Eglise Saint-Martin d'Esmery-Hallon Avant sa destruction lors de la Première Guerre mondiale |
Descendant d’une famille de commerçants exerçant à Esmery-Hallon [Somme], installée à Paris sous la Révolution, puis à Marquise [Pas-de-Calais] en 1835, Louis-Alphonse Pinart est né à Marquise, le 25 février 1852.
Son père, François-Léon Pinart, né à Paris le 12 avril 1809, fit ses études au lycée Charlemagne et fut attaché pendant trois ans à la banque Delamarre.
Attiré par les perspectives qu’offrait la découverte des mines de charbon et de minerai de fer dans le Boulonnais, il devint, ainsi que ses deux frères, Jean-Louis-Prosper Pinart (1802-1853) et Alexandre-François Pinart (1800-1878), maître de forges à Marquise. Les trois frères y fondèrent, en 1839, au lieu-dit Bouquinghen, des usines qui, au point de vue de la fabrication des fontes moulées, devinrent les plus importantes usines françaises. Ces usines n’eurent d’abord qu’un seul fourneau, affecté exclusivement à la production des fontes brutes en gueuses, pour moulages et pour forges. Deux autres hauts-fourneaux furent construits de 1843 à 1846, pour travailler au coke comme le premier. Après 1848, la Société Pinart frères, se rendit acquéreur d’une usine voisine des siennes, qui comprenait deux hauts-fourneaux. Situées sur le littoral, à portée du canal de Guines, entre les ports de Calais et de Boulogne, se rattachant par le chemin de fer du Nord à toutes les grandes lignes françaises, les fonderies de Marquise étaient admirablement placées pour trouver des débouchés à leurs produits, mais furent mises en liquidation en 1879.
François-Léon Pinart avait épousé, à Saint-Quentin [Aisne], le 26 juillet 1841, Louise-Joséphine-Céline Livorel, née le 21 juin 1816, fille d’un négociant. Conseiller général du canton de Marquise en 1848, chevalier de la Légion d’honneur en 1853 pour services rendus à l’industrie, François-Léon Pinart était mort à Amélie-les-Bains-Palalda [Pyrénées-Orientales], le 24 février 1859 ; son épouse lui avait survécu, à Paris [XIe], jusqu’au 9 mai 1872.
Alphonse Pinart (1885) Photographie BnF |
Pendant ses études, à Lille et à Paris, Alphonse Pinart fut particulièrement intéressé par les langues. À l’Exposition universelle de 1867, à Paris, il rencontra l’abbé Charles-Étienne Brasseur (1814-1874), dit « Brasseur de Bourbourg », du nom du lieu de sa naissance [Nord], l’un des pionniers de l’archéologie et de l’histoire précolombiennes, qui l’encouragea à étudier les origines des Amérindiens [Indiens de l’Amérique du Nord].
Héritier, avec ses quatre frères, de la fortune de son père, il habitait alors chez sa mère, 58 boulevard Voltaire [XIe]. Il visita la Californie [États-Unis] dès 1869. Mais son projet était de partir en Alaska [États-Unis], pour y étudier les langues autochtones et prouver que le peuplement initial du Nouveau Monde s’était fait à partir de la Sibérie [Russie].
Carte de l'Alaska Nushagak (point bleu), Unalaska (rouge), Unga (jaune), Kodiak (vert), Sitka (violet) |
Baie de Nushagak (1900) |
Le 27 avril 1871, à San Francisco [Californie, États-Unis], il embarqua sur la goélette « Amanda Ager » en direction des îles Aléoutiennes [Alaska, États-Unis], puis il navigua de Nushagak à la rivière Yukon à bord de la goélette « John Bright ».
Un kayak et deux umiaks (1875) |
Plus tard, le voyage d’Unalaska à l’île Kodiak dura deux mois et fut effectué en umiak [type de grand canoë traditionnel utilisé par les Eskimos]. Il rentra, via Sitka, à San Francisco le 21 mai 1872.
