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Pour en finir avec la généalogie des Gruel

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Heures du Moyen Âge
Paris, Gruel et Engelmann, 1887


Fondateur d’une dynastie de relieurs qui exercèrent jusque 1967, Auguste-Pierre-Paul Gruel (Paris, 1er germinal an VIII [22 mars 1800] – 24 novembre 1846) avait repris en 1825, année de son mariage avec Éléonore-Marguerite Deforge (Paris, 1er janvier 1806 – 6 mars 1831), l’atelier que son beau-père, Isidore Deforge, avait fondé en 1811 rue Duphot (Ier). Il déménagea en 1834 rue Royale-Saint-Honoré (rue Royale, VIIIe), épousa en 1837 Catherine-Élisabeth-Aglaé Mercier (Montigny-en-Arrouaise, Aisne, 12 janvier 1813 – Fourdrain, Aisne, 3 octobre 1896) et spécialisa son entreprise dans la reliure de piété, confiant la dorure au jeune Marius Michel père (1821-1890). 

Sa veuve se remaria en 1850 à l’imprimeur Jean Engelmann (Mulhouse, Haut-Rhin, 2 mars 1816 – Fourdrain, Aisne, 29 juillet 1875), fils de Godefroy Engelmann (1788-1839), introducteur de la lithographie en France et inventeur de la chromolithographie. L’atelier Gruel-Engelmann créa surtout des reliures de présent dans le style néo-gothique.



Léon Gruel et le relieur Emile Mercier (1855-1910) en janvier 1903


Veuve une seconde fois, Catherine Gruel-Engelmann s’associa à ses deux fils, Edmond-Jean-Godefroy Engelmann (Paris, 6 octobre 1851 – 11 janvier 1918) et Paul-Joseph-Léon Gruel (Paris, 14 mai 1841 –Cannes, Alpes-Maritimes, 7 novembre 1923).



Léon Gruel, à gauche, et le peintre-illustrateur Louis-Edouard Fournier (1857-1917) en mai 1913
(collection B. Hugonnard-Roche)


Léon Gruel, premier président de la Chambre syndicale de la reliure fondée en 1889, resta le seul propriétaire en 1891 et accorda une place importante à la reliure d’art. Sa collection de reliures était célèbre. Il est l’auteur d’un Manuel historique et bibliographique de l’amateur de reliures (Paris, Gruel et Engelmann, 1887, 1.000 ex. numérotés ; Paris, Gruel et Leclerc, 1905, 700 ex. numérotés ; 2 vol. in-4). À la mort de sa femme, Caroline-Éléonore Cagniard (Saint-Quentin, Aisne, 2 mars 1844 – Paris, 8 janvier 1901), son fils Paul Gruel (Paris VIIIe, 7 juin 1864 – Paris, 16 avril 1954) lui succéda.

























Recherche désespérément un elzéviriomètre

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Dans « Le Bibliomane »(in Paris, ou Le Livre des cent-et-un. Paris, Ladvocat, 1831, t. I, p. 99-100), Théodore, alias l’auteur, Charles Nodier (1780-1844), est obsédé par les reliures en maroquin et la hauteur des marges de ses Elzévirs, pour lesquels il a imaginé un « elzéviriomètre » [avec deux « i »] :

« Théodore avait cessé d’écouter. Il venait de mettre la main sur un volume d’assez bonne apparence, auquel il s’était empressé d’appliquer son elzéviriomètre, c’est-à-dire, le demi-pied divisé presque à l’infini sur lequel il réglait le prix, hélas ! et le mérite intrinsèque de ses livres. Il le rapprocha dix fois du livre maudit, vérifia dix fois l’accablant calcul, murmura quelques mots que je n’entendis pas, changea de couleur encore une fois, et défaillit dans mes bras. […]
Je continuais à l’interroger. Il parut céder à un mouvement d’expansion. “ Voyez en moi, me dit-il, le plus malheureux des hommes ! Ce volume, c’est le Virgile de 1676, en grand papier, dont je pensais avoir l’exemplaire géant, et il l’emporte sur le mien d’un tiers de ligne en hauteur. Des esprits ennemis ou prévenus pourraient même y trouver la demi-ligne. Un tiers de ligne, grand Dieu ! ” –
Je fus foudroyé. Je compris que le délire le gagnait. »

Cet elzéviriomètre a bien existé.

En 1848, le libraire Joseph Techener (1802-1873) passa une annonce dans le Bulletin du bibliophile (N° 22-23-24, octobre-novembre-décembre 1848, p. 146) :



On doit à Maurice Leloir (1851-1940), illustrateur de Le Bibliomane (Paris, L. Conquet, 1893, p. 15), la seule représentation connue d’un elzéviriomètre :



Enfin, un elzéviriomètre semble avoir servi de marque page lors de la photocopie d’un exemplaire du Bulletin du bibliophile de 1847 :























À l’heure des souvenirs

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Au lendemain de la fermeture du XXVe Salon international du livre ancien, je réalise que j’étais à la 2e Foire internationale du livre ancien … il y a 28 ans.

« Ce vendredi 21 juin 1985, nous étions de bonne heure quai de l’Horloge avec les plus passionnés, et avec un spécimen de notre N° I, avant la foule du samedi et du dimanche. Lundi, nous serons les quinze mille visiteurs de la 2 ème foire internationale du livre ancien.
En un lieu unique, sous les voûtes séculaires de la Conciergerie, quatre-vingt-dix libraires offraient à nos yeux et aux yeux de nos doigts, cinquante mille volumes ! Passionnantes rencontres, de libraires, d’amis, de livres parmi les plus prestigieux.
Un feuillet splendide de la Bible de Gutenberg imprimé sur peau de vélin. L’édition originale des œuvres d’Avicenne, en arabe, imprimée à Rome en 1593. Le plus beau livre sur la Corse, imprimé à Paris en 1821, illustré de quarante huit lithographies d’Engelmann. Un important ouvrage sur la Champagne aux armes de l’historien J.-A. de Thou, imprimé à Paris en 1572. Une impression rémoise de Nicolas Bacquenois datée de 1558.
Pas moins de sept heures d’émerveillement …. et quelques regrets :les transactions entre confrères la veille (2/3 des ventes), les prix de foires souvent déraisonnables, l’absence des Américains, la présence de sandwichs aux environs de midi (où se lavait-on les mains ?), l’inefficacité du stand de la presse. Mais quel spectacle !
Depuis, et malgré le calme estival, notre appel a été entendu. Aujourd’hui, nous sommes cent. Continuons !
Reims, le 15 septembre 1985
Docteur Jean-Paul Fontaine »
[« Éditorial » in Le Bibliophile rémois, numéro 2-année 1985]


Savador Miraglia, libraire à Lyon

Bernard Clavreuil, libraire à Paris

Auguste Bellanger (en blanc), libraire à Nantes

François Chamonal, libraire à Paris

Avec François Goulet (à droite), libraire à Reims



Avec François Goulet (à gauche), libraire à Reims







































































Bibliothèque Tandeau de Marsac

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Le chevalier Gabriel-Jacques-Jules Tandeau de Marsac (Saint-Léonard-de-Noblat, Haute-Vienne, 17 juillet 1786 – Royères, Haute-Vienne, 30 mars 1865)  épousa Marie-Geneviève-Pauline Noualhier, sa nièce, le 16 juin 1823 à Paris. De ce mariage sont issus : Henry-François en 1824, Gabriel-Jean-Amand [et non Armand] en 1825, Armand-Jules-François en 1826, une fille morte au berceau et Alexandre-Jean en 1831.

Gabriel-Jean-Amand Tandeau de Marsac est donc né à Paris le 14 juin 1825. Notaire à Paris, il épousa à Paris (VIIe), le 22 janvier 1867, Claire Bélurgey de Grandville, de seize ans sa cadette, fille du préfet de la Meuse. De ce mariage sont issus : des jumelles mortes à leur naissance en 1868, Henri-Joseph-Hippolyte-Paul en 1869, Amédée-Louis-Joseph-Gabriel en 1873 et Paul-Armand-Victor-Marie en 1877. Doyen du corps des notaires de Paris, il mourut le 6 juin 1896, après une courte maladie, en son domicile, 23 place Dauphine (Ier).



« Dès que les affaires lui laissaient un instant de répit, il quittait Paris pour venir passer quelques jours dans cette belle résidence de Brignac [propriété de la famille depuis 1824, à Royères] qu’il aimait tant et où il se trouvait si bien. Du haut de ce vert coteau, son regard embrassait presque toute la commune de Royère, qui lui devait tant et où sa sollicitude éclairée venait d’implanter une nouvelle et intéressante industrie. Il était demeuré membre du Conseil municipal de cette petite commune, qu’il avait jadis administrée, et il n’hésitait pas à faire deux cents lieues pour assister à une séance du Conseil. »

La bibliothèque de Tandeau de Marsac se composait de près de 12.000 volumes.
Parmi les manuscrits se trouvait l’ouvrage (n° 3) qui se vendra le plus cher de toute la bibliothèque, le samedi 1er mai 1897. S’il y avait peu d’incunables dans les imprimés, on rencontrait en revanche beaucoup d’excellents ouvrages du xvie siècle. La valeur de ces ouvrages était augmentée par de belles reliures aux armes ou des ex-libris recherchés. Tandeau de Marsac fut le fidèle client de Capé, puis de ses successeurs, Masson et Debonnelle. Les trois-quarts au moins des reliures de sa bibliothèque portent ces signatures. De loin en loin, on rencontre quelques Trautz. Dans la section belles-lettres, la plus nombreuse, Molière semblait bien être l’auteur préféré de Tandeau de Marsac. Comme beaucoup de bibliophiles, Tandeau de Marsac avait réuni un certain nombre de gravures, dans l’espoir d’augmenter la valeur de ses ouvrages.
Très attaché au Limousin que toute sa famille habitait, Tandeau de Marsac avait acheté 222 lots sur les 1.213 lots du catalogue de la vente de la bibliothèque régionaliste d’Auguste Bosvieux (1831-1871), archiviste de la Creuse, dispersée à Limoges le 26 décembre 1887. En outre, son frère, le chanoine Armand-Jules-François Tandeau de Marsac (1826-1895) lui avait légué sa bibliothèque personnelle, où se trouvait une foule de raretés locales.

Libraire-expert chargé de la vente, Charles Porquet fit six lots de la bibliothèque Tandeau de Marsac.

