. Crozet, décembre 1838, [8]-4-vii-[1 bl.]-414 p., 2.313 lots), suivi d'une description détaillée du n° 1.910 et avec « Des livres de M. de Pixerécourt », par Charles Nodier, et une « Préface » de Paul Lacroix. Le total de la vente s'éleva à 74.956 francs et 65 centimes. Pixerécourt considéra que sa vente n'avait pas réussi :

« Quant à moi, j'ai été assassiné par le petit Crozet ; il a laissé vendre à vil prix des livres charmants, sur lesquels j'ai perdu 90 pour 100. Il n'a soutenu que ce qui lui convenait, et j'ai perdu au moins 30,000 francs sur ma vente. » (P.-L. Jacob, bibliophile. « Guilbert de Pixérécourt [sic] ». In Le Bibliophile françaisGazette illustrée. Paris, Bachelin-Deflorenne, N° 5, mars 1869, p. 283-284).

Les plaintes de Pixerécourt étaient exagérées : les livres s'étaient vendus à des prix élevés, sinon excessifs, et le propriétaire avait retiré ceux qui ne trouvaient pas preneur à leur valeur réelle.

Du lundi 10 au samedi 29 février 1840, en 18 vacations, ce fut celle de Victor de Saint-Mauris (1797-1868) : Catalogue de beaux livres anciens et modernes et de quelques manuscrits précieux provenant de la bibliothèque de M. le comte de ST-M***, membre de la Société des Bibliophiles français (Paris, J. Crozet, 1840, in-8, [1]-[1 bl.]-[2]-202-[2] p., 2.200 lots).
Du lundi 11 au mercredi 13 mai 1840, en 3 vacations, la bibliothèque d'Eugène P. : Catalogue de livres anciens, la plupart rares et curieux, provenant de la bibliothèque de M. Eug. P. (Paris, J. Crozet, avril 1840, in-8, 36 p., 267 lots).

Crozet réalisa aussi quelques éditions, en particulier : La Deffence et Illustation de la langue francoyse, par Joachim du Bellay(Paris, Crozet, 1839) ; deux ouvrages de Théodore-Edme Mionnet (1770-1842), conservateur-adjoint du Cabinet des médailles de la Bibliothèque du Roi et membre de l'Institut : Atlas de géographie numismatique (Paris, Crozet, Constant Potelet et Rollin, 1838) et Poids des médailles grecques d'or et d'argent du Cabinet royal de France (Paris, Crozet et Constant Potelet, 1839).

Joseph Crozet mourut prématurément, à Paris, le samedi 6 février 1841, à cinq heures du matin.

« La mort de M. Crozet laisse un grand vide dans la librairie ancienne ; il s'était occupé avec succès de la bibliographie des livres rares et curieux. Les amateurs ont fait une grande perte qu'il sera difficile de réparer.
M. Crozet laisse un beau fonds de librairie, et un établissement en pleine prospérité. Nous savons que sa veuve serait disposée à traiter de cet établissement à des conditions très-raisonnables. Tout le monde sait que la librairie de M. Crozet est située sur le quai Malaquais. »
(Feuilleton du Journal de la librairie, N° 8, 20 février 1841, p. 5).

Sa veuve, qui épousera Alphonse Porte, en secondes noces, à Paris, le 28 avril 1842, confia à Romain Merlin (1793-1871), libraire 7 quai des Augustins [quai des Grands-Augustins, VIe], la rédaction du catalogue de vente du fonds de la librairie. 



Cette vente commença, à la Maison Silvestre, le lundi 17 mai, et se poursuivit jusqu'au lundi 7 juin 1841, pendant 18 vacations : Catalogue des livres composant le fonds de librairie de feu M. Crozet, libraire de la Bibliothèque royale […]. Première partie. (Paris, R. Merlin, 1841, in-8, [4]-124 p., 1.859 + 23 bis = 1.882 lots) ; les pages 22 et 25 du catalogue sont chiffrées respectivement 23 et 21.
Pendant la vente, on pouvait lire, dans le Feuilleton du Journal de la librairie (N° 23, 5 juin 1841, p. 6-7) :

« Avis à MM. les Libraires.
Paris, le 20 mai 1841.
J'ai l'honneur de vous prévenir que je viens de céder le fonds de librairie ancienne et moderne qui était exploité par mon mari, quai Malaquais, n. 15, à M. COLOMB DE BATINES. La confiance que vous vouliez bien accorder à M. CROZET, m'engage à venir vous prier de la reporter sur son successeur, qui entre dans le commerce de la librairie avec des connaissances acquises, et qui, j'en suis persuadée, ne négligera rien pour remplir d'une manière satisfaisante les commissions que vous daignerez lui adresser.
J'ai l'honneur, etc.
Ve CROZET.

Paris, le 20 mai 1841.
Porté par mes goûts vers le commerce de la librairie ancienne, dont j'ai fait depuis long-tems, comme amateur de livres, une étude approfondie, je viens d'acquérir le fonds de feu M. CROZET, libraire de la Bibliothèque royale. J'ose espérer que vous voudrez bien me continuer la confiance dont vous l'honoriez, et je chercherai à la justifier en m'acquittant avec célérité et intelligence des commissions que vous daignerez m'adresser.
A la partie des livres rares, curieux, singuliers, tirés à petit nombre ou sur papier de luxe si bien exploitée par M. CROZET, j'en joindrai une autre non moins importante et non moins recherchée aujourd'hui, c'est la librairie historique des provinces, comprenant tous les ouvrages relatifs à leur histoire générale et particulière, et ceux écrits dans leurs divers patois. Quant à MM. les auteurs ou éditeurs de livres dans ces spécialités, à qui il conviendra de faire choix à Paris d'un libraire dépositaire qui s'occupe sérieusement de leur placement, au lieu de les reléguer dans un coin de son magasin, ainsi que cela se fait d'habitude, je prendrai la liberté de réclamer d'eux la préférence. Je donnerai de la publicité aux ouvrages qui seront déposés chez moi, en les mentionnant dans un Bulletin de ma librairie qui sera publié tous les deux mois, et adressé gratuitement aux amateurs de livres et à toutes les personnes qui en feront la demande par lettre affranchie.
Enfin, je m'occuperai de la rédaction des catalogues de ventes de livres, et recevrai les commissions des personnes qui ne pourraient y assister.
J'ai l'honneur, etc.
P. COLOMB DEBATINES.
15, quai Malaquais. »

Venu de Vienne [Isère], Paul Colomb de Batines s'etait rendu acquéreur du fonds de Crozet et voulut s'occuper spécialement de librairie historique des provinces de la France.

Frère jumeau de Marie-Laurence-Virginie Colomb, Étienne-Paul-Cyrus Colomb, était né à Gap [Hautes-Alpes], le 14 novembre 1811. Son père était le vicomte Jean-Paul-Cyrus Colomb (Gap, 8 avril 1782 – acte à la date du 22 août-Gap, quartier de Puymaure, 18 juillet 1835), juge-auditeur à la Cour d'appel d'Aix-en-Provence [Bouches-du-Rhône] en 1808, puis avocat général au même lieu en 1814, procureur du Roi à Marseille [Bouches-du-Rhône] en 1815, puis premier avocat général à la Cour royale de Paris la même année, maître des requêtes au Conseil d'État en 1819 et député des Hautes-Alpes en 1815, réélu de 1822 à 1830. Sa mère était Marie-Jeanne-Françoise Blanc (Gap, 14 novembre 1790-8 juillet 1856), fille de Étienne Blanc, maire de Gap. Ils s'étaient mariés à Gap, le 30 avril 1806.

Hôtel de Batines, 5 rue Centrale, La Côte-Saint-André.
Originaires de La Côte-Saint-André [Isère], selon Gustave de Rivoire de La Batie (Armorial de Dauphiné. Lyon, Louis Perrin, 1867, p. 164), 

Saint-Marcellin, par Alexandre Debelle.
Album du Dauphiné (Grenoble, Prudhomme, 1837, 3e année, p. 130).
ou de Saint-Marcellin [Isère], selon Joseph Roman (Dictionnaire topographique du département des Hautes-Alpes. Paris, Imprimerie nationale, 1884, p. 11), 

La Roche-des-Arnauds
les Colomb étaient venus se fixer à La Roche-des-Arnauds [Hautes-Alpes] au XVIesiècle, où ils étaient devenus seigneurs de Batines, écart de la commune. Suivant une tradition de famille, celle-ci serait originaire de Gênes [Italie] : il est en effet curieux que leur devise soit en italien, « En fedelta finiro la vita. » [En fidélité je finirai la vie]. Leurs armes étaient : « Tiercé en fasce de gueules, or et sable. L'or chargé de trois colombes d'azur, becquées de gueules ».

Ayant conçu, comme l'avait fait son père avant lui, le projet de former une bibliothèque publique à Gap, Paul Colomb de Batines, qui était alors surnuméraire au ministère des Finances, avait couru les ventes, les librairies et les quais de la Seine : il était parvenu à réunir environ 2.000 volumes, dont il avait fait imprimer le catalogue, qui formèrent le premier fonds de la Bibliothèque de Gap, installée au collège, dans une salle du rez-de-chaussée indépendante et ouverte à partir du 15 novembre 1829. C'est à cette époque qu'il avait suivi, à la Sorbonne, les conférences d'Abel-François Villemain (1790-1870) sur LaDivine comédie de Dante. Mais, ayant alors oublié trop souvent son bureau, Colomb de Batines avait été remercié, et avait entrepris des études de droit à Grenoble [Isère] et à Aix-en-Provence.

Colomb de Batines au Café [détail].
(Musée de l'ancien évêché de Grenoble)
Photographie J.-M. Barféty
Devenu avocat, et vicomte à la mort de son père, il avait épousé, à Vienne, le 30 janvier 1837, Charlotte-Marie-Louise David (°1819), fille de Jean David, receveur de l'enregistrement. Il avait écrit alors dans la Revue de Vienne, puis s'était lié avec Jules Ollivier (1804-1841), qui l'avait chargé des articles bibliographiques dans sa Revue du Dauphiné. S'il avait porté la lumière sur la bibliographie du Dauphiné, Colomb de Batines avait négligé ses intérêts matériels. 



Il dut mettre en vente une partie de sa bibliothèque, à Lyon [Rhône], Salle du 42 quai du Port-du-Temple, du mardi 26 au samedi 30 novembre 1839, en 5 vacations : Catalogue d'une partie des livres composant la bibliothèque de M. C. de B. (Lyon, Fontaine, et Paris, Dumoulin et Techener, 1839, in-8, [4]-43-[1 bl.] p., 418 + 18 bis = 436 lots).

En 1841, il décida de quitter Vienne pour Paris, où il s'établit libraire par amour pour les livres : le noyau de sa librairie fut sa propre bibliothèque, à laquelle il joignit le fonds de Crozet dont il se rendit acquéreur.
Il devint également éditeur : Traité de la législation et de la jurisprudence des chemins de fer, par H. Nogent St-Laurens (Paris, Colomb de Batines, 1841) ; Légendes e t chroniques suisses, par G. de Valayre (Paris, Colomb de Batines et J. Belin-Leprieur fils, 1842) ; Nouvelle bibliothèque bleue ou Légendes populaires de la France, par Charles Nodier (Paris, Colomb de Batines et J. Belin-Leprieur fils, 1842) ; Histoire des traités de 1815 et de leur exécution, par J. Crétineau-Joly (Paris, Colomb de Batines, 1842) ; Histoire des rois et des ducs d'Aquitaine et des comtes de Poitou, par A.-D. de la Fontenelle de Vaudoré et J.-P.-M. Dufour (Paris, Derache, Dumoulin, Techener et Colomb de Batines, 1842, t. I) ; Roisin. Franchises, lois et coutumes de la ville de Lille, par Brun-Lavainne (Lille, Vanackere, et Paris, Colomb de Batines, 1842) ; Les Poésies du duc Charles d'Orléans publiées sur le manuscrit de la Bibliothèque de Grenoble (Paris, J. Belin-Leprieur et Colomb de Batines, 1842) ; Histoire littéraire du Maine, par Barthélemy Hauréau (Le Mans, Adolphe Lanier, et Paris, Colomb de Batines, 1843-1845, 3 vol.) ; etc.



En 1842, il ressuscita Le Bibliologue de Joseph-Marie Quérard, dont il réutilisa la vignette de titre, sous le nom de Le Moniteur de la librairie ancienne et moderne, bimensuel dont le premier numéro parut le 15 janvier 1842.

Comme son prédécesseur, il fit quelques ventes aux enchères publiques, reprenant celles du fonds de Crozet, en la Salle Silvestre.



Du jeudi 2 au lundi 20 décembre 1841, en 16 vacations : Catalogue des livres composant le fonds de librairie de feu M. Crozet, libraire de la Bibliothèque royale ; publié avec des notes littéraires et bibliographiques de MM. Charles Nodier, G. Duplessis et Leroux de Lincy. […]. Seconde partie contenant les raretés bibliographiques et les belles reliures. (Paris, Colomb de Batines, Successeur de Crozet, 1841, in-8, viij-196 p., 1.652 + 58 bis + 8 ter = 1.718 lots). Vingt exemplaires du catalogue ont été tirés sur grand papier de Hollande, et 5 avec titre en rouge.

« Tout ce qui rend un livre recommandable et précieux, l'importance de ce qu'il contient, le nom de son auteur, son extrême rareté, sa parfaite conservation, l'antiquité ou la beauté de l'édition, la grandeur du papier et des marges, fut constamment l'objet des recherches de M. Crozet, et lui échappa rarement. Il rehaussa encore ce luxe bibliographique par l'éclat et la somptuosité des reliures, et l'on trouvera dans notre Catalogue de vrais chefs-d'œuvre en ce genre dus à MM. Bauzonnet, Niedrée et Koehler, auxquels il serait injuste de ne pas adjoindre M. Simonnin, qui s'entend si bien à restaurer, ou pour mieux dire, à refaire un livre.
[…]. Mais la partie la plus riche de notre Catalogue, celle qui renferme le plus d'articles hors ligne, est sans contredit la classe des Belles-Lettres. On y trouvera une belle suite de nos anciens poëtes français, la plupart d'éditions originales ; le rare Mistère de la passion(n° 782), qui a successivement appartenu à Girardot de Préfond et à Mac-Carthy ; sept précieux Romans de chevalerie (nos 828-835), admirables de conservation et de reliure ; enfin, un beau manuscrit in-folio (n° 1000), contenant l'Evangille des Quenouilles et les Advineaux amoureux. L'article le plus précieux de cette série, selon nous, celui qui doit séduire tout à la fois le bibliomane et le bibliophile, est un Recueil factice (n° 748) annoté par La Monnoye, contenant 48 petits poëmes, chansons et facéties italiennes, imprimés dans les premières années du XVIesiècle. » [sic]
(« Avertissement », p. v-vj)

Nombreuses étaient les reliures de Derome, Bauzonnet et Niedrée. Outre Colomb de Batines, les principaux acheteurs furent Joseph Techener, Guillaume Chimot et Victor Tilliard. Deux vacations supplémentaires suivirent : Catalogue des livres de feu M. Crozet, libraire de la Bibliothèque royale. Seconde partie. - Supplément. (Paris, Colomb de Batines , Successeur de Crozet, 1841, in-8, [4]-24 p., 197 [chiffrés 1.652-1.848] + 2 bis = 199 lots et 10 autographes).

« Quelques personnes, dans des intentions qu'il ne nous appartient pas de qualifier, ont fait courir le bruit que Madame Crozet, depuis la mort de son mari, avait cédé une partie de ses livres de fonds. Nous sommes autorisé à déclarer, et pouvons attester au besoin, que cette allégation est de toute fausseté. Madame Crozet, depuis cette époque, n'a vendu que quelques unités desdits ouvrages, et toujours au prix fort. » (p. [2-3])

Le 15 avril 1842 : Notice de quelques ouvrages provenant des bibliothèques de MM. de L*** et J. O***. (Paris, Colomb de Batines, 1842, in-8.



Les 26 et 27 mai 1842 : Catalogue de livres en nombre provenant du fonds de feu M. Crozet, libraire de la Bibliothèque royale (Paris, Colomb de Batines et Guilbert, 1842, in-8, 12-[1]-[1 bl.] p., 115 lots).

Le 10 juillet 1842, Paul Colomb de Batines déménagea 7 rue d'Anjou-Dauphine [rue de Nesle, VIe], au rez-de-chaussée : voulant se livrer exclusivement à la gestion d'un « Comptoir de la librairie des provinces » et à la rédaction du Moniteur de la librairie, il annonça le 15 août qu'il désirait céder le fonds de librairie ancienne qu'il avait acquis de Crozet. Depuis le 1erjuillet, le « Comptoir des Imprimeurs-Unis », société en nom collectif fondée pour l'exploitation en commun des livres édités par les imprimeurs Jules Belin-Leprieur, Maximilien Béthune, Jean-Charles Crapelet, Charles Lahure, Louis Ducessois, Eugène Duverger, Henry Fournier, André Henry et Paul Renouard, et gérée par Gustave Comon, ancien libraire, était installé au 15 quai Malaquais.



Du jeudi 15 au mercredi 21 septembre 1842, en 6 vacations, eut lieu la dernière vente Crozet : Catalogue de bons livres provenant du fonds de feu M. Crozet, libraire de la Bibliothèque royale […]. Quatrième et dernière partie. (Paris, Colomb de Batines et Guilbert, 1842, in-8, [2]-53-[1 bl.] p., 698 + 9 bis + 1 ter = 708 lots).

« Il sera vendu au commencement de chaque vacation une trentaine de lots de 15 à 20 volumes, en total plus de deux mille bons ouvrages en bon état et bien complets, que le temps n'a pas permis de cataloguer ; plus, des défets d'ouvrages anciens, précieux pour les amateurs et les vendeurs de vieux livres. » (« Avis », p. [2])

« Cette quatrième et dernière partie du catalogue Crozet n'est pas aussi bien rédigée que les précédentes. On y trouve pourtant bien des articles curieux qui méritaient quelques observations bibliographiques. On lit en tête une note qui nous a chagrinés : […]. Pourquoi n'avoir pas pris le temps nécessaire pour tout cataloguer ? Tout le monde y eut gagné ; car le catalogue, qui ne contient que 698 articles, en aurait pu offrir le double. Il n'y avait pas, dans la librairie de M. Crozet, un seul livre qui fût indigne d'être catalogué. »
([Paul Lacroix]. « Nouvelles et faits divers  » In Bulletin de l'Alliance des arts, N° 6, 10 septembre 1842, p. 88-89).

« Que ce dernier catalogue soit moins bien rédigé que les précédents, le fait est vrai ; je n'avais pas cru devoir faire de l'érudition bibliographique au sujet d'une notice qui n'était pas destinée à aller entre les mains des amateurs de livres. Mais ce qui a le plus chagriné M. Paul Lacroix, c'est une Note dont je l'avais fait précéder et dans laquelle j'annonçais qu'il serait vendu en lots plus de deux mille bons ouvrages, que le temps (phrase clichée et toute industrielle) n'avait pas permis de cataloguer. […].
M. Paul Lacroix raisonne ici en amateur de livres, et nullement en homme qui, voulant faire son métier de catalographe consciencieusement, doit, avant tout, chercher à tirer le meilleur parti possible des livres dont on lui a confié la vente. Si j'avais rédigé mon catalogue selon ses prescriptions, tout le monde n'y aurait pas gagné, comme il le prétend. Mme Crozet y aurait grandement perdu, je crois, si je m'étais amusé à cataloguer des livres, fussent même des Galiot du Pré et des Elzévirs, qui étaient, soit piqués, soit déchirés, soit rognés à la lettre, soit enfin dotés de défauts qui, malgré leur rareté ou leur mérite intrinsèque, les font peu dans cet état rechercher de l'amateur de livres, même le moins difficile. Mme Crozet, je le répète, y aurait grandement perdu, si j'avais catalogué des livres d'une aussi piètre condition, ou des ouvrages que l'on voit figurer journellement dans les boîtes à 6 et 10 sous de nos bouquinistes parisiens. Cette manière d'opérer n'est possible qu'en Belgique, où l'on vend jusqu'à 500 nos par vacation et où l'on adjuge à tous prix. En France, on ne vend d'habitude (et c'est là un tort, selon moi) que de 100 à 130 articles par vacation, et, en général, les frais à la charge du vendeur se montent à 12 pour 100 (non compris le 5 pour 100 payé par l'acquéreur en sus du prix d'adjudication, ce qui fait le 17 pour 100), lorsque toutefois le produit de la vacation arrive à 1000 francs. Si j'avais catalogué tous les livres restants du fonds Crozet, les frais auraient été plus que quintuplés, et je ne serais pas arrivé à faire 200 fr. par vacation. En veut-on la preuve : les 698 articles catalogués (et il en est au moins 10 qui se sont vendus de 50 à 100 francs) n'ont produit qu'une somme de 2,440 francs, c'est-à-dire un peu plus de 400 francs par vacation. J'avais cependant fait un choix scrupuleux de tout ce qui m'avait paru bon à nomenclaturer ; seulement il en est plus d'un tiers que je n'aurais pas fait figurer dans ma notice, si l'on ne m'avait recommandé de la grossir le plus possible. Mais, dit M. Paul Lacroix, il n'y avait pas dans la librairie de M. Crozet un seul livre qui fut indigne d'être catalogué. C'est encore une erreur ; il s'y en trouvait un fort grand nombre, et il est facile d'en donner l'explication. Outre qu'il est bien difficile à un libraire, quel qu'il soit, de na pas s'embouquiner quelque peu, il arrivait fort souvent à M. Crozet d'acheter des lots de 20 à 30 volumes pour un seul article qui lui convenait, et dont, grâces à Simonnin et Bauzonnet, il comptait faire un livre digne d'un amateur de livres. […]
Le métier de catalographe, lorsqu'on veut s'en acquitter consciencieusement, n'est pas chose aussi facile que nombre de gens veulent bien se l'imaginer ; à moins de cumuler la science des Barrois, des Debureet des Merlin, il est bien difficile, quelque connaissance que l'on ait de la vieille librairie, de ne pas rebuter parfois quelques bons volumes ; mais en vendre sciemment plus de deux mille à la douzaine, je ne m'aviserai jamais de faire une bévue aussi forte et aussi préjudiciable. » (Colomb de Batines. « Réponse au bulletin de l'Alliance des Arts au sujet de la quatrième partie du Catalogue Crozet. » In Le Moniteur de la librairie ancienne et moderne, 1er octobre 1842, p. 13-14).

« M. Colomb de Batines, dont nous nous plaisons à reconnaître le savoir et l'intelligence, s'est ému bien à tort […].
Résumons-nous : il faut cataloguer tout article qui peut être mis sur table à 1 franc, parce qu'il est alors susceptible de monter à un prix quadruple par la concurrence des amateurs, qui font seuls la fortune d'une vente de livres. »
([Paul Lacroix]. « Des livres à cataloguer. » In Bulletin de l'Alliance des arts, N° 8, 10 octobre 1842, p. 113-115).

Du samedi 15 au vendredi 28 octobre 1842, en 12 vacations : Catalogue d'une jolie collection de bons livres anciens et modernes (Paris, Colomb de Batines, 1842, in-8, [2]-121-[1] p., 1.526 lots), suivi d'un Supplément au catalogue d'une collection de bons livres dont la vente commencera le 15 octobre 1842 (Paris, Colomb de Batines, 1842, in-8, 8 p., 99 lots).
Du jeudi 3 au mercredi 16 novembre 1842, en 12 vacations : Catalogue d'une belle collection de livres en différentes langues sur l'histoire et la littérature de l'Espagne, du Portugal et de leurs colonies, provenant de la bibliothèque de feu M. de Sampayo (Paris, Colomb de Batines, 1842, in-8, VIII-108 p., 1.242 lots).
Du lundi 26 au jeudi 29 décembre 1842, en 4 vacations : Catalogue d'une collection d'ouvrages sur l'histoire des provinces de la France (Paris, L'Alliance des arts et Colomb de Batines, 1842, in-8, [2]-50 p., 662 lots).
Du 20 au 25 mars 1843, en 6 vacations : Catalogue d'une curieuse collection de livres sur l'histoire générale et particulière et sur les idiomes des provinces de la France (Paris, Colomb de Batines, 1843, in-8, [2]-61-[1] p., 919 lots).
Du 16 au 19 mai 1843, la vente eut lieu à la Salle du 2 place de la Bourse : Catalogue de beaux livres anciens et modernes, la plupart en belle reliure en maroquin, provenant de la bibliothèque de feu M. le comte de G*** (Paris, Colomb de Batines, 1843, in-8).
Le 22 mai 1843, Salle Silvestre : Catalogue des autographes, la plupart de l'époque impériale, provenant de la collection de M. P. de G., valet de chambre de l'empereur (Paris, Colomb de Batines, 1843, in-8, 16 p., 155 lots).
Du 26 au 28 juin 1843, même Salle : Catalogue de bons livres français et étrangers, la plupart sur les sciences naturelles et médicales et sur la littérature classique, composant la bibliothèque de feu M. le docteur M. E. (Paris, Colomb de Batines, 1843, in-8, 54 p., 589 lots).

Vers la fin de l'année 1834, Pierre-Alexandre Gratet-Duplessis (1792-1853), recteur de l'académie de Douai, avait trouvé, à la Bibliothèque, deux livres en mauvais état. Après étude, il avait été persuadé qu'ils étaient la Biblia pauperum et de l'Historia S. Johannis:

« Ces productions xylographiques étaient trop précieuses pour qu'on les laissât dans le triste état où elles se trouvaient ; Douai et Lille n'offrant pas d'ouvriers assez habiles pour rétablir le texte et le papier, il fallut les envoyer à Paris ; là seulement il était possible de calquer d'après un exemplaire de la bibliothèque du Roi. M. Duplessis, qui voulut bien se charger de ce soin, confia ces deux ouvrages à M. Crozet, successeur de M. Debure en qualité de libraire de la bibliothèque royale, qu'il faisait travailler pour lui-même depuis longtemps déjà. Des années se passèrent, et, malgré les réclamations de M. Duplessis, la restauration des deux ouvrages n'était point encore achevée ; la maladie des artistes, la nécessité d'achever d'importants travaux y mettaient toujours obstacle. Tout à coup, M. Crozet est atteint d'aliénation mentale et il meurt sans avoir pu arranger ses affaires. M. Duplessis, qui avait lui-même un nombre assez considérable de livres chez M. Crozet, écrit à la veuve de ce libraire pour être remis en possession de ce qu'il avait confié à son mari ; mais, mal secondée par ses commis, cette veuve ne peut, malgré sa bonne volonté, mettre la main sur les livres en question. Cependant un an après, M. Duplessis parvient à retrouver la Bible des pauvres et quelques-uns des livres qui lui appartiennent. En 1843, M. Colomb de Bastine [sic], successeur de M. Crozet, disparaît ; ses livres sont saisis : et ceux qui sont chargés de dresser l'inventaire, ne trouvent ni l'Historia S. Johannis ni aucun des cent cinquante volumes qui manquent encore à M. Duplessis personnellement. Tous ces ouvrages furent perdus.
Qu'est devenu l'Historia S. Johannis Evangelistæ? Peut-être a-t-on retrouvé sa trace, sept ans plus tard, dans le numéro 1754 du catalogue d'un eminent collector (M. Libri) dont la vente a eu lieu à Londres en février 1850. Le catalogue disait que cet exemplaire était non rogné, comprenait quarante-huit feuillets dont deux ajoutés en fac-simile mais si admirablement qu'on pourrait défier quelqu'un de s'en apercevoir. Or, notre exemplaire était aussi non rogné, il avait aussi quarante-huit feuillets, parmi lesquels deux en si mauvais état que la restauration n'était point possible. Les démarches faites auprès de M. le Procureur général, pour protester au nom de la ville contre cette vente, ne pouvaient pas aboutir ; ce livre fut vendu à Londres à un prix très-élevé et perdu à jamais pour la ville de Douai. »
([Abbé Chrétien Dehaisnes]. Catalogue méthodique des imprimés de la bibliothèque publique de Douai, avec une notice historique. - Droit. Douai, Imprimerie Dechristé, 1869, p. LIII-LIV).

En 1843, Colomb de Batines aurait joué « un mauvais tour à l'un de ses confrères, qui n'est pas le moindrement gentilhomme, et celui-ci, pour s'en venger, au risque de déshonorer une famille toute entière, eût poursuivi à outrance notre étourdi, s'il n'avait pas eu le bon esprit, après avoir reconnu la gravité de sa faute, de fuir de France. »
(J.-M. Quérard. Le Quérard. Paris, Au bureau du Journal, N° 1, Janvier 1855, p. 121).

Fixé à Florence en 1844, Colomb de Batines fut directeur du Corriere dell'Arno ettravailla chez Seymour Kirkup (1788-1880) et à la Laurenziana.

« MM. les libraires qui auraient mis des livres en dépôt à la librairie ancienne de M. COLOMB DE BATINES, rue d'Anjou-Dauphine, n° 7, sont priés d'adresser, franco, leurs réclamations à M. FAUQUET, 19, rue de la Monnaie, dans un délai de huitaine ; passé ce délai, il sera procédé à la vente des livres dépendant de cette librairie. » (Feuilleton du Journal de la librairie, N° 22, 1erjuin 1844, p. 3).

Les livres composant la librairie furent vendus aux enchères publiques, du 18 au 22 avril 1845, à la Salle Silvestre : Notice d'une partie de livres d'assortiment et en nombre (Paris, Delion, 1845, in-8, 26 p., 333 lots).



Colomb de Batines publia quelques bibliographies, dont la Bibliografia dantesca (Prato, Alberghetti, 1845-1846, 2 vol. in-8), qui fut le monument de sa vie.
Pons de l'Hérault (1772-1853) voyagea en Italie entre 1846 et 1848. Il séjourna longtemps à Florence et il s'intéressa à la situation des lettres et des arts dans la patrie alors endormie des Médicis. Il rencontra Colomb de Batines, qui lui donna sur les bibliothèques publiques et privées de Florence des renseignements qu'on trouverait difficilement ailleurs.