Masque d'Aknanh |
Il en rapporta soixante-dix masques du peuple Sugpiaq [peuple originaire de l’archipel de Kodiak], provenant de l’archipel de Kodiak [aujourd’hui au Château-Musée de Boulogne-sur-Mer], et sept masques trouvés dans une sépulture de la caverne d’Aknañh, sur l’île d’Ounga [Unga], dans les îles Aléoutiennes [aujourd’hui au Musée du quai Branly]. Il avait non seulement recueilli les explications des Sugpiak concernant l’origine des masques, mais il avait aussi décrit une cérémonie avec masques et chants à laquelle il assista dans le village d’Uyak, de l’île de Kodiak, en février 1872 : sa contribution dans l’ethnographie des masques de Kodiak lui valut, en 1874, la médaille d’or de la Société de géographie, pour voyages d’étude, missions et travaux de reconnaissance.
En 1873 et en 1874, il visita des collections alaskiennes en Europe : Musée ethnographique de Copenhague [Danemark], Musée de Dorpta [aujourd’hui Tarpu, Estonie], Musée et Archives de l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg [Russie], Musée de l’Université d’Helsinki [Finlande], Musée public de Moscou [Russie]. Pinart avait intérêt à visiter les musées russes : une trentaine d’années avant lui, le naturaliste russe Ilia Voznessenski (1816-1871) avait rapporté une collection de masques et d’objets rituels de Kodiak.
De retour en France, il acheta la presque totalité de la bibliothèque mexico-guatémalienne de Brasseur de Bourbourg, mort à Nice [Alpes-Maritimes], le 8 janvier 1874 :
« Elle est insignifiante, quant au nombre des volumes ; elle est d’une grande valeur, si l’on considère leur rareté, en particulier, pour ce qui concerne la linguistique du Mexique du sud et de l’Amérique centrale. Sous ce rapport, je puis dire qu’elle est unique. Plus de quatre-vingts volumes ou traités, manuscrits, dans des langues, dont les noms sont à peine connus des bibliographes ; plus de soixante grammaires, vocabulaires, traités profanes et religieux, imprimés, dont quelques(uns n’ont jamais été catalogués et dont je possède les uniques exemplaires ; d’autres qui ne sont encore connus que par de vagues indications, voilà, en quelques mots, pour ce qui concerne la philologie américaine, ce que présente ma Bibliothèque. Quant à l’histoire, antérieure à la conquête ou postérieure à la soumission des races indigènes, elle s’y trouve représentée par plus de quatre-vingts autres documents manuscrits, introuvables ailleurs, pour la plupart, et d’une importance non moins grande que les précédents. […]
Quelques autres parties de l’Amérique y sont également représentées avec avantage. […]
A côté de ceux-ci, il y en a un petit nombre qui, bien que modernes, sont de ceux qu’on trouve difficilement et qui, presque jamais, ne se rencontrent en librairie. »
(Brasseur de Bourbourg. « Avant-propos ». In Bibliothèque mexico-guatémalienne. Paris, Maisonneuve & Cie, 1871, p. I-III)
En 1875, il fit l’acquisition, auprès de Eugène Boban (1834-1908), antiquaire 35 rue du Sommerard [Paris Ve], d’une collection de 1.463 pièces mexicaines,
Masque de Xipe Totec |
dont le masque de Xipe Totec [qui est un faux,aujourd’hui au Louvre],
Crâne de cristal |
un crâne de cristal [qui est un faux, aujourd’hui au Musée du quai Branly],
Statue de Quetzalcoatl |
la statue de Quetzalcoatl [aujourd’hui au Musée du quai Branly], et de quelques centaines d’objets d’Amérique centrale et du Sud.
Masque de Mortlock |
De 1875 à 1900, Alphonse Pinart s’intéressa successivement aux Indiens des États-Unis, à l’Océanie – d’où il rapporta notamment un masque des îles Mortlock [aujourd’hui au Château-Musée de Boulogne-sur-Mer] -
Pinart rencontre la reine de l'île de Pâques (1877) |
et à l’île de Pâques. Il voyagea, en particulier, avec le géologue Léon de Cessac (1841-1891), en Californie.
En 1878, pour pouvoir poursuivre ses explorations, Alphonse Pinart fut dans l’obligation de demander une aide financière au ministère de l’Instruction publique, contre le don de ses collections à l’État.