Le premier lot comprenait les ouvrages qui se trouvaient en grande partie au château de Brignac. C’est celui qui n’a pas eu les honneurs d’un catalogue. Le commissaire-priseur de Limoges s’est borné à lancer le prospectus suivant, suivi d’une désignation sommaire :

« Vente aux enchères publiques après décès de M. T. de M., par suite d’acceptation bénéficiaire, en vertu d’une ordonnance, de 5,000 volumes anciens et modernes en parfaite condition : archéologie, beaux-arts, littérature, histoire, histoire du Limousin, les jeudi 12, vendredi 13 et samedi 14 novembre 1896, à deux heures très précises, en la Salle des Ventes, rue Neuve-de-Paris, 12, Limoges. »

Dès l’ouverture des portes, la plus grande partie des amateurs de Limoges, du département et des départements voisins, se trouvaient réunis ; aux libraires de Limoges étaient venus se joindre quelques libraires de Paris, dont Gougy. La vente s’est élevée à une dizaine de mille francs environ. Un catalogue aurait probablement attiré un plus grand nombre d’amateurs, et les prix se seraient élevés en proportion.

Les livres vendus à Paris ont fait l’objet de cinq catalogues :



Catalogue de livres rares manuscrits et imprimés provenant de la bibliothèque de feu M. T. de M. Première partie (Paris, Ch. Porquet, 1897, in-8, 181 p., 773 lots).
Vente à l’hôtel Drouot en 6 vacations à partir du 26 avril 1897 : 126.758 fr.

3. Bréviaire à l’usage d’une confrérie parisienne. In-4 de 438 ff., hauteur 242 millim., largeur 170 millim., velours rouge, tr. dor.
Magnifique manuscrit sur vélin du XIVe ou du commencement du XVe siècle, orné de 60 grandes ou petites miniatures et d’une infinité de lettres initiales peintes. 13.900 fr.
23. La Sainte Bible. (Par les Pasteurs de Genève.) A Lyon, par Jean de Tournes, 1554, 3 tomes en un vol. in-fol., réglé, figg. sur bois, veau fauve, compart. et arabesques, feuillages, mosaïques de couleurs noire, verte et blanche, dos orné, doré et argenté, tr. ciselée et dorée. (Rel. du XVIe siècle.)
Superbe exemplaire orné d’une très riche et très élégante reliure portant sur les plats les trois croissants de Diane de Poitiers. 7.000 fr.
25. Liber Psalmorum cum Canticis et Hymnis, jussu Reginae Matris impressus. Parisiis, apud Abel Langelier, 1586, in-12, réglé, titre gr., figg., mar. ol., fil., compart., feuillages, tr. dor. (Rel. du xvie siècle)
Reliure en maroquin olive foncé couverte sur le dos et sur les plats de dorures représentant une suite régulière d’ovales formés par des feuillages. Ces ovales sont remplis alternativement par des D entrelacés, par des flammes de l’Ordre du Saint-Esprit et par des S barrés. Reliure faite pour Diane de France, fille légitimée de Henri II et mariée à Horace Farnèse, duc de Castro, puis à François de Montmorency, fils du connétable. 480 fr.
26. Le Pseaultier de David, contenant cent cinquante Pseaumes. A Paris, chez Iamet Mettayer, 1586, gr. in-4, réglé, mar. brun, fil., tr. dor.
Reliure exécutée pour le roi Henri III. Sur le dos du volume, les armes de France, la tête de mort et sa devise : Spes mea Deus. Sur les plats, les saintes femmes au pied de la croix. La reliure des plus belles, des plus riches et bien conservée, est entièrement couverte de dorure à petits fers, volutes, rinceaux, feuillages, marguerites, roses et pensées. 2.360 fr.
61. Heures à lusaige de Rōme tout au long sās riens requerir. (A la fin :) Ont este nouuellement Imprimees a Paris par Guillaume anabat Imprimeur demourant en la rue sainct Jehā de beaulvais a lēseigne des Conis pres les grandes escolles de decret : pour Gillet hardouyn libraire et pour Germain hardouyn, s. d. In-8 (Almanach de 1500 à 1520), v. brun, fil., dent., ornements, fers à froid, tr. dor.
Superbe exemplaire imprimé sur vélin, composé de 116 ff. et orné de 17 grandes figures et de 22 petites, toutes coloriées et rehaussées d’or et d’argent. Chaque page est entourée d’une très riche bordure représentant des ornements variés, des scènes de chasse, des sujets tirés de l’histoire du Vieux et du Nouveau Testament. Hauteur 247 millimètres. 3.005 fr.
151. Essais de Michel seigneur de Montaigne. Cinquiesme édition, augmentée d’un troisiesme liuvre et de six cens additions aux deux premiers. A Paris, Chez Abel l’Angelier, 1588, in-4, titre gr., réglé, mar. marb., fil. dos orné, tr. dor. (Rel. anc.)
Dernière édition publiée du vivant de l’auteur et la première où se trouve le troisième livre. On remarque sur les plats de ce volume le chiffre H.D. entouré d’un signe répété quatre fois et ayant la forme d’un S fermé, qui pourrait être celui de Henri d’Estrées. 1.000 fr.
383. Le fond du sac, ou Restant des Babioles de M. X***, Membre éveillé de l’Académie des Dormans (par F. Nogaret). A Venise (Paris, Cazin [sic]), chez Pantalon-Phébus, 1780, 2 tomes en un vol. in-18, front. et 9 vignettes de Durand, mar. rouge, dent., dos orné, doublé de mar. bleu, dent., gardes de tabis, tr. dor. (Lortic.)
Bel exemplaire contenant les dessins originaux du portrait et des 9 planches très finement exécutés à la plume, au crayon et à la sépia par le miniaturiste Durand. 1.200 fr.
412. Choix de Chansons mises en musique par M. de La Borde. A Paris, chez de Lormel, 1773, 4 vol. gr. in-8, v. gr., dent., tr. dor. (Derome.)
On a ajouté à l’exemplaire une lettre autographe signée : Delaborde, formant 3 pp. in-4, adressée « à M. de Voltaire, en son château de Ferney ». 1.500 fr.



Edition de T. Jolly (T I) et L. Billaine (T II). Reliure signée M. Godillot
Paris, Christie's, 29/04/2013, 6.875 €

453. Les Œuvres de Monsieur Molière. A Paris, chez Claude Barbin et Thomas Jolly, 1666, 2 vol. in-12, frontispices, mar. bleu jans., doublés de mar. rouge, dent., tr. dor. (Trautz-Bauzonnet.)
Edition précieuse, la première du Théâtre de Molière avec une pagination suivie. Hauteur : 147 millimètres. 1.025 fr.
[Le privilège est donné à Gabriel Quinet le 6 mars 1666. Il y a des exemplaires aux noms de Louis Billaine, d’Estienne Loyson, de Guillaume de Luyne, de Jean Ribou, de Claude Barbin, de Thomas Jolly, et peut-être encore d’autres libraires.]
454. Les Œuvres de Monsieur Molière. A Paris, chez Guillaume de Luyne et Claude Barbin, 1673, 8 vol. in-12, mar. rouge, fil., dos ornés, tr. dor. (Rel. anc.)
Ces 8 volumes sont une réunion factice des Œuvres de M. de Molière publiées par G. de Luyne, Claude Barbin et J. Ribou sous la date de 1673. On ne connaît jusqu’à présent que cinq exemplaires de ce très curieux recueil. 6.000 fr.
« Le privilège de 1666 expirait le 23 mars 1673, et d’un autre côté, Molière venait de mourir subitement en février de la même année. Il avait obtenu un nouveau privilège dès le 16 mars 1671 pour faire imprimer ses œuvres complètes. N’est-il pas naturel de supposer que les libraires associés pour l’exploitation du privilège de 1666, voulant profiter du regain de popularité qui se faisait autour de la tombe du grand comédien, aient jugé à propos d’exploiter leur privilège jusqu’au bout, et fait paraître à la hâte cette édition de 1673 » (A. Claudin in Cabinet de feu Mr A. Rochebilière, 1882)
Grand sujet d’orgueil de Tandeau de Marsac, ce Molière lui fut vendu vers 1878 par les libraires Gouin et Fontaine pour le prix de 20.000 fr., prix de faveur, car le baron J. de Rothschild était décidé à en donner 30.000 fr. Les deux libraires, associés pour la circonstance, l’avaient acheté 1.500 florins en Hollande.  



659. Discours sur l’histoire universelle à Monseigneur le Dauphin, pour expliquer la suite de la Religion et les changemens des Empires, par Mre Jacques Benigne Bossuet. A Paris, chez Sébastien Mabre-Cramoisy, 1681, in-4, mar. rouge, fil., dos orné, tr. dor. Edition originale. Superbe exemplaire tiré sur grand papier. Aux armes de Michel Le Tellier, Chancelier de France. 2.125 fr.  
Exemplaire vendu 6.400 fr. à la vente Turner (1878), puis marqué 8.000 fr. dans le catalogue Fontaine (1879). Le 6 mai 2011 (Paris, Alde), sur une estimation à 6.000/8.000 €, cet exemplaire a été adjugé 39.000 €.
661. Jac. Aug. Thuani Historiarum sui temporis. Parisiis, apud Abrosium et Hieronymum Drovart, 1604, 2 vol. in-8, front. gr., avec un joli portrait de Henri IV, vél. blanc, fil., tr. dor.
Très bel exemplaire tiré sur grand papier. Aux armes du roi Henri IV. 1.505 fr.
    


Catalogue de beaux et bons livres modernes avec illustrations et dessins originaux collections diverses grands ouvrages à figures livres imprimés sur peau vélin provenant de la bibliothèque de M. T. de M. Deuxième partie (Paris, Ch. Porquet, 1897, in-8, 60 p., 388 lots).
Vente à l’hôtel Drouot en 3 vacations à partir du 22 mars 1897 : 51.767,50 fr.

29. Beaumarchais. La Folle Journée, ou le Mariage de Figaro. De l’Imprimerie de la Société littéraire-typographique, et se trouve à Paris, chez Ruault, 1785, gr. in-8, réglé, figg., cart., tr.dor. Exemplaire tiré sur grand papier vélin, contenant les 5 figg. dess. par Saint-Quentin, gr. par Halbou, Liénard et Lingée, épreuves en double état avant et avec la lettre. 1.100 fr.
308. Redouté (P.-J.). Les Liliacées. Paris, l’auteur, an VIII, 1802-1816, 8 tomes en 4 vol. in-fol. max. pap. vélin, 588 planches coloriées, demi-rel. mar. vert, dos et coins, tête dor., non rognés. Exemplaire tiré sur grand papier. Sur le dos des volumes, le chiffre couronné de Napoléon Ier. 1.150 fr.
322. Saint-Pierre (Jacques-Bernardin-Henri de). Paul et Virginie. Paris, de l’Imprimerie de Monsieur, 1789, pet. in-12, mar. bleu, fil., doublé de tabis, dent. int., tr. dor. (Bozérian [sic].) Edition originale. Exemplaire tiré sur papier vélin, contenant les 4 figures dess. par Moreau et Vernet, épreuves avant la lettre. Portrait de Bernardin de Saint-Pierre, d’après Lafitte, ajouté. 1.200 fr.
376. Voltaire. Œuvres complètes. A Paris, chez Ant.-Aug. Renouard, 1819-1825, 66 vol. in-8, gr. pap. vélin, demi-rel. mar. violet, dos ornés, non rognés. (Hering.)
Avec la suite complète des 80 dessins originaux de Desenne exécutés à la sépia. 1.155 fr.