« Les grands seigneurs de ce pays sont en général fort ignorants, et ne mettent jamais le pied dans les bibliothèques de Florence. La Magliabechiana est la seule bibliothèque de Florence fréquentée par les travailleurs italiens, dont beaucoup ne sont que des lecteurs simplement. A la Riccardiana on ne rencontre guère que des élèves des Ecoles Pies, qui vont copier leurs devoirs sur des traductions. Quant à la Laurenziana où j'ai travaillé des mois entiers, je n'ai jamais trouvé plus d'un compagnon, et, tout au plus une fois sur cent, il était florentin. Les Italiens, vous devez le savoir, ne radote que de Dante : eh bien ! le vieux gardien de la Laurenziana qui est là depuis quarante ans, m'a assuré que j'étais le premier qui avait visité et consulté les nombreux et précieux Codices Dantesques conservés dans cet établissement.
Il existe actuellement à Florence peu de bibliothèques particulières ; nous ne sommes plus dans ce temps où les grands seigneurs se faisaient gloire et honneur de se constituer les Mécènes des gens des lettres et de réunir de nombreuses et précieuses collections de livres qu'ils mettaient généreusement à leur disposition. Les bibliothèques, qui jadis se transmettaient de génération en génération comme un héritage de famille, vont actuellement chaque année se détailler à Paris, à la salle Sylvestre [sic] au plus offrant et dernier enchérisseur, ou enrichir les magasins du célèbre libraire de Londres Payne. Le grand seigneur florentin de nos jours se borne à aller chaque jour aux Cascine et à la Pergola. Parmi les bibliothèques particulières encore existantes, je citerai les suivantes :
Palatina ou bibliothèque particulière du grand duc. […] celle du marquis Rinuccini[…] celle du Marquis Capponi (Gino) […] celles des Familles Strozzi et Baldovinetti […] celle de la famille Martelli […] celle de la famille Frullani […] celle de la famille Roselli del Curio […] celle des Panciatichi […] celle du Marquis Riccardi Vernaccia […] la collection de Romans de chevalerie de Mr. Moradei […] Mr. Seymour Kirkup, peintre anglais fixé à Florence, érudit aussi instruit que modeste, a réuni une assez grande collection de livres dans laquelle il y a bien des choses précieuses. Il a notamment six manuscrits dantesques et un beau manuscrit du roman français de Lancelot du Lac, dans lequel se trouvent des passages qui ne se trouvent pas dans les textes français ou italiens imprimés. C'est l'homme le plus complaisant que l'on puisse trouver, et il met sa collection à la disposition de tous ceux qui veulent la parcourir. […] le prince Louis Bonaparte, fils du Prince de Canino […] celle de l'Académie des beaux arts, celle de la Société des Georgofili et celle de l'Académie de la Crusca. »
(Léon G. Pélissier. « Notes inédites du bibliographe Colomb de Bâtines [sic] sur les Bibliothèques de Florence (1847) ». In Dr. O. Hartwig. Centralblatt für Bibliothekswesen. Leipzig, Otto Harrassowitz, s. d. [1898], p. 33-48).

Colomb de Batines mourut prématurément, à Florence, le 14 janvier 1855.

Renseignements complémentaires sur le blog 
"Bibliothèque dauphinoise" de J.-M. Barféty
http://www.bibliotheque-dauphinoise.com/colomb_de_batines.html


Une famille de libraires érudits sur le quai des Augustins (1761-1868)

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Ancienne inscription sur la façade du 33 quai des Grands-Augustins
(angle rue Séguier)









       

       
Né à Paris vers 1735, Jean-Baptiste Gogué fit son apprentissage chez Pierre-Guillaume Simon (1722-1787), imprimeur du Parlement, rue de la Harpe [Ve].
Nommé libraire le 8 juin 1761, il s'installa sur la partie ouest du quai des Augustins [quai des Grands Augustins, VIe], à l'un des deux coins de la rue Pavée, à l'enseigne de Saint Hilaire. L'autre coin était occupé par le libraire Jean-Baptiste-Guillaume Musier (v. 1735-1810), dit « Musier fils » , à l'enseigne de Saint Étienne.

Plan de Michel-Etienne Turgot (1739)

En 1767, Gogué épousa sa cousine Louise-Anne Gogué (Paris, 13 mars 1730-12 mars 1792), veuve de François Née de La Rochelle, avocat au Parlement de Paris décédé prématurément le 17 avril 1756, et mère de Jean-François Née de La Rochelle, né à Paris en 1751.
En 1770, il déménagea près le pont Saint-Michel, rue du Hurepoix, nom de la partie est du quai des Augustins, comprise entre le pont Saint-Michel et la rue Gît-le-Cœur. L'adresse est complétée du n° 13 à partir de 1785.
Le 3 juillet 1771, il devint adjoint au syndic de la librairie.



Dès le début de ses activités, il se fit éditeur : Régime de Pythagore, traduit de l'italien du Docteur Cocchi (La Haye, et Paris, Gogué et Dessain Junior, 1762) ; La Consolation de la philosophie deBoece. Traduction nouvelle par M. C*** [Colesse] dédiée aux malheureux (Paris, Gogué, 1772) ; Hamlet, tragédie, imitée de l'anglois, en cinq actes et en vers, par Monsieur Ducis (Paris, Gogué, 1778) ; Le Guide des humanistes, ou premiers principes de gout [sic] (Paris, Gogué, 1780) ; Essai d'une théorie sur la structure des crystaux [sic] appliquée à plusieurs genres de substances crystallisées [sic], par l'abbé Haüy (Paris, Gogué et Née de La Rochelle, 1784) ; Le Porte-Feuille des enfans (Paris, Gogué et Née de La Roclelle, Nyon, Chéreau, et Versailles, Blaizot, 1784-1786)

Il rédigea quelques catalogues de ventes, mais dès 1771, une association de fait s'établit avec son beau-fils, Née de La Rochelle, qui eut la plus grande part dans leur rédaction :

Catalogue des livres de la bibliothèque de la Maison Professe [aujourd'hui Lycée Charlemagne, IVe]des ci-devant soi-disans Jésuites (Paris, Pissot et Gogué, 1763, in-8, xx-[2]-448-59-[1 bl.] p., 7.252 lots).



Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. Sandras, avocat en Parlement, au nombre de dix mille volumes, la plupart rares & singuliers (Paris, Gogué, 1771, in-8, [2]-viij-248 p., 2.682 + 13 lots). Vente en la maison du défunt, rue de la Femme-sans-Tête, au coin du quai de Bourbon, île Saint Louis, à partir du 12 novembre 1771.

« Monsieur Sandras étoit un franc Picard qui, jouissant de quelque bien, et de la Métairie de Boitron, non loin de Paris, s'étoit retiré dans cette ville pour y contenter plus facilement son goût pour les livres. […]. M. Sandras étoit né vers le commencement de notre siècle, […] [le catalogue] de M. Sandras, que je fis en 1773, pour M. Gogué, mon beau-père, n'est qu'un extrait informe de cette bibliothèque, dont je ne connoissois pas tout le mérite ; car j'étois fort jeune alors, et très-novice en bibliographie. Mais je possède le catalogue manuscrit de cette bibliothèque en quatre volumes petit in-4°., avec une table formant un cinquième volume, le tout écrit de la main de M. Sandras ; et c'est par ce moyen que j'ai su combien il avoit été fin connoisseur. Il m'est aussi tombé dans les mains beaucoup de ses notes et papiers relatifs aux Ouvrages qu'il avoit possédés. Il y a long-temps que je choisis et mis à part quelques-unes de ces notes qui me parurent les meilleures ; mais les occupations sans cesse renaissantes de mon commerce, et des travaux plus particuliers que j'entrepris, m'empêchèrent pendant long-temps de m'en occuper. La Révolution françoise m'ayant fait penser à la retraite, je les reprends à la campagne où je vis ; et j'espère en offrir quelque jour les plus importantes au public, sous le titre de Sandrasiana. » [sic]
(J. Fr. N. D. L. R. « Avertissement au lecteur » In Les Fredaines du Diable. Paris, Merlin, 1797, An V, p. 5-18).

N. B.:Gatien de Courtilz de Sandras (Montargis, Loiret, 1644-Paris, 1712) n'a jamais été Picard, n'a jamais possédé de métairie à Boitron [Seine-et-Marne], n'est pas né au début du XVIIIesiècle, n'a pas laissé de catalogue manuscrit de sa bibliothèque et n'a jamais étéavocat en Parlement!

Notice des livres du cabinet de feu M. de Beauvillier, abbé & comte de Lagny (Paris, Gogué, 1773, in-8, 16 p.). Vente à partir du 15 octobre 1773, en sa maison rue Porte-Foin, au Marais.

Catalogue des livres de la bibliothèque de Monsieur de *** [Girard de Villars] (Paris, Gogué, 1773, in-8, viij-110 p., 1.533 lots). Vente en une maison sise rue de la Harpe, même maison du marchand « fayancier », du 22 novembre au 11 décembre 1773.

Quand Née de La Rochelle fut reçu libraire, le 31 décembre 1773, Gogué le prit comme associé de droit :

Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M***[Léopold-Charles de Choiseul, archevêque de Cambrai] (Paris, Gogué et Née de La Rochelle, 1775, in-8, [2]-72 p., 831 lots). Vente à partir du lundi 6 février 1775, enclos de l'Arsenal.

Notice des livres de feu M. de Mascrany, chevalier, comte de Château-Chinon(Paris, Gogué et Née de La Rochelle, 1775, in-8, 28 p.).

Notice des livres de la bibliothèque de feu M. l'abbé Dazy, docteur de Sorbonne, sous-doyen de l'église de Bayeux (Paris, Gogué et Née de La Rochelle, 1775, in-8, 20 p.). Vente le 28 août 1775.

Notice des livres du cabinet de feu M. Héron, contrôleur général des finances de Bretagne(Paris, Gogué et Née de La Rochelle, 1775, in-8, 15-[1] p.).

Notice des livres du cabinet de feu Monsieur Daguin de Launac, maitre des comptes(Paris, Gogué, 1775, in-8, 7 p.).



Catalogue des livres et estampes de la bibliothèque de feu Monsieur Perrot, maître des comptes; disposé dans un ordre différent de celui observé jusqu'à ce jour (Paris, Gogué et Née de La Rochelle, 1776, in-8, [1]-[1 bl.]-[2]-8-xxxij-382 p., 4.542 + 51 lots). Vente en la maison du défunt, rue et île Saint Louis, la première porte cochère au-dessus de la rue Regratière, en entrant du côté du Pont-Rouge, du lundi 22 janvier au vendredi 22 mars 1776, en 50 vacations.

Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. le duc de Saint-Aignan [Paul-Hippolyte de Beauvilliers (1684-1776)], l'un des quarante de l'Académie française & académicien honoraire de celle des Inscriptions & Belles-Lettres(Paris, Gogué et Née de La Rochelle, 1776, in-8, [2]-97-[1 bl.] p., 1.247 lots). Vente rue Sainte-Avoye, en l'hôtel de Beauvilliers, le mardi 7 mai 1776 et jours suivants.

Notice des principaux articles de la bibliothèque de feu M. Thierry, commissaire au Châtelet(Paris, Gogué et Née de la Rochelle, 1776, in-8, 14 p.). Vente les mercredi 18 et jeudi 19 décembre 1776, dans sa maison, quai d'Orléans, île Saint-Louis, près du pont de la Tournelle.

Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. Boullenois[Adrien Boullenois (1689-1778)], substitut de Monsieur le procureur général (Paris, Gogué et Née de La Rochelle, 1778, in-8, [2]-69 p.). Vente en la maison du défunt, rue d'Enfer, près la place Saint-Michel, du 9 au 17 mars 1778.

Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. Ollivier [Jacques-David Ollivier], receveur général des finances(Paris, Gogué et Née de La Rochelle, 1778, in-8, 42 p.). Vente du lundi 23 au 30 mars 1778, en sa maison place Vendôme, la première porte cochère à gauche en entrant par la rue Saint-Honoré.

Notice des livres de la bibliothèque de feu M. l'abbé de Saint-Point, abbé commendataire de S. Basle (Paris, Gogué et Née de La Rochelle, 1778, in-8, 16 p.). Vente le lundi 11 mai 1778 et jours suivants, dans une maison sise Cour des Princes, en l'abbaye Saint-Germain-des-Prés.

Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. Durand, ancien maitre des comptes(Paris, Gogué et Née de La Rochelle, 1778, in-8, 42 p.). Vente le lundi 3 août 1778 et jours suivants, en la maison du défunt, rue du Sentier, près le boulevard.

Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. Rotrou, avocat(Paris, Gogué et Née de La Rochelle, 1778, in-8, 43 p., 503 lots). Vente le mercredi 26 août 1778 et jours suivants.

Notice des livres,tableaux, estampes, et autres effets, provenans du cabinet de feu M. Taitbout[Julien Taitbout (1690-1779)] , greffier en chef de la ville(Paris, Gogué et Née de La Rochelle, 1780, in-8, 19-[1 bl.] p., 152 + 36 lots). Vente le jeudi 3 au samedi 5 février 1780, en 3 vacations, en la maison du défunt, place des Victoires, au coin de la rue des Fossés-Montmartre.

Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. l'abbé Maudoux[Louis-Nicolas Maudoux (1724-1778)], confesseur du Roi Louis XV(Paris, Gogué et Née de La Rochelle, in-8, 30 p.). Vente le jeudi 1er mars 1781 et jours suivants, en l'une des salles des Grands Augustins.

Catalogue de livres rares et singuliers, et des registres manuscrits du Parlement (Paris, Gogué et Née de La Rochelle, 1781, in-8, 4-99-[1 bl.] p., 792 + 7 + 7 lots). Vente à l'hôtel de Bullion, rue Plâtrière, du mardi 27 mars au mercredi 4 avril 1781, en 8 vacations.

Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. Pichault de La Martinière[Germain Pichault de La Martinière (1697-1783)], conseiller d'État, premier chirurgien du Roi (Paris, Gogué et Née de La Rochelle, 1784, in-8, [2]-43-[1] p., 528 lots). Vente du 1erau 6 avril 1784, en sa maison, rue de la Sourdière.

Catalogue des livres de la bibliothèque de M. G.... contenant près de 20,000 volumes, la plûpart[sic] bien conditionnés(Paris, Gogué et Née de La Rochelle, 1785, in-8, [2]-122 p., 5.940 lots). Vente du lundi 24 janvier au samedi 5 février 1785, chez les deux libraires, 13 quai des Augustins, près le pont Saint Michel.
Ce catalogue marqua la cession du fonds de la librairie de Gogué à Née de La Rochelle et la fin de leur association.

Catalogue des livres imprimés et manuscrits, de la bibliothèque de feu Monsieur d'Aguesseau [Jean-Baptiste-Paulin (1701-1784)], doyen du Conseil, commandeur des Ordres du Roi (Paris, Gogué et Née de La Rochelle, 1785, in-8, xxxvj-366 -80 p., 5.583 lots). Vente en l'hôtel du défunt, rue Saint-Dominique, faubourg Saint-Germain, près les Jacobins, du lundi 14 février au 2 mai 1785.

Catalogue des livres rares et singuliers du cabinet de feu M. l'abbé Aubry[Jean-Thomas Aubry (1714-1785)], curé de la paroisse S. Louis en l'Isle(Paris, Gogué et Née de La Rochelle, 1785, in-8, 4-92 p., 974 lots). L'abbé Aubry adopta une devise qui se voyait collée sur tous les livres de sa nombreuse bibliothèque, « Ite ad vendentes , et emite vobis » [Allez vers ceux qui en vendent, et achetez en pour vous-mêmes ]: fort charitable, il n'aura voulu que se soustraire à l'inexactitude, péché des emprunteurs de livres. Vente en la maison presbytérale du défunt, rue et près de l'église Saint-Louis-en-l'Île, du lundi 20 juin au samedi 2 juillet 1785, en 10 vacations.

Rue Saint-Antoine
par Carlo Bossoli (1815-1884)
Gogué mourut le 27 novembre 1786, à Paris, rue Saint-Antoine [IVe], sur la paroisse Saint-Paul [Saint-Paul-Saint-Louis]. Dans le cours de ses travaux, il avait entrepris de réunir toutes les pièces, livres ou documents pouvant intéresser sa profession, collection qu'il transmit à Née de La Rochelle, son successeur.


          Les Née de La Rochelle descendaient de Pierre Née, juge au XVIesiècle à Druyes-les-Belles-Fontaines [Yonne], en Bourgogne, village natal du capitaine Coignet (1776-1865). Ils s'étaient installés au XVIIesiècle à une douzaine de kilomètres au sud-est, à Clamecy [Nièvre], en Nivernais. Leurs études et leurs alliances les fixèrent à Paris au siècle suivant.
Jean-François Née de La Rochelle naquit à Paris le 9 novembre 1751. Il commença son apprentissage en 1765 chez Jean-Baptiste Gogué, son futur beau-père, et le poursuivit chez le voisin d'en face, Jean-Baptiste-Guillaume Musier.
S'occupant avec ardeur de bibliographie, il fut très tôt associé aux travaux de son beau-père et découvrit combien la bibliographie était encore éloignée de la perfection. Il tenta d' inaugurer, mais sans succès, un nouveau système de classification, dans le Catalogue des livres et estampes de la bibliothèque de feu Monsieur Perrot (Paris, Gogué et Née de La Rochelle, 1776) :

« Ce n'a pas été sans quelque peine que nous avons mis en ordre le Catalogue d'une Bibliothéque de vingt & un mille volumes, mais plus nous y avons éprouvé de difficultés, plus nous avons senti croître en nous le desir de le faire de maniere à satifaire les Connoisseurs & notre inclination particuliere. Les préjugés littéraires sur l'arrangement des Catalogues, n'ont pas été les moindres écueils sur lesquels notre patience auroit échouée, si nous n'avions enfin pris le parti de secouer le joug auquel nous nous étions soumis d'abord. Nous pouvons assurer que ce n'a point été pour nous distinguer de nos Confreres, que nous avons entrepris de réformer le Systême dont ils se sont servis pendant plus de soixante ans avec une patience méritoire ; & s'ils n'ont pas fait connoître le dégoût qu'ils ont dû ressentir d'associer des Classes, des Divisions, des Sciences & des Arts qui n'avoient souvent ensemble que des rapports très-éloignés ; pourra-t-on trouver mauvais que nous ayons été moins scrupuleux qu'eux à l'égard d'un Systême dont ils ne sont même pas les Auteurs ? Nous les respectons comme nos premiers Maîtres, & comme les Créateurs de la Science Bibliographique ; mais nous nous sommes néanmoins permis de publier des idées qui, loin de pouvoir nuire à la Société, à la Religion & aux Mœurs, ne doivent leur existence qu'à notre envie d'être utiles au Public & de concourir à la perfection de notre Art ; trop heureux si nos foibles efforts peuvent y contribuer en quelque chose. » [sic] (« Avertissement », p. ij-iij)

Il devint libraire de la Grande-Prévôté de Paris en 1779 et succéda à son beau-père en 1786, au même endroit : « rue du Hurepoix, près du Pont Saint-Michel, n°. 13 ».


Il publia, comme auteur ou éditeur, un grand nombre d'ouvrages : Vie d'Étienne Dolet, imprimeur à Lyon dans le seizième siècle; avec une Notice des libraires & imprimeurs auteurs que l'on a pu découvrir jusqu'à ce jour(Paris, Gogué et Née de La Rochelle, 1779) ; Bibliographie instructive; tome dixième, contenant une Table destinée à faciliter les recherches des livres anonymes qui ont été annoncés par M. De Bure le Jeune dans sa Bibliographie instructive[…]. Précédée d'un Discours sur la science bibliographique & sur les devoirs du bibliographe(Paris, Gogué et Née de La Rochelle, 1782) ; Clarisse Harlove[sic], drame en trois actes et en prose(Paris, Imprimerie de Monsieur, Née de La Rochelle, 1786) ; Œuvres complettes de M. Marmontel, historiographe de France (Paris, Née de La Rochelle, 1787-1788, 17 vol. in-12) ; Voyage en Barbarie, ou Lettres écrites de l'ancienne Numidie pendant les années 1785 & 1786 (Paris, J. B. F. [sic] Née de La Rochelle, 1789, 2 vol.), par l'abbé Poiret ; Essai sur l'histoire naturelle du Chili(Paris, Née de La Rochelle, 1789), par l'abbé Molina ; 

Histoire des naufrages (t. III, p. 194)
Histoire des naufrages, ou Recueil des relations les plus intéressantes des naufrages (Paris, Née de La Rochelle, 1788-1789, 3 vol.), par M. D... A... [Deperthes] ;

Il rédigea aussi plusieurs catalogues importants :

Catalogue des livres, tableaux et estampes de feu M. le président de La Briffe[Pierre-Arnaud de la Briffe (1739-1788)] (Paris, Delalain l'aîné & fils, et Née de La Rochelle, in-8, [3]-16-191-[1] p.). Vente en son hôtel [détruit en 1828], quai des Théatins [3 quai Voltaire, VIIe], le lundi 18 août 1788 et suivants.

Catalogue de la bibliothèque de feu M. Baron [Hyacinthe-Théodore Baron (1707-1787)], premier médecin des camps & armées du Roi en Italie & en Allemagne, ancien doyen de la Faculté de médecine de Paris (Paris, Née de La Rochelle, 1788, in-8, [2]-xx-339-[1 bl.]-142 p., 6.506 lots). Vente en sa maison, rue Culture Sainte-Catherine, vis-à-vis le jardin de l'hôtel de Lamoignon.

Catalogue des livres choisis et bien conditionnés du cabinet de M *** [Pierre-Antoine-François Dincourt d’Hangard (1743-1811)](Paris, Née de La Rochelle et Belin Junior, 1789, in-8, ix-11 [chiffrées 10-20]-270-[2] p., 2.499 lots). Vente en l'hôtel Bullion, à partir du lundi 9 mars 1789.

Catalogue de livres hébreux, syriaques, arabes, latins et en tous genres provenant de la bibliothèque de M. de Boissy [Louis-Michel de Boissy (1725-1793)] (Paris, Née de La Rochelle, 1792, 79 p.).

Catalogue des livres de feu M. L'Héritier, membre du Collège & de l'Académie de chirurgie (Paris, Née de La Rochelle, 1792, in-8, [1]-[1 bl.]-56 p., 839 lots). Vente du lundi 11 au mardi 19 juin 1792, en 8 vacations, en sa maison, 36 rue du Roule.

Catalogue de la bibliothèque de feu M. Louis [Antoine Louis (1723-1792)], secrétaire perpétuel de l'Académie de chirurgie (Paris, Née de La Rochelle, 1793, 162 p.). Vente dans une salle du Collège de chirurgie, rue des Cordeliers, à partir du lundi 7 janvier 1793.

Ayant conçu des craintes devant les avancées de la Révolution, Née de La Rochelle se retira dans le Nivernais, après avoir cédé, au mois de juin 1793, le fonds de sa librairie à son beau-frère, Jacques-Simon Merlin.

G. Touchard-Lafosse. La Loire historique pittoresque et biographique 
(Tours, Lecesne, 1851, t. III, p. 80)
Il fut nommé vers 1802 juge de paix du canton de La Charité-sur-Loire [Nièvre]. Son épouse, Marie-Madeleine Foy, mourut à La Charité-sur-Loire, le 21 septembre 1814, âgée de 58 ans. Il se démit de sa place en 1828 pour s'occuper de la rédaction de ses nombreux manuscrits, en particulier : Les Fredaines du Diable (Paris, Merlin, 1797, An V), Le Guide de l'histoire, à l'usage de la jeunesse (Paris, Bidault, an XI-1803, 3 vol. in-8), 

Eloge historique de Jean Gensfleisch dit Guttenberg 
Frontispice

Éloge historique de Jean Gensfleisch dit Guttenberg [sic](Paris, D. Colas, 1811) et Recherches historiques et critiques sur l'établissement de l'art typographique en Espagne et en Portugal(Paris, Merlin père et fils, 1830). Il fit réimprimer, avec des corrections et des additions, les Mémoires pour servir à l'histoire du Nivernais et du Donziois(Paris, Moreau, 1747, in-12), par Jean-Baptiste Née de La Rochelle (Clamecy, 8 mars 1692-24 décembre 1772), son grand-père, sous le titre nouveau de Mémoires pour servir à l'histoire civile, politique et littéraire, à la géographie et à la statistique du département de la Nièvre, et des petites contrées qui en dépendent (Bourges, J. B. C. Souchois et Paris, J. S. Merlin, 1827, 3 vol. in-8).
Née de La Rochelle n'avait pas négligé d'enrichir la collection de documents professionnels de son beau-père.

Jean-François Née de La Rochelle décéda le 16 février 1838, à son domicile, 10 quai Neuf [quai Foch], à La Charité-sur-Loire, laissant de nombreux ouvrages manuscrits. Il possédait une bibliothèque nombreuse et choisie, dont le catalogue fut publié, précédé d'une notice sur sa vie et ses ouvrages, par Romain Merlin, son neveu : 


Catalogue des livres composant la bibliothèque de feu M. Née de La Rochelle, ancien libraire, auteur de plusieurs ouvrages d'histoire, de bibliographie (Paris, R. Merlin, 1839, in-8, [4]-XII-212 p., 2.452 lots). Elle fut vendue à la Maison Silvestre, du lundi 14 janvier au mercredi 6 février 1839, en 20 vacations.


          Fils de Jacques-Remacle Merlin, maître en chirurgie demeurant à Château-Porcien [Ardennes], Jacques Simon Merlin naquit le 4 janvier 1765, fit ses études au Collège de Reims, puis fut reçu avocat. Après plusieurs années de cléricature à Paris, la Révolution modifia ses projets. 



Il se retira alors à Montfort-l'Amaury [Yvelines], où il exerça les fonctions d'avoué auprès du Tribunal du district, avant d'être nommé procureur de la commune ; il y demeura, rue de la Minotte, jusqu'à son départ, pour des raisons politiques.

De retour à Paris, il acquit en 1793 le fonds de commerce de son beau-frère, bien que ne sachant pas distinguer les formats des livres. Avec le fonds, Merlin reprit la collection de documents sur la profession, commencée par Gogué. 

Plan de X. Girard (1830)

Grâce à son aptitude et son ardeur pour le travail, il devint en peu d'années le digne successeur de Née de La Rochelle, au 13 rue du Hurepoix, puis au 29 quai des Augustins, enfin au 7 quai des Augustins, à partir de 1818.
Outre la vente des livres nouveaux, le libraire faisait les prisées, catalogues et ventes de bibliothèques, les souscriptions aux journaux ; son fonds de librairie ancienne était composé de plus de 20.000 volumes reliés neufs et de hasard, dans les différentes langues et dans toutes les classes.
Propriétaire des Œuvres de Marmontel, suivant la cession à lui faite par actes des 26 mars 1786 et 20 septembre 1793, Merlin intenta un procès pour contrefaçon aux libraires Barba, Dufart et Garnery en 1798, et aux libraires Silvestre, Rigot et Ponthieu en 1799, qui furent condamnés à plusieurs milliers de francs de dommages-intérêts, avec confiscation des exemplaires.
Merlin a publié, en 1831, un Mémoire sur procès pour repousser une demande de dommages-intérêts intentée contre lui par Charles Motteley (1778-1850), sous prétexte d'une prétendue perte causée par la révolution de 1830 à la suite d'un délai apporté à une vente.

Il dressa, en société avec son fils, plus de 200 catalogues :
Catalogue de la bibliothèque de feu M. By [Guillaume-Charles By (1747-1809)], membre des ci-devant Collège et Académie de chirurgie (Paris, Merlin, décembre 1809, in-8, xv-[1 bl.]-211-[1 bl.] p., 2.079 lots). Vente du 15 janvier au 8 février 1810.


Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. Maloët [Pierre-Marie Maloët (1730-18110)], docteur-régent de la ci-devant Faculté de médecine de Paris, et médecin-consultant de Sa Majesté impériale et royale (Paris, Mérigot et Merlin, 1810, in-8, [1]-[1 bl.]-64 p., 1.009 lots).

Catalogue des livres imprimés et manuscrits composant le restant de la librairie ancienne de J. G. Mérigot[Jean-Gabriel Mérigot (1738-1818)] (Paris, J. G. Mérigot et Merlin, [1811], in-8, [4]-236 p., 3.220 lots), tiré à 525 exemplaires. Vente du 4 au 11 juin 1811.

Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. Duval(d'Alençon) [Henri-Auguste Duval (1777-1814)], docteur en médecine de la Faculté de Paris (Paris, Gabon et J.-S. Merlin, 1814, in-8, [2]-55-[1] p., 857 lots). Vente du mardi 27 décembre 1814 au samedi 7 janvier 1815, en 9 vacations, 33 rue des Noyers.

Catalogue des livres composant la bibliothèque de feu M. le comte Lagrange[Giuseppe Lagrange (1736-1813)], sénateur, membre de l'Institut de France et du Bureau des Longitudes(Paris, J.-S. Merlin, 1815, in-8, [2]-IV-62 p.). Vente à partir du lundi 1ermai 1815, en la salle basse, 30 rue des Bons-Enfants.

Notice de bons livres provenant de la bibliothèque de M. de Ch***[François-René de Chateaubriand (1768-1848)] (Paris, J.-S. Merlin, 1817, in-8, 21-[1] p.). Vente à partir du lundi 28 avril 1817 à la Maison Silvestre.
Catalogue des livres de la bibliothèque de M. B. P. [Blanchon et Philippe-Laurent Pons (1759-1844)] (Paris, J.-S. Merlin, 1817, in-8).

Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. P.-L. Ginguené[Pierre-Louis Ginguené (1748-1816), domicilié 19 rue du Cherche-Midi], membre de l’Institut royal de France (Paris, Merlin, 1817, in-8, xxiv-352 p., 2.686 + 1.675 + 10 lots). Vente du 2 mars au 9 avril 1818.

Catalogue des livres et manuscrits de la bibliothèque de feu M. Moreau de Saint-Méry [Médéric-Louis-Élie Moreau de Saint-Méry (1750-1819)], ancien administrateur général des états de Parme (Paris, Merlin, novembre 1819, in-8, [2]-viij-109-[1 bl.] p., 1.320 lots). Vente du 15 au 30 décembre 1819.
Catalogue des livres composant la bibliothèque de feu M. Edme-Bonaventure Courtois [1754-1816](Paris, J.-S. Merlin, 1819, in-8, xij-444 p., 3.723 articles). Cette bibliothèque fut dispersée en 35 vacations du 3 janvier au 12 février 1820, rue Dauphine n° 20, près le Pont-Neuf.

Catalogue des livres composant la bibliothèque de feu M. M.-J. Hurtault[Maximilien-Joseph Hurtault (1765-1824)], architecte du Roi(Paris, J.-S. Merlin, 1824, in-8, [6]-14-[2]-166 p., dont un portrait en frontispice, 1.349 lots). Vente du 12 au 31 janvier 1825.

Catalogue des livres imprimés et manuscrits, composant la bibliothèque de feu M. Louis-Mathieu Langlès [1763-1824] (Paris, J.-S. Merlin, 1825, in-8, [4]-xviij-558-[2]-lxxxix-[1 bl.] p., 4.364 lots). Vente du 24 mars au 30 mai 1825.
Catalogue des livres la plupart rares et précieux, et tous de la plus belle condition, faisant partie de la bibliothèque de M. le marquis de CH*** [Hippolyte de Châteaugiron (1774-1848)] (Paris, J.-S. Merlin, 1827, in-8, [4]-iv-360 p., 2.754 lots). Vente du 2 avril au 10 mai 1827.