Zelia Nuttall (1875) |
À San Francisco, le 10 mai 1880, il épousa Zelia-Maria-Magdalena Nuttall, née le 6 septembre 1857 à San Francisco, fille du Docteur Robert-Kennedy Nuttall, originaire d’Irlande, et de Magdalena Parrot, fille de banquier. Ils eurent une fille, Nadine, en 1882, mais se séparèrent dès 1884 et divorcèrent, à San Francisco, le 28 septembre 1888 [le jugement fut transcrit aux registres de l’État civil de Marquise le 28 juillet 1906].
Face à ses problèmes financiers, il mit en vente sa bibliothèque à la Maison Silvestre, 28 rue des Bons-Enfants, salle 1, du lundi 28 janvier au mardi 5 février 1884, en 8 vacations : Catalogue de livres rares et précieux, manuscrits et imprimés, principalement sur l’Amérique et sur les langues du monde entier, composant la bibliothèque de M. Alph.-L. Pinart, et comprenant en totalité la bibliothèque mexico-guatémalienne de M. l’Abbé Brasseur de Bourbourg (Paris, VVE Adolphe Labitte, 1883, in-8, VIII-248 p., 1.440 + 23 doubles [bis] – 1 [n° 100 absent] = 1.462 lots), dont Amérique [975 lots = 66,68 %], Europe [97 lots = 6,63 %], Asie [120 lots = 8,20 %], Afrique [51 lots = 3,48 %], Océanie [93 lots = 6,36 %], Généralités – Divers [109 lots = 7,45 %], Livres en nombre [17 lots = 1,16%].
La collection avait la particularité de comprendre la quasi-totalité des ouvrages ayant appartenu à Brasseur de Bourbourg, qui avait vendu sa bibliothèque en 1873 et 1874. Alphonse Pinart a considérablement augmenté cette bibliothèque.
Emblème de la Société de l'Athénée oriental |
Photographie BnF |
Son ex-libris [50 x 45 mm], souvent collé au-dessous de celui de Brasseur de Bourbourg, avait été inspiré de la marque utilisée parla Société de l’Athénée oriental pour ses publications : imprimé sur papier bleu, vert ou mauve, il porte la mention « ALPH. PINART », surmontant un écu au soleil levant sur mer ondée, avec la devise « SOL ORIENS DISCUTIT UMBRAS » [le soleil levant chasse les ombres].
La Bibliothèque nationale de France acheta plus de 35 manuscrits, par l’intermédiaire de la Librairie Labitte, qui furent enregistrés par la Bibliothèque à la date du 18 mai 1884. Dans leur grande majorité, ces documents furent placés dans le fonds américain sous les numéros 38 à 71 et 73, à l’exception de deux pièces [n° 613 A et B], qui rejoignirent le fonds mexicain : « Compendio facil de la lengua mexicana y letras especiales et idioma » [mexicain 397] et « Fuente de los verbos mexicanos, seguida de la fuente de los nombres mexicanos » [mexicain 398].
7. Acuña (El P. Christobal). Nuevo descubrimiento del gran rio de las Amazonas. Madrid, 1641, in-4, mar. rouge, dos orné, fil., tr. dor. 400 fr. à Quaritch.
101. Beristain de Souza (Dr D. José Mariano). Biblioteca hispano-americana septentrional. Mexico, 1816-1821, 3 vol. pet. in-fol., demi-rel. bas. bleue. 1.100 fr. à Quaritch.
106. Bertonio (El P. Ludovico). Vocabulario de la lengua Aymara. Juli Pueblo [Pérou], 1612, in-4, parchemin. 720 fr. à Quaritch.
108. Beschrijvinghe van Virginia, Nieuw Nederlandt. Amsterdam, 1651, pet. in-4 goth., non relié. 310 fr. à Quaritch.
113. Bible. The Holy Bible : containing the Old Testament and the New. Translated into the indian language. Cambridge, 1663, in-4, 2 col., mar. La Vallière, fil. à froid et or, milieu sur les plats, tr. dor., étui en mar. bleu. 2.700 fr. à Quaritch.
151. Popol Vuh. Le Livre sacré et les Mythes de l’antiquité américaine, avec les livres héroïques et historiques des Quichés. Paris, Arthus Bertrand, 1861, gr. in-8, fig. et carte, demi-rel. chagr. citr., tr. peigné. 31 fr. à Douet.