Catalogue de bons livres anciens et modernes provenant de la bibliothèque de M. T. de M. Troisième partie (Paris, Ch. Porquet, 1897, in-8, 93 p., 903 lots).
Vente à la salle Silvestre en 6 vacations à partir du 3 mars 1897 : 13.313,50 fr.

Catalogue de bons livres anciens et modernes manuscrits et imprimés relatifs au Limousin et provinces voisines provenant de la bibliothèque de M. T. de M. Quatrième partie (Paris, Ch. Porquet, 1897, in-8, 55 p., 512 lots).
Vente à la salle Silvestre en 3 vacations à partir du 8 avril 1897 : 7.000 fr.

Catalogue de vignettes anciennes et modernes dessins originaux portraits provenant de la bibliothèque de M. T. de M. Cinquième partie (Paris, Charles Porquet et Paul Roblin, 1897, in-8, 28 p., 186 lots).
Vente à l’hôtel Drouot le 26 mars 1897 : 9.864 fr.

Révélations sur les frères Garnier

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Dans « Portraits de libraires. Les frères Garnier », article signé « H.C. Libraire-expert au Tribunal de la Seine » [Honoré Champion (1846-1913)], paru dans le Bulletin de l’Association amicale professionnelle des commis-libraires français (Paris, A. Fleury, 1913), les légendes de leurs portraits en photographie ont été inversées.



Les légendes sont inversées

La révélation de cette erreur, qui n’a pas été corrigée dans l’Histoire de l’édition française (Paris, Promodis, 1985, t. III, p. 168), est venue de la vente récente [Paris, Millon & associés, Ugo Paolantonacci, expert, 7 décembre 2010] d’un portrait au crayon d’Auguste Garnier, réalisé par Diogène Maillart (1840-1926), d’après la photographie incriminée et fautivement attribuée à son frère Hippolyte, portant la dédicace « Monsieur Auguste Garnier hommage de l’auteur D Maillart », qui atteste l’identité du portraituré.


Auguste Garnier

Ce fut l’occasion de corriger également certaines dates qui n’avaient pas été vérifiées sur les actes authentiques.

Tous deux nés à Lingreville (Manche), Auguste-Désiré le 24 octobre 1812, François-Hippolyte le 14 mars 1815, les frères Garnier arrivèrent à Paris en 1828. Ils furent commis libraires pendant quelques années : Auguste à la librairie Saint-Jorre, boulevard Montmartre, Hippolyte à la librairie Delaroque, boulevard des Capucines.



Galerie d'Orléans au Palais Royal

Auguste s’établit dès 1833, avec son jeune frère Hippolyte, au Palais-Royal, dans la superbe galerie d’Orléans ou péristyle Montpensier, paradis des bibliophiles aujourd’hui démoli. Ils furent rejoints par leur frère aîné, Pierre-Auguste (Lingreville, 1807-Paris, 1899), qui avait débuté à la librairie Truchy, boulevard des Italiens. Ils obtinrent tous les trois leur brevet de libraire : Auguste le 9 mars 1835, Hippolyte le 22 février 1838 et Pierre le 28 mars 1838.
Pierre vécut avec ses frères, mais fit commerce de son côté. Il fut condamné en 1854 pour avoir été en possession de gravures obscènes et aurait fait un an de prison sans l’intervention de Jules Taschereau (1801-1874), ancien député et administrateur adjoint à la Bibliothèque nationale.
Le benjamin, Baptiste-Louis Garnier (Quettreville, 1822-Rio-de-Janeiro, 1893), les seconda jusqu’en 1844, quand il décida alors de se rendre à Rio-de-Janeiro, où il ouvrit une modeste librairie au 69 rue d’Ouvidor en 1846. Travailleur infatigable, il fut bientôt l’éditeur attitré des écrivains brésiliens qu’il faisait imprimer à Paris. On lui doit la création au Brésil du format in-8° et in-12 allongé, lancé en France par Calmann-Lévy. Deux ans avant sa mort, il refusa une offre d’achat de sa librairie, qui, à l’époque, atteignait six  millions de francs.

Après des débuts modestes, les affaires des frères Garnier se développèrent et ils furent bientôt acquéreurs des fonds Delloye, place de la Bourse, en 1846, Dubochet, rue Richelieu, en 1848 et Salva, rue de Lille, en 1849.
De 1845 à 1853, les deux frères occupèrent également le 10 de la rue Richelieu (Ier), voisin du Palais-Royal. Toujours les premiers au travail, Auguste organisait la librairie, Hippolyte spéculait en Bourse. Au milieu du mouvement révolutionnaire, quelques-unes de leurs publications atteignirent des chiffres de tirage inconnus jusqu’alors. Dans son Tableau de Paris (Paris, Paulin et Le Chevalier, 1853, t. II, p. 109), le journaliste Edmond Texier (1816-1887) se souvint du Palais-Royal :

« C’est dans le péristyle Montpensier que se trouve la librairie des frères Garnier, les éditeurs intrépides des brochures pamphlétiques [sic], du temps qu’il y en avait. Aussi voyait-on souvent, sous la dernière République, la foule se réunir devant leur étalage pour se procurer quelque nouvel ouvrage de Proudhon, quelque pamphlet d’un Chenu ou autre, et donner ainsi à cette extrémité de la galerie vitrée une apparence émeutière. »



1 rue de Lille

Tout en conservant leurs locaux du Palais-Royal, les frères Garnier s’installèrent en 1852 dans le quartier des antiquaires, à l’angle des rues des Saints-Pères et de Lille (VIIe), dans l’hôtel Pidoux, construit en 1640, dont il ne reste aujourd’hui du xviie siècle que le balcon de l’appartement au premier étage du 6 rue des Saints-Pères et la porte monumentale du 1 rue de Lille.

En 1854, les frères Garnier devinrent propriétaires de la « Bibliothèque latine-française » de Charles-Louis-Fleury Panckoucke (1780-1844), formée des principaux auteurs latins et composée de 211 volumes : cette collection avait acquis dans le monde savant une haute réputation, tant par la fidélité de la traduction et par l’exactitude du texte qui se trouve en regard, que par les notices et les notes savantes qui l’accompagnent.  

Après la publication de l’ouvrage du socialiste Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865) intitulé De la justice dans la Révolution et dans l’Église. Nouveaux principes de philosophie pratique (Paris, Garnier frères, 1858, 3 vol.), le gouvernement, convaincu que cette œuvre était un outrage à la religion, fit saisir les exemplaires de l’ouvrage et déféra l’auteur et l’éditeur à la justice. Aggravant le délit, l’auteur répondit par une Pétition au Sénat, qui fut saisie à son tour. Le 2 juin 1858, le tribunal condamna  l’auteur à trois ans de prison, 4.000 francs d’amende et la suppression de ses deux ouvrages, l’éditeur Auguste Garnier à un mois de prison et 1.000 francs d’amende, l’imprimeur P.-A. Bourdier, rue Mazarine, à quinze jours de prison et 1.000 francs d’amende, l’imprimeur Jules Bry « Aîné », boulevard Montparnasse, à quinze jours de prison et 200 francs d’amende. Député en 1848, Proudhon avait déjà été condamné en 1849 à trois ans de prison pour des articles contestant l’action de Louis-Napoléon Bonaparte. En 1850, Garnier avait déjà été condamné en appel à 2.000 francs d’amende pour avoir vendu Le Bon messager, almanach essentiellement politique et légitimiste, sans mention d’imprimeur. Le 28 juillet 1858, la cour d’appel confirma la condamnation de Proudhon, qui s’était exilé à Bruxelles, et éleva celle de Garnier à quatre mois de prison et 4.000 francs d’amende ; l’année suivante, la grâce d’Auguste fut accordée.

Les frères Garnier furent également acquéreurs des fonds Langlois-Leclercq, rue de la Harpe,  en 1859 et Perrotin, rue de la Fontaine-Molière,  en 1867.

Après l’incendie qui détruisit en 1868 la majeure partie des « Ateliers catholiques, rue d’Amboise, au Petit-Montrouge, barrière d’Enfer de Paris » de l’abbé Jacques-Paul Migne (1800-1875), les Garnier achetèrent en 1876 le fonds, la maison et les vastes terrains où ils firent construire un immeuble pour stocker leurs productions.
Profitant des transformations de Paris, ils achetèrent d’autres terrains et vieux immeubles, réalisant d’heureuses affaires dont témoigne Honoré Champion :

« Quand on parlait des frères Garnier, c’était toujours de leur or. On connaissait leur trésor : eux seuls semblaient l’ignorer. Et leurs immeubles, leurs titres étaient si nombreux qu’on en faisait des légendes. »

Auguste et Hippolyte Garnier « vécurent côte à côte, en chapeau haut de forme du matin jusqu’au soir, dans l’étroit bureau sans feu de la rue des Saints-Pères, aménagé entre les travées de leur magasin encombré de livres. » Auguste mourut célibataire, à Paris, le 24 mai 1887, des suites d’une longue maladie qui l’avait tenu alité depuis six mois.