Catalogue d’une partie de livres rares, singuliers et précieux dépendant de la bibliothèque de M. Charles Nodier [1780-1844], homme de lettres (Paris, J.-S. Merlin, 1827, in-8, [2]-ij-58-[2] p., 399 lots). Vente du 6 au 9 juin 1827.

Catalogue de livres, la plupart sur les beaux-arts et sur la littérature italienne, provenans de la bibliothèque de feu M. Morel d'Arleux [Louis-Marie-Joseph Morel d'Arleux (1755-1827)], conservateur des dessins et de la calcographie du Musée royal, et Notice d'antiquités (Paris, J.-S. Merlin et L.-J.-J. Dubois, 1828, in-8, [2]-84 p., 792 + 46 lots). Vente au domicile du défunt, 10 rue Bertin-Poirée, du mardi 29 janvier au jeudi 7 février 1828, en 9 vacations, pour les livres, et le vendredi 8 février 1828 pour les antiquités.

Catalogue des livres imprimés et manuscrits, composant la bibliothèque de feu M. L.-M.-J. Duriez (de Lille) [Louis-Marie-Joseph Duriez (1753-1825)], membre de la Société des Bibliophiles français (Paris, J.-S. Merlin, 1827, in-8, x-530-[2] p., 5.245 lots). Vente du 22 janvier au 1er avril 1828.
Catalogue d’une collection d’éditions elzeviriennes et d’autres bons livres dépendans [sic] de la bibliothèque de M. A.-A. R. [Antoine-Augustin Renouard (1765-1853)] (Paris, J.-S. Merlin, 1829, in-8, viij-332 [i.e. 132] p., 1.397 lots). Vente du 26 janvier au 10 février 1829.
Catalogue des livres, la plupart rares et précieux, et de la plus belle condition, et d’une suite de grands ouvrages à figures, composant la bibliothèque de M. *** [Gilbert de Chabrol de Volvic (1773-1843)] (Paris, J.-S. Merlin, 1829, in-8, viij-192 p., 1.963 lots). Vente du 9 mars au 3 avril 1829.

Catalogue des livres composant la bibliothèque de M. B***** [Auguste-Simon-Louis Bérard (1783-1859)], membre de la Société des Bibliophiles français (Paris, J.-S.Merlin, 1829, in-8, vij-[1 bl.]-234 p., 2.197 lots). Vente du 7 mai au 4 juin 1829.


Catalogue des livres curieux, rares et précieux, plusieurs sur peau de vélin, et sur papier de Chine, uniques avec dessins originaux, tous de la plus belle condition, composant la bibliothèque de M. Ch. Nodier [Charles Nodier (1780-1844)], homme de lettres (Paris, J.-S. Merlin, 1829, in-8, IV-130-[2] p., 917 lots). Vente du 28 janvier au 8 février 1830.

Catalogue des livres imprimés et manuscrits composant la bibliothèque de feu M. le comte Daru [Pierre Bruno, comte Daru (1767-1829)], pair de France (Paris, J.-S. Merlin, 1830, in-8, [4]-173-[3] p., 1.709 lots). Vente du 24 février au 17 mars 1830.

Catalogue des livres, la plupart sur les arts et à figures, composant la bibliothèque de feu M. Louis Le Masson [1743-1829], ingénieur en chef des ponts-et-chaussées (Paris, J.-S. Merlin, 1830, in-8). Vente à partir du 22 mars 1830, en sa demeure, 14 rue du Regard.

Catalogue de livres grecs, latins, arabes, espagnols, etc., beaucoup en éditions des xve et xvie siècles […] composant la bibliothèque de feu M. L. J. Gohier [Louis-Jérôme Gohier (1746-1830)], ancien membre du Directoire exécutif(Paris, J.-S.Merlin, 1831, in-8, [4]-256-[4] p., 2.508 lots). Vente du 14 mars au 19 avril 1831.

Catalogue des livres imprimés et manuscrits et des autographes, composant le cabinet de feu M. de Bruyères Chalabre [Jean-Marthe-Félicité de Bruyères (1785-1832), marquis de Chalabre](Paris, J.-S. Merlin, 1833, in-8, [2]-4-136 p., 920 lots de livres et 570 lots d’autographes). Vente du 6 au 25 mai 1833. C'est Merlin qui le premier, dans ce catalogue, a classé méthodiquement les autographes. Il y eut un supplément à ce catalogue, sous le titre de Notice de livres et d’autographes dépendans du cabinet de feu M. de Bruyères-Chalabre (Paris, J.-S. Merlin, 1833, in-8, [2]-9-[1 bl.] p., 35 lots d’imprimés et 87 lots d’autographes), dont la vente se déroula les 31 mai et 1er juin 1833.

Catalogue des livres, imprimés et manuscrits, composant la bibliothèque de feu M. J.-P. Abel-Rémusat [Jean-Pierre Abel-Rémusat (1788-1832)], professeur de langue et de littérature chinoise et tartare mandchoue au Collège royal de France (Paris, J.-S. Merlin, 1833, in-8, [4]-4-196 p., 1.682 lots ). Vente du 27 mai au 15 juin 1833.

Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. le baron N.-D. Marchant [Nicolas-Damas Marchant (1767-1833)](Paris, Merlin, 1834, in-8, [4]-84 p., 850 lots). Vente du 26 février au 7 mars 1834.

Vente de livres, la plupart rares et d’une belle condition[Bourdillon Jean-Louis (1782-1856)] (Paris, Merlin, 1834, in-8, 18 p., 171 lots). Vente les 26 et 27 janvier 1835.

Le soin et la conscience que Merlin apportait dans ses travaux bibliographiques se firent également remarquer dans les publications qui portent son nom comme éditeur : Satires de Juvénal, traduites par J. Dusaulx (Paris, Merlin, An XI-1803, 2 vol. in-8), une des éditions qui ont commencé la réputation de l'imprimerie de Crapelet ; Dictionnaire universel de botanique(Paris, Merlin, An XIII-1804, 3 vol. in-8), par J.-C. Philibert ; Histoire du règne de Philippe II, roi d'Espagne(Paris, J. S. Merlin, 1809, 4 vol. in-8), par Watson ; Collection des romans grecs traduits en français (Paris, J. S. Merlin, 1822 et suivantes, 15 vol. in-16) ; Recherches sur le culte de Bacchus(Paris, J. S. Merlin, 1824, 3 vol. in-8), par P. N. Rolle ; Mœurs, institutions et cérémonies des peuples de l'Inde (Paris, Imprimerie royale et J. S. Merlin, 1825, 2 vol. in-8), par l'abbé J. A. Dubois ; Histoire numismatique de la Révolution française(Paris, J. S. Merlin, 1826, 2 vol. in-4), par M. H..... [Hennin] ; Manuel de numismatique ancienne (Paris, Merlin, 1830, 2 vol. in-8), par M. Hennin.

Jacques-Simon Merlin mourut le 28 janvier 1835. Son fils continua la librairie, 7 quai des Augustins.

          Né à Montfort-l'Amaury, rue de la Minotte, le 13 mars 1793, Romain Merlin fit de fortes études et fut lauréat du concours général. Il semblait plutôt destiné à la carrière des lettres. Tout en secondant son père dans sa librairie et dans ses ventes publiques, il trouvait du temps pour cultiver les lettres grecques et publia la traduction des Aventures d'amour de Parthénius, et choix des narrations de Conon(Paris, J. S. Merlin, 1822), dans la « Collection des romans grecs » dont son père était l'éditeur. Il rédigea seul plus de 80 catalogues de bibliothèques, parmi lesquels ceux des bibliothèques de Klaproth, de Poncelet et de Silvestre de Sacy :

Catalogue des livres composant la bibliothèque de feu M. Arnault[Antoine-Vincent Arnault (1766-1834)], secrétaire perpétuel de l’Académie française(Paris, Merlin, 1835, in-8, [2]-51-[1] p., 791 lots). Vente du 22 au 30 avril 1835.

Catalogue des livres composant la bibliothèque de feu M. A. de Canazar [pseudonyme de Guglielmo de Libri (1803-1869)], collection remarquable (Paris, Merlin, 1835, in-8, X-127-[1] p., 1.496 lots). Vente du 9 au 26 décembre 1835.

Catalogue de bons livres de théologie, sciences et arts, belles-lettres et histoire, de la bibliothèque de feu M. l’Abbé Le Gris(Paris, Merlin, 1836, in-8, VI-29-[1] p., 374 lots). Vente du 24 au 27 février 1836.

Catalogue des livres la plupart richement reliés par Bozérian, Thouvenin, Simier, Purgold, Bibolet, Carroll, Doll, etc., composant la bibliothèque de M. Fauconnier(Paris, Merlin, 1836, in-8, [3]-[1 bl.]-[4]-187 [i.e. 143]-[1] p., 1.641 lots). Vente du 8 au 26 avril 1836.

Catalogue des livres imprimés et manuscrits, grecs, hébreux, arabes, persans et turcs, composant la bibliothèque de feu M. Caussin de Perceval [Jean-Jacques-Antoine Caussin de Perceval (1759-1835)], ancien garde des manuscrits de la Bibliothèque du Roi (Paris, Merlin, 1836, in-8, [6]-188 p., 2.258 lots). Vente du 19 avril au 18 mai 1836.

Catalogue des livres composant la bibliothèque de M. le docteur Gottl. Hulsmann. (Paris, Merlin, 1837, in-8, [8]-192 p., 2.544 + 127 lots). Vente du 27 novembre au 26 décembre 1837.

Catalogue des livres relatifs pour la plupart aux sciences et aux arts, composant la bibliothèque de feu M. Dufresne de N*** (Paris, Merlin, 1838, in-8, [2]-60-[2] p., 785 lots). Vente du 6 au 13 novembre 1838.



Catalogue des livres imprimés, des manuscrits et des ouvrages chinois, tartares, japonais, etc., composant la bibliothèque de feu M. Klaproth [Jules Klaproth (1783-1835)] (Paris, R. Merlin, 1839, in-8, XII-308-[2] et XII-80 p., 1.937 + 293 lots). Vente du lundi 16 mars au mercredi 15 avril 1840, en 25 vacations, rue des Bons-Enfants.

Catalogue des livres d'histoire naturelle et principalement d'entomologie composant la bibliothèque de feu M. Victor Audouin [1797-1841],membre de l'Académie des sciences (Paris, Merlin, 1842, in-8, [4]-171-[1 bl] p., 2.250 lots). Vente du mardi 10 au mercredi 25 mai 1842, en 14 vacations, au Jardin des plantes, bâtiment de l'ancienne bibliothèque.


Bibliothèque de M. le baron Silvestre de Sacy [Antoine-Isaac Silvestre de Sacy (1758-1838)], pair de France (Paris, Imprimerie royale, 1842-1847, 3 vol. in-8, 12-LXIV-434-[2], [3]-[1 bl.]-XXIII-[1 bl.]-414-[2] et [3]-[1 bl.]-XXXI-[1 bl.]-471-[1] p., 1.795 + 2.115 [chiffrés 1.796-3.910] + 2.112 [chiffrés 3.911-6.022] = 6.022 lots). Vente au domicile du défunt, 10 rue Hautefeuille, du mardi 18 avril au mardi 9 mai 1843 en 18 vacations, du lundi 6 au mercredi 29 avril 1846 en 18 vacations et du lundi 15 novembre au samedi 4 décembre 1847 en 18 vacations.
Le catalogue des manuscrits a été rédigé par Jean-Baptiste-André Grangeret de Lagrange (1790-1859), orientaliste, conservateur-adjoint à la Bibliothèque de l'Arsenal : Bibliothèque de M. le baron Silvestrede Sacy, pair de France (Paris, Imprimerie royale, 1842, in-8, [1]-[1 bl.]-[3]-[1 bl.]-63-[1 bl.] p., 364 lots).
Dans une longue note, Merlin s'insurge, avec humour, contre la confiscation de son système bibliographique par J. F. M. Albert dans ses Recherches sur les principes fondamentaux de la classification bibliographique (Paris, chez l'auteur, 1847) :

« Je n'attache pas à mon système une importance exagérée, et pour peu que cela soit agréable à M. Albert, j'admettrai avec lui qu'il ne s'est pas inspiré de mes idées, et qu'il est parvenu aux mêmes résultats que moi, par ses propres réflexions ; en résumé, ce que j'ai fait en 1840, un autre le pouvait faire en 1847 ; mais je crois que, s'il avait apporté dans l'examen des catalogues que j'ai publiés depuis sept ans cet esprit d'analyse dont il a donné des preuves dans sa brochure, il ne prendrait pas aujourd'hui un brevet d'invention pour l'application d'un principe qui fait depuis si longtemps la base de la classification de tous mes catalogues. » (Bibliothèque de M. le baron Silvestrede Sacy. Paris, Imprimerie royale,1847,t. III, p. XX-XXIV)

Catalogue des livres rares et curieux, composant la bibliothèque de feu M. Decroix (de Lille) (Paris, R. Merlin, 1843, in-8, xij-212 p., 2.447 lots). Vente à la Maison Silvestre, du mardi 21 mars au mercredi 12 avril 1843, en 20 vacations.


Catalogue des livres composant la bibliothèque de feu M. F. Fréd. Poncelet [François-Frédéric Poncelet (1790-1843)], […], avocat à la Cour royale (Paris, J. F. Delion, 1844, in-8, XIX-[1 bl.]-430 p., 3.222 lots). Vente du lundi 3 juin au samedi 6 juillet 1844, en 30 vacations, à l'Ėcole de droit, 2 bis rue Soufflot.

Romain Merlin avait l'amour des livres, mais aucun goût pour le négoce. En 1843, il céda la librairie à Jean-François Delion (1807-1868), élève de Merlin père et commis sous Merlin fils, et devint conservateur du Dépôt de la librairie et sous-bibliothécaire au ministère de l'Intérieur. En 1852, il fut nommé conservateur des souscriptions au ministère d'Ėtat, et fut décoré de la Légion d'honneur en 1855.
Il publia des Réflexions impartiales sur le catalogue des livres imprimés de la Bibliothèque royale (Paris, Imprimerie de Mme Ve Bouchard-Huzard, 1847), rédigea la Table systématique du Journal de la librairie pour 1848 et le rapport sur les travaux concernant la calligraphie, la gravure, la reliure, la reliure des registres, les industries auxiliaires de la reliure et les cartes à jouer, dans Exposition universelle de 1855 - Rapports du jury mixte international (Paris, Imprimerie impériale, 1856, t. II, p. 599-656).
En 1863, grâce à la libéralité de Pierre-Paul Didier (1800-1865), libraire membre du Cercle, et Eugène Roulhac († 1869), marchand de papier et président du Cercle de la librairie, la collection de pièces, livres et documents intéressant la librairie, l'imprimerie et la papeterie sont devenus la propriété du Cercle de la librairie : 66 pièces rares relatives à la papeterie, 28 pièces concernant la librairie, 135 pièces dans un recueil « Règlement pour la librairie et l'imprimerie » et 107 volumes.



Peu de temps avant sa mort, Merlin publia un ouvrage considérable sur l'Origine des cartes à jouer, recherches nouvelles sur les naïbis, les tarots, et sur les autres espèces de cartes, avec un album de soixante-quatorze planches offrant plus de 600 sujets (Paris, chez l'auteur, 1869).
Célibataire, Romain Merlin décéda à Paris, en son domicile, 46 rue des Écoles [Ve], le 4 février 1871. Sa collection de cartes à jouer fut confiée au Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale. Ses collections de livres et de lettres autographes firent l'objet de deux ventes :

Catalogue de la belle collection de lettres autographes composant le cabinet de feu M. R. Merlin (Paris, Charavay, 1871, in-8, 19 p., 158 lots). Vente rue des Bons-Enfants le 31 octobre 1871.

Catalogue des livres et manuscrits, gravures, dessins originaux, cuivres gravés, livres en nombre, composant la bibliothèque de feu M. R. Merlin, ancien libraire, chef de bureau au ministère d'Ėtat (Paris, Labitte, 1871, in-8, 38 p., 354 lots). Vente du 12 au 14 octobre 1871.






Charpentier, sa bibliothèque, ses amis romantiques et naturalistes (1838-1896)

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Descendant d'une famille de magistrats picards, Gervais-Hélène Charpentier est né le 2 juillet 1805, à Paris, rue des Poules [rue Laromiguière, Ve]. Il était destiné à suivre la carrière des armes. 

Voltigeur de la Garde impériale
Son père, Pierre Charpentier, parent du général Henri-François-Marie Charpentier (1769-1831), dont le nom figure sur le pilier sud de l'arc de triomphe de l'Étoile, était lieutenant du 2erégiment de voltigeurs de la Garde impériale : il mourut prématurément à la suite de ses blessures. Sa mère, Adélaïde Cailleux (Paris, 17 septembre 1850), fut privée, à la Restauration, de l'emploi qu'elle tenait de sa qualité de veuve d'un officier de l'armée impériale.
Après sa sortie de l'école primaire à 14 ans, Gervais Charpentier fut donc empêché de poursuivre ses études et entra comme apprenti chez un tapissier. Mais les fardeaux qu'on lui faisait porter étant trop lourds pour son jeune âge, il se plaça comme garçon de salle chez un marchand de vin.

Ayant le goût des livres, il entra en 1821, comme commis, chez Jacques-Frédéric Lecointe et Étienne Durey, libraires, 49 quai des Augustins [VIe], éditeurs de la célèbre collection in-18 des « Résumés de l'histoire de tous les peuples » : ses appointements de 30 francs par mois lui permettaient de ne pas mourir de faim.

Hoffbauer. Paris à travers les âges. Paris, Firmin-Didot et Cie, 1885.
En 1823, le « prince des éditeurs », Pierre-François Ladvocat (1791-1854), libraire au Palais-Royal, galerie de bois, n° 195, lui offrit une condition meilleure et les occasions de rencontrer l'élite des écrivains de l'époque. Maurice Dreyfous se trompe, quand il écrit « il entra comme petit commis, chez le célèbre éditeur Renduel. » (Ce qu'il me reste à dire. Paris, Paul Ollendorff, 1913, p. 191) : Eugène Renduel (1798-1874) ne s'est installé qu'en 1828, 22 rue des Grands-Augustins [VIe].

Ladvocat, dit « Camille » [L'Illustration, 14 août 1852, N° 494-Vol. XX, p. 101] et « Charles » [Edmond Werdet. De la librairie française. Paris, E. Dentu, 1860, p. 233], était né à Caudebec-en-Caux [Seine-Maritime], d'un père architecte et entrepreneur au Havre [Seine-Maritime]. Il s'était installé à Paris dès 1813 et y avait épousé, en 1817, Constance-Sophie Aubé, divorcée de Jacques Courtois, propriétaire d'un cabinet de lecture au Palais-Royal. En avance sur son temps, Ladvocat lançait ses publications au moyen d'affiches. Il avait reçu, en 1822, le titre de libraire du duc de Chartres et était devenu le libraire à la mode.
En 1824, des difficultés financières amenèrent Ladvocat à s'associer avec Augustin-Pierre Dufey, bailleur de fonds ; ils se séparèrent en 1828, après de mauvaises spéculations.

Commis-voyageur de Ladvocat, Charpentier quitta son patron, qui l'avait abandonné à Lyon alors qu'il était tombé gravement malade. En 1828, Charles Mary, libraire-commissionnaire 69 rue et passage Saint-Antoine [IVe], céda à Rousselle et Charpentier son cabinet de lecture, situé à l'angle de la rue Saint-Antoine et du passage du Petit-Saint-Antoine : ce dernier reliait la rue du Roi-de-Sicile à la partie ouest de la rue Saint-Antoine [rue François Miron] et fut détruit à l'ouverture de la rue de Rivoli en 1856. Tout l'avoir des deux associés, en dehors des volumes in-8 reliés ou cartonnés, se limitait à des rayons de sapin, un poêle de faïence et ses tuyaux, une lampe Carcel et trois quinquets [lampes à huile]. Au printemps de 1829, on pouvait y souscrire aux premières livraisons du Panorama historique ancien et moderne, ou Collection de portraits des personnages célèbres de l'histoire, avec des notices rédigées par une société de gens de lettres.

« Un jour il [Charpentier] vit arriver un client fort jeune et qui paraissait très pauvre, et, comme lui-même ne l'était guère moins, on causa. Entre gens de même âge et de même indigence on se met facilement en confiance. Ce lecteur assidu ne fut pas long à confesser qu'il ne savait guère comment il pourrait payer le loyer de son garni. Il se trouvait justement quelques sous dans la caisse du cabinet de lecture, et le patron, pris de pitié pour son client, lui conseilla de se mettre dans ses meubles, puis, à cet effet, il lui offrit de lui payer un lit, un matelas, une table et deux chaises.
L'offre fut acceptée sans autre condition que celle de rembourser le plus tôt possible la somme avancée.
Celui auquel Charpentier procurait ainsi son premier lit et sa première chaise était un pauvre Savoyard venu à Paris pour y faire fortune. Il vivotait très misérablement des menus travaux d'imprimerie qu'il pouvait rencontrer de-ci de-là, mais il avait le sentiment de sa haute valeur et l'ambition des plus hautes destinées. Il n'avait point tort assurément, ce jeune homme. Il s'appelait Buloz [François Buloz (1803-1877), cofondateur de la Revue des deux mondes en 1829]. » (Maurice Dreyfous. Ce qu'il me reste à dire. Paris, Paul Ollendorff, 1913, p. 191-192)

Le 6 décembre 1829, Charpentier acquit la maison de détail de Ladvocat, mais la quitta en 1833 pour devenir exclusivement éditeur. Domicilié d'abord 4 rue Montesquieu [Ier], voisin du Bazar, en 1833-1834, puis 31 rue de Seine [VIe], de 1834 à 1837, il déménagea 6 rue des Beaux-Arts [VIe] en 1837.

Ses premières publications furent des éditions de cabinet de lecture : André Chénier. Poésies posthumes et inédites (Paris, Eugène Renduel et Charpentier, 1833, 2 vol. in-8) ; Atelier d'un peintre. Scènes de la vie privée (Paris, Charpentier et Dumont, 1833, 2 vol. in-8), par Madame Desbordes Valmore ; Angèle, drame en cinq actes (Paris, Charpentier, 1834, in-8), par Alexandre Dumas ; Œuvres complètes de Alex. Dumas (Paris, Charpentier, 1834-1836, 6 vol. in-8) ; Mémoires d'un officier d'état-major (Paris, Charpentier, 1835), par le baron Barchou de Penhoën ; Les Derniers Bretons(Paris, Charpentier, 1836, 4 vol. in-8), par Émile Souvestre ; Souvenirs et mémoires de Madame la comtesse Merlin (Paris, Charpentier, 1836, 4 vol. in-8) ; Le Salon de Lady Betty (Paris, Charpentier, 1836), par Madame Desbordes-Valmore ; Œuvres complètes de Lord Byron (Paris, Charpentier, 1836-1837, 4 vol. in-8), traduction nouvelle par Benjamin Laroche.

Àcette époque, la librairie française, dite « de nouveautés », voyait ses ventes à l'étranger sans cesse diminuer ; les romans français à 7 francs 50 centimes le volume mal imprimé, aux interlignes exagérées, aux pages presque blanches, n'étaient lus à l'étranger que dans les contrefaçons bruxelloises de Adolphe Wahlen, imprimeur-libraire de la Cour, 22 rue des Sables, et de Louis Hauman et Compagnie, libraires.
Soucieux de concurrencer les cabinets de lecture et d'enrayer la contrefaçon belge, Charpentier eut l'idée de publier des romans d'un format très maniable, d'une présentation compacte, ce qui lui permettait de réduire les coûts et d'offrir des ouvrages bon marché : le fameux in-18 Jésus à 3 francs 50 centimes allait révolutionner l'édition. L'in-18 Jésus remplaça l'in-12 raisin : tous deux, pliés et brochés, avaient les mêmes dimensions [18,5 x 11,5 cm.] et furent appelés « format Charpentier ».




Le 6 août 1838 paraissait le premier volume de la « Bibliothèque Charpentier » : Physiologie du gout [sic], ou Méditations de gastronomie transcendante. Ouvrage théorique, historique et à l'ordre du jour, dédié aux gastronomes parisiens, par un professeur, membre de plusieurs sociétés savantes(Paris, Charpentier, 1838), par Brillat-Savarin.



Ce volume fut suivi de la Physiologie du mariage ou Méditations de philosophie éclectique(Paris, Charpentier, 1838), par H. de Balzac, et en 1839, toujours au 6 rue des Beaux-Arts : Œuvres complètes du comte Xavier de Maistre ; La Peau de chagrin, par H. de Balzac ; Le Médecin de campagne, par H. de Balzac ; Le Père Goriot, par H. de Balzac ; Le Lys dans la vallée, par H. de Balzac ; Delphine, par Madame de Stael ; Corinne, ou l'Italie, par Madame de Stael ; De l'Allemagne, par Madame de Stael ; Manon Lescaut, par l'abbé Prévost ; Théâtre de Goethe, traduction nouvelle par X. Marmier ; Adolphe, par Benjamin Constant.



Charpentier fit exécuter sa collection par Maximilien Béthune et Henri Plon, imprimeurs 36 rue de Vaugirard [VIe]. La célèbre couverture jaune, à encadrement de feuilles d'acanthe, fut imprimée par Lacrampe et Compagnie, imprimeurs 2 rue Damiette [IIe].
Le nouveau format fut si bien apprécié qu'il fut rapidement adopté en 1840 par Charles Gosselin (1793-1859), 9 rue Saint-Germain-des-Prés [VIe], pour sa « Bibliothèque d'élite », collection à 3 francs et 50 centimes, et par Henri-Louis Delloye (1787-1846), 13 place de la Bourse [IIe], pour sa « Bibliothèque choisie », dont chaque volume ne coûtait que 1 franc et 75 centimes.

G.-H. Charpentier.
Le Livre. Bibliographie rétrospective
(Paris, Quantin, IXe année, 1888, p. 234)
Après avoir déménagé 29 rue de Seine [VIe], Charpentier épousa, le 24 septembre 1840, à Paris, Aspasie-Justine Générelly, née à Lyon le 26 octobre 1819. Les Charpentier déménagèrent ensuite 17 rue de Lille [VIIe] en 1845, dans un immeuble construit en 1700, puis, non loin de là, 39 rue de l'Université [VIIe] en 1854, dans un immeuble construit en 1830. Entre-temps, ils eurent un fils, mais sur le soupçon d'avoir été trompé et de ne pas en être le père, Charpentier se sépara de corps et de biens de sa femme, le 19 juillet 1855. Il déménagea l'année suivante 40 rue Bonaparte [VIe], puis en 1857, 28 quai de l'École, devenu quai du Louvre [Ier] en 1868.

En l'espace de 30 ans, 2.000 volumes ont paru dans la « Bibliothèque Charpentier ».
Àcôté d'ouvrages qui sont restés dans la collection, tels que les œuvres de Nodier, Mérimée, Théophile Gautier, Alfred de Musset, Auguste Barbier, Sainte-Beuve, Madame de Stael, Benjamin Constant, Aimé Martin, Émile Saisset, Saint-Marc Girardin, Édouard Laboulaye, Sandeau, Lanfrey, Mezières, d'autres ont figuré dans cette collection et, après y avoir reçu le baptême du succès, ont été enrichir d'autres collections. Telles sont les œuvres de Balzac, Victor Hugo, George Sand, Alfred de Vigny, Casimir Delavigne, Béranger, Henri Monnier, Madame de Girardin, de Barante, Guizot, Capefigue, Stendhal, Hégesippe Moreau, Edgar Quinet, Vitet, Victor Cousin, Buchez, Arsène Houssaye, Saintine.
Àcôté de la littérature moderne, la littérature française des XVe, XVIe, XVIIe et XVIIIesiècles, les classiques français, grecs ou latins, et les œuvres les plus estimées de la littérature étrangère, sont venus prendre place dans la « Bibliothèque Charpentier ». Les éditions des classiques français, annotées par Charles Louandre (1812-1882), ont eu dans le même format plusieurs imitateurs.
Aucune œuvre n'a obtenu un succès aussi grand que les Œuvres de Alfred de Musset. 

"Don Paez" (t. I, p. 9)
Gravure par Balin, d'après le dessin de Bida.

Charpentier en multiplia les éditions dans des formats variés, dont l'édition de bibliothèque, en 10 volumes in-8 cavalier vélin, ornée du portrait de Musset, gravé par François Flameng, d'après l'original de Charles Landelle, et de 28 dessins de Alexandre Bida, gravés sur acier par les premiers artistes (Paris, Charpentier, 1866), et une édition de poche, en 10 volumes in-32 Jésus, ornée du portrait de Musset, d'après l'original de Landelle, et de 28 dessins de Bida, réduits et reproduits par la photographie (Paris, Charpentier, 1867).

Charpentier était bon commerçant mais n'admettait pas les combinaisons d'affaires où chacun n'était pas normalement rétribué, ce qui ne permettait pas de réaliser des fortunes au détriment des auteurs à succès. Il n'eut donc jamais une grosse fortune, et son caractère irascible était probablement lié au fait de voir des auteurs de sa collection attirés par des confrères plus habiles.