Frontispice |
174. Burgoa (Fr. Francisco de). Palestra historial de virtudes, y exemplares apostolicos. Mexico, Juan Ribera, 1670, in-fol., demi-rel. bas., front., incomplet du titre et de quelques feuillets de la table. 118 fr.
Frontispice |
175. Burgoa (Fr. Francisco de). Geografica descripcion de la parte septentrional, del polo artico de la America, y nueva iglesia de las indias occidentales, y sitio astronomico de esta provincia de predicadores de antequera valle de Oaxaca. Mexico, Juan Ruyz, 1674, 2 vol. in-fol., front., vélin. 495 fr. à Maisonneuve.
199. Carochi (El P. Horacio). Compendio del arte de la lengua mexicana. Mexico, 1759, pet. in-4, front. gravé, vél. 42 fr. à Robinat.
Photographie John Carter Brown Library |
221. Champlain (Samuel). Brief discours des choses plus remarquables que Samuel Champlain de Brouage a reconnues aux Indes occidentales. Manuscrit original et autographe orné de 62 dessins en couleur. In-4, chagr. violet. Provient du cabinet de l’archéologue Pierre-Jacques Feret (1794-1873), maire de Dieppe [Seine-Maritime] en 1848. 5.600 fr. à Morgand.
Photographie BnF |
233. Claude d’Abbeville (Le R. P.). Histoire de la mission des Pères Capucins en l’isle de Maragnan et terres circonvoisines. Paris, François Huby, 1614, in-8, titre gravé et fig. par Léonard Gaultier, v. ant. 155 fr. à Maisonneuve.
262. La Preclara Narratione di Ferdinando Cortese della Nuova Hispagna del Mare Oceano. Venise, 1524, in-4, mar. viol., fil., tr. dor. 300 fr. à Morgand.
374. Flores (P. F. Ildefonso Joseph). Arte de la lengua metropolitana del Reyno cakchiquel, o Guatemalico. Guatemala [Antigua], 1753, pet. in-4, bas. 425 fr. à Le Soudier.
425. Grijalva (Ioan de). Cronica de la orden de N. P. S. Augustin en las provincias de la Nueva España. Mexico, Juan Ruiz, 1724 [i.e. 1624], in-fol., titre gravé, demi-rel. bas. r. Titre rogné dans le bas. 305 fr. à Groux.
Christie's, New York, 5 décembre 2008 : 21.250 $ |
630. Molina (El P. Fray Alonso de). Vocabulario en lengua castellana y mexicana. Mexico, Antonio Spinosa, 1571, in-fol., vél. 500 fr. à Groux.
808. Ruiz de Montoya (El P. Antonio). Arte de la lengua Guarani. En el pueblo de S. Maria la Mayor [Paraguay], 1724, in-4, parch. 340 fr. à Le Soudier.
880. Tauste (El Fray Francisco de). Arte y bocabulario de la lengua de los indios Chaymas, Cumanagotos, Cores, Parias y otros diversos. Madrid, 1680, in-4, cuir de Russie, tr. marbrée. 250 fr. à Le Soudier.
1.361. The Principal Navigations, voyages, traffiques and dicoveries of the English Nation. Londres, George Bishop, 1599, 3 vol. in-fol. goth., ciur de Russie, dent. à froid. 560 fr. à Quaritch.
Célèbre carte de Virginie, de Smith |
Carte de Briggs Première carte montrant la Californie comme une île et nommant le Nouveau-Mexique, la rivière Hudson et la baie d'Hudson |
1.391 bis. Purchas (Samuel). Hakluytus Posthumus or Puchas his pilgrimes, contayning a history of the world. Londres, 1625-1626, 5 vol. in-fol., fig. et cartes, chag. r., dos orné, fil. tr. dor. (Bedford). 1.720 fr. à Morgand.
Demeurant alors à Marquise, Alphonse Pinart se remaria à Saint-Germain-en-Laye [Yvelines], le 26 février 1907, avec Jeanne-Andrée-Lucie Combret (1879-1949), institutrice, née à Paris VIe le 7 avril 1879, fille du Docteur Raymond-Jacques-Pierre Combret et de Marie Sauvaget. Il mourut, ruiné et oublié, le 13 février 1911, en son domicile, à Boulogne-Billancourt [Hauts-de-Seine], 3 rue Saint-Denis.