Après la mort de François-Hippolyte Garnier, le 13 juillet 1911, le journaliste Émile Berr (1855-1923) écrivit, dans Le Figaro du 16 juillet :

« C’était le dernier des “ frères Garnier ”, une raison sociale depuis longtemps célèbre dans le monde de l’édition.
Les frères Garnier, venus très jeunes à Paris, installèrent leur première boutique de livres au Palais-Royal, il y a soixante-dix-huit ans ; et quelques années plus tard, allèrent s’établir libraires-éditeurs rue des Saints-Pères. C’est là que, depuis un demi-siècle, tout Paris les a connus.
On peut dire qu’ils furent, commercialement, au nombre des plus actifs collaborateurs du mouvement littéraire de cette période. On doit aux frères Garnier une précieuse collection, et justement populaire, des classiques français. Ils ont édité les classiques latins et grecs traduits par Panckoucke, les Causeries du lundi, et la plus grande partie de l’œuvre de Sainte-Beuve. Chateaubriand, Casanova, Tallemant des Réaux, Rabelais, Balzac, avec ses Contes drolatiques (illustrés par Gustave Doré) figurent sur leur catalogue. Et c’est par eux qu’a été édité l’Empire libéral, en quinze volumes, de M. Emile Ollivier.
Enfin, depuis soixante-treize ans, les frères Garnier ont été parmi les plus utiles propagateurs de notre langue à l’étranger, et notamment dans l’Amérique du Sud, où leur maison de Rio de Janeiro, fondée en 1838, n’a cessé de répandre les traductions espagnoles de nos meilleurs ouvrages.
François-Hippolyte Garnier était le seul survivant de cette grande maison. Il était célibataire et laisse une fortune considérable – dont une grande partie consiste en maisons de rapport, qu’il gérait lui-même – et à l’accroissement de laquelle sa sévère économie contribua presque autant que son labeur.
C’était un vieillard de haute taille, taciturne et doux, très simple, de mise négligée. Rue des Saints-Pères, il préférait à son bureau, pauvrement meublé, la petite table encombrée de paperasses et placée dans un coin de son magasin, sur laquelle on le voyait penché, des journées entières, la calotte enfoncée sur le crâne, et occupé à faire son courrier, à corriger des épreuves, ou à rédiger des baux. Des visiteurs le prenaient, en passant, pour le garçon de bureau. “ Monsieur Garnier ? – C’est moi, monsieur.” L’étranger, parfois, était accueilli avec bienveillance, d’autres fois se heurtait à un mutisme absolu et troublant. Les employés de Garnier l’excusaient : “ Il y a des semaines, disaient-ils, où il ne parle pas.” Ils ajoutaient : “ C’est un brave homme.”
François-Hippolyte Garnier avait, au surplus, depuis quelque temps, une excuse d’être un peu sauvage : ses contemporains étaient tous morts, et c’est au milieu de visages presque inconnus, tant ils étaient jeunes pour lui, que ce célèbre vieux garçon vient de s’éteindre, richissime et triste, à l’âge de quatre-vingt-dix-sept ans. »

L’œuvre des frères Garnier fut considérable.



Aguttes, 6/12/2012, 2.741 €

Les Chants et Chansons populaires de la France (Paris, H.-L. Delloye, éditeur, librairie de Garnier frères, Palais-Royal, galerie vitrée, péristyle Montpensier, 1843) parurent en 84 livraisons, mais aussi en 3 volumes cartonnés, recouverts de trois couvertures illustrées de vignettes. La couverture de la première série, imprimée en or, vert et noir, porte : « Chants et chansons populaires de la France. H.L. Delloye, éditeur, librairie Garnier frères, Paris. 1843. Chromolith. de Engelmann et Graf, Paris. » La couverture de la deuxième série, imprimée en noir, vert et or, est illustrée sur le premier plat de 4 vignettes et porte : « Chants et chansons populaires de la France. H.L. Delloye, éditeur, librairie Garnier frères. Paris. 1843. Chromolith. de Engelmann & Graf, Paris. » La couverture de la troisième série, tirée en bleu, noir et or, est ornée d’une vignette et porte : « Chants et chansons populaires de la France. H.L. Delloye, éditeur, librairie Garnier frères, Paris. 1844. » 

Les bibliophiles connaissent bien les Œuvres complètes de Buffon (Paris, Garnier frères, 1853-1856). Revues sur l’édition in-4° de l’Imprimerie royale et annotées par Pierre Flourens (1794-1867), secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, membre de l’Académie française et professeur au Muséum d’histoire naturelle, elles comptent 12 volumes grand in-8° jésus, illustrés de 161 planches, 800 sujets coloriés, gravés sur acier d’après les dessins originaux de Victor Adam (1801-1886), imprimés en caractères neufs, sur papier pâte vélin, par la typographie Jules Claye.

Ils connaissent aussi les ouvrages illustrés par Jean-Ignace-Isidore Gérard (1803-1847), dit Jean-Jacques Grandville :



Les Fleurs animées (2 vol.), texte par Alphonse Karr (1808-1890), Taxile Delord (1815-1877) et le comte Fœlix [pseudonyme de Louis-François Raban (1795-1870)]. Nouvelle édition avec planches très soigneusement retouchées pour la gravure et le coloris, par Édouard Maubert (1806-1879), peintre d’histoire naturelle, attaché au Jardin des plantes. Forment 2 volumes grand in-8° jésus, illustrés de 50 gravures coloriées et de nombreuses vignettes sur bois intercalées dans le texte. Les frères Garnier ayant acheté, en janvier 1866, l’édition des Fleurs animéesà Gabriel de Gonet (1818-1892), rue des Beaux-Arts, prétendirent empêcher les fabricants de mouchoirs de poche des sieurs Delarue, Lelièvre et fils, et Sueur, de copier les dessins sur leurs étoffes et gagnèrent leur procès en contrefaçon le 12 décembre 1867.


Autoportrait de Grandville (p. 189)

Les Métamorphoses du jour, 70 gravures coloriées, accompagnées d’un texte, par Albéric Second (1817-1887) et Taxile Delord, et précédées d’une notice sur Grandville, par Charles Blanc (1813-1882). Nouvelle édition, augmentée en 1869 d’un magnifique frontispice colorié, etc., et complétée pour le texte, par Jules Janin (1804-1874). Magnifique volume in-8° jésus. Les planches de 1869 se distinguent de celles de 1854 à plusieurs particularités : elles ne portent pas de nom d’imprimeur ; la plupart sont signées « JJ. Grandville » ; elles sont imprimées sur papier plus fort ; les légendes sont modifiées ou augmentées sur un grand nombre de planches.
Les Cent proverbes illustrés par Grandville, avec 50 gravures coloriées pour la première fois et un grand nombre de vignettes dans le texte.
Les Fables de La Fontaine, illustrées de 240 gravures, un sujet pour chaque fable, d’après les dessins de Grandville, formant un volume grand in-8° jésus, papier vélin des Vosges. Nouvelle édition augmentée d’un grand nombre de culs-de-lampe, faux-titres ornés, etc., par Grandville, magnifiquement imprimée par J. Claye.
Les Petites Misères de la vie humaine, illustrées de nombreuses vignettes dans le texte, et de 50 grands bois tirés à part. Texte par Old-Nick [pseudonyme de Paul-Émile Daurand-Forgues (1813-1883)]. Magnifique volume grand in-8° jésus, papier vélin des Vosges, imprimé par J. Claye. Cette nouvelle édition est en outre enrichie d’un beau portrait de Grandville, gravé sur acier.
Les Chansons de Béranger (2 vol.) contenant 53 gravures sur acier. Les Voyages de Gulliver dans des contrées lointaines, par Jonathan Swift, traduction nouvelle précédée d’une notice par Walter Scott. Les Aventures de Robinson Crusoe, par Daniel Defoe. Les Fables de Florian suivies de son théâtre.

Citons encore le Dictionnaire national (2 vol. in-4°) par Bescherelle aîné [Louis-Nicolas Bescherelle (1802-1883)], la Géographie universelle (6 vol. grand in-8°, 41 gravures sur acier, avec 1 atlas in-fol. composé de 72 cartes coloriées) par Victor-Adolphe Malte-Brun (1816-1889), les Œuvres complètes de Chateaubriand (12 vol. in-8°), les Galeries historiques de Versailles (10 vol. in-8°, avec un magnifique album in-4° contenant 100 gravures), l’Histoire des ducs de Bourgogne (12 vol. in-8° ornés de 104 gravures et d’un grand nombre de cartes) par le baron de Barante (1782-1866), Les Contes drolatiques (1 vol. in-8° illustré de 425 dessins de Gustave Doré), les Causeries du lundi par Charles-Augustin Sainte-Beuve (1804-1869), la Galerie de femmes célèbres tirée des Causeries du lundi (illustrée de 12 portraits gravés au burin d’après les dessins de M. G. Staal), l’Histoire de la Révolution de 1848 par Lamartine, les Mémoires de Beaumarchais dans l’affaire Goezman, les Œuvres de Rabelais, le Théâtre de Corneille, La Cabane de l’oncle Tom par Henriette Stowe (1811-1896), les Œuvres complètes de George Sand, les Œuvres de M. Flourens, dont l’Histoire de la découverte de la circulation du sang, les Œuvres de F. Lamennais, les Œuvres de Joseph Garnier, professeur d’économie politique à l’École impériale des ponts et chaussées, le Traité élémentaire pratique d’architecture ou Étude des cinq ordres d’après Jacques Barozzio de Vignole (1 vol. in-4° divisé en 72 planches) par Jean-Arnould Leveil (1806-1866), la Correspondance par Grimm, Diderot, Raynal, Meister, etc. par Maurice Tourneux (1849-1917), les Œuvres complètes de Molière, Les Historiettes de Tallemant des Réaux, les Chansons nationales et populaires de France (2 vol.), la Physiologie du blagueur (« pérystile [sic] Montpensier », 1841), etc.






Huet, le « savant des savants »

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Pierre-Daniel Huet, dont le père était magistrat, ex-calviniste converti à la foi catholique, est né à Caen (Calvados), au n° 142 de la rue Saint-Jean, devant l’église Saint-Jean, le 8 février 1630.



Localisation de la maison natale de Huet sur le plan de Caen en 1705


À la Révolution, Charlotte Corday habitera au n° 148, à l’emplacement du n° 114 aujourd’hui. Tout le quartier, comme 75% de la ville, sera détruit par les bombardements alliés en 1944, « une des attaques aériennes les plus futiles de la guerre ».



Emplacement de la maison natale de Huet en 1944


Orphelin de père à trois ans, puis de mère à six ans, il fut recueillit par une de ses tantes. Après des études brillantes, il fit en 1650 son premier voyage à Paris, dans le but d’acheter des livres et de rencontrer des savants : Denis Pétau, Philippe Labbé, François Vavasseur, Gabriel Cossart, René Rapin, Jean Commire, Jacques Sirmond, Étienne Deschamps, Jean Garnier, les frères Pierre et Jacques Dupuy, François Guyet, Ismaël Boulliau, Pierre Lambécius et Gabriel Naudé.
En 1652, il accompagna le pasteur Samuel Bochart (1599-1667), invité par la reine Christine de Suède, et explora les trésors littéraires de ce pays. Intégré à l’Académie de Caen dès son retour deux ans plus tard, il fit sa licence en droit civil et canon à l’Université de Caen et devint sous-précepteur du Dauphin en 1670, pour seconder Bossuet. C’est alors qu’il entreprit et dirigea l’exécution des belles éditions des classiques latins « ad usum Delphini » : dix-huit titres parurent de 1674 à 1680.



Géomètre, physicien, antiquaire, hébraïsant, helléniste, latiniste et poète, il acquit la réputation d’être « de ces gens contre lesquels il n’est pas possible d’avoir raison ». Il entra à l’Académie française en 1674, fut ordonné prêtre en 1676 et nommé à l’évêché de Soissons (Aisne) en 1685. Rome n’envoyant pas les neuf bulles nécessaires, il permuta avec Fabien Brûlart de Sillery pour l’évêché d’Avranches (Manche) en 1689.




Dix ans plus tard, invoquant son état de santé et le « mauvais air » d’Avranches, il résigna et reçut en compensation l’abbaye Saint-Étienne de Fontenay, à Saint-André-sur-Orne (Calvados) ; il jouissait déjà, depuis 1679, de celle d’Aunay-sur-Odon (Calvados).