Le 28 novembre 1855, Charpentier écrivit au directeur du Journal de la librairie :

« Le dernier numéro du Journal de la librairie donne les noms des libraires éditeurs de Paris auxquels le jury de l'Exposition a décerné une médaille de bronze et parmi ces noms j'y trouve le mien. Je suis dès lors obligé de recourir à la même publicité pour déclarer que je refuse cette distinction et pour en dire les motifs.
Quelque flatteuse qu'elle soit, je la trouve au-dessus ou au-dessous de mes travaux depuis dix-huit ans comme éditeur.
Si le jury a voulu, par cette médaille, reconnaître la bonne exécution matérielle de mes publications, il a été trop indulgent, car cette fabrication n'est pas supérieure à celle des publications de beaucoup de mes confrères qui n'ont pas même été nommés, entre autres de M. Chaix, dont le simple livret des chemins de fer est à mon avis un petit chef-d'oeuvre de bonne entente, d'ordre, de clarté, d'exécution typographique, eu égard à son prix.
Que si, au contraire, l'intention du jury a été de récompenser l'ensemble de mes travaux dans leur généralité, leur caractère large et élevé, la création d'un format nouveau, à la fois commode, élégant, portatif et à l'application que j'en ai faite pour la composition d'une vraie bibliothèque, réunissant ou pouvant réunir toutes les productions de l'esprit humain dans leur immense variété, établissant ainsi entre elles le lien puissant de l'unité, chaque ouvrage communiquant sa force aux autres et recevant la leur et dont l'ensemble est de nature à augmenter le goût des bons livres et d'élever le niveau des intelligences ;
A ces avantages que le public a reconnus depuis dix-huit ans par ses suffrages et qui ont été si appréciés que le format, auquel le public a donné mon nom, a été adopté partout où l'on imprime des livres, si l'on ajoute celui du bon marché en se reportant à l'époque où j'ai commencé et qui m'a permis de porter le premier aux contrefacteurs étrangers le coup qui a grandement contribué à les faire déchoir insensiblement, jusqu'au moment des traités pour la garantie de la propriété littéraire leur industrie de contrebande était à peu près éteinte ;
Si l'on ajoute, à ce que je viens de dire, les soins constants que j'ai apportés dans la composition de la Bibliothèque Charpentier, les nombreux travaux d'érudition, de recherches historiques, littéraires et autres que j'ai provoqués, inspirés, dirigés même quelquefois, auxquels j'ai aussi quelquefois un peu participé ; les traductions nouvelles que j'ai fait exécuter par les personnes les plus capables qui, souvent, n'y songeaient guère, de plus de cent ouvrages étrangers et des meilleurs, j'ose le dire, des littératures ancienne et moderne, traductions qui ont fait connaître en France l'esprit des littératures étrangères ;
Si c'est tout cela, je le répète, que le jury de l'Exposition a cru récompenser par une médaille de bronze, on m'excusera de croire qu'il a été trop économe à mon égard et que je n'ai peut-être pas tort de refuser son cadeau. »
(Louis de Hessem [i.e. Auguste Lavalle]. « Le Cinquantenaire de la Bibliothèque Charpentier (1838-6 Août-1888) » In Le Livre-Bibliographie rétrospective. Paris, Quantin, 1888, Neuvième année, p. 249)

L'entreprise de Charpentier ne tarda pas à s'affaiblir, à cause de la guerre de Crimée [1854-1855], qui avait gelé les exportations vers la Russie, et à cause de la concurrence de Hachette et de Michel Lévy.



De novembre 1858 à octobre 1860, Charpentier publia Le Magasin de librairie, qui eut un succès médiocre, malgré sa transformation en Revue nationale et étrangère, politique, scientifique et littéraire. Charpentier y fit paraître des articles signés de son nom ou de son pseudonyme « Georges Bernard ».
Charpentier a encore écrit diverses notices littéraires et des mémoires se rattachant à la profession d'éditeur, dont Du monopole de MM. Hachette et Cie pour la vente des livres dans les gares de chemin de fer (Paris, Charpentier, 1861), où il s'oppose au monopole de Hachette sur les bibliothèques de gares, et De la prétendue propriété littéraire et artistique (Paris, Charpentier, 1862), où il refuse la perpétuité du droit d'auteur.

Les fréquentations mondaines de son fils, surnommé « Zizi » à cause de son zézaiement, déplaisaient à Charpentier, au point qu'il s'était associé avec son vieil employé Alphonse-Alexandre Toussaint (né à Paris, le 3 janvier 1826) et qu'il désigna, dans son testament de 1870, Charles-Edmond Villetard (1828-1889), mari de sa nièce Aline-Lucie Charpentier, pour gérer son fonds de librairie après sa mort, n'assurant à son fils qu'une rente annuelle de 3.000 francs à partir de sa quarantième année.

Gervais Charpentier mourut brusquement le 14 juillet 1871, en son domicile du 28 quai du Louvre. Il fut inhumé au cimetière de Montparnasse.
Après négociations, sa succession fut liquidée le 15 avril 1872 : les Villetard se désistèrent et les divers légataires furent indemnisés ; son épouse, qui habitait alors Versailles [Yvelines], conserva la propriété des murs de la librairie et de l'immeuble du 28 quai du Louvre, dont elle percevrait les loyers ; son fils reçut le fonds de commerce, la marchandise et les contrats.

               À la mort du fondateur de la maison Charpentier, son fils, Georges-Auguste Charpentier, qui était né à Paris, 17 rue de Lille, le 22 décembre 1846, quitta le journalisme pour lui succéder. Il avait été attaché par son père à la rédaction de la Revue nationale et étrangère, puis avait collaboré au Gaulois et au Paris-Journal, tous deux fondés par le journaliste Henri de Pène (1830-1888), et au Journal des débats. Il avait épousé, le 24 août 1871, Marguerite-Louise Lemonnier, fille d'un joaillier de la place Vendôme [Ier], née le 1ermars 1848.

Georges Charpentier

D'abord associé pour cinq ans avec son ami Maximilien-Maurice Dreyfous (1843-1924), qui fondera ensuite sa propre maison d'édition, Georges Charpentier voulut transformer l'entreprise paternelle en une maison d'avant-garde et changer les rapports entre l'éditeur et les auteurs.
C'est ainsi qu'il alla trouver Émile Zola (1840-1902), sans éditeur depuis la faillite d'Albert Lacroix (1834-1903), l'éditeur des exilés politiques et des républicains, pour lui proposer un nouveau contrat, après le rachat à Lacroix des droits de rééditer les deux premiers volumes de Les Rougon-Macquart. Il fit de même avec Gustave Flaubert (1821-1880), qui qualifia sa démarche, inhabituelle à l'époque, de « Procédé inouï de la part de ses pareils ».

En 1875, la librairie et le domicile déménagea dans des locaux plus grands, 13 rue de Grenelle-Saint-Germain [rue de Grenelle, VIIe].

En quelques années, les grandes œuvres de l'époque entrèrent au catalogue de Georges Charpentier : 

Maison de Zola, à Médan

celles d'Émile Zola, qui devint son ami intime et le parrain de son fils Paul-Émile-Charles, né à Neuilly-sur-Seine [Hauts-de-Seine], le 10 juillet 1875 ; 



Cabinet de travail de Flaubert, à Croisset.
Dessin de Caroline Commanville.
Catalogue Drouot, 18-19 novembre 1931.
de Gustave Flaubert, qui le recevait à Croisset [hameau de Canteleu, Seine-Maritime, détruit] et qui fut le parrain de son fils Marcel-Gustave, né à Paris [Ier], le 7 janvier 1874, et décédé à Paris [VIIe], le 15 avril 1876 ; 

Maison des Goncourt
67 boulevard de Montmorency (Paris XVIe)

d'Edmond de Goncourt (1822-1896), en deuil de son frère Jules depuis 1870, qui l'accueillait à Auteuil [Paris XVIe] dans son « Grenier » et qui fut le parrain de sa fille Jane-Blanche-Edmée, née à Paris [VIIe], le 11 janvier 1880 ; 

Maison de Daudet, à Champrosay

d'Alphonse Daudet (1840-1897), qui l'invitait à Champrosay [commune de Draveil, Essonne].

Il se déclara l'éditeur de l'école naturaliste dont Zola s'était fait le théoricien, et dont le recueil intitulé Les Soirées de Médan constitua le manifeste. 





Exemplaire n° 3, des 10 sur papier de Chine, de Madame Zola.
Envoi autographe signé par les auteurs.
Reliure de Pougetoux, relieur de Huysmans.
Paris, Sotheby's, 29 novembre 2007 : 96.250 €

Ce recueil collectif de six nouvelles, qui fut publié en avril 1880 par Georges Charpentier, est animé par l'antimilitarisme et a pour sujet la guerre de 1870 : L'Attaque du moulin par Émile Zola, Boule de suif par Guy de Maupassant (1850-1893), Sac au dos par Joris-Karl Huysmans (1848-1907), La Saignée par Henry Céard (1851-1924), qui faisait ici ses débuts, L'Affaire du grand 7par Léon Hennique (1851-1935), entré depuis peu comme lecteur à la librairie Charpentier, et Après la bataille par Paul Alexis (1847-1901). 

Les Charpentier chez les Zola, à Médan
Ces amis étaient reçus par Zola dans sa maison d'été de Médan [Yvelines], qui y avait fait construire pour son éditeur une annexe dite le « Pavillon Charpentier ».
À la collection des romans, Charpentier joignit celles d'historiens, de critiques, d'auteurs dramatiques, d'épistoliers, de poètes et de philosophes.

Georges Charpentier

Georges Charpentier fut aussi le mécène des artistes impressionnistes, notamment d'Auguste Renoir (1841-1919), lequel fit le portrait de Madame Charpentier, qui est au Louvre, et celui de Georgette-Berthe Charpentier, née à Neuilly-sur-Seine le 30 juillet 1872, sur une chaise, qui appartient à une collection privée new-yorkaise. 

De gauche à droite : Georgette, Paul et Madame Charpentier
Le peintre triompha au Salon de 1879 avec Madame Charpentier et ses deux premiers enfants, qui est au Metropolitan Museum of Art de New York.



Cette même année 1879, sur une idée du journaliste Émile Bergerat (1845-1923), Georges Charpentier créa un journal illustré hebdomadaire, littéraire et artistique, intitulé La Vie moderne, qu'il revendit en 1883.

Pendant ce temps, quand elle ne s'occupait pas de diverses œuvres sociales, Madame Charpentier tenait salon quai du Louvre, puis rue de Grenelle-Saint-Germain, et recevait, outre les auteurs de la maison et les artistes, les hommes politiques les plus en vue du moment tels que Jules Ferry, Georges Clemenceau ou Léon Gambetta.

Villa "Le Paradou", à Royan

En 1886, Georges Charpentier fit construire à Royan [Charente-Maritime] une villa baptisée « Le Paradou », en souvenir de l'un des lieux du roman de Zola intitulé La Faute de l'abbé Mouret. Il y passa ses vacances jusqu'en 1893, entouré de ses amis des arts et des lettres. Cette villa fut scandaleusement rasée une nuit de novembre 1978.
Sa mère mourut le 10 juin 1887, chez elle, 9 rue de Grenelle. 




En 1896, ses deux fils étant décédés, Georges Charpentier céda sa librairie à Eugène Fasquelle (1863-1952), qui était devenu son secrétaire en 1886, puis son associé en 1890.

Librairie Marpon et Flammarion, sous les arcades de l'Odéon (Paris VIe)
Fasquelle avait épousé à Paris [IXe], le 24 octobre 1887, Jeanne-Léonie-Marie Marpon, fille de l'éditeur Charles Marpon (1838-1890), associé de Jules-Ernest Flammarion (1846-1936) depuis 1875.  
Fidèle aux traditions de la maison, Fasquelle conserva la célèbre couverture jaune de la Bibliothèque Charpentier, ainsi que l'amitié de Zola.

À la mort de sa femme, le 30 novembre 1904, Georges Charpentier quitta son domicile du 3 avenue du Bois de Boulogne [avenue Foch, XVIe] pour s'installer chez sa fille Jane, 48 avenue Victor Hugo [XVIe]. Il y mourut brutalement et prématurément le 15 novembre 1905.

« Dans la soirée d'avant-hier, il avait pris gaiement congé de quelques amis, et paraissait en excellente santé. En se réveillant hier, il se sentit vaguement indisposé ; il se plaignait d'un peu d'oppression. Un médecin fut appelé ; quand il arriva, Georges Charpentier ne respirait plus qu'avec peine. Il essaya de se soulever sur son lit, et retomba mort dans les bras du médecin. Une crise d'angine de poitrine l'avait tué, sans souffrance, en quelques minutes. Il avait cinquante-neuf ans. » (Em. B. « Georges Charpentier ». In Le Figaro, jeudi 16 novembre 1905, p. 2)

Les obsèques eurent lieu au cimetière Montparnasse.









Les Bibliophiles sont en deuil

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L'écrivain et philosophe italien Umberto Eco, auteur du célèbre roman Le Nom de la rose, est décédé à l'âge de 84 ans, hier vers 21 h. 30, à son domicile. L'écrivain, qui vivait à Milan, souffrait d'un cancer depuis longtemps.
Né à Alexandrie, le 5 janvier 1932, il a étudié la philosophie à l'Université de Turin et consacré sa thèse au Problème esthétique chez Thomas d'Aquin.
Première édition (1980)
Alors qu'il approchait de la cinquantaine, il réussit un coup de maître avec son premier roman publié en 1980 : Le Nom de la roses'est vendu à plusieurs millions d'exemplaires et a été traduit en 43 langues. Il a été adapté au cinéma en 1986 par le Français Jean-Jacques Annaud, avec Sean Connery dans le rôle du frère Guillaume de Baskerville, l'ex-inquisiteur chargé d'enquêter sur la mort suspecte d'un moine, dans une abbaye du nord de l'Italie.



Umberto Eco et d'autres grands noms de la littérature italienne avaient décidé, en novembre dernier, de quitter leur maison d'édition historique Bompiani, récemment rachetée par le groupe Mondadori [propriété de la famille Berlusconi], pour en rejoindre une nouvelle et indépendante baptisée « La nave di Teseo » [Le bateau de Thésée, le mythique roi d'Athènes].
Umberto Eco était titulaire de la chaire de sémiotique et directeur de l'Ecole supérieure des sciences humaines à l'Université de Bologne, membre de l'Académie américaine des arts et lettres et de l'Académie royale de Belgique.

https://www.facebook.com/stefano.crupi.54/videos/448609792015847/


Auguste Sautelet (1800-1830), éditeur du premier livre de peintre

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D'une famille normande originaire d'Amfréville-la-Campagne [Eure], sur le plateau du Neubourg, Philibert-Auguste Sautelet est né à Lancié [Rhône], le 6 pluviose An VIII [26 janvier 1800], de Marie-Antoinette Carrichon et de Nicolas-Balthazar Sautelet (1776-1842). Ce dernier ira s'établir à Cologne [Allemagne], où, professeur de langues et membre correspondant de l'Académie royale des sciences, belles-lettres et arts de Rouen depuis 1833, il termina sa carrière.

Sautelet et Balzac au collège de Vendôme
Auguste Sautelet fut le condisciple de Honoré de Balzac (1799-1850) au collège de Vendôme [Loir-et-Cher, Hôtel de Ville depuis 1982], dirigé par les Oratoriens et fort célèbre à cette époque. Ils se retrouvèrent, à la fin de 1814, à Paris, à la pension du royaliste Jacques-François Lepître (1764-1821), 9 rue Saint-Louis [37 rue de Turenne, IIIe], comme élèves au lycée Charlemagne [IVe], puis à la Faculté de droit.

Étudiant, Sautelet suivit les cours de philosophie de Théodore Jouffroy (1796-1842), au collège Bourbon [lycée Condorcet, IXe], puis d'histoire de la philosophie moderne de Victor Cousin (1792-1867), à la Sorbonne. En 1821, il participa à une réunion qui se tint dans un café de la rue Copeau [rue Lacépède, Ve], au coin de la rue de la Clef, chez un étudiant en médecine nommé Philippe Buchez (1796-1865), pour la fondation de la Charbonnerie, société française de carbonarisme.

Il fut un moment avocat d'affaires, ce qui ne l'empêcha pas de se mêler au monde de la littérature et du journalisme. Il fréquenta Étienne-Jean Delécluze (1781-1863), critique d'art, qui écrira dans son Journal :

« Sautelet, le libraire, l'un de mes amis, est un très drôle de corps. Depuis qu'il a ouvert son commerce, il se sert avec beaucoup d'adresse de ses amis, qui sont presque tous dans les lettres, pour achalander sa boutique et y faire vendre tout ce qui paraît de nouveau, tout ce qui peut flatter le goût et les idées à la mode. C'est lui qui a publié le Théâtre de Clara Gazul, les pamphlets de Courier, etc. Il fait très bien son état de libraire et de plus, est répandu dans toutes les sociétés de Paris. »

Dans cette maison habitèrent le peintre et critique d'art E. J. Delécluze
et le littérateur E. N. Viollet le Duc, père du célèbre architecte,
autour desquels se réunissaient P. L. Courier, Stendhal, Mérimée
et d'autres écrivains du groupe romantique libéral
Il rencontra, dans le « grenier » [ 4eétage] du 1 rue Chabanais [IIe], au coin de la rue Neuve-des-Petits-Champs, ceux que Delécluze rassembla à partir de 1820, parmi lesquels se trouvaient de nombreux avocats de formation : Friedrich-Albert-Alexander Stapfer (1802-1892), traducteur de Faust ; Jean-Jacques Ampère (1800-1864), épris d'Ossian ; Édouard Monod (1798-1887), enthousiaste de Byron.
Ce premier groupe, constitué d'élèves de Cousin, grossit jusqu'en 1823 : le pamphlétaire Paul-Louis Courier (1772-1825), le baron Adolphe de Mareste (1784-1867), ami de Stendhal, Stendhal (1783-1842), l'avocat saint-simonien Antoine Cerclet (1797-1849), le journaliste Prosper Duvergier de Hauranne (1798-1881), le professeur Ludovic Vitet (1802-1873), Emmanuel-Louis-Nicolas Viollet-le-Duc (1781-1857), père du célèbre architecte et beau-frère de Delécluze.
Viendront compléter le groupe en 1824 et 1825 : Charles de Rémusat (1797-1875), Paul-François Dubois (1793-1874), le directeur du Globe, Prosper Mérimée (1803-1870), le naturaliste Victor Jacquemont (1801-1832), le botaniste Adrien de Jussieu (1797-1853), l'historien François-Auguste Mignet (1796-1884), Joseph-Victor Aubernon (1783-1851), l'helléniste Henri Patin (1793-1876), Hygin-Auguste Cavé (1796-1852) et Adolphe Dittmer (1795-1846), qui écriront LesSoirées de Neuilly (Paris, Moutardier, 1827), Théodore Leclercq (1777-1851), le comte Agénor de Gasparin (1810-1871) et son beau-frère Achille de Daunant (1786-1867).

En 1825, Sautelet reprit le brevet de Jacques-Charles Brunet (1780-1867), le 22 mars, puis s'associa avec Jean-Baptiste-Alexandre Paulin (1796-1859), le 28 avril, pour fonder un commerce de librairie 

Restaurant Champeaux, 13 place de la Bourse
et d'édition, place de la Bourse [IIe], à l'angle de la rue Vivienne et de la rue Feydeau.



Il débuta par les Œuvres complètes de Molière. Édition revue sur les textes originaux, précédée de l'éloge de Molière par Chamfort et de sa vie par Voltaire, et ornée de culs-de-lampe gravés par nos meilleurs artistes (Paris, Ambroise Dupont et Roret, A. Sautelet et Comp., Verdière, 1825, gr. in-8), édition compacte, en très petits caractères elzéviriens de Jules Didot, publiée en 5 livraisons, formant le premier volume d'une collection de Classiques.
Dès 1818, le libraire Théodore Desoer, 2 rue Christine [VIe], avait donné le prototype des éditions compactes, une édition des Essais de Montaigne, avec glossaire et table analytique, en un seul volume in-8 de près de 500 pages, imprimé par Armand Fain, place de l'Odéon [VIe], en petits caractères, sur deux colonnes. Ces éditions compactes, qui n'étaient pas faites pour être lues, mais consultées, n'ont pas enrichi la librairie.
Sautelet édita ensuite une centaine d'ouvrages, fut l'éditeur du Producteur, le dépositaire du Globe et le gérant du National.

1825



Œuvres complètes de Molière, avec des notices historiques et littéraires, précédées de sa vie par Voltaire et de son éloge par Chamfort (Paris, Sautelet, 1825-1826, 6 vol. in-8 à 2 col.). Les notices ne sont composées que de fragments, empruntés, sans réserve, aux éditions de Petitot, Auger et Taschereau.



Sept discours prononcés dans le Parlement britannique, par divers membres du ministère anglais, pendant la session de 1825 (Paris, Delaforest et Sautelet, mai 1825, in-8). Traduits de l'anglais.



Nouveau christianisme, dialogues entre un conservateur et un novateur (Paris, Bossange père et A. Sautelet et Cie, 1825, in-8), par Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon.



Œuvres complètes de Voltaire (Paris, A. Sautelet et C°, Verdière, Ambroise Dupont et C°, Rapilly, Furne, 1825-1827, 3 vol. in-8 à 2 col.).



Théatre [sic] de Clara Gazul, comédienne espagnole (Paris, A. Sautelet et Cie, 1825), par Mérimée. On trouve dans quelques exemplaires un portrait de Clara Gazul qui n'est autre que celui de Merimée habillé en femme.



Code des émigrés [Seconde édition] (Paris, Bossange père, Ponthieu, Mongie, Sautelet et Compagnie, Béchet, 1825, in-8), par P. L. Le Caron, avocat.



Pèlerinages d'un Childe-Harold parisien, aux environs de la capitale, en Lorraine, en Alsace, à Lyon et en Suisse, extraits du portefeuille de M. D.-J.-C. Verfèle [Denis-Joseph-Claude Lefèvre] (Paris, Ambroise Dupont et Cie, A. Sautelet et Cie, 1825, 2 vol. in-8). Child Harold's pilgrimage (London, John Murray, 1812)est un poème de lord Byron, qui fait partie des œuvres majeures du Romantisme.



Comptabilité rurale ou Méthode abrégée et facile pour régir des biens en parties-doubles (Paris, Carpentier-Méricourt, Sautelet et Renard, 1825, in-4), par Cyrille de La Tasse, receveur des contributions directes de l'arrondissement de perception de Claye, près Paris.



Œuvres dramatiques de J. W. Goethe, traduites de l'allemand ; précédées d'une notice biographique et littéraire sur Goethe(Paris, A. Sautelet et Cie, 1825, 4 vol. in-8).



Journal hebdomadaire des arts et métiers […] de l'Angleterre (Paris, Charpenay et Sautelet et Ce, 1825, puis J. Degousée, Sautelet et Cie, Aimé-André, 1826, in-8).



L'Industrie et la Morale considérées dans leurs rapports avec la liberté par Charles-Barthélemy Dunoyer, ancien rédacteur du Censeur européen (Paris, A. Sautelet et Cie, 1825, in-8).



Traité de la typographie, par Henri Fournier, imprimeur (Paris, Imprimerie de H. Fournier, 1825). Au verso du faux-titre :
« SE TROUVE CHEZ
L'AUTEUR, RUE DE SEINE F. S.-G., N° 14 ;
SAUTELET ET CIE, LIBRAIRE, PLACE DE LA BOURSE. »



Histoire de la peinture en Italie, par M. de Stendhal. Seconde édition(Paris, Sautelet et CIE[sic], 1825, 2 vol. in-8). Cette deuxième édition est fictive. Stendhal essaya de vendre le stock de la première, encore presque intact, en changeant seulement la page de titre et une note de la préface.



Chefs-d'œuvre de Thomas Corneille, précédés de son éloge historique par De Boze (Paris, Sautelet, 1825).



L'Iliade d'Homère. Traduction nouvelle par M. Dugas-Montbel (Paris, Sautelet et Compagnie, 1825, 2 vol. in-8).



L'Odyssée d'Homère, traduction nouvelle par M. Dugas-Montbel (Paris, Sautelet et Compagnie, 1825, 2 vol. in-8).



Le Producteur, journal [philosophique, à partir du tome 3] de l'industrie, des sciences et des beaux-arts (Paris, Sautelet et Cie, 1825-1826, 3 vol. in-8).

1826



Œuvres complètes de J. J. Rousseau, citoyen de Genève (Paris, Verdière, A. Sautelet et C°, A. Dupont et Roret, 1826, gr. in-8 de 1.708 p. à 2 col.).




Œuvres complètes de La Fontaine ornées de trente vignettes dessinées par Devéria et gravées par Thompson (Paris, A. Sautelet et Cie, 1826, gr. in-8 à 2 col.). Imprimerie de Rignoux, rue des Francs-Bourgeois-S.-Michel. Au verso du faux-titre : « H. BALZAC, ÉDITEUR-PROPRIÉTAIRE, RUE DES MARAIS-S.-GERMAIN, N° 17. » Avec une « Notice sur la vie de La Fontaine » par H. Balzac. Balzac se rendit à Alençon les 17 et 18 avril 1825 pour signer un traité avec le graveur et libraire Pierre-François Godard (1797-1864) ; le contrat sera signé le 17 avril, mais, pour une raison qu'on ignore, il ne sera pas exécuté ; en définitive, la gravure sera confiée au célèbre Thompson. Il y a 6 exemplaires du texte sur papier de Chine : on ne connait que ceux de Pixerécourt, de San Donato et de Balzac, relié par Thouvenin en demi-veau fauve, dos à nerfs, avec les initiales « H. B. »



Chefs-d'œuvre de Pierre Corneille, avec les examens de Voltaire et de La Harpe, précédés de sa vie par Fontenelle, et de son éloge par Gaillard (Paris, Sautelet, 1826, 4 vol. in-8).




Œuvres complètes de Beaumarchais, précédées d'une notice sur sa vie et ses ouvrages par La Harpe (Paris, Furne, A. Sautelet et Cie, 1826, 6 vol. in-8).



Physiologie du goût[sic], ou Méditations de gastronomie transcendante (Paris, A. Sautelet et Cie, 1826, 2 vol. in-8), par Jean-Anthelme Brillat-Savarin.

Fragmens [sic] philosophiques, par Victor Cousin (Paris, A. Sautelet et Compagnie, 1826, in-8).



La Revue américaine, journal mensuel (Paris, A. Sautelet et Cie, Malher et Cie, 1826-1827, 3 vol. in-8).


Proverbes dramatiques, par M. Théodore Leclercq (Paris, A. Sautelet et Cie, 1826-1828, t. IV-VI, 3 vol. in-8).



Le Catholique, ouvrage périodique dans lequel on traite de l'universalité des connaissances humaines sous le point de vue de l'unité de doctrine; publié sous la direction de M. le baron d'Eckstein (Paris, A. Sautelet et Cie, 1826-1828, 10 vol. in-8).



Histoire de Hainaut, par Jacques de Guyse (Paris, A. Sautelet et Cie, et Bruxelles, Arnold Lacrosse, 1826-1829, 7 vol. in-8, véritablement 8 volumes, le 5e volume étant subdivisé en deux). Les volumes 8 à 15 ont été publiés par Paulin, Paris, et Lacrosse, Bruxelles, 1830-1833.

Ivanhoe. Vignette de titre, t. XXXV

Œuvres complètes de sir Walter Scott (Paris, Charles Gosselin, A. Sautelet et C°, 1826-1833, 84 vol. in-18). 84 vignettes de titre, 1 carte générale d'Écosse en couleurs, 29 cartes et 88 vignettes hors-texte. Les tomes 81 à 84 portent la date de 1833. Sautelet fit connaître Walter Scott en France.

1827



Vie de Napoléon Buonaparte, empereur des Français, précédée d'un tableau préliminaire de la Révolution française, par sir Walter Scott (Paris, Charles Gosselin, Treuttel et Wurtz, A. Sautelet et Cie, 1827, 18 vol. in-18).



Histoire de la Garde nationale de Paris, depuis l'époque de sa fondation jusqu'à l'ordonnance du 29 avril 1827 (Paris, A. Sautelet et Cie, 1827, in-8), par Ch. Comte, auteur du Censeur européen.




Histoire de la contre-révolution en Angleterre, sous Charles II et Jacques II (Paris, A. Sautelet, 1827, in-8), par Armand Carrel.



Manuel du juré, ou Exposition des principes de la législation criminelle,dans ses rapports avec les fonctions de juré (Paris, A. Sautelet et Compagnie, 1827, in-8), par Victor Guichard et J.-J. Dubochet, avocats à la Cour royale de Paris.


Manipulations chimiques, par Faraday, professeur de chimie à l'Institut royal de Londres (Paris, A. Sautelet et Cie, 1827, 2 vol. in-8), traduit de l'anglais par Maiseau.



Traité de législation(Paris, A. Sautelet et Cie, 1827, 4 vol. in-8), par Charles Comte, avocat à la Cour royale de Paris.


Histoire de New-York, depuis le commencement du monde jusqu'à la fin de la dominationhollandaise (Paris, A. Sautelet et Cie, 1827, 2 vol. in-8), par Diedrick Knickerbocker [pseudonyme de Washington Irving], auteur du Sketch Book.


Histoire du soulèvement des Pays-Bas sous Philippe II, roi d'Espagne(Paris, A. Sautelet et Cie, 1827, 2 vol. in-8), par le marquis de Chateaugiron, membre du conseil-général du département de la Seine.


Procès de la relation historique des obsèques de M. Manuel (Paris, Sautelet, 1827, in-8). Les obsèques de Jacques-Antoine Manuel (1775-1827), député de la gauche, furent l'occasion d'une grande manifestation populaire.


Mémoires sur la cour d'Élisabeth, reine d'Angleterre, par Lucy Aikin (Paris, A. Sautelet et Cie, Charles-Béchet, 1827, 3 vol. in-8).


Lettres sur les élections anglaises, et sur la situation de l'Irlande(Paris, Sautelet, 1827, in-8), par Prosper Duvergier de Hauranne.


Lettre de la girafe au pacha d'Égypte, pour lui rendre compte de son voyage à Saint-Cloud (Paris, A. Sautelet et Cie, 12 juillet 1827, in-8), par Girafe de Sennaar [pseudonyme].



Lettre à Monsieur le rédacteur du Journal des débats sur l'état des affaires publiques, par N. A. de Salvandy (Paris, A. Sautelet et Cie, 12 juillet 1827, in-8).



Seconde lettre de la girafe au pacha d'Égypte, en lui envoyant son album enrichi des dernières noirceurs de la censure (Paris, A. Sautelet et Cie, 8 août 1827, in-8), par Girafe de Sennaar [pseudonyme].


Insolences de la censure, et considérations sur la politique en général du ministère, par N. A. de Salvandy (Paris, A. Sautelet et Cie, 1827, in-8).


Charles Sept à Jumiège. Édith, ou le champ d'Hastings. Poèmes, suivis de poésies, par Ulric Guttinguer (Paris, Sautelet et Cie, 1827, in-8).


Lettres sur l'histoire de France pour servir d'introduction à l'étude de cette histoire, par Augustin Thierry (Paris, Sautelet et Compagnie, Ponthieu et Compagnie, 1827, in-8).


Roméo et Juliette,nouvelle de Luigi da Porto (Paris, Sautelet et Compagnie, 1827, in-8).


Œuvres complètes de J. Fenimore Cooper (Paris, Charles Gosselin, Mame & Delaunay-Vallée, A. Sautelet & Cie, 1827-1830, 27 vol. in-18). Frontispices, vignettes et cartes dessinés et gravés à l'eau-forte par Alfred et Tony Johannot. Sautelet fit connaître Fenimore Cooper en France.

1828


Revue française(Paris, A. Sautelet et Cie, N° I-janvier 1828 au N° VI-novembre 1828). Continuée par Alexandre Mesnier, place de la Bourse, à partir du N° VI-janvier 1829.