Il s’installa alors à Paris, chez les Jésuites, et se livra tout entier à l’étude. En 1712, il fut atteint d’une maladie qui l’affaiblit et altéra considérablement sa mémoire. Il mourut le 26 janvier 1721 et fut inhumé en l’église Saint-Paul-Saint-Louis, dans le quartier du Marais (IVe).

De toutes ses publications, son traité sur la traduction, De Interpretatione (1661), ses commentaires sur l’édition d’Origène, Origeniana (1668), son Traitté de la situation du Paradis terrestre (1691) et son traité sur les navigations attribuées à Salomon, De Navigationibus Salomonis (1698), sont considérés comme des chefs-d’œuvre par de nombreux critiques.

Huet possédait une des plus belles bibliothèques de son temps. Après avoir hésité longtemps sur le choix de sa destination future, il la légua, en 1692, à la maison professe des Jésuites de Paris (IVe), occupée aujourd’hui par le lycée Charlemagne, sous certaines conditions. Elle fut installée, de son vivant, dans une partie réservée de cette maison, où il se retira lui-même et vécut jusqu’en 1721.
Mais en 1763, quand les Jésuites furent bannis et leurs biens mis en vente, l’abbé Michel-Gabriel Piédoue de Charsigné (1705-1775), petit-neveu [et non neveu] et légataire universel de Huet, la réclama en justice, les principales clauses du legs se trouvant alors violées. Un arrêt du Conseil du Roi du 15 juillet 1763 fit droit à sa demande. L’impératrice de Russie fit offrir cinquante mille écus à l’abbé de Charsigné de la bibliothèque de son grand-oncle ; mais il préféra en faire hommage à Louis XV, qui se contenta de consigner une rente de 1.750 livres, au capital de 35.000 livres, en faveur du donateur, puis de ses héritiers. Cette rente a été acquittée jusqu’en 1792.
Parmi ces livres, au nombre de 8.271 volumes, « compris 200 volumes manuscrits » (Nicolas-Thomas Le Prince. Essai historique sur la bibliothèque du Roi. Paris, Cabinet historique, 1856, p. 91), ou 8.312 volumes, « non compris les manuscrits » (François-Amand de Gournay. Huet, évêque d’Avranches. Caen, Le Gost-Clérisse, 1854, p. 41), on  garda ceux qu’on n’avait pas, et les doubles de ceux qu’on avait déjà quand ils étaient plus beaux. Le reste fut échangé ou vendu, et c’est ainsi qu’on en trouve dans le commerce une certaine quantité.



Huet avait un Grolier qui passa chez l'Anglais Heber : Freculphi Episcopi Lexoviensis chronicorum (Coloniae, 1539, in-fol., v. fauve).



Notes manuscrites de Huet

La plupart de ces livres sont remarquables par la beauté des exemplaires, et précieux par les savantes notes que Huet y avait ajoutées de sa main. Il y a des volumes qui en sont couverts, notamment les chefs-d’œuvre de l’antiquité, si familière à l’illustre prélat. Ils sont presque tous en veau fauve ou brun et d’une grande simplicité de reliure. Il en prenait le plus grand soin et il avait des sacs de cuir faits exprès pour ceux qu’il emportait en voyage.


Tous les volumes, à très peu d’exceptions près, portent ses armes frappées sur les plats extérieurs :« D’azur, à 2 mouchetures d’hermines d’argent en chef, et 3 grillets [grelots] renversés d’or en pointe ».
Dans l’intérieur, on trouve les mêmes armoiries gravées sur un ex-libris, dont il existe au moins trois types, que les Jésuites y placèrent avec l’inscription suivante, qui rappelle la donation à ces religieux :




« Ex libris Bibliothecae quam Illus : trissimus Ecclesiae Princeps. D. PETRUS DANIEL HUETIUS. Episc. Abrincensis Domui Professae Paris. PP. Soc. Jesu Integrā vivens donavit An. 1692. »



« Ex Libris Bibliothecae quã Illustriss. Ecclesiae Princeps D. PETRVS DANIEL HVETIUS Episcopus Abrincensis Domui Professae Paris. PP. Soc. Iesu Integram Vivens Donavit. Anno. 1692 »



« Ex Libris Bibliothecae quam Illustrissimus Ecclesiae Princeps D. PETRUS DANIEL HUETIUS. Episcopus Abrincensis Domui Professae Paris. PP. Soc. Jesu integram vivens donavit Anno 1692 »



Au bas de chaque page de titre on voit en outre, sur une bande imprimée et rapportée, cette formule : « Ne extra hanc Bibliothecam efferatur. Ex obedientiâ. »

Il n’existe pas de catalogue imprimé de cette bibliothèque, mais toutes ses richesses furent comprises dans celui de la maison professe de la rue Saint-Antoine, que l’on dressa en 1763 pour la vente : Catalogue des livres de la bibliotheque de la maison professe des ci-devant soi-disans Jesuites (Paris, Pissot et Gogué, 1763, in-8, xx [i. e. xxiv]-[2]-448-59-[1 bl.] p., 7.252 lots), avec une table des auteurs.


« LeCatalogue que nous présentons au Public est composé de plusieurs Bibliotheques, parmi lesquelles celles de Menage & du fameux Huet tiennent le premier rang. Ces deux Sçavans sont trop connus pour qu’il soit nécessaire d’entrer dans quelque détail à leur sujet. La vaste littérature de l’Evêque d’Avranches doit faire juger du choix de sa collection. Menage, outre les livres qu’il avoit rassemblés, avoit acheté ceux de François Guyet. […] Plusieurs livres sont chargés de remarques, d’additions, ou de variantes, manuscrites, & particulierement les Auteurs Grecs & Latins : Nous avons eu soin de les annoncer. Une grande partie de ces Notes est de M. Huet : mais n’ayant pas assez de certitude pour assurer qu’elles sont toutes de lui ; nous avons été très réservés à le nommer. » [sic]

Les organisateurs de la vente agissaient au nom du Parlement, suite à l’ordonnance du 6 août 1762 décidant de la vente du mobilier des Jésuites. Celle-ci, initialement prévue « au mois de décembre [1763] », n’aura finalement lieu qu’en 1765, du 15 avril au 3 juillet. On avait retiré les livres ayant appartenu à Huet, quand ses héritiers en eurent obtenu la restitution.
La famille de Huet avait conservé une assez volumineuse collection de manuscrits. Un grand nombre furent achetés par la Bibliothèque impériale, en 1858. Les plus importants, comprenant les lettres adressées à Huet, sont tombés dans les mains de Libri, qui en a détaché de nombreuses pièces pour les vendre en détail et qui a cédé le reste, qui remplit trente volumes, à lord Ashburnham.   

De Lurde et De Ruble, trautzolâtres

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Le comte Alexandre-Louis-Thomas de Lurde naquit à Paris le 28 vendémiaire an IX [20 octobre 1800]. Après avoir achevé ses études, il commença son apprentissage diplomatique au secrétariat du général Jean Dessolles, président du Conseil, puis auprès de Étienne Pasquier, ministre des Affaires étrangères, dont la chute mit fin à sa carrière. Dévoué à l’idée monarchique, il partit alors en 1823 pour l’Espagne, au service du roi Ferdinand VII. Revenu en France, il ne put entrer dans l’armée française avec son grade de capitaine et démissionna en 1828. Chevalier de la Légion d’honneur en 1829, il fut nommé secrétaire de légation à Rio de Janeiro l’année suivante, chargé d’affaires au Portugal en 1832 et secrétaire de légation à Lisbonne en 1833. Devenu officier de la Légion d’honneur, il fut envoyé à Rome en 1836, reçut le titre de comte en 1838 et fut nommé premier secrétaire d’ambassade à Constantinople en 1839 ; considérant qu’il avait été injustement traité, il quitta Constantinople et rentra à Paris :

« Toute compensation lui fut refusée, et, durant plus d’une année, il vécut oublié, relégué dans la classe des secrétaires en disponibilité. Il demeura à Paris pendant cette longue période, plus occupé de ses études historiques que des démarches nécessaires pour obtenir du service. Une passion nouvelle, l’amour des livres, s’était emparée de lui depuis plusieurs années. A Rome il avait commencé à rechercher les belles et vieilles impressions des littératures française et italienne. Son séjour à Paris ouvrit un large cours à son goût pour les livres. Quelques ventes aux enchères lui fournirent l’occasion d’acquérir des éditions originales et de belles reliures. Ainsi débuta une passion qui devait absorber la fin de sa vie. » [sic]

En 1841, il obtint sa réintégration dans la carrière diplomatique : il fut envoyé à Naples, comme médiateur dans un différend entre l’Angleterre et les Deux-Siciles. En 1842, il devint ministre plénipotentiaire auprès de la république Argentine et reçut la croix de commandeur de la Légion d’honneur. Revenu à Paris en 1844, il fut nommé grand officier de la Légion d’honneur et attendit à Paris, 21 bis quai Voltaire (VIIe), la fin de la question Argentine. Après la révolution de 1848, il fut nommé chargé d’affaires en Hollande :

« A la Haye, le diplomate avait peu de travail, mais le bibliophile trouva de merveilleuses occupations. Les Pays-Bas sont la patrie des Elzevier. Le goût des beaux livres, qui y avait créé les meilleurs imprimeurs du dix-septième siècle, y avait attiré de l’étranger les plus rares et les plus beaux exemplaires de nos classiques. Plus tard, rentré dans la vie privée, M. de Lurde aimait à montrer les précieux volumes qu’il avait trouvés à la Haye, à Utrecht, surtout à Leyde, et rappelait en souriant que ces trésors étaient les seuls qu’il eût rapportés de ses campagnes diplomatiques, l’unique récompense d’une vie entièrement vouée au service de son pays. » [sic]  

En 1849, le gouvernement français envoya De Lurde à Berlin ; bientôt remplacé pour des raisons politiciennes, il fut profondément dégoûté de la carrière diplomatique et demanda une pension de retraite.
En 1852, il prit un petit appartement rue Caumartin (IXe) et s’y installa avec ses livres. Il était devenu le client des libraires Joseph Crozet (1808-1841), Joseph Techener (1802-1873) et Léon Techener (1832-1888), puis Laurent Potier (1806-1881). Il avait d’abord aimé les volumes à figures, les belles impressions du dix-huitième siècle, les exemplaires en grand papier du commencement du dix-neuvième. Rapidement, il avait adopté une spécialité plus délicate, les éditions originales.



Recueil général des Caquets de l'Acouchée [sic]
S. n. [Paris], 1623
Reliure de Trautz-Bauzonnet, 1848
(Ruble, 1899, n° 511)

Il n’acceptait que des exemplaires de conservation parfaite : tout volume taché, incomplet, court de marges, quelle que fut sa rareté, n’était pas admis dans sa bibliothèque. Aussi difficile pour les reliures, la plupart sorties des mains de Bauzonnet ou de son gendre et successeur Trautz. Plus d’une fois, il a sacrifié une reliure ancienne pour lui en substituer une exécutée par ses relieurs préférés. On compta à son décès : 15 reliures signées Bauzonnet, 140 signées Bauzonnet-Trautz et 268 signées Trautz-Bauzonnet.



La plupart portent sur le dos et aux angles des plats, souvent sur la doublure même, un chiffre composé de deux « A » et de deux « L » [Alexandre de Lurde].

« Il lisait ses livres, il comparait les diverses éditions de ses auteurs favoris. Peu d’hommes possédaient ses classiques comme lui, et personne peut-être les auteurs du seizième siècle. Il aimait principalement, outre les classiques, les vieux poëtes, Ronsard et la Pléiade, les anciens prosateurs, Rabelais, le Plutarque d’Amyot, Montaigne, et, quand il les avait relus en entier, il les relisait encore. Il avait peu de goût pour la littérature contemporaine. Nos poëtes, nos romanciers, nos critiques, nos historiens, toujours empressés à quitter les lettres pour la politique, n’étaient pour lui que des faiseurs de livres de circonstance ; il les lisait quelquefois, comme on lit des journaux, mais il ne gardait pas leurs ouvrages. » [sic]

Après la mort du chancelier Pasquier en  1862, puis de sa mère en 1864, il prit goût à la solitude, s’adonnant plus que jamais à celui des livres et à l’étude de l’histoire et des grands auteurs. Pendant le second siège de Paris, le 23 mai 1871, en sortant du cercle des Chemins de fer, au coin de la rue de la Michaudière, où il avait dîné, il fut blessé à la hanche par le tir d’un factionnaire. Dès lors, il ne quitta plus son appartement, où il expira le 4 janvier 1872, à 1 h. 10 du matin.  Célibataire, il avait légué sa bibliothèque à son neveu, le baron de Ruble.



Collège de Vaugirard

Descendant d’une vieille famille irlandaise venue s’installer en Gascogne, le baron Joseph-Étienne-Alphonse de Ruble était né à Toulouse (Haute-Garonne) le 6 janvier 1834. Ayant perdu sa mère à l’âge de sept ans, il eut droit à un précepteur ecclésiastique avant d’être envoyé en pension à Toulouse, puis dans l’institution célèbre de l’abbé Poiloup, à Vaugirard [ancien village, qui sera annexé à Paris en 1860, XVe arrondissement]. Ses études terminées, De Ruble revint à Toulouse pour y faire son droit et c’est alors que commença à se manifester chez lui l’amour des livres.
En 1855, il vint se fixer dans la capitale et se fit inscrire au barreau de Paris. Il devint le secrétaire de l’avocat et homme politique Jules Favre et fréquenta les Archives et le département des manuscrits de la Bibliothèque nationale. Parurent bientôt les trois premiers volumes de ses Commentaires et lettres de Blaise de Monluc maréchal de France (Paris, Vve Jules Renouard, 1864-1872, 5 vol.). En 1868, il épousa Jeanne-Blanche-Caroline Bajot de Conantre [sic], qui devint sa collaboratrice, partageait ses études et l’affranchissait des soucis de la vie matérielle. En dehors des voyages entrepris pour dépouiller les archives françaises et étrangères, il avait à Paris des journées bien réglées : après avoir passé une partie de la matinée et de l’après-midi à la Bibliothèque nationale ou aux Archives, il rentrait chez lui vers 16 heures, classait ses notes, puis faisait une courte apparition au cercle de l’Union.



La saison d’été, qu’il passait dans son château de Ruble, à Gimat (Tarn-et-Garonne), était réservée au travail de la rédaction : levé le plus souvent à 5 heures, il visitait ses fermes et ses chevaux d’élevage ; il déjeunait à 9 heures puis, après une courte promenade dans la cour du château, se retirait pour travailler dans sa bibliothèque ; à 16 heures il s’entretenait avec son régisseur, puis retournait à ses livres jusqu’à 19 heures ; après le dîner, il consacrait le reste de la soirée à sa famille, mais se couchait de bonne heure.



Après avoir voulu s’engager en 1870, il suivit sa belle-mère et la baronne au château de Connantre (Marne) [après de nombreux changements de propriétaires, le château, à l’abandon, fut détruit en 1967]. Pendant toute l’occupation, De Ruble recueillit les documents qui permirent la publication de L’Armée et l’Administration allemandes en Champagne (Paris, Hachette et Cie, 1872).
La même année 1872, il hérita de la bibliothèque de son oncle et témoigna sa reconnaissance en publiant, en 1873-1874 d’abord, dans le Bulletin du bibliophile, et en 1875, dans un volume tiré à 60 exemplaires, une Notice biographique sur le comte de Lurde, suivie du catalogue de sa bibliothèque.
Il compléta cette belle bibliothèque comme l’aurait complétée celui-là même qui la lui avait léguée, et il ne voulut pas connaître d’autres relieurs que Trautz.



Les reliures qu’il fit alors exécuter portent sur le dos et aux angles des plats un chiffre composé de deux « R » et de deux « C » [Ruble et Conantre]. Quand Trautz mourut en 1879, De Ruble ne fit presque plus relier, quelques fois par Lortic père ou Thibaron-Joly, mais il acheta dans les ventes des livres reliés par Trautz. Désigné pour préparer la collection de livres et de manuscrits qui devait figurer à l’Exposition universelle de 1878, il donna une Notice des principaux livres manuscrits et imprimés qui ont fait partie de l’exposition de l’art ancien au Trocadéro (Paris, Léon Techener, 1879, in-8, VIII-116 p.).
Membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres depuis 1896, le baron appartenait à de nombreuses Sociétés : Société des anciens textes français, Société des Bibliophiles françois, Société d’histoire diplomatique, Société de l’histoire de France, Société de l’histoire de Paris et de l’Ile-de-France, Société historique de Gascogne, Société archéologique de Tarn-et-Garonne, Société des Antiquaires du Centre.
La mort vint le chercher à son domicile, 43 rue Chambon (Ier), le samedi 15 janvier 1898, vers 15 heures 30, après une semaine de maladie.



Le Catalogue des livres rares et précieux composant le cabinet de feu M. le baron de Ruble (Paris, Em. Paul et fils et Guillemin, 1899, in-8, XVI-192 p., 688 lots) comprend les 244 articles de son propre cabinet avec les 444 articles du cabinet de son oncle. La vente eut lieu à l’hôtel Drouot, du lundi 29 mai au samedi 3 juin 1899.

8. Missel exécuté par Nicolas Jarry pour le cardinal de Richelieu. In-fol. de 75 f. à 2 col., mar. r. dos orné, fil. double encadrem. genre Du Seuil, tr. dor., aux armes du cardinal. Manuscrit sur vélin, daté 1639. 6.010 fr. Payé 2.320 fr. à la vente Lignerolles, 1894.
61. Essais de Messire Michel, seigneur de Montaigne. Bourdeaux, S. Millanges, 1580. In-8, mar. bleu, chiffres sur le dos et aux angles des plats, doublé de mar. orange, coins et grand milieu avec chiffre au centre composés d’une riche dorure à petits fers et au pointillé, tr. dor. (Trautz-Bauzonnet, 1851). Première et précieuse édition des deux premiers livres des Essais. Exemplaire réglé. 1.385 fr.
66. Les Essais de Michel de Montaigne. Paris, 1669, 3 vol. in-12, titres-front. gravés, mar. r. doublé de mar. r. dent. tr. dor. (Boyet). Exemplaire de Longepierre. 2.500 fr.



83. La Nef des Princes. Lyon, Guillaume Balsarin, 1502. In-4 goth. de 66 f. mal ch. sign. a-l par 6 f. fig. sur bois, mar. vert. dos orné, 3 fil. et comp. à la Du Seuil. dent. int. tr. dor. (Bauzonnet-Trautz). Première et rarissime édition. Exemplaire de la vente Crozet. 1.160 fr.



93. Le Livre du roy Modus. Chambéry, Anthoine Neyret, 1486. In-fol. goth. nombreuses fig. sur bois. mar. vert, chiffres sur le dos, fil. à fr. doublé de mar. r. large dent. à petits fers et au pointillé avec une bordure extérieure dite « aux oiseaux », dans laquelle se trouvent placées des bécasses présentées dans diverses postures, tr. dor. (Bauzonnet-Trautz). Exemplaire de la première édition provenant de la bibliothèque du duc de Luynes, dont il porte le timbre sur le premier f. On ne cite que 4 ou 5 exemplaires de ce rare volume : celui de Solar, incomplet du dernier f., a été vendu 5.000 fr. à la vente Potier (1870), celui du prince d’Essling 10.000 fr. à la vente Pichon (1869). 7.800 fr.
94. La Vénerie de Jaques du Fouilloux. Poitiers, Marnef et Bouchet frères, 1561. In-fol. fig. et musique notée, mar. r. jans. chiffres sur le dos, doublé de mar. bleu, bel et large encadrement formé d’un enroulement de branches de feuillage dans lequel courent des chasseurs, des chiens, des cerfs, des lièvres et des lapins, tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). Edition originale très rare entièrement imprimée en caractères italiques. 1.850 fr.
126. Le Rommant de la rose. Paris, Galliot du Pré, 1529. Petit in-8, lettres rondes, fig. sur bois, mar. r. dos orné avec chiffres, fil. riches comp. à petits fers et au pointillé composé d’ornements aux angles et d’un grand milieu avec une rose dans un médaillon au centre, doublé de mar. vert, larges dent. à petits fers et au pointillé, tr. dor. (Bauzonnet-Trautz). Exemplaire cité comme étant le plus grand connu (nombreux témoins), ayant appartenu au bibliographe Osmont, dont le nom se trouve au bas du titre. 1.440 fr.
132. Les Œuvres Maistre Guillaume Coquillart. Paris, Galliot du Pré, 1532. Pet. in-8, lettres rondes mar. r. dos orné, fil. et encadrem. genre Du Seuil composé de fil. droits et cintrés avec fleuron aux angles, doublé de mar. bleu, dent. dite « roulette Chamillart » [simple roulette à laquelle la marquise de Chamillart a laissé son nom] avec fleurons au pointillé aux angles, tr. dor. (Bauzonnet-Trautz). Première édition imprimée en lettres rondes. Un des plus grands exemplaires connus. 1.050 fr.
135. Le Vergier dhonneur. S. l., s. d. In-fol. goth. de 209 f. non ch. à 2 col. nombr. fig. sur bois mar. r. dos orné avec chiffres, 3 fil. dent. int. tr. dor. (Trautz-Bauzonnet, 1848). Rarissime édition imprimée à Paris à la fin du xve. Exemplaire anciennement recouvert d’une reliure en veau fauve au chiffre couronné de Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII ; ce chiffre a été découpé et fixé en guise d’ex-libris à l’intérieur du premier plat de la nouvelle reliure ! 1.100 fr.