Lettres sur le système de la coopération mutuelle et de la communauté de tous les biens, d'après le plan de M. Owen. Par Joseph Rey, de Grenoble (Paris, A. Sautelet et Cie, 1828, in-8).


L'Éducation progressive, ou Étude du cours de la vie ; par MmeNecker de Saussure (Paris, A. Sautelet & Cie, 1828, t. I). Le tome II a été édité en 1844 par Paulin et Garnier frères.


Physiologie du goût, ou Méditations de gastronomie transcendante [2eédition] (Paris, A. Sautelet et Cie, 1828, 2 vol. in-8), par Jean-Anthelme Brillat-Savarin.


Essai sur l'histoire générale du christianisme, par Charles Coquerel. Seconde édition (Paris, A. Sautelet et Cie, 1828, in-8).


Proverbes dramatiques, par M. Théodore Leclercq [5eédition] (Paris, A. Sautelet et Cie, 1828, 6 vol. in-8).


Voyage en Italie et en Sicile, par L. Simond, auteur des Voyages en Angleterre et en Suisse (Paris, A. Sautelet et Compagnie, 1828, 2 vol. in-8).

" Pauvre crâne vide, que me veux-tu dire avec ce grincement hideux ?" 

Faust, tragédie de M. de Goethe, traduite en français par M. Albert Stapfer, ornée d'un portrait de l'auteur, et de dix-sept dessins composés d'après les principales scènes de l'ouvrage et exécutés sur pierre par M. Eugène Delacroix(Paris, Ch. Motte et Sautelet, 1828, in-fol.).
Premier véritable livre de peintre. Il faudra attendre 1874 pour voir Manet illustrer Le Fleuve de Charles Cros.
Dans le livre de peintre, l'artiste ne doit pas être interprété par un graveur, mais doit graver lui-même. Au XIXesiècle, l'invention de la lithographie leva cet obstacle majeur entre le peintre et le livre : l'artiste put désormais dessiner sur une pierre comme sur du papier.

A. Sautelet et Compagnie s’associa en avril 1828 avec différents éditeurs [Aimé André, Hector Bossange, Bachelier, Firmin Didot père et fils, A. et W. Galignani, Janet et Cotelle, F. G. Levrault, Jules Renouard, Treuttel et Wurtz] pour fonder à Bruxelles la Librairie parisienne, française et étrangère [438 rue de la Madelaine (sic)], et combattre ainsi sur son propre terrain la contrefaçon belge.


Œuvres complètes de P. L. Courier, ornées du portrait de l'auteur (Bruxelles, Librairie parisienne, française et étrangère, 1828, 4 vol. in-8).


En juin 1828, Sautelet déménagea de la place de la Bourse au 14 rue de Richelieu [Ier].


Poésie française au seizième siècle. Tome I. Tableau historique et critique de la poésie française et du théatre [sic] français au seizième siècle, par C.-A. Sainte-Beuve (Paris, A. Sautelet et Compie, Alexandre Mesnier, 1828, in-8).


Poésie française au seizième siècle. Tome II. Œuvres choisies de Pierre de Ronsard (Paris, A. Sautelet et Compie, Alexandre Mesnier, 1828, in-8), par C. A. Sainte-Beuve.


Histoire de Michel Lambert, ou de l'influence de l'économie domestique […]par M. **** (Paris, A. Sautelet et Compagnie, Alexandre Mesnier, 1828).


Mémoires, correspondance et opuscules inédits de Paul-Louis Courier(Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1828, 2 vol. in-8).


Économie politique des Athéniens, ouvrage traduit de l'allemand de M. Auguste Boeckh (Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1828, 2 vol. in-8).


Histoire des Gaulois, depuis les temps les plus reculés jusqu'à l'entière soumission de la Gaule à la domination romaine(Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1828, 3 vol. in-8), par Amédée Thierry.


Nouveaux fragmens[sic] philosophiques, par Victor Cousin (Paris, Pichon et Didier, Sautelet et Cie, Alex. Mesnier, 1828, in-8).



Œuvres complètes de Thomas Reid, chef de l'École écossaise, publiées par M. Th. Jouffroy [2eédition] (Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1828-1829, 6 vol. in-8).

1829


Histoire de la navigation intérieure de la France (Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1829, 2 vol. in-8), par J. Dutens.


Histoire du droit municipal en France (Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1829, 2 vol. in-8), par Raynouard.


Histoire de Pologne avant et sous le roi Jean Sobieski. Par N.-A. de Salvandy(Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1829, 3 vol. in-8).


Théorie des richesses sociales, par le comte Frédéric Skarbek(Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1829, 2 vol. in-8).


Œuvres de P. E. Lemontey, de l'Académie française (Paris, A. Sautelet et Cie, Brissot-Thivars, Alexandre Mesnier, 1829, 5 vol. in-8).


Traité de droit pénal, par M. P. Rossi, professeur de droit romain à l'Académie de Genève (Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, et Genève, J. Barbezat et Cie, 1829, 3 vol. in-8).


Manuel de l'histoire de la philosophie, traduit de l'allemand de Tennemann, par V. Cousin, professeur à la Faculté des lettres de l'Académie de Paris(Paris, Pichon et Didier, Sautelet et Cie, 1829, 2 vol. in-8).


L'Inconnu,fragments (Paris, Sautelet et Cie, A. Mesnier, 1829, 2 vol. in-8), par Francisque-Alphonse de Syon.


Lettres sur l'histoire de France, pour servir d'introduction à l'étude de cette histoire ; par Augustin Thierry [2eédition] (Paris, Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1829).


Frontispice, tome I

Physiologie du goût [sic], ou Méditations de gastronomie transcendante[3eédition] (Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1829, 2 vol. in-8), par Jean-Anthelme Brillat-Savarin.


Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon sur le siècle de Louis XIV et la Régence (Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1829-1830, 21 vol. in-8).


Œuvres complètes de Paul-Louis Courier (Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1829-1830, 4 vol. in-8).


Gazette littéraire, revue française et étrangère de la littérature, des sciences, des beaux-arts, etc. (Paris, A. Sautelet & Ce, 1829-1830, in-4). Continuée par Paulin.

1830


Paradoxe sur le comédien. Ouvrage posthume de Diderot (Paris, A. Sautelet et Cie, 1830).


Lettres inédites de Duché de Vanci (Paris, Lacroix et Sautelet, et Marseille, Camoin-Anfonce et Compe, 1830), par Colin et Raynaud.


Nouveau traité d'économie sociale (Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1830, 2 vol. in-8), par Barth.-Charles Dunoyer, ancien professeur à l'Athénée, l'un des auteurs du Censeur européen.

Les procès de presse se multipliaient alors et des condamnations étaient souvent prononcées. Parmi ces procès, trois surtout, celui du Globe, celui du National et celui de l'Association bretonne [en appel], attirèrent l'attention publique. Ces trois procès répondaient en effet aux préoccupations du moment, qui se débattaient dans la presse.
Le 10 mars 1830, Dubois, gérant du Globe, et Sautelet, gérant du National, comparurent devant la 6e chambre de police correctionnelle en présence d'une assistance considérable. Le Nationalétait poursuivi pour attaque contre les droits que le Roi tenait de sa naissance, pour attaque contre les droits en vertu desquels le Roi a donné la Charte, pour attaque à l'autorité constitutionnelle du Roi et pour provocation, non suivie d'effet, à attenter à la vie du Roi et des princes de la famille royale.
Le 19 mars, le même avocat du Roi dirigea, avec plus de violence, les mêmes accusations contre le gérant du Globe.
Le débat se prolongea pendant trois audiences encore pour les répliques du ministère public et des avocats, toujours avec la même affluence. Le 3 avril, les deux jugements furent rendus, et les deux journaux condamnés, le National comme coupable d'attaque contre l'autorité constitutionnelle du Roi, contre le droit qu'il avait de donner la Charte et contre l'ordre de successibilité au trône ; le Globe, comme coupable des mêmes délits et, en outre, d'excitation à la haine et au mépris du gouvernement. En conséquence, le gérant du National fut condamné à trois mois d'emprisonnement et 1.000 francs d'amende, et le gérant du Globeà quatre mois d'emprisonnement et 2.000 francs d'amende.

Le National reçut une assignation à comparaître le vendredi 14 mai 1830 devant la 6echambre de police correctionnelle, prévenu d'avoir commis les délits de diffamation et d'injure envers un corps constitué, le Conseil d'Instruction publique, et d'outrage envers un fonctionnaire, le ministre de l'Instruction publique, en publiant, dans Le Nationaldu 6 mai, l'article intitulé « Procès intenté à M. Dubois par le conseil de l'Université. »

Le matin du 13 mai 1830, on trouva Sautelet, gérant du National et l'un des chefs d'une des premières maisons de librairie de Paris, mort dans son lit, 10 rue Neuve-Saint-Marc [IIe] : il s'était brûlé la cervelle. Il fut inhumé au cimetière Montmartre.
Le lendemain, 14 mai, le National était signé : « A. Thiers, rédacteur en chef, signant provisoirement le journal, en remplacement de M. Sautelet, décédé. » Le National ne parlait point dans ce numéro du suicide de son gérant ; on y lisait seulement : « On a appelé aujourd'hui à la sixième Chambre, jugeant correctionnellement, l'affaire du National ; mais le gérant, M. Sautelet, étant mort hier, la cause a été renvoyée à huitaine, pour produire l'acte de décès. »

« Aujourd'hui à neuf heures du matin, les restes mortels de notre malheureux ami M. Sautelet ont été rendus à la terre.
Le deuil était conduit par M. Chignard, ancien avocat de la ville de Paris, beau-frère du défunt [Jean-François Chignard (1841), époux de Antoinette-Adèle Sautelet (1801-1844)]. Plus de trois cents personnes, parmi lesquelles on distinguait des députés, des hommes de lettres, des artistes, et entre autres MM. Béranger, Cousin, Dubois, Isambert, Delécluse, Manuel jeune, Scheffer, Jouffroy, de Rémusat, Lebrun, Bérard, Georges La Fayette, Mérimée, Vitet, Cauchois-Lemaire, Dunoyer, Comte, Ballanche, Armand Bertin, Tissot, etc., etc., suivaient à pied le convoi, et un grand nombre de voitures de deuil marchaient à la file. On s'étonnait, à la vue de ce nombreux concours, qu'un si jeune homme eût déjà pu devenir l'objet d'une considération si générale. La position politique qu'il avait prise depuis six mois comme représentant d'une feuille quotidienne, n'était pour rien dans les devoirs qu'on venait rendre à sa mémoire. L'étrange et déplorable nature de sa mort n'avait point non plus grossi le cortège en y amenant de simples curieux. La seule amitié, et l'amitié la plus affligée, avait fait les frais de la triste cérémonie et lui donnait un degré de pompe qui se voit rarement, même à la suite des hommes qui ont assez vécu pour jouer quelque rôle dans le monde. M. Sautelet était le compagnon d'études d'une foule d'hommes qui commencent à marquer aujourd'hui dans toutes les carrières, et, dans cette multitude de directions différentes, pas un ne s'était séparé de lui. Répandu de bonne heure dans le monde, il avait inspiré partout, sans efforts, la bienveillance à la fois douce et vive que lui-même portait dans toute sa personne. Depuis six ans, enfin, qu'il s'était fait libraire, il n'avait presque pas eu une relation d'affaires qui ne fût devenue bientôt une relation d'amitié. C'était l'un des jeunes gens de Paris les plus connus, les plus recherchés, les plus aimés. Il atteignait à peine trente ans.
Le convoi s'est rendu directement de la rue Neuve-Saint-Marc au cimetière Montmartre. Le cercueil, descendu dans la fosse, a été aussitôt recouvert, et un gémissement de tous les assistants a été le seul adieu fait à ces restes infortunés. On s'était, suivant la coutume, formé en cercle autour de la tombe, et l'on attendait, comme si la douleur commune eût voulu quelque chose de plus que le lugubre bruit de la pelle des fossoyeurs. Tous les yeux s'étaient tournés vers M. Cousin, et peut-être l'éloquent professeur allait-il céder à cette muette et unanime invitation ; mais, en ce moment, il s'est souvenu que Sautelet avait été l'un de ses élèves les plus distingués, on peut même dire un de ses disciples chéris, et ce souvenir et l'idée de cette mort cruelle ont étouffé la parole prête à sortir de sa bouche. Personne après lui ne s'est senti le courage de venir demander à l'ombre d'un malheureux jeune homme pourquoi la vie lui fut si amère, et quelle fatalité lui a fait fuir si tôt les consolations d'une amitié qui n'eût demandé que de savoir ses chagrins. On s'est dispersé, emportant une douleur au-dessous de laquelle seraient restés peut-être tous les discours.
La génération à laquelle appartenait notre malheureux ami n'a point connu les douleurs ni l'éclat de ces grandes convulsions politiques dont le souvenir fournit tous les jours, sur la tombe des hommes d'une autre époque, de si faciles lieux communs oratoires. Mais, à la suite de ces orages, qui ne peuvent se rencontrer que de loin en loin, notre génération a été plus qu'une autre en butte aux difficultés de la vie individuelle, aux troubles et aux catastrophes domestiques, circonstances faites pour intéresser partout ailleurs que sur le bord d'une tombe.
Peut-être l'ami que nous regrettons a-t-il été de très bonne heure l'une des plus touchantes et des plus pitoyables victimes de ces obscures tribulations qui peuvent accabler une destinée à peine formée ; on n'a que trop lieu de le croire. Mais il faut laisser étendu sur sa tombe un voile qu'il n'a pas voulu déchirer. Ce que l'on peut rapporter de sa courte vie, c'est ce que tant de personnes qui le pleurent aujourd'hui en ont connu. Combien de nous, hommes de son âge, se souviennent de l'avoir vu, jeune encore, abandonné à lui-même, au sortir de la vie d'étudiant, qu'il avait menée tristement, entrer dans le monde avec une figure charmante, le goût de toutes les choses élevées, la facilité de mœurs la plus heureuse, l'esprit le plus ouvert, avec des manières réservées qui sentaient la défiance de soi, un laisser-aller naturel qui exprimait la confiance et qui l'inspirait à la première vue ! Accueilli comme très peu de jeunes gens l'étaient, tout lui souriait alors, et pourtant il avait déjà l'invincible pressentiment d'une mort funeste. Ce pressentiment devint, à la longue, une disposition habituelle d'esprit qu'il ne craignait plus de montrer, et que chaque contrariété nouvelle fortifiait malheureusement en lui.
Depuis plusieurs années, il avait fondé un commerce qu'il avait su rendre brillant en n'y consacrant qu'une très petite partie de son temps. On avait pu croire qu'il avait donné enfin à sa vie un intérêt capable de la lui faire aimer. Il avait montré une capacité peu commune en affaires, la sagacité et la décision d'esprit d'un véritable spéculateur ; il avait su se placer au-dessus de sa besogne, et pourtant n'en mépriser aucun détail, rester homme du monde en faisant son état, travailler en marchand et ne pas descendre d'une certaine hauteur intellectuelle à laquelle ses excellentes études et la portée naturelle de son esprit l'avaient placé. Il était dans cette situation lorsqu'il se joignit à nous, et nos lecteurs n'ont point oublié avec quelle fermeté pleine de mesure et quel sentiment parfait de ses convenances personnelles il s'était dernièrement présenté pour soutenir devant les tribunaux celles de nos opinions qui lui avaient valu une condamnation qu'il était au moment de subir.
Voilà l'homme que nous avons perdu. Faut-il dire qu'il a conduit son dessein avec une résolution, une présence d'esprit, un calme désespérant ; que c'est après avoir employé une nuit entière à mettre ordre à ses affaires et à écrire à ses amis qu'il s'est frappé ; qu'enfin, par la plus déplorable des fatalités, il a échappé, le soir même de la catastrophe, à une conversation cherchée par celui de ses amis qui avait le plus d'intérêt à l'observer, conversation qui devait infailliblement l'amener à une confidence et sauver ses jours ? Tous il nous a fallu nous rappeler de ces cruels indices qui n'acquièrent de valeur que quand il n'est plus temps … Que ce sera-t-il passé dans cette âme formée aux leçons de Cousin, et qui croyait à sa propre immortalité, qui tous les jours avec nous se consolait à y croire ? Entre la dernière lettre, écrite à cinq heures et demie du matin, et le coup fatal, quelques minutes se sont passées encore. Qui nous dira les terribles délibérations auxquelles ce peu de minutes a été employé ? Du moins l'infortuné n'a point eu à essuyer de convulsions physiques : sa mort a été aussi prompte que la fatale explosion. […]
Il écrivit quinze lettres ; la dernière à cinq heures du matin. Celle-ci, adressée à une famille [Albert Stapfer] qui n'était pas la sienne, mais qui lui en avait tenu lieu pendant les malheurs d'une jeunesse quelquefois pauvre et abandonnée, commençait par ces mots, qu'on ne saurait lire sans attendrissement : “ La nuit est bien avancée, et je n'ai plus guère de présence d'esprit pour vous entretenir de la résolution que j'ai prise. Si ma nature faible, indolente, avait pu être changée, elle l'aurait été par vous tous… J'ai été incorrigible...” […]
On n'entendit point l'arme à feu. Le théâtre de la catastrophe était une petite chambre située à l'extrémité la plus reculée d'un appartement très vaste. Ce ne fut qu'à l'heure où l'on entrait habituellement chez lui, dans la matinée, qu'on le trouva baigné dans son sang et déjà refroidi. »
(Œuvres politiques et littéraires d'Armand Carrel. Paris, F. Chamerot, 1859, t. V, p. 305-309 et p. 321-322 )

« De nombreuses oraisons funèbres ont été faites en l'honneur du libraire Sautelet, qui a mis fin à ses jours, la semaine dernière, par un suicide. Il étoit entrepreneur de deux journaux, qui, apparemment, ne contribuoient pas à réveiller en lui les principes de religion. Ses amis paroissent émerveillés de la quantité de monde qui s'est fait un devoir de l'accompagner au champ du repos. La chose n'est cependant pas si difficile à expliquer : c'étoit un de ces enterremens comme ils les aiment, et qui n'exposent point les gens à s'enrhumer dans les églises, ainsi que le craint l'honorable M. Bavoux. Or, ils doivent savoir qu'il existe à Paris quelques mille amateurs qui ne cessent d'épier ces sortes de bonnes fortunes, pour aller recueillir les beaux discours qui se prononcent aux funérailles sans prêtres : cette fois-ci, néanmoins, les curieux ont été trompés dans leur attente ; M. le professeur Cousin, dont le défunt avoit été le disciple, s'est trouvé tout à coup sans voix, et, au grand étonnement de l'assistance, il a laisser enterrer M. Sautelet sans panégyrique. Il aura compris que cette inhumation, et surtout le genre de mort qui l'avoit amenée, ne sentoient pas trop la bonne école, et que, pour un grand maître de philosophie, il n'y avoit pas là de quoi se vanter. » [sic]
(L'Ami de la religion, journal ecclésiastique, politique et littéraire. Paris, Adrien Le Clere et Cie, 1830, t. 64, mercredi 19 mai 1830, N° 1646, p. 42-43)

« Vous me demandez, mon cher ami, de vous détailler les causes de l'acte de désespoir auquel s'est porté notre malheureux Sautelet. Hélas ! il en est mille. Tout a concouru à amener ce funeste événement. Le peu de secours qu'il avait trouvé dans sa famille, lui fit entreprendre la librairie avec l'argent d'autrui, ce qui rendait nécessaire de sa part une économie dont il ne fut jamais capable. Il s'ensuivit que pendant que les affaires de sa maison prospéraient, les siennes propres allaient de mal en pis. Cette situation critique le devint bien davantage par suite de sa liaison avec Mme B***, liaison qui l'empêcha deux années durant de s'occuper de son industrie, et le jeta dans des dépenses disproportionnées avec ses moyens. Pour se tirer d'embarras, il alla jusqu'à engager sa propriété. Le temps était venu où il ne pouvait plus rien dissimuler à Paulin. Il n'a pas eu la force de lui faire cet aveu de son vivant. Ajoutez à cela l'horrible chagrin où l'avait plongé la conduite de Mme B*** à son égard, la perspective d'une détention qui devait lui ôter tout moyen de s'occuper de ses affaires personnelles. Que sais-je encore ? Peut-être des motifs plus secondaires, des misères, des riens. Quand la coupe est remplie, une goutte d'eau la fait déborder. Comment se fait-il, dites-vous, que nous n'ayons rien deviné ? Ah ! mon cher ami, son air de franchise le servait si merveilleusement, lorsqu'il voulait cacher ce qu'il éprouvait. Vingt fois Paulin, se doutant de l'état de ses affaires, s'était jeté à ses genoux pour obtenir un aveu, et toujours Sautelet, à force de paraître calme, avait fini par le tranquilliser. Pour son chagrin de cœur, ses propos sur Mme B*** nous avaient convaincus qu'il n'en ressentait aucun. La misérable femme !... Mais nous causerons de tout cela dans un mois.
Sachez maintenant que, Dieu merci, on a trouvé moyen de tout arranger. Paulin, grâce à un secours momentané, fera honneur à ses engagements. M. Chignard s'est parfaitement conduit, et la douleur de sa femme va au delà de ce que j'aurais attendu.
Mes parents étaient partis pour Taley deux jours avant l'affreuse catastrophe. Ma mère est dans une affliction profonde ; c'est pour elle, à bien peu de chose près, comme si elle avait perdu un de ses fils.
Venez, mon cher Ampère, venez combler le vide qui s'est fait près de moi ; venez parler de cet être excellent, unique. Sa perte est comme un lien de plus qui m'attache à vous. Il était si rare que nous nous vissions sans qu'il fût en tiers dans nos entrevues ! Ou sa personne même était présente, ou nous parlions de lui.
Adieu, je vous embrasse de cœur. »
(Albert Stapfer à J.-J. Ampère, Paris, 4 juin 1830. In André-Marie Ampère et Jean-Jacques Ampère. Correspondance et souvenirs. Paris, J. Hetzel et Cie, 1875, t. II, p. 22-24)

« Un des premiers de cette nouvelle génération qui ait porté sur lui-même des mains violentes, ce fut M. Sautelet, le jeune libraire qui avait assisté à la double naissance de deux grandes feuilles entourées d'estime et d'adhésions unanimes, la Gazette des Tribunaux et le National. M. Sautelet, par son esprit net et vif ; par la grâce et l'éloquence de sa parole, par sa jeunesse, par les amitiés qui l'entouraient, par le charme d'un noble cœur, était réservé à un grand avenir. Il avait pour associé M. Paulin, un homme excellent, dévoué, d'un rare mérite, d'une intelligence éprouvée, et qui l'aimait comme on aime son propre frère ; il avait pour ami intime Armand Carrel ; Carrel a écrit l'oraison funèbre de Sautelet en quelques pages stoïques, intitulées : De la mort volontaire. Ainsi, pour Sautelet, il n'y avait que des promesses heureuses ; son nom sur un livre était une garantie, et déjà il avait obtenu deux ou trois de ces rares succès dans la vie d'un libraire qui suffiraient à toute une fortune. Il était l'éditeur des Mémoire de M. le duc de Saint-Simon, que la censure impériale avait mutilés et réduits de moitié, que MM. Sautelet et Paulin publiaient in extenso, pour la première fois, dans une édition excellente, et dont les exemplaires, très-recherchés de ceux qui aiment les bons livres, ont doublé de prix aujourd'hui. Avec les Mémoires de Saint-Simonet la Physiologie du goût, autre publication de M. Sautelet, un de ces livres qui ont leur place, une maison de librairie serait riche à tout jamais : par quel accident, par quelle méprise a-t-on vu ce jeune homme attenter à sa vie, à l'instant même où ses amis allaient triompher de cette monarchie qu'ils avaient vouée à l'exil ? La mort de Sautelet fut un événement dans tout Paris, elle fut un deuil pour beaucoup de gens, malheureusement elle fut un exemple pour plusieurs qui, certes, n'étaient pas des héros, et qui ne demandaient pas mieux que de vivre, en attendant la fortune et la gloire. »
(Jules Janin. Histoire de la littérature dramatique. Paris, Michel Lévy frères, 1855, t. I, p. 63-64)

Saisie des presses du National
27 juillet 1830































L'abbé de Vougny (1706-1754), traducteur de Giordano Bruno

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D'une famille originaire de Champagne, dont les armes étaient « D'azur, à l'agneau pascal d'or, au chef de gueules à trois étoiles d'argent », Louis de Vougny (1575-1644), médecin ordinaire du Roi, vint s'installer à Montfort-l'Amaury [Yvelines], en épousant en 1613 Jeanne Le Pelletier (1589-1652), fille de Jean Le Pelletier, lieutenant particulier en cette ville.
Son fils Jean de Vougny (1614-1687), médecin ordinaire du Roi et médecin du duc d'Orléans, épousa en secondes noces, le 18 mars 1664, Geneviève Le Maire (1636-1676), fille du président en l'Élection de Montfort-l'Amaury.
Son petit-fils, Jean-Marie de Vougny (1665-1729), d'abord secrétaire de l'intendant des Finances Joseph Fleuriau d'Armenonville en 1691, puis receveur général des Finances de la Généralité de Rouen de 1705 à 1719, fut conseiller du Roi en ses Conseils, secrétaire du Conseil d'État, directeur des Finances. Il fit enregistrer son blason en 1696, dans l'Armorial général de France. Il épousa à Paris, le 28 juillet 1698, Anne Moufle (1675-1750), fille de Simon Moufle, notaire au Châtelet. 

Plan de Turgot.

Installé place des Victoires [Ier-IIe], le couple déménagea rue du Grand Chantier [hôtel d'Anglade, 66 rue des Archives, IIIe], où il occupa un hôtel acheté aux héritiers de François Le Juge, fermier général. 

Plan de Turgot.
Le point rouge indique l'hôtel de Vougny, rue du Grand Chantier.

Bâti sous la conduite de l'architecte Robert de Cotte, cet hôtel était décoré de plusieurs bas reliefs de Antoine Coyzevox et embelli à l'intérieur de deux grands plafonds peints par Charles de La Fosse.

Hubert Robert. Démolition de l'église Saint-Jean-en-Grève.
(Musée Carnavalet)

Jean-Marie de Vougny et Anne Moufle y moururent et furent inhumés à Saint-Jean-en-Grève [cimetière et église détruits en 1800], leur paroisse.

66 rue des Archives, Paris (1897).

En parfait état, l'hôtel de Le Juge, devenu de Vougny, puis d'Anglade, fut détruit en juillet 1897, pour mettre à la place des grands bazars. La ville de Paris n'en conserva ni une photographie, ni un moulage, ni un souvenir quelconque. 


On a vendu aux enchères publiques, le 22 mai 1897, les plafonds pour 25.000 francs et les sculptures pour 1.500 à 2.000 francs (« Procès-verbal de la Commission du vieux Paris », 28 janvier 1898).

66 rue des Archives, Paris (1898).

L'architecte Paul Bonpaix (1847-1934) fut chargé d'édifier un immeuble à usage commercial, avec deux grands niveaux éclairés par des baies horizontales ouvertes dans une façade en pierre de taille, pour la Société française des Grands Bazars et des Nouvelles Galeries réunis.

Château de Jeurre.

Le vicomte Arthur-Henry Dufresne de Saint-Léon (1858-1947) acheta la façade de l'hôtel d'Anglade pour embellir celle du château de Jeurre [Morigny-Champigny, Essonne], devant le miroir d'eau. 



Archiviste paléographe et ancien attaché à la Bibliothèque Mazarine, Arthur de Saint-Léon avait publié, avec Paul Marais, archiviste paléographe et sous-bibliothécaire à la Bibliothèque Mazarine, le Catalogue des incunables de la Bibliothèque Mazarine(Paris, H. Welter, 1893, 2 vol. in-8).


Jean-Marie de Vougny et Anne Moufle eurent plusieurs enfants, dont Louis-Valentin de Vougny.
Louis-Valentin de Vougny mourut à Soissons [Aisne], le 25 janvier 1754, dans la 49eannée de son 


âge, d'après la Suite de la clef (Paris, Ganeau, janvier 1754, p. 240), ce que confirme le Mercure de France (Paris, Chaubert, Jean de Nully, Pissot et Duchesne, mai 1754, p. 208-209), lu un peu rapidement par Joannis Guigard (Nouvel armorial du bibliophile. Paris, Émile Rondeau, 1890, t. I, p. 379) : son acte de décès à Soissons a été détruit. Il est donc né en 1706, à Paris : son acte de baptême n'est pas aux archives de l'état civil de Paris, ni dans les actes de l'état civil de Montfort-l'Amaury.

Devenu prêtre et chanoine de Notre-Dame de Paris, il fut également conseiller-clerc en la Grand'-Chambre du Parlement en 1726 et abbé de Notre-Dame de Larrivour [Lusigny-sur-Barse, Aube, détruite à la Révolution] en 1741.



On lui attribue Le Ciel réformé. Essai de traduction de partie du livre italien, Spaccio della bestia trionfante (S. l. [Paris], s. n., l'An 1000 700 50 [1750], de format in-12, tiré in-8, [1]-[1 bl.]-[1]-[1 bl.]-92 p.). Cet ouvrage est la traduction de la première partie du premier dialogue de Spaccio della bestia trionfante [Expulsion de la bête triomphante] (Paris [Londres], s.n. [Thomas Vautrollier], 

Statue en bronze de Giordano Bruno, par Ettore Ferrari (1889),
Campo de' Fiori, Rome.

1584, in-8), par Giordano Bruno (1548-1600), qui fut condamné par l'Inquisition et brûlé à Rome, au Campo de' Fiori, pour les impiétés répandues dans ses différents écrits. Cet ouvrage, accusé d'athéisme, n'est qu'un écrit fantastique peu dangereux pour la morale, allégorie entremêlée de traits contre les mœurs du XVIe siècle.

« Si ces deux Ouvrages [Spaccio della bestia trionfante et La Cena de le Ceneri] ne sont pas des chefs d'œuvres, au moins en ont-ils acquis en quelque sorte la valeur & le renom, par le prix exorbitant où ils sont portés, lorsqu'ils se trouvent dans quelque Vente publique. C'est ce qui est arrivé en dernier lieu à celle qui vient de se faire de la Biblioteque de M. l'Abbé de Rothelin, où ils ont été vendus onze cens trente-deux livres, quoiqu'ils ne forment qu'un in 12. sans beauté particuliere d'impression ni de caracteres. Seroit-ce donc la rareté qui en feroit seule le mérite ? Il faut croire qu'il s'y joint celui de la singularité. » [sic] (p. 4-5)

Ancienne maison de chanoine dans le cloître Notre-Dame,
24 rue Chanoinesse, rue centrale du cloître (v. 1900).