141. Gringore [sic]. Les Fantaisies de Mère Sotte. S. d. [privilège du 27 octobre 1516]. In-4 goth. 110 f. [et non 111 comme Brunet l’indique] fig. sur bois, mar. r. dos orné à petits fers, 3 fil. dent. int. tr. dor. (Trautz-Bauzonnet, 1848). Un des ouvrages les plus rares de Gringore. On ne connaît que 3 ou 4 exemplaires de cette édition : celui-ci provient des bibliothèques Heber et du prince d’Essling et a été relié à nouveau depuis la vente de ce dernier amateur. 1.820 fr.



162.Étienne Dolet. Le Second Enfer. Troyes, Nicole [i.e. Nicolas] Paris, 1544. Pet. in-8 lettres rondes, mar. r. dos orné, fil. et comp. à la Du Seuil, doublé de mar. r. riches comp. à petits fers et au pointillé couvrant entièrement les plats intérieurs, chiffre dans un médaillon au centre, tr. dor. (Bauzonnet-Trautz). On connaît 3 éditions de ce livre publiées sous la même date ; on ne connaît qu’un seul exemplaire de chacune, abstraction faite d’un exemplaire de la première partie seulement de cette édition (B.n.F.). Cet exemplaire provient de la vente Crozet et a été relié depuis. 1.645 fr.
163. Le Miroir de treschrestienne princesse Marguerite de France, royne de Navarre. Paris, Antoine Augereau, 1533. In-8 mar. La Vallière avec incrustations de mar. brun et r. sur le dos et les plats, riche dorure composée de fil. et de marguerites alternant avec des rosaces, doublé de mar. bleu, bel encadrement formé de branches de feuillage et décoré de marguerites, tr. dor. étui en forme de livre en mar. brun, doublé de peau de chamois grenat, dent. int. tr. dor. (Thibaron-Joly). Exemplaire réglé, grand de marges ; reliure faite à l’imitation des reliures à mosaïque de Padeloup dites « à répétition ». 2.010 fr. Avait été adjugé 1.900 fr. à la vente Guy-Pellion, 1882.
164. Marguerites de la Marguerite des princesses. Lyon, Jean de Tournes, 1547. 2 tomes en 1 vol. in-8, fig. sur bois, car. ital. mar. r. chiffres sur le dos et aux angles des plats, doublé de mar. bleu, large dent. à petits fers et au pointillé avec chiffre aux angles, tr. dor. (Trautz-Bauzonnet, 1850). Exemplaire réglé, grand de marges (témoins) et le plus grand connu ; il provient des bibliothèques de Soleinne, Baudelocque et Clinchamp, et a été relié depuis. 1.500 fr.



216. Les Premières Œuvres de M. Régnier. Paris, Toussaint du Bray, 1608. In-4, mar. r. chiffres sur le dos et aux angles des plats, dent. int. tr. dor. (Trautz-Bauzonnet, 1850). Rarissime édition originale. Exemplaire réglé, provenant de la bibliothèque du général Tolosan (1805), le seul connu en dehors de celui de la B.n.F. et de celui de l’Arsenal. 4.400 fr. Un des livres les plus remarquables de la collection.
218. Les Satyres et autres Œuvres du sieur Régnier. Leiden, Jean et Daniel Elsevier, 1652. Pet. in-12, mar. r. dos orné à petits fers, 3 fil. doublé et gardes de pap. blanc et or, dent. int. tr. dor. (Padeloup). Exemplaire rare, mais court de marges, aux armes du comte d’Hoym. 1.520 fr.
226. Les Poésies de Malherbe. Paris, Claude Barbin, 1689. In-12, mar. r. doublé de mar. olive, dent. tr. dor. (Padeloup). Exemplaire de Longepierre, réglé ; il a appartenu ensuite à Bignon et Clinchamp, dont il porte l’ex-libris. 5.050 fr.



299. Airs nouveaux de la Cour. Escripts par N. Jarry. In-8, mar. citron, comp. de mosaïque avec chiffres et riche dorure sur le dos et les plats, doublé de mar. r. fil. et encadrem. à la Du Seuil avec un grand fleuron à petits fers et au pointillé aux angles, tr. dor. étui en forme de livre doublé de drap grenat, les plats en mar. brun jans. dent. int. tr. dor. (Trautz-Bauzonnet, 1854). Manuscrit sur vélin couvert d’une riche reliure à mosaïque considérée comme le chef-d’œuvre de Trautz. Acheté 565 fr. à la vente De Bure (1853). Avait été payé 14 livres et 19 sols à la vente du baron d’Heiss (1785). L’ancienne reliure qui recouvrait le volume à l’époque de la vente De Bure était en trop mauvais état pour être conservée, mais la doublure la représente exactement telle qu’elle avait été exécutée par Le Gascon. On joint la déclaration de Trautz. 17.050 fr.
314. Maistre Pierre Pathelin. Paris, Anthoine Bonnemere, 1533. In-16 de 124 f. non ch. lettres rondes, mar. orange, dos orné, comp. de fil. droits et cintrés, fleurons aux angles, doublé de mar. r. riche dorure à petits fers et au pointillé avec chiffre au centre et aux angles, tr. dor. (Trautz-Bauzonnet, 1851). Exemplaire réglé provenant de la vente Monmerqué. 1.505 fr.



314 bis. Maistre Pierre Pathelin. Paris, Jehan Trepperel, s. d. [entre 1502 et 1511]. Petit in-8, goth. de 44 f. non ch. à 26 lignes par page, signé a à e par 8 f. et f par 4 f. fig. sur bois, mar. r. dos orné fil. doublé de mar. r. dent. tr. dor. (Bauzonnet-Trautz). Si cet exemplaire est celui de la vente Soleinne, ce serait alors le seul cité par les bibliographes. 1.705 fr.
348 bis. P. Corneille. Remerciment [sic] au Roy. Paris, 1663. In-4 de 7 p., mar. r. jans. chiffres aux angles des plats, dent. int. tr. dor. (Trautz-Bauzonnet, 1859). Un des 2 exemplaires connus de l’édition (le second fait partie de la bibliothèque du baron J. de Rothschild). 1.595 fr.
351. Les Œuvres de Monsieur de Molière. Paris, Denys Thierry, Barbin, etc., 1682.  8 vol. pet. in-8, fig. de Brissart, mar. r. doublé de mar. olive, dent. int. tr. dor. (Rel. anc.). Première édition complète. Exemplaire de Longepierre, réglé, très grand de marges (témoins), qui serait tiré sur « grand papier fin ». 21.000 fr.
354. Les Précieuses ridicules. Paris, Charles de Sercy, 1660. In-12 de 4 f. prél. non ch. et 135 p. mar. r. chiffres sur le dos, fil. à fr. dent. int. tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). Édition originale extrêmement rare, premier état du premier tirage. 4.620 fr.
355. Sganarelle, ou le Cocu imaginaire. Paris, Jean Ribou, 1660. In-12 de 6 f. prél. non ch. et 60 p., la dernière non ch. pour le privilège, mar. r. chiffres sur le dos, fil. à fr. dent. int. tr. dor. (Trautz-Bauzonnet, 1853). Edition originale rarissime, publiée sans l’autorisation de l’auteur par un sieur de Neuf-Villenaine, et détruite, à l’exception de 8 ou 10 exemplaires, dont plus de la moitié sont en bibliothèques publiques. 4.000 fr.
383. Les Femmes sçavantes. Paris, Pierre Promé, 1672. In-12 de 2 f. prél. non ch. et 92 p., mar. r. jans. dent. int. tr. dor. (Lortic). Exemplaire de l’édition originale sous la date de 1672, qui passe pour être unique. L’un des petits fleurons qui composent l’ornement typographique, placé en tête de la p. 37, est tombé pendant la mise en pages. 1.080 fr.
386. Molière. Remerciment [sic] au Roy. Paris, Guillaume de Luynes et Gabriel Quinet, 1663. In-4 de 7 p., mar. r. jans., chiffres aux angles des plats, dent. int. tr. dor. (Trautz-Bauzonnet, 1858). Cet exemplaire et celui de Lignerolles sont les deux seuls connus jusqu’alors. 1.450 fr.   
431. La Vie très horrificque du grand Gargantua. Pantagruel, roy des Dipsodes. Lyon, François Juste, 1542. Deux parties en 1 vol. in-16, goth. fig. sur bois, mar. citron, dos orné avec chiffres, 3 fil. et encadrem. genre Du Seuil composé de fil. droits et cintrés, avec chiffres aux angles, doublé de mar. r. ornements aux angles et grand milieu avec chiffre, à petits fers et au pointillé, tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). On rencontre rarement ces deux parties réunies. 1.220 fr.



434. Rabelais. Œuvres, 1547. 3 parties en 1 vol. in-16 fig. sur bois, mar. bleu, chiffres sur le dos et aux angles des plats, dent. int. tr. dor. (Trautz-Bauzonnet, 1850). Edition originale de la première édition collective des trois premiers livres. 1.180 fr.



N° 440. Oeuvres de Maître François Rabelais
Amsterdam, Henry Bordesius, 1711, 6 t. en 5 vol. in-8
Reliure de Trautz-Bauzonnet, 1852


441.Œuvres de Maitre François Rabelais. Amsterdam, Jean-Frédéric Bernard, 1741. 3 vol. in-4, front. fleurons, culs-de-lampe, portrait, cartes et fig. par B. Picart, Du Bourg, etc., mar. r. dos orné, dent. tr. dor. (Rel. anc.). Exemplaire aux armes de la marquise de Pompadour. 4.260 fr.



464. Les Contes de la reine de Navarre. In-4, mar. grenat, chiffres dorés et fil. à fr. sur le dos et les plats, doublé de mar. bleu, large dent. à petits fers et au pointillé avec chiffres aux angles, tr. dor. (Bauzonnet-Trautz). Edition originale très rare sous le titre Histoires des amans fortunez : on n’en cite que 5 ou 6 exemplaires. 1.700 fr.
474. Contes des fées, par Ch. Perrault. Paris, Lamy, 1781. 2 parties en 1 vol. in-12, front. et vignettes, mar. r. dos orné, dent. doublé de tabis bleu, dent. tr. dor. (Derome le jeune). La plus complète et la plus belle des anciennes éditions des Contes de Perrault. Exemplaire sur grand papier de Hollande. Provient des bibliothèques Pixerécourt et Aimé Martin (vente de 1847) et est un des trois seuls connus réunissant la triple condition d’être imprimés sur papier de Hollande, d’être ornés de figures en plusieurs états et d’être reliés par Derome, avec son étiquette sur un feuillet de garde. 4.120 fr.