Après la mort de l'abbé de Vougny, sa bibliothèque fut vendue en son domicile, au cloître Notre-Dame [IVe], près de la salle du Chapitre, au nord de la cathédrale, après avoir été indiquée par affiches : 



Catalogue des livres de feu Monsieur de Vougny, conseiller au Parlement, chanoine de l'Église de Paris (Paris, Damonneville, 1754, in-8, [1]-[1 bl.]-89-[1 bl.] p., 1.167 + 16* = 1.183 lots). On y trouve : théologie 171 lots = 14,45 % ; jurisprudence 116 lots = 9,80 % ; sciences et arts 195 lots = 16,48 % ; belles-lettres 455 lots = 38,46 % ; histoire 246 lots = 20,79 %.




La Vénération d'Antoine Vivenel (1799-1862) pour Androuet du Cerceau

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Lambert de Ballyhier. Compiègne historique et monumental.
Compiègne, Langlois, 1842, t. I, p. 365.

D'une ancienne famille de Compiègne [Oise] installée sur la paroisse Saint-Jacques, c'est au n° 8 l'ancienne rue de la Cagnette [rue Vivenel], face aux Petites Écuries, que naquit le 27 ventôse an VII [17 mars 1799], Antoine-François Vivenel, fils d'Antoine-Nicolas Vivenel (1777-1839), plâtrier, et de Marie-Françoise Bonnezon (1779-1819), mariés depuis le 29 ventôse an VI [19 mars 1798].

Après avoir interrompu des études au collège de Compiègne, Antoine Vivenel vint à Paris en 1817 pour entrer comme commis chez André-Alexandre Marcel (1777-1841), entrepreneur de bâtiments. Il se mit à travailler avec ardeur et suivit les cours de l'École royale gratuite de dessin, rue de l'École de médecine [VIe].

Après plusieurs voyages formateurs en Italie, en Allemagne et en Angleterre, il entreprit la construction de maisons à partir de 1827. En 1839, il se construisit une « Casa Vivenel », 61 rue Blanche [détruit, IXe]. 

Hôtel Collot.

Remarqué par l'architecte Louis Visconti (1791-1853), il fut l'entrepreneur de la construction des hôtels Collot [25 quai Anatole France, VIIe, Galerie J. Kugel], en 1840, 

Hôtel de Pontalba.

et de Pontalba [41 rue du Faubourg-Saint-Honoré, VIIIe, résidence de l'ambassadeur des Etats-Unis], de 1842 à 1855, de la crypte sous le Dôme des Invalides, de 1842 à 1861, pour recevoir le tombeau de Napoléon, 

Edmond Texier. Tableau de Paris.
Paris, Paulin et Le Chevalier, 1853, t. II, p. 244.
et des fontaines Saint-Sulpice [place Saint-Sulpice, VIe], de 1843 à 1848, 


Edmond Texier. Tableau de Paris.
Paris, Paulin et Le Chevalier, 1853, t. II, p. 243. 









et Molière [place Mireille, Ier], en 1844.

Place de Grève en 1819


Depuis longtemps insuffisant, l'Hôtel de Ville de Paris fut agrandi de 1837 à 1846, sous la direction d'Étienne-Hippolyte Godde (1781-1869) et de Jean-Baptiste Lesueur (1794-1883). Vivenel devint l'entrepreneur général des travaux : la cour fut couverte d'une verrière, l'étendue de la façade primitive fut doublée par l'adjonction de deux ailes et des bâtiments furent construits sur la rue de Rivoli, la place Lobau et le quai.

Peu à peu, il parvint à une position de fortune assez considérable, qui lui permit de collectionner des objets d'art, des estampes et des livres.
Voulant offrir à la jeunesse de sa ville natale les supports d'un enseignement dont il n'avait pu profiter lui-même, il commença dès 1840 à offrir des livres à la bibliothèque de Compiègne : plus de 400 ouvrages, livres d'histoire et d'architecture surtout, mais aussi des livres gravés de grande valeur, ainsi certaines éditions du XVIesiècle de Dürer, ainsi que les Œuvres complètes de Voltaire, reliées aux armes de l'impératrice Joséphine. Ces livres portaient pour la plupart un de ses ex-libris.



Vivenel possédait au moins trois ex-libris : un ex-libris gravé représentant deux anges encadrant les initiales entrelacées d'Antoine Vivenel [54 x 45 mm.], le plus souvent utilisé ; une simple petite vignette portant l'inscription « A. Vivenel » ; un ex-libris gravé, plus rare, représentant un simple chapiteau corinthien au pied d'un buisson.



Pour son usage personnel et pour ses amis, il dressa le catalogue de sa bibliothèque. Ce Catalogue des livres en petit nombre composant la bibliothèque de M. Vivenel architecte , entrepreneur général de l'Hôtel de Ville de Paris (Paris, J. Techener, 1844, in-8, [4]-VII-[1 bl.]-434 p., 1.306 articles non numérotés) renferme un grand nombre d'ouvrages sur les beaux-arts, les dessins des grands maîtres nationaux et étrangers, leurs œuvres capitales, les sciences et les arts, et, on s'y attend, une série presque complète d'ouvrages sur l'architecture ; 





Vivenel s'est attaché, entre autres, à rassembler tout ce qu'il a pu trouver du grand architecte du XVIe siècle, Jacques Androuet du Cerceau. Beaux-arts (p. 1-138), architecture (p. 139-244), antiquités (p. 245-259), sciences et arts (p. 261-284), jurisprudence (p. 285-292), sciences philosophiques (p. 293-300), belles-lettres (p. 301-350), histoire (p. 351-404), table des divisions (p. 405-408), table des noms d'auteurs et des matières (p. 409-434). Orné de 2 planches en taille-douce et de 36 illustrations sur bois, ce catalogue, non destiné au commerce, n'a été tiré qu'à 100 exemplaires, papier façon de Hollande, et 5 exemplaires sur papier de couleur : l'exemplaire du comte Horace de Viel Castel (1802-1864), conservateur au Louvre, est sur papier vélin rose ; celui offert par l'auteur à la Société des Antiquaires de Picardie a été imprimé sur papier bleu.

« Dans une bibliothèque de quelqu'importance un catalogue est indispensable ; c'est d'abord un répertoire utile ; c'est de plus un panorama varié que l'amateur studieux parcourt avec plaisir en reposant sa vue sur les ouvrages qui flattent le plus ses goûts et le genre spécial de ses études.
Mais ce n'est pas dans le nombre des volumes qu'il faut faire consister l'excellence d'une bibliothèque, c'est dans le choix qui a présidé à sa composition et dans le mérite des ouvrages qu'elle réunit.
C'est alors seulement que les personnes éclairées lui assignent un rang élevé, et que sa réputation, confirmée par le temps, lui donne un prix considérable.
Je n'ai jamais été bibliomane, mais dès ma première jeunesse j'étais bibliophile ; je recherchais partout les bons livres, les bonnes éditions et même les belles reliures, parce que je crois que les grandes et belles choses doivent être dans toutes leurs parties l'objet d'une recherche dirigée par des vues artistiques.
Mon amour pour les livres s'est donc fortifié avec l'âge, mais je m'estime heureux d'avoir su contenir cette passion dans de justes limites, ma bibliothèque était uniquement pour moi une amie que j'élevais pour mon bonheur personnel et domestique, aussi me suis-je bien gardé de vouloir trop l'étendre ; j'ai écarté de mes rayons tout ce qui n'était point à mon usage, tout ce qui ne se rapportait pas à ma spécialité studieuse. Par les mêmes motifs, j'ai renoncé aux vieux manuscrits, fort curieux d'ailleurs, mais dont souvent le premier mérite est de coûter fort cher à cause de leur rareté et de la difficulté que l'on éprouve à se les procurer. Les vieux manuscrits doivent bien plutôt être l'objet d'une collection nationale ; ils représentent les archives de l'histoire, et, sous ce point de vue, leur réunion est une véritable richesse ; que contiennent-ils souvent ? Rien qui n'ait été mieux exprimé, mieux présenté, mieux développé par les auteurs modernes, qui ont traité les mêmes sujets. En un mot, un vieux manuscrit est un titre authentique auquel on a recours dans l'occasion pour rétablir un fait altéré ou dénaturé, pour rendre à la vérité l'éclat qui lui appartient, et que voilent quelquefois la passion ou l'ignorance.
Né avec un goût passionné pour la littérature, pour les arts et pour les sciences, j'ai eu le chagrin fréquemment renouvelé d'en être détourné par les affaires, par les grandes entreprises qui ont absorbé ma première jeunesse, cette époque heureuse de la vie où l'on pourrait amasser tant de trésors, et mon âge mûr où il m'eût été possible de les mettre en ordre. J'ai donc été entraîné malgré moi non par le désir, ou par le besoin de spéculer, mais par la nécessité de suivre un cours de choses devenues pour moi une nécessité pressante par leur liaison étroite et indissoluble.
Aussi l'étude des langues grecque et latine n'est-elle plus guère qu'une ombre pour moi ; je n'ai pu mettre dans ma bibliothèque tous ces auteurs de l'antiquité qui sont encore aujourd'hui la gloire des lettres, je n'ai que la traduction de leurs chefs-d'œuvre ; sans doute aussi, je ne jouis pas autant que je le voudrais du génie de ces langues mortes, mais Homère, Sophocle, Euripide, Démosthène, Cicéron, Virgile, Horace et tant d'autres n'en sont pas moins sublimes pour moi, et me font toujours passer les plus agréables heures de la journée.
Ma bibliothèque se compose en grande partie de livres d'arts, notamment sur l'architecture. Ces ouvrages sont enrichis de beaux dessins, de belles gravures, de portraits magnifiques. Ma collection est peu nombreuse ; mais je crois pouvoir, sans trop de présomption, affirmer qu'elle peut être considérée comme précieuse.
Je n'ai point voulu, en formant cette collection de livres, étaler un faste scientifique qui serait presque ridicule, j'ai travaillé pour moi ; ma bibliothèque n'est point en acajou, elle n'est point en palissandre, elle est en chêne ; je n'ai point du haut en bas, et surtout à son sommet, des masses d'in-folios, d'in-quartos, d'in-octavos, qui font ouvrir les yeux des visiteurs, qui leur donnent tout d'abord une haute idée du possesseur ; mais, j'ai des livres d'une bonne morale, propres à de saines études ; j'ai des livres qui remplissent le cœur et l'âme, qui donnent de bonnes pensées et portent aux bonnes actions. » [sic]
(Vivenel. « Un mot », p. I-IV)

« Si le premier et principal mérite d'une collection de livres est, comme le pensent quelques personnes, d'avoir un caractère spécial et déterminé qui fasse connaître du premier coup d'œil le goût dominant ou les occupations habituelles de son possesseur, nulle bibliothèque ne me parût jamais mieux remplir cette condition que celle dont j'ai en ce moment le catalogue sous les yeux. Voué par inclination, et par les devoirs que lui impose son honorable profession, aux travaux, à toutes les études qui se rattachent à l'architecture, en même temps qu'il se sentait entraîné par un penchant irrésistible vers la culture de tous les arts qui se rapportent au dessin, M. Vivenel n'a rien négligé pour satisfaire à la fois les exigences de sa position et ses goûts particuliers. Il a donc voulu réunir, et je dois dire qu'il a réuni, avec autant d'intelligence que de jugement, les divers ouvrages propres à remplir ce double but. On trouve dans sa bibliothèque tous les livres importants publiés en France et à l'étranger sur toutes les parties de l'architecture, aussi bien que les somptueuses publications entreprises à grands frais pour faire connaître aux amateurs et aux curieux, qui ne peuvent ou ne veulent se déplacer, soit les sites pittoresques les plus remarquables des diverses parties du monde, soit ces musées célèbres de sculpture et de peinture que les voyageurs vont admirer en France, en Italie, en Angleterre et en Allemagne. Je n'essaierai pas de désigner ici quelques uns de ces grands et magnifiques ouvrages que je signale ; en citer un ou deux de préférence serait se montrer en quelque sorte injuste pour tous les autres, et, à moins de transcrire le catalogue même, je ne réussirais pas à en donner une idée suffisante. Je dirai toutefois que, parmi ces grands artistes dont les productions figurent avec éclat dans la riche collection de M. Vivenel, il en est un qui a été pour lui l'objet d'une attention constante et passionnée qui pourrait presque être considérée comme un culte. Androuet du Cerceau, c'est de lui que je parle, était au reste bien digne d'un pareil enthousiasme qui n'étonnera aucun de ceux qui connaissent l'élévation et la fécondité de son génie.
M. Vivenel, qui s'est plu également à recueillir une ample collection d'estampes de tous les maîtres et de toutes les écoles, a placé, dans ce catalogue, celles de ses estampes qui tiennent le premier rang ; mais ce n'est là en quelque sorte qu'un simple échantillon d'une collection aussi précieuse que considérable, dont la description détaillée eût peut-être exigé des volumes.
Malgré son caractère presque exclusivement spécial et sa physionomie particulière, il ne faudrait pas croire que la bibliothèque de M. Vivenel soit restée étrangère aux belles-lettres non plus qu'à l'histoire. Ces deux facultés y figurent pour un petit nombre d'ouvrages, mais ces ouvrages sont tout simplement des chefs-d'œuvre ; c'est encore une preuve de goût de la part du propriétaire de cette bibliothèque de s'être montré aussi délicat sous ce rapport qu'il s'était montré magnifique en tout ce qui concerne les beaux-arts.
Il y a, dans cette bibliothèque, tout ce qu'il faut pour satisfaire l'artiste le plus passionné, le littérateur le plus éclairé et le plus difficile. Existe-t-il beaucoup de collections de livres dont il soit possible de faire un pareil éloge ? »
(G. D. [Gratet-Duplessis]. « De la bibliothèque de M. Vivenel », p. V-VII)

Portrait d'Antoine Vivenel [détail] par Dominique Papety
(Musée Vivenel, Compiègne)
Vivenel envoya également ses collections d'objets d'art, qui constituèrent, par acte de donation du 20 mars 1843, le « Musée Vivenel ». 

Notice historique sur Compiègne et Pierrefonds.
Compiègne, Dubois, 1843, 2e édition, frontispice

Celui-ci fut organisé dans le 1erétage du bâtiment situé au fond de la cour de l'Hôtel de Ville, et dans l'aile qui touche à l'impasse de l'Arsenal, formant autrefois le Café de la Cloche.

« La collection de Compiègne est une encyclopédie abrégée de tous les arts, dans tous les temps et chez tous les peuples. Sculpture, peinture, céramique, verrerie, ameublement, panoplie, serrurerie, bijouterie, orfèvrerie, horlogerie, émaux, curiosités égyptiennes, hindoues, chinoises, japonaises, médailles, glyptique, il n'y a pas une création du génie humain qui ne soit glorieusement représentée au Musée de Compiègne. »
(Lettre de Eugène Pelletan à Félicien Mallefille, juillet 1850)

Musée Vivenel, Compiègne.
La plus grande partie des collections fut transférée en 1952 à l'hôtel de Bicquilley-Songeons, 2 rue d'Austerlitz, édifié sur l'emplacement probable du palais de Charles-le-Chauve (823-877), qui devint le « Musée Antoine Vivenel ».

La révolution de 1848 et ses dons à la ville de Compiègne ruinèrent Vivenel. Il fut alors recueilli par son ami Jean-Marie-Victor Viel (1796-1863), architecte du Palais de l'Industrie, élevé pour l'Exposition universelle de 1855 ; il en fit son exécuteur testamentaire. Puis sa cousine célibataire, Marie-Louise-Octavie Cailleaux (1816-1862), lui donna asile au 6eétage du 14 quai de la Grève [quai de l'Hôtel-de-Ville, entre le pont d'Arcole et la rue Geoffroy l'Asnier, IVe] ; il en fit sa légataire universelle.

Plan de Paris [détail] en 1861.

Vivenel mourut célibataire, chez sa cousine, le 19 février 1862, après une opération pour lithiase urinaire. Son corps fut ramené à Compiègne. Le 22 février, un service fut célébré en l'église Saint
-Jacques et son corps déposé dans le caveau familial au cimetière de Clamart. Lorsque Clamart fut désaffecté, il fut transporté au cimetière du Nord. La lecture de son testament montra combien il vivait d'emprunts à divers amis et combien sa situation financière était catastrophique.

Sa cousine mourut cinq jours après lui, le 24 février 1862, chez son neveu, Eugène-Jean-François Plinguier, 19 rue des Juifs [rue Ferdinand Duval, IVe] : dans cet appartement résida Adolphe Clémence (1838-1889), ouvrier relieur membre de la Commune, qui entreprit en mai 1869 la publication d'une Revue de la reliure et de la bibliophilie, dont il ne parut que trois numéros in-8.


Le reste des collections d'estampes et de livres de Vivenel fut vendu à Drouot, du mercredi 16 au vendredi 18 juillet 1862, en 3 vacations. Le Cabinet de feu M. A. V., architecteEstampes […] Ornements[…] Livres à figures […] (Paris, Vignères, 1862, in-8, 67-[1 bl.] p., 744 lots) contient des ornements [70 lots = 9,40 %], des œuvres des maîtres [501 lots = 67,33 %] et des livres [173 lots = 23,25 %]. La vente produisit environ 35.000 francs.





Emmanuel-Louis-Nicolas Viollet le Duc*, père du célèbre architecte

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* C'est à son fils aîné, Eugène-Emmanuel Viollet le Duc (1814-1879), que le patronyme doit d'être orthographié avec des tirets, dans un souci de rationalité.




Descendant d'une famille de bourgeois de Paris portant « D'argent à un chevron d'or accompagné en chef de deux trèfles de sinople et en pointe d'un bouquet de violettes au naturel », Emmanuel-Louis-Nicolas Viollet le Duc est né à Paris, le 30 mai 1781, de Jean-Nicolas Viollet le Duc (1741-1816), huissier, commissaire-priseur au Châtelet, et de Adélaïde-Françoise Boyaval (1750-1799).

Il dut abandonner ses études, forcé par la fermeture des collèges en 1793 et traumatisé l'année suivante par l'arrestation de son père comme « suspect et aristocrate », qui fut enfermé à la prison des Carmes.
À vingt ans, il fut placé chez un notaire, où il expédiait des grosses de huit heures du matin à dix heures du soir, puis il fut pourvu d'un emploi de chef de bureau au ministère de la Guerre. En 1804, il occupa le poste de sous-contrôleur du service du Grand maréchal du palais, Michel Duroc (1772-1813).
Le 18 juillet 1810, il épousa Élisabeth-Eugénie Delécluze (1785-1832), fille de l'entrepreneur de bâtiments Jean-Baptiste Delécluze (1733-1806) et de Marie-Geneviève Mathieu. 

1 rue Chabanais, Paris IIe
Le couple habita au 2eétage de l'immeuble appartenant aux Delécluze, 1 rue Chabanais [IIe] : au 1erétage résidait la veuve Delécluze et son second mari, Louis Foin, chef de bureau au ministère des Finances ; au 3eétage résidait Sophie Delécluze (1783-1840) et son mari, Antoine Clérambourg (1776-1855), fonctionnaire au ministère des Finances ; Étienne Delécluze (1781-1863), artiste peintre, occupait les 4eet 5eétages. Les deux beaux-frères, Viollet le Duc et Étienne Delécluze partageaient une même habitude de réception dans les salons de l'immeuble de la rue Chabanais : le vendredi chez Viollet le Duc, le dimanche chez Delécluze.

« Tous les vendredis soir se réunissait chez lui un groupe de lettrés dont plusieurs passaient leurs soirées à se parfumer de vieilles poésies. Joseph-Victor Le Clerc, Casimir Delavigne et son frère Germain ; le vieux Briffault, pareil à l'ombre de Ninus ; Paul Avenel, l'auteur du livre étrange Le Guillotiné stupéfait ; M. Patin, homme de goût, saturé de Virgile et d'Horace ; Delécluze, devenu le beau-frère de Viollet le Duc ; Beyle, esprit de trempe vigoureuse, plein d'aperçus éclatants, qui entreprit tout, qui eût pu tout achever et n'acheva rien, météore étrange et original, plus célèbre sous le pseudonyme de Stendhal ; Ampère, “ changeant comme le mois d'avril (fickle as April, ” dit Shakespeare), fils infiniment spirituel d'un homme de génie ; Mignet, talent sévère, un modèle de droiture et de dignité ; Sautelet, pétillant de verve ; tels étaient les habitués de ce cercle, qui se tenait alternativement le vendredi chez le Duc, le dimanche chez Delécluze, rue Chabannais, au coin de la rue Neuve des Petits-Champs. Le romantisme naissant défrayait d'ordinaire la conversation, qui tournait en discussions animées où Beyle faisait avec une vivacité spirituelle, une bravoure sans égale, sa partie paradoxale. Du sein de ces discussions sortit, vers 1819, l'essai d'un recueil périodique, le Lycée français, feuille purement littéraire qui voulait être classique, tout en admettant des compositions du goût le plus divers, et qui promit plus qu'elle n'eut le temps d'accomplir. » [sic]
(F. Feuillet de Conches. Causeries d'un curieux. Paris, H. Plon, 1868, t. IV, p. 14)

Sous la Restauration, en 1814, il devint sous-contrôleur des services du palais des Tuileries ; en 1824, il fut nommé conservateur des résidences royales et vérificateur des dépenses de la Maison du Roi. 

Palais des Tuileries

Après la révolution de 1830, il devint gouverneur des Tuileries, où il installa sa famille au cours de l'été 1831.

S'étant formé uniquement par la lecture des poètes, Emmanuel-Louis Viollet le Duc [dit « Viollet-Leduc »] débuta dans les lettres avec un Nouvel art poétique. Poëme en un chant (Paris, Martinet, 1809), qui fut son grand succès et qui eut trois éditions dans la même année. Suivirent Le Retour d'Apollon, poëme satirique (Paris, Janet et Cotelle, 1812), Philippiques à Napoléon (Paris, Marchands de nouveautés, 1815), L'Art de parvenir, poëme en un chant (Paris, Marchands de nouveautés, 1817), La Métroxylotechnie poëme en un chant (Paris, A. Bobée, 1820), Précis d'un traité de poétique et de versification (Paris, Bureau de l'Encyclopédie portative et Bachelier, 1829), Précis de dramatique ou De l'art de composer et exécuter les pièces de théâtre (Paris, Bureau de l'Encyclopédie portative et Bachelier, 1830).

Emmanuel-Louis-Nicolas Viollet le Duc, par G. Staal.
Le Bibliophile français. Gazette illustrée.
Paris, Bachelin-Deflorenne, n° 6, avril 1869, p. 333. 

Il a pris part à la rédaction du Lycée français, ou Mélanges de littérature et de critique (Paris, Bechet aîné, 1819-1820, 5 vol.), et a donné de nouvelles éditions des Œuvres de Jean Rotrou (Paris, Th. Desoer, 1820, 5 vol.), des Œuvres de Boileau Despréaux (Paris, Th. Desoer, 1821), des Œuvres de Mathurin Regnier (Paris, Th. Desoer, 1822).



Le plus important de ses ouvrages fut le Catalogue des livres composant la bibliothèque poétique de M. Viollet le Duc, […]. Pour servir à l'histoire de la poésie en France (Paris, L. Hachette, 1843, in-8, 11-[1 bl.]-624 p., articles non numérotés), avec une « Table alphabétique des poëtes français annotés dans ce volume ».

« La spoliation des grandes bibliothèques avait couvert les boulevarts et les quais de ces livres dont j'étais curieux, que mes occupations ne me permettaient pas de consulter dans les établissements publics, et qui depuis sont devenus introuvables. Je différais en cela du plus grand nombre de nos amateurs actuels, que je n'achetais ces livres que pour les lire, et non pour leur beauté ou leur rareté : car personne n'en voulait, et leur emplète m'attirait les reproches de ma famille et les sarcasmes de mes amis, tant était étrange, à cette époque, mon goût pour ces bouquins ! Les Anglais, accourus en 1814, enlevèrent les dernières richesses en ce genre que possédaient encore quelques vieux libraires, et nos bibliophiles ne pensèrent à les désirer que quand il ne s'en trouva plus ; au point que c'est en Angleterre qu'ils vont maintenant les racheter au poids de l'or, afin de se procurer la satisfaction d'enfouir sous l'acajou ou le palissandre ces livres, dès lors perdus pour l'étude et pour eux-mêmes, qui souvent les ont touchés une dernière fois en les mettant sous clef.
Pour n'être pas confondu avec cette espèce de bibliotaphes, j'ai voulu faire connaître ces livres inconnus. […]
Je n'ai pas la prétention d'avoir composé une histoire complète de la poésie française. Mon ouvrage, s'il mérite ce nom, n'est que le catalogue, la liste des poëtes que je possède, avec des notices bibliographiques sur leurs différentes éditions ; l'analyse consciencieuse, accompagnée d'extraits, de ce que leurs œuvres contiennent, et la biographie de ces auteurs. […] Ce sont de simples matériaux pour un travail plus important, et dont je laisse l'exécution à un écrivain plus jeune que moi, plus habile, ou plus hardi.
On n'a cessé de m'objecter que ce titre de CATALOGUEque je donne à mon livre éloignerait bien des lecteurs. Cette considération fort sérieuse, en m'empêchant de trouver un libraire, m'a mis dans l'obligation d'imprimer à mes frais ; mais elle n'a pas eu le pouvoir de m'arrêter. […] Je tenais à mon titre de Catalogue, par l'excellente raison que ce livre n'est réellement qu'un catalogue ; […] Et puis j'ai vu passer sous mes yeux tant de livres rares et ignorés, provenant de bibliothèques précieuses vendues et dispersées de mon temps, dont il ne nous reste rien que ces catalogues qui ne donnent que des titres, encore souvent inexacts ou mal classés, rédigés à la hâte par des libraires illettrés, que j'ai craint le même sort pour le peu de livres que je possède. » [sic] (« Avertissement », p. 6-9)

Le soin que Viollet le Duc prit dans son catalogue de souligner les conditions, d'indiquer la grandeur des marges, la bonne conservation des reliures ou la qualité des papiers, témoignent de son expérience et de son ardeur de bibliophile.



Ce catalogue fut complété par un second volume : Catalogue des livres composant la bibliothèque poétique de M. Viollet le Duc […]. Chansons, fabliaux, contes en vers et en prose […] (Paris, J. Flot, 1847, in-8, XII-31-[1 bl.]-252 p.), avec une « Table alphabétique des chansonniers et de leurs ouvrages » et une « Table alphabétique des conteurs et de leurs ouvrages ».

La révolution de février 1848 lui fit perdre son emploi, l'expulsa du local où il avait réuni ses livres et le jeta dans un profond découragement. Il se retira à la campagne et se renferma au milieu de sa chère bibliothèque. Pour se compléter une modeste aisance – un honnête homme ne s'enrichit point dans les administrations publiques -, il se décida à se défaire d'une partie de sa bibliothèque, fruit de cinquante années de recherches et de travaux, en la livrant aux enchères : 


Bibliothèque de M. Viollet le Duc. Première partie. Poésie, conteurs en prose, facéties, histoires satyriques, prodigieuses, etc., addition : Œuvres de Voltaire, exemplaire unique (Paris, P. Jannet et Regnault, 1849, in-8, xj-[1 bl.]-224 p., 1.623 + 11a ou bis + 1b = 1.635 lots). La vente se déroula à la Maison Silvestre, 28 rue des Bons-Enfants, du lundi 5 au mercredi 21 novembre 1849, en 15 vacations.

« Plus tard, sans doute, un autre catalogue annoncera-t-il encore la vente du reste de mes livres sur l'art dramatique, les pièces de l'ancien théâtre français ; puis une collection d'ouvrages sur la langue française, la philologie, les logomachies, les proverbes, etc., etc. ; puis une multitude de livres à emblèmes, à gravures anciennes ; puis les historiens, les mémoires particuliers, et ces petits bijoux, recueils historiques que j'ai vus si recherchés dans un autre temps, et que j'avais acquis, classés, soignés et habillés, comme de vieux amis de jeunesse qui ne devaient m'abandonner qu'au tombeau. Je ne crois pas que l'ingratitude soit de mon côté : j'avais foi aux enseignements de l'histoire ; l'étude de ces livres m'a entretenu dans une fatale sécurité. Je reconnais la vanité de leurs leçons : ils m'ont trompé. » (p. vj)



Il y eut effectivement une deuxième partie, dont la vente s'effectua à la Maison Silvestre, du jeudi 17 au samedi 19 février 1853, en 3 vacations : Bibliothèque de M. Viollet le Duc. Deuxième partie. Théologie, jurisprudence, beaux-arts, théâtre, histoire (Paris, J. Jannet, 1853, in-8, [2]-42 p., 479 + 1bis = 480 lots).

Lié avec Pierre Jannet (1820-1870), successeur de Silvestre, qui avait entrepris la publication d'une « Bibliothèque elzévirienne », Viollet le Duc fournit à cette collection un roman, Six mois de la vie d'un jeune homme (1797) (Paris, P. Jannet, 1853), qui a parfois une apparence d'autobiographie, et l'Ancien théâtre françois ou Collection des ouvrages dramatiques les plus remarquables depuis les mystères jusqu'à Corneille (Paris, P. Jannet, 1854-1857, 10 vol.).


Emmanuel-Louis-Nicolas Viollet le Duc est décédé à Fontainebleau [Seine-et-Marne], 17 rue Marrier, le dimanche 12 juillet 1857, à 4 heures du matin.





Charles-Louis Trudaine (1764-1794), victime de la barbarie terroriste de l'an II

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Originaire d'une famille de tanneurs d'Amiens [Somme], dont les descendants s'étaient installés à Paris comme orfèvres, Charles Trudaine avait été baptisé le 3 janvier 1660 en l'église Saint-Nicolas-des-Champs [IIIe]. Il fut successivement conseiller au Parlement de Paris en 1684, maître des requêtes, intendant des généralités de Lyon et de Dijon, conseiller d'État. 

Plan d'intendance de Montigny (1777-1789)
Coll. A.D. Seine-et-Marne

La châtellenie-baronnie de Montigny-Lencoup [Seine-et-Marne] lui fut adjugée le 20 septembre 1694. Il épousa, le 4 février 1701, en l'église Saint-Eustache de Paris [Ier], Renée-Madeleine de Rambouillet de La Sablière (1680-1746), baptisée le 8 décembre 1680, fille de Nicolas de Rambouillet, seigneur de La Sablière [Saint-Germain-le-Gaillard, Eure-et-Loir], et de Louise-Madeleine Henry de Cheusse ; petite-fille de la célèbre Marguerite Hessein de La Sablière (1640-1693), qui donna l'hospitalité à La Fontaine, elle mourut à Paris, le 20 novembre 1746. Prévôt des marchands de Paris de 1716 à 1720, Charles Trudaine fut destitué par le Régent parce qu'il avait été « trop honnête homme » : il avait trop fermement défendu les intérêts municipaux contre les combinaisons financières de Law ! Il mourut à Paris, le 21 juillet 1721, âgé de 61 ans : « un abcès lui a crevé dans la tête ».

De son mariage étaient nés cinq enfants, dont Daniel-Charles Trudaine, dit plus tard « Le Grand Trudaine ».

Daniel-Charles Trudaine (1761)
par L. C. de Carmontelle
Né à Paris le 3 janvier 1703, Daniel-Charles Trudaine fut élevé au collège des Jésuites, fit son Droit et devint conseiller au Parlement de Paris en 1721. En 1727, il épousa, le 19 février, Marie-Marguerite Chauvin (1711-1734), née le 1er janvier 1711, fille de Michel Chauvin, conseiller au Parlement de Paris, et de Marie-Catherine de Bragelongne, puis acheta une charge de maître des requêtes. En 1729, il fut nommé intendant de la généralité d'Auvergne. En 1734, sa femme mourut à Clermont-Ferrand [Puy-de-Dôme] le 21 mars, âgée de 23 ans ; six mois plus tard, il fut fait intendant des Finances et administra ainsi les quatre départements importants des Fermes générales, du Commerce, des Manufactures et des Ponts-et-Chaussées. 


Cette même année 1734, il fit planter, dans le parc du château de Montigny, un cèdre que le botaniste Bernard de Jussieu (1699-1777) lui avait rapporté du Liban. Daniel-Charles Trudaine aimait les sciences et se plaisait dans la société des gens de lettres et des savants ; il fut admis à l'Académie des sciences en 1743. Il créa un bureau de dessinateurs pour dresser les plans des grands chemins de France [« Atlas de Trudaine », 1745-1780, 62 vol. grand in-fol. contenant plus de 3.000 planches manuscrites aquarellées], puis fonda l'École des Ponts-et-Chaussées en 1747. Il fit reconstruire, en 1749, le vieux manoir de Montigny. Il mourut à Paris le 19 janvier 1769. Il avait eu trois enfants.

Jean-Charles-Philibert Trudaine
gravé par Augustin de Saint-Aubin (1774)
d'après C. N. Cochin
Jean-Charles-Philibert Trudaine, né le 19 janvier 1733 à Clermont-Ferrand, fut adjoint à son père dès 1757, avec promesse de survivance ; il lui succéda dans tous ses emplois. En 1777, la charge d'intendant des Finances ayant été supprimée par Necker, il se retira dans la vie privée. Il aimait les lettres et recherchait ceux qui les cultivaient, et avait, dans son château de Montigny, un laboratoire où il s'occupait d'expériences de physique et de chimie. Le 5 août 1777, il succomba subitement dans sa voiture, alors qu'il visitait son domaine, sur le chemin conduisant du château de Montigny à la ferme de Grand-Champ [Villeneuve-les-Bordes, Seine-et-Marne]. 


Il fut inhumé le 7 août dans le chœur de l'église Sainte-Geneviève de Montigny.

La bibliothèque de Jean-Charles-Philibert Trudaine fut dispersée à partir du lundi 17 novembre suivant, en son hôtel parisien de la rue des Vieilles Audriettes [rue des Haudriettes, IIIe] : Notice des douze premières vacations des livres de la bibliothèque de feu M. Trudaine, conseiller d'Etat & conseiller aux Conseils royaux des Finances et du Commerce (Paris, Mérigot l'aîné, 1777, in-8, 234 p.) ; la deuxième partie du catalogue a une page de titre propre : Notice des quatorze premières vacations des livres de la bibliothèque de feu M. Trudaine. Veuf en premières noces de Françoise Gaigne de Périgny, fille de Jean-Antoine Gaigne de Périgny, maître des requêtes, qu'il avait épousée le 21 mars 1756, Trudaine était veuf en secondes noces d'Anne-Marie-Rosalie Bouvart de Fourqueux (1747-1776), fille de Michel Bouvart de Fourqueux [Yvelines], intendant des Finances, et de Marie-Louise Auget de Monthyon, qu'il avait épousée le 9 janvier 1762 et qui était décédée à Paris le 26 septembre 1776 ; il en avait eu deux fils.

Charles-Louis Trudaine (1794)
par Joseph-Benoît Suvée
Musée des Beaux-Arts, Tours
Marie-Joseph-Louise Micault de Courbeton
par J. L. David
Musée du Louvre
Charles-Louis Trudaine de Montigny, né à Paris le 18 septembre 1764, épousa, le 16 juin 1789, en l'église Saint-Sulpice, une de ses parentes, Marie-Joseph-Louise Micault de Courbeton (1769-1802), fille de Jean-Vivant Micault de Courbeton [Seine-et-Marne], conseiller général des Poudres et Salpêtres du royaume, et de Marie-Françoise Trudaine. Charles-Michel Trudaine de La Sablière, né à Paris le 2 mai 1766, resta célibataire.
Élevés au collège de Navarre, les deux frères furent les condisciples du poète André Chénier (1762-1794), avec lequel ils eurent toujours les rapports de la plus étroite amitié. D'abord avocats du Roi au Châtelet de Paris, ils furent ensuite conseillers au Parlement.
Charles-Louis Trudaine avait formé une riche bibliothèque. Ami des lettres et des arts, il était lié avec un grand nombre de savants et d'artistes, au nombre desquels se trouvaient plusieurs des anciens amis de son père. 

La Mort de Socrate
par J. L. David
Metropolitan Museum of Art, New York
En 1787, le peintre Jacques-Louis David fit le tableau « La Mort de Socrate » pour les frères Trudaine. En 1793, les deux frères quittèrent Paris et vinrent fixer leur résidence à Montigny, où ils s'occupèrent d'agriculture.
Le 27 germinal an II [16 avril 1794], Jean-Vivant Micault de Courbeton, devenu président au Parlement de Dijon, beau-père de Charles-Louis Trudaine, tombait sous la hache révolutionnaire, accusé de « tentative d'émigration ».
Àson tour, Charles-Louis Trudaine fut arrêté à Montigny, avec son beau-frère Joseph-Vivant Micault de Courbeton : 

L'Appel des dernières victimes de la Terreur à la prison Saint-Lazare (7 thermidor an II)
par Charles-Louis Muller
Musée des Beaux-Arts, Carcassonne
ils arrivèrent à Paris le 13 prairial an II [1er juin 1794] et furent conduits à Saint-Lazare, où Charles-Michel Trudaine les rejoignit. Un ancien ami du père des deux frères sollicita en leur faveur le peintre David, membre du Comité de sûreté générale : protégé autrefois par les deux frères, David refusa de s'intéresser à ses anciens amis.
Le 8 thermidor an II [26 juillet 1794], au lendemain de l'exécution d'André Chénier et la veille de celle de Robespierre, les frères Trudaine et Micault de Courbeton furent condamnés comme « complices d'une conspiration dans les prisons de Saint-Lazare » 

La guillotine à la barrière du Trône-Renversé (8 thermidor an II)
et exécutés à la barrière d'octroi du Trône-Renversé [la guillotine avait été dressée à l'emplacement du 79 boulevard de Picpus, XIIe] ; ils furent enterrés dans les deux fosses du cimetière de Picpus [35 rue de Picpus, XIIe]. Charles-Louis Trudaine, 29 ans, n'avait pas d'enfant ; son frère, 28 ans, était célibataire : avec eux finit cette famille dont le nom respecté depuis plusieurs générations, rappelait constamment le souvenir de la probité et de la justice.

La veuve de Charles-Louis Trudaine habita encore quelques années le château de Montigny. Elle donna à l'abbé Sieyès la riche et remarquable collection d'histoire naturelle et d'instruments de physique formée par son mari à Montigny et mit en vente une première partie de sa bibliothèque, en sa maison parisienne du 31 rue Taitbout [IXe], du 14 au 29 nivôse an X [4 au 19 janvier 1802] : Catalogue des livres de la bibliothèque de feu Charles-Louis Trudaine l’aîné(Paris, Bleuet fils aîné, an X [1801], in-8, viij-194-[2] p., 1.424 lots).

La liquidation de la succession des frères Trudaine, compliquée par l'intervention de l'État représentant les héritiers émigrés, dura près de sept ans. Leurs biens [Montigny et La Sablière], estimés 2.888.700 livres, furent séquestrés et administrativement dévolus moitié aux descendants de la ligne paternelle, moitié aux descendants de la ligne maternelle des suppliciés. La moitié dévolue à la ligne maternelle fut attribuée à une unique héritière, Adélaïde-Agnès Bouvart de Fourqueux (1745-1813), tante maternelle des défunts, épouse d'Étienne Maynon d'Invault (1721-1801), contrôleur général des Finances : il lui fut attribué le château de Montigny et ses dépendances.

Malade, la veuve de Charles-Louis Trudaine alla mourir à Genève, le 11 brumaire an XI [2 novembre 1802], à l'âge de 33 ans : son corps fut ramené à Montigny et inhumé le 22 brumaire an XI [13 novembre 1802] dans le chœur de l'église, auprès de celui de son beau-père.


La bibliothèque de son mari fut dispersée du lundi 25 nivôse an XII [16 janvier 1804] au vendredi 11 ventôse an XII [2 mars 1804], en sa maison, rue Taitbout, au coin du boulevard des Italiens : Catalogue des livres et manuscrits précieux, provenant de la bibliothèque de Ch.-L. Trudaine, après le décès de Mmesa veuve (Paris, Bleuet, An XII-1803, in-8, [2]-x-467-[1 bl.] p., 3.066 + 2 bis = 3.068 lots). Théologie [260 lots = 8,47 %], jurisprudence [110 lots = 3,58 %], sciences et arts [963 lots = 31,38 %], belles-lettres [645 lots = 21,02 %], histoire [1.090 lots = 35,52 %].

« A la fin de cette [dernière] Vacation, on vendra deux Corps de Bibliothèque d'ébénisterie, en forme d'Armoires, faits par BOULE.
Chaque Corps, ouvrant à deux vanteaux, portes pleines par le bas, et grillagées par le haut, garnies d'excellentes serrures à bascules, a 8 pieds 6 pouces de hauteur, 5 pieds de largeur, et 18 pouces de profondeur.
Ces Bibliothèques, sont d'acajou, plaquées en ébéne, enrichies de grotesques en cuivre et écaille coloriée, formant partie et contre-partie : le tout parfaitement conservé. Le bon goût qui règne dans ces sortes de meubles, et le fini précieux que savoit y donner le célèbre ébéniste Boule, les font rechercher par les amateurs. » [sic] (p. 467)

31. Heures de la Vierge. In-8, m. r. d. s. tr. Manuscrit sur vélin, acheté à la vente du baron d'Heiss, le 7 août 1782, avec de jolies miniatures.
43. Heures à l'usaige de Rome. Paris, Gillet Hardouin, in-4, rel. ant. à compart. Impr. sur vélin, orn. de 18 grandes miniatures, de lettres capitales peintes en or et en couleur, et des fig. grav. en bois. Ces Heures ont appartenu à Dom Gousset, et auparavant à Catherine de Médicis.
193. Musladini Sadi Rosarium politicum. Amstelod. Blaew. 1651, in-fol., ch. m. couv. en vél. cis. verd. d. s. t. Acheté à la vente de Mirabeau l'aîné.
265. Hommes à célébrer, pour avoir, en ces derniers âges, mérité de leur siècle et de l'humanité, relativement à l'instruction politique et économique, par Mirabeau le père. Italie, 1789, 2 vol. gr. in-8, gr. pap., bas. m. Exemplaire de Mirabeau fils aîné.
513. Description des animaux rares, tant sur la terre que dans l'eau, en nature et en squelette, par J. D. Meyer. Nuremberg, 1748, in-fol. gr. pap. v. fau. roul. fig. color. Exemplaire de Buffon acheté à la vente de Mirabeau l'aîné [n° 1.225].
516. Ornithologie, par Brisson. Paris, Bauche, 1760, 6 vol. in-4, v. m. fig. Exemplaire ayant appartenu à Buffon, sur lequel il y a quelques notes de sa main.
517. Histoire naturelle des oiseaux, trad. de l'anglois. La Haye, De Hondt, 1750, 4 vol. gr. in-4, v. br. Ex. de Buffon signé de lui.
531. Histoire des insectes, par Aug.-Jean Roesel de Rosenhof et Klemann. Nuremberg, Fleischmann, 1746 et suiv., 5 vol. in-4, m. verd, d. s. t. fig. color. Ex. de Mirabeau l'aîné.
543. A voyage to the islands Madera, Barbados, Nieves, St. Christophers, and Jamaica, by Hans Sloane. London, 1707, 2 vol. in-fol., m. r. dent. à petit fer, d. s. t. fig. Ex. donné en présent à l'abbé Bignon.
689. Analyse des mesures, des rapports et des angles, par Walmesley. Paris, Quillau, 1749, in-4, v. fil. fig. Ex. signé de Buffon.
880. Hymne Mantchou, chanté à l'occasion de la conquête du King-Tchouen, en 1779. In-fol. v. m. fil. Manuscrit acheté à la vente de Mirabeau l'aîné.
894. L'Enéïde de Virgile en vers françois. In-fol. m. r. fil. d. s. t. Manuscrit sur vélin du XVIe sur 2 col., 24 places propres à recevoir des miniatures ont été conservées en blanc. Original de la traduction faite par Octavien de Saint-Gelais. Acheté en janvier 1792 à la vente Félix, de Marseille. Vient de la bibliothèque de La Vallière [n° 2.459].
1.224. Mémoires du comte de Grammont, par le comte Ant. Hamilton. Stawberry-Hill, 1772, in-4,
v. éc. fil. fig. Ex. d'Hangar [n° 1.573].


1.677. Recueil de pièces intéressantes pour servir à l'Histoire de France, sous Henri IV et Louis XIII. In-fol. vél. Manuscrit sur papier, contenant 798 pages. Recueil rempli de faits curieux et peu connus, et accompagné d'une table des matières.

Adjugé pour le modeste prix de 20 francs au marquis Hippolyte de Châteaugiron (1774-1848), qui avait reconnu le manuscrit original et autographe [conservé aujourd'hui à Chantilly] des Historiettes de Tallemant des Réaux, inédites : l'ouvrage fut publié, censuré, par Monmerqué, Châteaugiron et Taschereau 


chez Alphonse Levavasseur en 1834 et 1835, en 6 volumes in-8, la notice et la table des matières en 1836. À son mariage en 1701 avec Charles Trudaine (1659-1721), Renée-Madeleine de Rambouillet de La Sablière (1680-1746) fut assistée par Élisabeth de Rambouillet de La Sablière (° 1632), sa grande-tante, veuve de Gédéon Tallemant (1619-1692), sieur des Réaux, restée seule héritière de toute sa famille. Madame Trudaine apporta donc à son mari tous les manuscrits de Tallemant des Réaux, son grand-oncle ; ils ont été conservés dans la bibliothèque de Montigny et n'en sont sortis qu'après la mort du dernier des Trudaine.

1.942. Picturae Etruscorum in vasculis nunc primum in unum colectae. Romae, Zempel, 1767, 3 vol. in-fol., bas. éc. dent. d. s. t. fig. coloriées. Ex. de Loménie de Brienne.
1.944. Danicorum monumentorum Lib. VI. Hafniae, Moltkenius, 1643, in-fol. v. jas. fil. fig. Ex. aux armes de Huet, évêque d'Avranches.
2.400. Ph.-Jac. Sachs Gammatologia curiosa. Francof. Fellgibel, 1665, in-8, v. br. fig. Ex. de Colbert.
2.402. L'Histoire naturelle éclaircie dans une de ses parties principales, la Conchyliologie, par M*** [Dezalier-d'Argenville]. Paris, De Bure l'aîné, 1757, 2 part. en 1 vol. gr. in-4, mar. bl. lav. régl. Ex. de Le Camus de Limare [n° 710].
2.517. Divers projets d'une place publique pour ériger la statue équestre de Louis XV. 1753, in-fol. atl. mar. r. dent. d. s. t. doub. de tabis. Rel. de Padeloup aux armes de Madame de Pompadour. Recueil manuscrit par François Blondel.

En 1811, la fille adoptive d'Adélaïde-Agnès Bouvart de Fourqueux, Élisabeth-Françoise Bouvart de Fourqueux (1793-1867) [fille naturelle de Charles-Michel Trudaine et de Victoire-Marie-Françoise de Montmorin (1765-1794)], femme du comte Benjamin-Pierre-Aimé-Théodore Le Cornu de Balivière (1782-1821), hérita de Montigny, qu'elle vendit en 1822 au comte anglais Georges de Stacpoole, moyennant 1.566.000 francs. 


En 1823, le Conseil municipal décida de placer sur la fontaine de la place du Marché, don de Jean-Charles-Philibert Trudaine, une plaque de marbre noir portant « A LA FAMILLE TRUDAINE, LES HABITANTS DE MONTIGNY-LENCOUP RECONNAISSANTS. ». En partie brisé, le marbre fut remplacé en 1877 par une plaque de fonte reproduisant la même inscription en lettres d'or.

Àla mort du comte de Stacpoole, en 1852, le château fut vendu à une société de spéculateurs qui le démolirent afin de tirer profit des matériaux. Le cèdre du parc faillit alors être livré aux bûcherons : grâce à une souscription départementale, il put être conservé par la commune. Endommagé par un ouragan en 1860, il eut une branche de 2,50 m. de circonférence cassée, qui fut envoyée à Melun et fournit le bois des meubles qui ornèrent la préfecture de Seine-et-Marne. Il a beaucoup souffert des rigueurs de l'hiver 1879. Cet arbre, dont le tronc avait 12,10 m. de circonférence, atteignait 38 m. de hauteur et couvrait une superficie de plus de 1.000 m2 : il fut brisé par une tornade le 1er décembre 1935, à 13 h. 15.

D'or, à trois daims passants de sable







Le Catalogue des livres de la bibliothèque de M.*** (1744) est celui de la vente Michel-Étienne Turgot

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La famille Turgot, transplantée de Bretagne, est une des plus anciennes de la Normandie et porte pour armes « D'hermines, fretté de gueules de 10 pièces ».


En 1445, le fief des Tourailles [Athis-Val-de-Rouvre, Orne] entra dans la famille, par le mariage de Philippine Bertrand avec Jean Turgot, seigneur de La Bionnière [Tinchebray-Bocage, Orne], arrière-grand-père de Louis Turgot ( 1589). Louis Turgot eut deux fils qui formèrent deux branches distinctes : l'aîné, Jean Turgot (1608), continua celle des Tourailles ; le second, Antoine Turgot (1616), fonda celle de Saint-Clair [Ménil-Gondouin, Orne].
Le fils de ce dernier, Jacques Turgot ( 23 mai 1659), seigneur de Saint-Clair et de Soumont [Soumont-Saint-Quentin, Calvados], fut le premier qui s'établit à Paris, en 1619, maître des requêtes aux Conseils du Roi ; il fut inhumé en l'église des Incurables [chapelle de l'hôpital Laënnec, 42 rue de Sèvres, VIIe]. Ses deux fils formèrent deux branches : Antoine Turgot ( 15 février 1713), qui fut inhumé en l'église des Incurables, celle des Turgot de Saint-Clair ; Dominique Turgot (12 septembre 1670), qui fut inhumé au couvent des Petits-Augustins [École nationale supérieure des Beaux-Arts, 14 rue Bonaparte, VIe], celledes Turgot de Soumont.

Sous l'Ancien Régime, on ne connaît que trois catalogues de ventes de bibliothèques ayant appartenu à des membres de la famille Turgot. Chronologiquement :

1.Bibliotheca Turgotiana : seu Catalogus librorum bibliothecæill. et rev. D. D. Dominici-BarnabæTurgot de Saint-Clair, epicopi [sic] Sagiensis (Paris, Gabriel Martin, 1730, in-12, [1]-[1 bl.]-[2]-296 p., 3.904 lots).

2. Catalogue des livres de la bibliothèque de M.*** (Paris, Piget, 1744, in-8, [1]-[1 bl.]-xi-[1]-514 p., 5.552 lots).

3.Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. Turgot, ministre d'État (Paris, Barrois l'aîné, 1782, in-8, [1]-[1 bl.]-[2]-148 p., 3.058 lots).

Le premier est celui de Dominique-Barnabé Turgot (1667-1727), évêque de Séez [Orne] ; le deuxième est anonyme ; le troisième est celui d'Anne-Robert-Jacques Turgot (1727-1781), contrôleur général des Finances du roi Louis XVI.



Dès 1746, le libraire Gabriel Martin révéla que le catalogue anonyme était celui de « M. Turgot » (Catalogue des livres de feu M. l'abbé d'Orléans de Rothelin. Paris, Gabriel Martin, 1746, p. 554, n° 4.885). En 1754, le même libraire précisa « Turgot de S. Clair » (Catalogue des livres provenans de la bibliothéque de feu M. De Boze. Paris, G. Martin, 1754, p. 157, n° 1.203) : cette précision fut reprise l'année suivante par son confrère Marie-Jacques Barrois (Catalogue des livres de la bibliothèque de M. Secousse. Paris, Barrois, 1755, p. 422, n° 7.442). Il ne pouvait s'agir que de Marc-Antoine Turgot (1668-1748), seigneur de Saint-Clair, ancien maître des Requêtes sous le roi Louis XV.

En 1767, le libraire Guillaume-François De Bure, dit « le jeune », fut le premier à identifier « M. Turgot » avec le prévôt des Marchands de Paris (Catalogue des livres provenans de la bibliotheque de M. L. D. D. L. V. [M. Le Duc De La Vallière]. Paris,1767, t. II, p. 260, n° 5.350) ; ce qu'il confirma deux ans plus tard, à propos d'un exemplaire « avec les prix à l'amiable, mis en marge », prouvant que la bibliothèque n'avait pas été vendue « en bloc », mais aux enchères (Supplément à la Bibliographie instructive, ou Catalogue des livres du cabinet de feu M. Louis Jean Gaignat. Paris, 1769, t. II, p. 227, n° 3.462). L'abbé R. Duclos confirma l'information donnée par De Bure (Dictionnaire bibliographique, historique et critique des livres rares. Paris, Cailleau et fils, 1790, t. I, p. xxiij). Il ne pouvait s'agir que de Michel-Étienne Turgot (1690-1751), marquis de Soumont, ancien prévôt des Marchands de Paris sous le roi Louis XV.

Dans son Dictionnaire des ouvrages anonymes et pseudonymes (Paris, Barrois l'aîné, 1822, 2eéd., t. I, p. 154, n° 2.045), le bibliographe Antoine-Alexandre Barbier reprit l'indication de Gabriel Martin, sans citer sa source, et affirma que ce catalogue « renferme environ dix mille volumes. L'ordre y est peu exact, et les titres y sont la plupart tronqués et mal énoncés. Il pullule d'ailleurs de fautes d'impression. On n'y dit point qui est le curieux qui a ramassé avec tant de soin, durant trente ans, cette si précieuse bibliothéque [sic]. C'est M. Turgot de Saint-Clair, ancien maître des requêtes, qui l'a vendue, de son vivant même, 28,000 francs. »

Une note du Bulletin du bibliophile (Paris, J. Techener, 1853, septembre et octobre, p. 470) a rendu la propriété de ce catalogue anonyme au prévôt des Marchands de Paris :

« TURGOT, le père du ministre de Louis XVI, fut un bibliophile qui avoit réuni une collection fort curieuse et fort nombreuse, puisque le catalogue, mis au jour en 1744, présente 5,552 articles. Les livres relatifs aux troubles de la Ligue, les facéties y sont en grand nombre ; nous avons remarqué un volume qui se rattache aux imitations ou continuations de Rabelais, et dont les bibliographes n'ont pas fait mention, ce nous semble : Nouvelles récréatives plaisantes, curieuses et admirables, d'un renommé vieil homme nommé Panurge, et du voyage que fist son âme en l'autre monde, pendant le rajeunissement de son corps, Toulouse, 1616. Turgot avoit des livres italiens nombreux et bien choisis ; il étoit riche en auteurs hétérodoxes qui se payoient alors fort cher, et qui sont aujourd'hui à bas prix. On a, en fait de hardiesses irréligieuses, bien mieux ou bien pis qu'Ochin, Parisot, Postel, etc. » [sic]

Cette correction n'a pas attiré l'attention des bibliographes Ferdinand Denis, Pierre Pinçon et Guillaume-François de Martonne, qui ont recopié le commentaire de Barbier (Nouveau Manuel de bibliographie. Paris, Roret, 1857, t. III, p. 640).

L'information fournie par Martin, et reprise par Barbier, a réussi à convaincre jusqu'aux historiens du XXesiècle finissant, sur la foi d'une note manuscrite, à l'encre, figurant sur la page de titre d'un exemplaire de ce catalogue anonyme [Institut de France, 8° AA 2001], qui a appartenu à Antoine Moriau (1699-1759), procureur du Roi et de la Ville de Paris sous le roi Louis XV (http://elec.enc.sorbonne.fr/cataloguevente/notice406.php).



Mais l'exemplaire de Pierre Adamoli (1707-1769), maître des ports, ponts et passages de la Ville de Lyon, qui porte son second ex-libris daté de 1733, présente, sur la page de titre, une mention manuscrite contemporaine, à l'encre : « Turgot prevot des marchds de paris » [B. m. Lyon, 809598].

Plan de Paris (1739)
La vente de la bibliothèque de « M*** » [Turgot] débuta le 12 janvier 1744, dans une des salles du Couvent des Grands-Augustins [quai des Grands-Augustins, VIe, détruit en 1797], louée pour l'occasion par Pierre Piget (25 novembre 1747), libraire depuis le 24 avril 1723, quai des Augustins, à Saint-Jacques. Le catalogue comprend : théologie [746 lots = 13,43 %], jurisprudence [228 lots = 4,10 %], sciences et arts [646 lots = 11,63 %], belles-lettres [1.748 lots = 31,48 %], histoire [2.016 lots = 36,31 %], recueils de pièces [129 lots = 2,32 %], collection ad usum Delphini [39 lots = 0,70 %].

« La Bibliotheque dont je donne le Catalogue, est une des plus belles & des plus singulieres qui se soit vendue depuis longtems, c'est le fruit de 30. années de loisir employés par un Amateur, homme de goût, qui n'a négligé ni soins ni dépense dans la Collection qu'il a faite d'environ 10000. Volumes rares & choisis.
Cette Bibliotheque est composée de Livres sur toutes matieres ; & il n'y a point de classes ou facultés dans laquelle l'on ne trouve, non seulement ce qu'il y a d'utile & de nécessaire, mais encore la plus grande partie de ce que l'on connoît comme rare & singulier.
L'on trouve dans la Théologie Missa Latina FLACCI ILLIRICI. WICLEFIdialogi. SERVETUSde Trinitate. Toutes les Œuvres de BERNARD OCHIN, de GUILLAUME POSTEL, de SIMON MORIN, de JULES-CESARVANINI, de JEAN BODIN, de TOLAND, & autres.
Dans les Sciences & Arts, GOMETII PEREIRÆAntoniana Margarita & ejusdem Medecina nova, Arte de los Metales por ALLONZO BARBA, Antiquas Minas de Espana por ALLONZOCARRILLO LASSO. BACCIUSde Vinis. Hortus Eystetensis. GODEFRIDIBIDLOOAnatomia. Le Machine di RAMELLI, &c.
Les Belles-Lettres Latines & Françoises y sont très-riches ; l'on y trouve aussi tout ce que le siécle d'or de la Langue Italienne a produit. Il seroit trop long de donner le détail des Livres rares qui se trouvent en cette partie.
L'Histoire est très-nombreuse, & n'offre pas moins de curiosités que les Belles-Lettres. En Histoire Ecclésiastique l'on trouve, li Fioretti di sancto Francisco Assimilativa à la Vita del J. C. 1496. in 4°. BARTH. PISISLiber conformitatum 1513. &c. En Histoire d'Italie, les premieres & belles Editions de l'Histoire d'Italie deFRANÇOIS GUICCIARDIN, de l'Histoire de Milan, de BERN. CORIO, l'Histoire de Naple de GIANONE, &c. En Histoire de France, la premiere Edition de MEZERAY en 3. vol. in fol. grand papier. Toutes les Pieces Historiques & Satyriques qui ont paru pendant les troubles arrivés en ce Royaume sous les Régnes de CHARLESIX. HENRIIII. & HENRIIV. Une très-belle suite des Histoires de nos Provinces, &c. En Histoire Etrangeres, HENNINGESTheatrum Genealogicum & autres. En Medailles, Dialogos dellas Medallas antiquas porANTONIOAGOSTINO.
Enfin, une suite complette des Auteurs In usum serenissimi Delphini, & une Collection des Auteurs imprimés par les ELSEVIERS, reliés en Maroquin. » [sic] (« Avertissement », p. i-ii)

Le prévôt des Marchands de Paris, Michel-Étienne Turgot, était à la vente du comte d'Hoym, qui eut lieu dans une salle de l'hôtel de Longueville [rue Saint-Thomas-du-Louvre, Ier, détruit en 1832], du 12 mai au 2 août 1738 : 




le fameux livre de Bernardino Ochino intitulé Apologi nelli quali siscuoprano li abusi (S. l. [Genève], s. n. [Jean Girard], 1554, in-8), maroquin bleu, n° 602, page 66 du catalogue, lui fut adjugé 120 livres (Bulletin du bibliophile. Paris, Techener, septembre 1838, p. 314).



On retrouve ce même exemplaire dans le Catalogue des livres de la bibliothèque de M.***, sous le n° 632, page 56 [vendu 50 liv.] : ce catalogue est donc bien celui de la vente de la bibliothèque du prévôt des Marchands.

Michel-Etienne Turgot, par Van Loo (1739)
Michel-Étienne Turgot, marquis de Soumont, seigneur de Saint-Germain-sur-Eaulne [Seine-Maritime], naquit à Paris, le 9 juin 1690, de Jacques-Étienne Turgot (1670-1722), intendant de Metz et de Tours, inhumé en l'église Saint-Nicolas-des-Champs [IIIe], et de Marie-Claude Le Pelletier. Reçu avocat, il devint conseiller au Parlement de Paris le 31 juillet 1711, président en la seconde Chambre des Requêtes du Palais le 25 janvier 1717. Il fut élu prévôt des Marchands de Paris le 14 juillet 1729.
Il s'occupa alors sans relâche de l'assainissement et de l'embellissement de la capitale. Le grand égout général de Paris, qui n'était formé que par une tranchée, fut commencé en pierre en 1737, dans un nouveau terrain, depuis la rue du Calvaire [rue des Filles-du-Calvaire, IIIe], au Marais, jusqu'à la rivière près Chaillot [XVIe], ainsi que ses embranchements, les pompes et le réservoir pour laver cet égout, qui a été achevé en 1740 :

« L'ancien égout général de Paris commençoit au bout de la rue du Calvaire au Marais, & se continuoit en traversant les fauxbourgs du Temple, de Saint-Martin, de Saint-Denis, de la Nouvelle-France, de Montmartre, des Porcherons, de la Ville-l'Evêque, du Roule, les Champs-Elisées, & le bas de Chaillot, jusqu'à la rivière. Cet égout n'étoit formé que par une tranchée fouillée dans des marais, sans aucune maçonnerie ni pavé, ce qui avoit beaucoup contribué à son encombrement, à lui faire perdre sa pente, & faire regonfler les eaux dans Paris ; de maniere qu'en 1715, la Ville fut obligée de détourner les eaux des égouts de la vieille rue du Temple, qui rentroient plutôt qu'elles ne sortoient. On pratiqua une ouverture dans le fossé, qui va depuis la rue du Calvaire, jusqu'à la rivière, près le bastion de l'Arsenal. Ce remede occasionnoit un grand mal, qui arrivoit par les grandes averses, lesquelles, en fournissant des eaux en abondance, entrainoient avec elles dans la rivière, des immondices capables de fournir une eau malsaine dans les pompes du pont Notre-Dame. Ce fut pour remédier à tous ces inconvéniens, qu'en 1737, la Ville prit la résolution non-seulement de reconstruire ce grand égout général dans toute sa longueur, mais encore de faire construire un réservoir, dans lequel on garderoit de l'eau pour rincer cet égout. » [sic]
(Hurtaut et Magny. Dictionnaire historique de la ville de Paris et de ses environs. Paris, Moutard, 1779, t. II, p. 725-726)

Il y avait longtemps que le quai des Morfondus [quai de l'Horloge, Ier], entre le Pont-Neuf et le Pont-au-Change, ainsi nommé à cause de son exposition au vent du Nord qui morfondait les passants, était trop étroit, ce qui causait tous les jours des embarras incommodes et dangereux :

« M. Turgot, Conseiller d'Etat & Prévôt des Marchands de la Ville de Paris, voulant remédier en 1738, à une partie de ces incommodités, fit élargir le quai des Morfondus, au moyen de deux angles saillans, qu'on a formés, l'un au bout du Pont-au-Change, vis-à-vis la tour de l'horloge du Palais, & l'autre au Pont-Neuf, presque vis-à-vis la statue équestre d'Henri-le-Grand. Pour cet effet, la Ville a acheté quatre maisons qui étoient les quatre dernières du Pont-au-Change, dont trois appartenoient à des Particuliers, & la quatrième au Grand-Prieuré de France, & les ayant fait abattre, a formé en cet endroit une petite place, où commence un trottoir en saillie, qui règne le long du parapet du quai des Morfondus, & se termine au Pont-Neuf. » [sic]
(Hurtaut et Magny. Dictionnaire historique de la ville de Paris et de ses environs. Paris, Moutard, 1779, t. IV, p. 91)

La fontaine de Grenelle. Dessin de Gabriel Davioud
Le Magasin pittoresque (Paris, 1852, p. 252)
De 1739 à 1745, sur les dessins et sous la conduite du sculpteur Edme Bouchardon (1698-1762), il fit construire, en pierre d'Herblay [Val-d'Oise], dite « pierre de Conflans », la fontaine de Grenelle [57-59 rue de Grenelle, VIIe], dite « des Quatre-Saisons », destinée à procurer de l'eau pour le quartier mais aussi à être un monument commémoratif en l'honneur de Louis XV. Le groupe du milieu, représentant la Ville de Paris, la Seine et la Marne, est en marbre blanc ; les quatre génies des saisons, dans les niches latérales, sont en pierre de Tonnerre [Yonne]. L'eau dont elle s'alimentait provenait du village de Rungis [Val-de-Marne], et y était amenée par l'aqueduc d'Arcueil. La fontaine de Grenelle est ce qu'on appelle un château d'eau, comme la plupart des autres fontaines de Paris élevées sous Louis XIV, c'est-à-dire une construction destinée à contenir un réservoir et dont l'élévation est subordonnée au niveau supérieur de l'eau qui y est amenée. Les véritables fontaines, c'est-à-dire celles dont l'eau jaillissante forme le principal ornement ne furent introduites, en France, dans l'intérieur des villes, qu'à dater de l'Empire, et par imitation de celles d'Italie ; auparavant, on n'en élevait que dans les parcs et les jardins.


Pour promouvoir les beautés de la capitale, Turgot avait entrepris en 1734 de faire dresser un Plan de Paris, en vue cavalière ou à vol d'oiseau, improprement appelé « Plan de Turgot ». Il fut dessiné au 1/400 [1 cm. = 4 m.], pendant deux ans, par Louis Bretez, membre de l'Académie de Saint-Luc et auteur d'un traité consacré à La Perspective practique de l'architecture (Paris, Auteur et Pierre Miquelin, 1706, in-fol.). Au final, 20 planches furent gravées, par Antoine Coquart pour les 6 premières, puis par Claude Lucas (1685-1765) ; une 21e planche, en tête et qui est un plan général au simple trait, porte un avertissement :

« Le Plan en Perspéctive de la Ville de Paris, gravé en Vingt Planches, se trouvant, lorsqu'elles sont rassemblées, d'une trop grande étendue pour être aisement conservé dans les Biblioteques, et ces Vingt Planches pouvant être reliées en Volume ; On a cru devoir, pour en faciliter l'Usage faire graver cette Vingt et unieme Planche dans laquelle ce Plan est reduit en petit suivant le même trait de la Perspéctive qu'on a observée dans le grand.
Ce Plan reduit, est divisé par des lignes, qui forment Vingt carrés égaux, dont chaqu'un renferme l'éspace juste et les différentes parties de la Planche laquelle il a raport.
Le Chiffre qui se trouve dans un des Coins de chaque Carré du Plan reduit, indique la Planche qu'il represte, Où l'on trouvera le même Chiffre. » [sic]

L'achevé de graver date de 1739. Pierre Thévenard, imprimeur en taille-douce, rue Saint-Jacques, livra 2.600 exemplaires. Chaque planche mesure 50 x 79 cm. [plusieurs n'ont que 48 cm. de hauteur], y compris la bordure large de 32 mm. Réunies, les 20 planches forment 5 rangs et constituent un rectangle d'environ 2,50 x 3,16 m. Louis Bretez dérogea à l'usage généralement admis d'orienter les cartes vers le Nord, parce que, voulant donner de Paris une image en élévation, il dut, à l'exemple des anciens géographes, préférer un système qui permit de voir de face les portails de nos anciennes églises qui, pour la plupart, avaient leur façade tournée vers l'occident : le Nord-Ouest est au bas du plan. Ce plan est parfois assemblé et collé sur toile. Les 21 cuivres gravés du plan sont conservés à la Chalcographie du Louvre.


Le titre gravé se trouve au bas des planches 18 et 19, moitié sur l'une, moitié sur l'autre, au milieu d'un cartouche de forme très contournée, entouré de volutes et surmonté de la figure allégorique de la Ville de Paris appuyée sur son blason.


Ce plan forme le plus souvent un atlas grand in-folio ; chaque planche, tirée sur un papier très fort, est pliée en deux et collée sur onglet. La plupart des exemplaires furent reliés avec plus ou moins de luxe pour être distribués gratuitement à tous les personnages éminents ; toutes les reliures, en mouton ou en maroquin du Levant, sont ornées au centre des armes de Paris, et, dans les coins, des mêmes armes ou de grosses fleurs de lis ; le filet se compose de lignes de fleurs de lis. Il y a des exemplaires tirés sur grandes marges.

Exemplaire de Jean de Montagliari (1989), avec son ex-libris
Grand in-fol. [555 x 443 mm.], maroquin rouge d'Antoine-Michel Padeloup,
large encadrement floral avec chiffre et fleurs de lys dans les angles et les milieux, armoiries centrales,
dos à neuf nerfs orné du même chiffre fleurdelysé et d'une pièce d'armes,
large roulette intérieure, doublure et gardes de tabis bleu ciel, tranches dorées.
Drouot, 6 mars 2012 : 123.997 €, sur une estimation à 20.000/30.000 €

C'est à Turgot que revint l'idée de créer une bibliothèque publique ; ce projet ne se réalisa que grâce à Antoine Moriau, procureur du Roi et de la Ville, qui, à la veille de sa mort, légua ses collections à la Ville de Paris, à charge pour celle-ci d'en faire une bibliothèque publique, qui ouvrit officiellement ses portes au public le 13 avril 1763.

Ses soins pour la santé et les intérêts des classes pauvres ; le zèle et l'activité qu'il déploya pour les approvisionnements de la capitale pendant les années de disette ; le dévouement intrépide qu'il montra un jour, en se jetant seul au milieu des grenadiers des Gardes-Françaises et des Gardes-Suisses qui, par suite des animosités fréquentes entre les corps militaires n'appartenant pas à la même nation, s'égorgeaient sur le quai de l'École [quai du Louvre, Ier], désarmant un des plus furieux, les contenant, les arrêtant tous et faisant cesser le carnage : tels furent les titres qui engagèrent Louis XV à continuer Turgot dans ses fonctions de Prévôt des marchands jusqu'au 16 août 1740, soit au total pendant onze années, terme qui n'avait été atteint par aucun de ses prédécesseurs.

Turgot obtint l'érection de la seigneurie de Soumont, unie aux terres de Bons [Bons-Tassilly, Calvados], Ussy [Calvados], Potigny [Calvados], Saint-Quentin [Soumont-Saint-Quentin, Calvados], Brucourt [Calvados] et Périers [Périers-sur-le-Dan, Calvados], en marquisat, par lettres de 1735, registrées au Parlement de Rouen en 1736. Il fut fait conseiller d'État le 29 avril 1737 et nommé pour remplir les fonctions de premier président du Grand-Conseil pendant l'année 1741. Honoraire de l'Académie royale des Inscriptions et Belles-Lettres de Paris en 1743, il devint conseiller d'État ordinaire au mois de novembre 1744.

Château de Bons
In Arcisse de Caumont. Statistique monumentale du Calvados 
(Paris, Derache, 1850, t. II, p. 510)

En Normandie, la résidence de Turgot est au château de Bons, construit en 1644.

Hôtel Turgot, rue Portefoin, en 1901 [photo. Eugène Atget]
ÀParis, Turgot habita l'hôtel qu'avait acheté son grand-père, 12 rue Portefoin [IIIe, détruit].

Restes du château Bleu (1868)

Il mourut dans son château des Tournelles [détruit en 1817], dit le « château Bleu », en raison de son toit d'ardoise qui se distingue des toits de tuiles ou de chaume, à Tremblay-en-France [Seine-Saint-Denis], le 1er février 1751, âgé de 60 ans 7 mois 22 jours, emporté par une attaque de goutte, maladie de famille. 


Il fut inhumé dans l'église des Incurables.

Il avait épousé, le 25 novembre 1718, Madeleine-Françoise Martineau, fille de Pierre-Guillaume Martineau, seigneur de Bretignolles, et d'Angélique de Montaut. Elle mourut en son château de Tremblay-en-France, le 28 novembre 1764, à l'âge de 67 ans, et fut inhumée dans l'église Saint-Médard. Le couple Turgot avait eu quatre enfants : Michel-Jacques, le 21 août 1719 ; Étienne-François, le 16 juin 1721 ; Anne-Robert-Jacques, le 10 mai 1727 ; Françoise-Hélène-Étiennette, le 20 septembre 1729.

















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Des Rime d’Amomo (1535) aux oraisons funèbres sur la mort de Henri IV (1610), les imprimeurs-libraires parisiens publient une centaine d’ouvrages en langue italienne. Cette production, élaborée pour l’essentiel par des Italiens de l’entourage royal et des italianisants français, illustre la protection que les rois de France, depuis François Ier, portaient aux lettres italiennes et la contribution de celles-ci à la célébration monarchique, à l’agrément de la vie mondaine, à l’élaboration des savoirs et des arts. Par ses auteurs, ses textes et ses thèmes, elle se distingue des livres en langue italienne publiés tant en Italie que dans d’autres centres éditoriaux, mettant en évidence l’originalité de l’italianisme de la cour de France au XVIe siècle. Cette production est recensée et décrite en détail pour la première fois, dans le cadre du projet de recherche franco-allemand Eurolab, consacré au développement et à la confrontation des langues vernaculaires au début de l’époque moderne. 

Table des matières

Avant-propos

Introduction
Le livre italien à Paris (1535-1610)
Des livres en leur temps
Un livre de cour
Un livre italien ou un livre français en italien ?
Abel L’Angelier libraire italianisant
La curiosité en matière de livre italien

Avertissement

Première partie
Les livres des Italiens : livres en italien (Paris-Tours, 1535-1611)

Deuxième partie
Les livres des Italiens : livres en latin et en français (Paris, 1553-1609)

Troisième partie
Les livres des italianisants (Paris, 1582-1602) 

Quatrième partie
Textes officiels ou politiques (Paris, 1560-1595) 

Cinquième partie
≪ Pour le plaisir de ceux qui se délectent en l’une et l’autre langue ≫. Editions bilingues à vocation didactique, français-italien et italien-français (Paris, 1546-1609)

Annexes
Liste sommaire des livres en italien imprimés sous une fausse adresse parisienne (1534-1609).
Table chronologique
Table des imprimeurs et des libraires
Table chronologique des privilèges et des approbations
Table des incipit 

Index général 

Bibliographie
Ouvrages de référence
Catalogues anciens
Etudes


L'Ami de Sylvestre Bonnard : Honoré Champion (1846-1913)

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Honoré Champion (1906)
5 quai Malaquais 
D'une famille originaire de Bourgogne, Jean-Baptiste-Honoré Champion est né le 13 janvier 1846, dans l'ancien Ve arrondissement [aujourd'hui IIe et Xe] de Paris : son père était marchand de vin à l'entrepôt de Bercy.
Honoré Champion quitta le collège Turgot [IIIe]pour entrer, en 1860, comme apprenti chez Jean-Baptiste-André Dumoulin (1808-1885), libraire 13 quai des Grands-Augustins [VIe]:

« Pas commode le père Dumoulin, sanglé dans sa redingote, petit, maigre et sec, qui fumait entre les piles de livres son cigare à deux sous ! »
(Pierre Champion. Mon vieux quartier. Paris, Bernard Grasset, 1932, p. 11)

Marque du libraire Dumoulin
Originaire de Normandie, Dumoulin avait ouvert, en 1834, une librairie historique, archéologique, ancienne et moderne. Il était libraire de la Société impériale des Chartes et publia la Bibliothèque de l’École des chartes de 1844 à 1862 ; il était aussi libraire de la Société nationale des Antiquaires de France, dont il publia les Mémoires de 1846 à 1883. Antiquaires et chartistes se retrouvaient dans sa boutique. De temps à autres, il publiait un livre d’érudition : Essai historique et archéologique sur l'église cathédrale de Notre-Dame de Laon, par Jules Marion (1843) ; Histoire des guerres de religion dans la Manche, par A. Delalande (1844) ; La Noblesse de France aux Croisades, par P. Roger (1845) ; Preuves de l'état civil des personnes et de la condition des terres dans les Gaules, par C.-J. Perreciot (1845) ; Histoire de l'Hôtel de Ville de Paris, par Le Roux de Lincy (1846) ; Recherches sur la vie et les ouvrages de quelques peintres provinciaux de l'ancienne France, par Ph. de Pointel (1847) ; Histoire des grands panetiers de Normandie, par le marquis de Belbeuf (1856) ; Les Écoles épiscopales et monastiques de l'Occident, par Léon Maitre (1866) ; Napoléon, Joseph et Lucien Bonaparte au collège d'Autun en Bourgogne, par Harold de Fontenay (1869).


Préparant le mince catalogue que publiait Dumoulin, Champion faisait des fiches, rédigeait des notes, corrigeait les épreuves, taillait les bandes de papier jaune sur lesquelles il recopiait les adresses, affranchissait les catalogues et portait les ballots à la Poste. Le dimanche, il allait ranger les livres dans la maison de Sainte-Beuve (1804-1869), 11 rue du Montparnasse [VIe], pour dix sous.

Conséquence de lectures quotidiennes, Champion publia très tôt : « Les Abbesses de Longchamps » (In Revue nobiliaire historique et biographique. Paris, J. B. Dumoulin, 1867, t. III, p. 415-423), suivies par une Notice historique sur l'abbaye de Longchamps (Paris, J. B. Dumoulin, 1869).

La guerre de 1870 interrompit un temps ses activités. Après un séjour à Strasbourg et à Metz, où il acheta pour Dumoulin la bibliothèque de l'École d'artillerie qui contenait les manuscrits de Vauban, il épousa, en 1872, Henriette-Émélie-Antoinette Gérard, fille d'un cordonnier de Clermont-en-Argonne [Meuse], née le 17 novembre 1851.

Petit hôtel de Chimay, 15 quai Malaquais
En 1874, il racheta le fonds de la veuve Suzanne, à laquelle il fit un premier versement de 10.000 francs payé par son commanditaire, Jean-Marie Passier, et s'établit à son compte, 15 quai Malaquais [VIe], dans le « petit hôtel de Chimay », auparavant appelé « petit hôtel de Bouillon » : librairie au rez-de-chaussée et appartement au-dessus. C'est à cette adresse que François-Noël Thibault, dit « France », avait installé sa librairie de 1844 à 1853. 

Plan de Paris de Braun (1572)
Champion plaça comme enseigne, au-dessus de sa « Librairie spéciale pour l'Histoire de France », le plan de Paris au XVIesiècle par Braun, dans un cadre noir, et débuta par le commerce des livres d'occasion :

« Dans la petite boutique du 15, Honoré avait commencé de vendre des livres anciens et des documents, comme son patron Dumoulin. Des profits de cette vente, Honoré tire une autre mouture, ses éditions. Il se lie avec de jeunes chartistes, des romanistes qu'il admire de toute sa foi et de son enthousiasme, Léopold Delisle, Gaston Paris, Paul Meyer, d'Arbois de Jubainville, Siméon Luce, Courajod, Mistral, Auguste Longnon, tous des fidèles et des amis. La librairie, proche de l'Institut, en fut parfois l'antichambre. Le jeudi, où siègent les membres de l'Académie Française, on ne rencontre pas dans la boutique les mêmes personnages que le vendredi. Français vivant et aimable, le jeune Honoré a des amis à l'étranger comme Suchier à Halle, Forster à Bonn, Bocher aux Etats-Unis, Monaci à Rome, lord Rosebery à Londres et Loutchisky en Russie.
C'est vraiment un commerce d'amitié qu'il a su créer autour de lui, et dès sa jeunesse. Honoré, sans aucun capital, court son aventure. Mais il a la foi, comme ceux qui regardent seulement devant eux. Il crée, parce qu'il travaille, et suivant son instinct. Honoré a fait sortir de la vente des vieux livres les éditions qu'il aime, sans rechercher les affaires lucratives, mais celles qui répondent à ses goûts. Imprimer Léopold Delisle, Siméon Luce, Longnon est pour ce libraire une satisfaction d'auteur. Il relit toutes les épreuves des beaux livres qu'il imprime à 500 exemplaires, et qui sont tirés sur papier inaltérable. Que de sacrifices il dut alors s'imposer ! Ma mère vivait parfois dans les transes, car la facture de Daupeley, qui imprime si bien, peut coïncider avec le terme d'un loyer. La chose devenait parfois dramatique. Mais l'optimisme d'Honoré, sa jeunesse désarmaient tout le monde. Je dois dire aussi qu'il n'aimait pas trop à faire des calculs et ne s'embarrassait pas de cette vaine science, l'arithmétique. Longtemps, il ignora la comptabilité ; mais toujours il sortait d'embarras, ayant la foi. Ses intuitions, en matière de trouvailles de bouquins ou d'auteurs, l'ont servi admirablement. »
(Pierre Champion. Ibid., p. 37-38)

Il édita ensuite des publications à compte d'auteur, des collections de Sociétés savantes, les catalogues de la Bibliothèque nationale, et assura la diffusion d'éditions provinciales confidentielles.


Dès son installation en 1874, Champion participa à la fondation de la Société de l'Histoire de Paris et de l'Ile-de-France, dont il devint le libraire, éditeur du Bulletin, à partir de 1874, puis des Mémoires, à partir de 1875. À partir de 1883, il édita la Revue de l'Art chrétien.
Il se chargea de la diffusion du Dictionnaire historique de l'ancien langage françois (Niort, L. Favre, 1875-1882, 10 vol. in-4), par La Curne de Sainte-Palaye, puis de Lou Tresor dou Felibrige ou Dictionnaire provençal-français (Aix-en-Provence, Veuve Remondet-Aubin, 1879-1886, 2 vol. in-4), par Frédéric Mistral.
Dans la clientèle composite qui fréquentait sa librairie, se trouvaient de grands bibliophiles : le duc d'Aumale, le baron Pichon, Mareuse, Auguste Lesouef, le duc de La Tremoille, le duc de Broglie, les marquis de Vogüé, de Pange, de Pimodan, de Brémond d'Ars.

C'est à cette adresse que naquirent cinq des six enfants Champion : Pauline-Marie-Antoinette le 10 juin 1875, Maurice-Auguste-Joseph le 3 octobre 1877, Pierre-Jean-Baptiste-Honoré le 27 février 1880, Édouard-Jean-Marie le 10 octobre 1882 et Julie-Jeanne-Yvonne le 6 juin 1886. C'est à cette époque que Champion devint l'ami intime de deux de ses confrères, installés rue Bonaparte [VIe] : Alphonse-Gabriel-François Picard (1833-1906) et Victor Lecoffre (° 1841).

Mais dès 1884, l'État acquit l'hôtel de Chimay, 17 quai Malaquais, et le petit hôtel de Chimay, pour agrandir l'École des Beaux-Arts. 

9 quai Voltaire
En 1890, à l'expiration de son bail, Champion dut s'installer un peu plus loin, 9 quai Voltaire [VIIe] : ce magasin avait été loué, lui aussi, par le père d'Anatole France, de 1858 à 1866 [Dominique-Vivant Denon (1747-1825), premier directeur du Louvre, est mort au 5 quai Voltaire (Institut royal de France. Paris, Firmin Didot, 1818, p. 57) et non pas au 9 (selon Anatole France), ni au 7 (selon la plaque apposée sur la façade)].

La Librairie Champion, par Henri Buron (1880-1969)
Musée Carnavalet
« La boutique du 9 quai Voltaire consistait en un grand rez-de-chaussée, avec une vitrine assez vaste. […]
Des rayons, un casier où étaient rangés les gros registres verts où les membres de la Société de l'Histoire de Paris venaient, plusieurs fois l'an, donner une signature en retirant les publications auxquelles ils avaient droit, une table avec un tapis vert où Honoré Champion exposait ses récentes éditions savantes, une cheminée de marbre blanc. La belle tête de la Niké antique, don de M. de Laborde, le plus noble morceau de la statuaire grecque, présidait aux réunions. Les chaises cannées, qui garnissaient la librairie à se toucher et se prolongeaient jusqu'au petit bureau d'Honoré, formaient le seul luxe de la pièce. […]
La librairie Champion, comme celle du père d'Anatole France, était une librairie à chaises. Les habitués y avaient leur place, comme à l'Académie on a son fauteuil. […]
La librairie du quai Voltaire demeurait enfin, pour les vieilles familles provinciales de France, un centre de réunion et d'études généalogiques. »
(Pierre Champion. Ibid., p. 44-47)

Expert près le tribunal civil de la Seine, Champion fut choisi pour rédiger le catalogue et procéder à la vente de nombreuses bibliothèques, parmi lesquelles furent celles de Charles Giraud (1802-1881), professeur de droit et membre de l'Institut ; de Jules Desnoyers (1800-1887), géologue ; du baron Jean de Witte (1808-1889), archéologue ; de l'écrivain Marcel Schwob (1867-1905), maître et intime ami de son fils Pierre.
À partir de 1903, il édita la Revue des études rabelaisiennes.

En 1905, en pleine publication de l'Atlas linguistique de la France(Paris, Champion, 1902-1910, 9 vol. gr. in-8), par Edmond Edmont et Jules Gilliéron, Champion acquit le fonds de la librairie d'Émile Bouillon, 67 rue Richelieu [IIe], qui avait succédé en 1887 à son beau-père Friedrich Vieweg, lui-même successeur de Albert Franck.
Champion joignit à ses revues celles de Vieweg-Bouillon : Romania, recueil trimestriel consacré à l'étude des langues et des littératures romanes ; Revue celtique ; Le Moyen Age, revue d'histoire & de philologie ; Recueil de travaux relatifs à la philologie et à l'archéologie égyptiennes et assyriennes ; Revue des bibliothèques

Marque du libraire Vieweg

Marque du libraire Champion

Il conserva la marque de Vieweg et sa devise, « NUNQUAM RETRORSUM»[jamais en arrière], remplaçant seulement les initiales F. V. par les siennes.

Hôtel de Châteauneuf, 5 quai Malaquais
Pour s'agrandir, il emménagea alors au rez-de-chaussée du 5 quai Malaquais, dans l'hôtel de Châteauneuf, auparavant appelé hôtel de Garsaulan, occupé jusque là par la librairie de Auguste Duplenne, et associa son fils Édouard à la librairie.

Librairie Duplenne, 5 quai Malaquais (1904)
« Ce n'était plus la librairie à chaises du quai Malaquais où se reposaient en causant les flâneurs. La pièce d'où l'on découvre la statue de Voltaire est pleine de livres d'érudition, de brochures aux couvertures claires : sur la longue table on prépare de nombreuses expéditions. Il n'y a plus que quelques chaises dans la chambre où mon frère Edouard, à son bureau, dirige juvénilement l'entreprise. Il défend, si l'on veut, le sanctuaire, où ceux qui ont l'habitude de le voir peuvent seuls trouver Honoré.
Mon père travaille à sa table d'acajou, dans un petit cabinet couleur du temps. Des reliures de maroquin rouge garnissent les vitrines, des incunables, des livres enchaînés forment le fond d'un tableau préparé pour un petit maître Hollandais. Des photographies, les portraits des savants qu'il avait connus, tiennent compagnie à mon père. Là, il accueille toujours les visiteurs d'un sourire, conte une anecdote sur les disparus. Il regarde, indulgent, les choses et le monde. Un pétale des roses de son jardin d'Aulnay tombe parfois sur la page d'un livre ouvert. Penché sur son bureau, alourdi par l'âge, il relève sa tête forte pour fixer de ses yeux clairs un visiteur. Il déplace, d'un geste machinal, la calotte de soie noire et souple, que lui faisait ma mère, et qui couvre son front dénudé encadré de longues boucles de cheveux gris. Sa bouche sourit sous sa moustache courte. […]
Il sort de sa boutique avec son large chapeau de feutre, sa houppelande à collet, sa cravate Lavallière à pois. Il donne un instant un regard au quai, au Louvre et à l'Institut. Il va prendre le chemin de fer de Sceaux qui le ramènera à la Vallée aux Loups, où il copie la correspondance de Chateaubriand. […] Mon père, qui a eu la chance de recueillir, à la vente Récamier, la dictée à Pilorge des Mémoires d'Outre-Tombe, a la passion de Chateaubriand. […] Ce culte l'a attaché à Aulnay, où dans sa maison de la Vallée aux Loups, Honoré est devenu le voisin du grand écrivain romantique. »
(Pierre Champion. Ibid., p. 51-53)


En 1910, au moment des inondations, la statue de Voltaire, réalisée par le sculpteur Joseph-Michel Caillé en 1885 [fondue en 1941], préserva sa librairie, en détournant les eaux vers la rue de Seine [VIe] et la rue Bonaparte.

Rue Jacob, les livres de la Bibliothèque de la Faculté de médecine voisine
flottent sur l'eau, lors des inondations de 1910
Dans son article intitulé « Portraits de libraires. Les frères Garnier » et signé « H.C. Libraire-expert au Tribunal de la Seine », que Champion publia dans le Bulletin de l’Association amicale professionnelle des commis-libraires français (Paris, A. Fleury, 1913), les légendes des portraits en photographie des deux frères Garnier ont été inversées.

Honoré Champion, 5 quai Malaquais (1911)

Honoré Champion mourut subitement d'une embolie, le 8 avril 1913, vers six heures du matin, dans son appartement du 30 de la rue Jacob [VIe] :

30 rue Jacob
(aujourd'hui Galerie Frédéric Castaing)
« Une partie de la nuit il avait corrigé ses épreuves, et fumé des cigarettes. Dans sa petite chambre fleurdelysée, il avait gagné son lit de bois noir, près du coffre qui servait de socle à un buste de Rembrandt, don de Stanislas Lami, où nous nous plaisions à le reconnaître. Il reposait sous l'effigie de Jérome [sic] Coignard, libraire du roi, et le dessin d'oiseaux de Giacomelli où François Coppée, son ami, avait écrit des vers. Mon père se leva à l'aube et alla s'asseoir sur un vieux fauteuil de peluche rouge dans la chambre de ma mère : “ Je ne me sens pas bien.” Il gagna de nouveau son lit et reprit la lecture de ses épreuves. Il revint dans la chambre de ma mère, quelques instants après, et dit : “ Je me sens mal ...” Il eut à peine la force de regagner son lit : “ J'étouffe !...” »
(Pierre Champion. Ibid., p. 55-56)

Les obsèques furent célébrées le 11 avril, à 11 heures, en l'église Saint-Germain-des-Prés. 

(Photo. Remy Bellenger)
L'inhumation eut lieu au cimetière du Montparnasse. Des discours furent prononcés par Émile Chatelain, vice-président de l'Institut, conservateur en chef à la bibliothèque de l'Université de Paris ; Abel Lefranc, professeur au Collège de France ; Édouard Rahir, libraire, au nom de ses confrères de la Librairie ancienne, et Jérôme Tharaud, au nom de ses « jeunes amis ».

Edouard et Honoré Champion (1909)
Par Louis-Edouard Fournier (1857-1917)
En 1914, les deux frères, Pierre et Édouard, furent mobilisés ; la librairie resta ouverte grâce à leur sœur, Marie. Après la Première Guerre mondiale, Édouard Champion, successeur de son père, agrandit les locaux en louant la boutique voisine, 7 quai Malaquais. 

Librairie Champion, 7 quai Malaquais
Cette dernière fut le seul local que la librairie occupa pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsque les activités s'arrêtèrent progressivement.

Points de localisation : bleu (9 quai Voltaire), rouge (15 quai Malaquais), jaune (7 quai Malaquais),
vert (5 quai Malaquais), violet (30 rue Jacob)






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