478. Cervantes. Don Quichotte. 1605. In-4, mar. r. chiffres sur le dos et aux angles des plats, dent. int. tr. dor. (Trautz-Bauzonnet, 1850). Précieuse et rarissime édition originale de la première partie de ce roman. 7.420 fr.



481. Segunda parte de Don Quixote (1615). In-4, mar. r. chiffres sur le dos et aux angles des plats, dent. int. tr. dor. Première et précieuse édition de la seconde partie, infiniment plus rare que la première, dit Salva. Le titre porte la mention manuscrite « Ce livre est à Daniel Dumonstier ». 2.550 fr.




L’ex-libris de De Ruble représente ses armes et son chiffre accolés à ceux de son oncle.   

Où sont les reliures à mosaïque de Trautz ?

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Le relieur Georges-Jacob Trautz (Pforzheim, Allemagne, 12 janvier 1808 – Paris VIe, 6 novembre 1879), « le grand prêtre du pastiche », fut l’élève, le gendre et le successeur de Laurent-Antoine Bauzonnet (Dole, Jura, 14 septembre 1795 – Paris VIe, 28 décembre 1882), « le grand maître des filets ».
Successeur lui-même de Jean-Georges Purgold (Darmstadt, 1784-Paris, 1829), dont il épousa la veuve, Anne-Thérèse Langlois (Paris, 1788-1861), le 11 septembre 1830 à Paris, Bauzonnet accueillit Trautz en 1833 comme doreur dans son atelier de la rue Honoré Chevalier (VIe).



Trautz avait appris la dorure dans l’atelier Kleinhans, rue Mazarine (VIe), dans lequel il était entré en arrivant à Paris en 1830. L’atelier de Bauzonnet fut déménagé rue du Four-Saint-Germain (rue du Four, VIe). Le 1er octobre 1840, Trautz épousa Alexandrine-Élisabeth-Estelle Purgold (Paris, 1818-1885), belle-fille de Bauzonnet, dont il devint dès lors l’associé : les reliures furent signées « Bauzonnet-Trautz ». Dès 1847, afin de rendre un hommage public au talent de son gendre, Bauzonnet voulut que les reliures fussent signées « Trautz-Bauzonnet ». En 1851, Bauzonnet quitta son atelier pour prendre sa retraite, et Trautz lui succéda.

Dans le Catalogue des livres rares et précieux composant la bibliothèque de M. le comte Octave de Behague (Paris, Ch. Porquet, 1880, première partie, p. XXII-XXIII), le libraire Charles Porquet publia la « Liste des reliures à mosaïque exécutées par M. Trautz-Bauzonnet (années 1838 à 1878) », communiquée par Ernest Quentin-Bauchart, qui l’avait reçue de Georges Trautz lui-même :

« 1° En 1838, pour la Bibliothèque royale. – La Nef des Folz, petit in-folio, reliure à la Grolier (xvie siècle).
2° En 1839, pour M. Armand Bertin. – Les Saints. Manuscrit, in-8°, genre Grolier, doublé de vélin, dentelles en couleurs.
3° En 1845, pour M. le baron J. Pichon. – Œuvres de Roger de Collerye (1536), compart. à losanges, imité de Padeloup, petit in-8° (xviiie siècle). Actuellement chez M. le baron J. de Rothschild.
4° En 1853, pour Monseigneur le duc d’Aumale. – Virgilius, Alde, (1505), sur vélin, in-8°, genre Grolier.
5° En 1853, pour M. de Clinchamp. – L’Eschole de Salerne, en vers burlesques (Leyde, les Elsevier, 1651), in-12 compart. à losanges, imité de Padeloup ; fait partie de la collection du comte de Béhague.
6° En 1855, pour M. Cigongne. – Œuvres de Coquillart (1532), pet. in-8°, genre Grolier, appartient aujourd’hui à Mgr le duc d’Aumale.
7° En 1855, pour M. le comte de Lurde. – Airs nouveaux de Cour, pet. in-8°, manuscrit signé Jarry, dorure Le Gascon, avec riches compart. (xviie siècle). Fait aujourd’hui partie de la bibliothèque du baron de Ruble.



8° En 1857, pour M. le comte de Lignerolle. – Simulacres de la mort (1538), in-8°, reliure à losanges noirs, avec tête de mort et autres attributs.
9° En 1858, pour M. le baron Salomon de Rothschild. – Un manuscrit allemand, sur vélin, in-folio, genre Grolier.
10° En 1869, pour E. Quentin-Bauchart. – Prières chrétiennes, manuscrit de la fin du xviie siècle sur vélin, in-12, compart. à losanges, imité de Padeloup.
11° En 1870, pour M. E. Paillet. – Office de la Vierge, manuscrit signé Jarry, dorure Le Gascon, avec tranche gravée et à fleurs.
12° En 1872, pour M. le baron de La Roche-Lacarelle. – Œuvres de Villon, (1532), pet. in-8°, compart. à losanges, imité de Padeloup.


13° En 1873, pour M. E. Quentin-Bauchart. – Œuvres de Louise Labé (1555), in-8°, riches compart. à mosaïque de maroquin vert, bleu, citron et rouge, avec dorures à petits fers couvrant entièrement le dos et les plats du volume. Appartient aujourd’hui au baron James de Rothschild.
14° En 1874, pour M. Caen, libraire. – Œuvres de Vauquelin de La Fresnaie (1612), in-8°, compart. à losanges, imité de Padeloup.
15° En 1874, pour M. le comte de Fresne. – Œuvres de Coquillart (1532), pet. in-8°, même reliure que le précédent.
16° En 1875, pour M. le baron James de Rothschild. – L’Adolescence Clémentine (1532) in-8°, compart. à la Grolier, citron et bleu.
17° En 1875, pour M. E. Quentin-Bauchart. – Œuvres de Villon (1537), pet. in-8°, compart. à la Grolier, citron et bleu comme le précédent.



18° En 1876, pour M. E. Paillet. – Les Caquets de l’Accouchée (1623), in-8°, fantaisie à losanges, imitée de Padeloup.
19° En 1877, pour M. le baron J. de Rothschild. – Les Blasons du corps féminin, in-16, compart. et entrelacs, genre Padeloup.
20° En 1877, pour M. le baron J. de Rothschild. – Manon Lescaut (1753), 2 vol. in-12, à losanges, imité de Padeloup.
21° En 1877, pour M. Colin. – Œuvres de Regnier, Leyde, les Elsevier, 1652, pet. in-12, genre Le Gascon.
22° En 1878, pour M. le baron J. de Rothschild. – Les Rymes de Pernette du Guillet (1545), pet. in-8°, sur le modèle de la Louise Labé, avec de légères modifications. » [sic]

Quentin-Bauchart publia une seconde fois cette même liste dans Mes livres (Paris, Librairie de la Bibliothèque nationale, 1881, p. XI-XIII).
Édouard Rahir, dans son article intitulé « Des reliures de Trautz-Bauzonnet à propos d’une vente récente », paru dans la Revue des livres anciens (Paris, Fontemoing et Cie, 1914, t. I, p. 145-152), mit cette liste à jour, et y ajouta une 23e reliure :

« N° 1. Nef des Folz. Bibliothèque nationale.
N° 2. Les Saints. De chez M. Armand Bertin a passé dans la famille Bapst.
N° 3. Les Œuvres de Roger de Collerye, 1536. Bibliothèque du baron James de Rothschild.
N° 4. Virgile. Alde, 1505. Bibliothèque de Chantilly.
N° 5. École de Salerne, Elzevier 1651. Vendu 16 100 francs chez le comte Octave de Béhague en 1880, puis 10 060 francs, chez le comte de Mosbourg et acheté 17 500 francs à la vente Robert Hoe, par M. Cortlandt F. Bishop.
N° 6. Œuvres de Coquillart, 1532. Biblioth. de Chantilly.
N° 7. Airs nouveaux de la Cour. Ms. de Jarry, s. d. Vendu 17 050 francs chez le baron de Ruble, acquis pour 28 750 francs à la vente Robert Hoe, par M. Cortlandt F. Bishop.
N° 8. Les Simulachres de la Mort, 1538. Acheté 8 500 francs chez le comte de Lignerolles par Lord Carnarvon. Aujourd’hui chez M. Mortimer L. Schiff.
N° 9. Manuscrit allemand. Chez la baronne Salomon de Rothschild.
N° 10. Prières chrétiennes. Manuscrit. Chez M. Pierre Quentin-Bauchart.
N° 11. Office de la Vierge. Ms. de Jarry. Acheté à la dispersion de la bibliothèque Paillet, 8 000 francs par M. Blacque, a été revendu 16 750 en avril 1909 à la vente H. W. Poor. Aujourd’hui en Amérique.
N° 12. Œuvres de Villon, 1532. Acheté 14 020 francs chez le baron de La Roche Lacarelle, revendu 19 000 francs à la vente Robert Hoe. Chez Geo D. Smith à New-York.
N° 13. Œuvres de Louise Labé, 1555. Bibliothèque du baron James de Rothschild.
N° 14. Œuvres de Vauquelin de La Fresnaie, 1612. Adjugé 2 852 francs en 1883 à la vente de M. Truel Saint-Evron ; acheté par M. Geo B. de Forest. Aujourd’hui dans la collection J.Pierpont Morgan.
N° 15. Œuvres de Coquillart, 1532. Acheté 9 000 francs chez le comte de Fresne. Vendu 10 000 francs à la vente Robert Hoe. Aujourd’hui en Amérique.
N° 16. L’Adolescence Clémentine, 1532. Bibliothèque du baron James de Rothschild.
N° 17. Œuvres de Villon, 1537. Adjugé 7 500 francs chez E. Quentin-Bauchart ; acheté par M. Geo. B. de Forest. Chez M. J. Pierpont Morgan.
N° 18. Les Caquets de l’Accouchée, 1623. Acheté à la dispersion de la bibliothèque Paillet, 8 000 francs par M. Müller ; vendu 8 500 francs chez M. Müller et acheté 18 500 fr. à la vente Robert Hoe par la librairie Morgand.
N° 19. Les Blasons du corps féminin, s. d. Bibliothèque du baron James de Rothschild.
N° 20. Manon Lescaut, 1753. Bibliothèque du baron James de Rothschild.
N° 21. Œuvres de Régnier, Elzevier, 1652. Adjugé 5 500 francs à la vente E. Colin en 1881 ; revendu 4 820 francs dans une vente anonyme en février 1891, acheté par M. Geo. B. de Forest. Aujourd’hui dans la collection Pierpont Morgan.
N° 22. Les Rymes de Pernette du Guillet, 1545. Bibliothèque du baron James de Rothschild.
N° 23. Heures de Rome. Paris, Simon Vostre, s. d. (calendrier de 1512 à 1530). Reliure exécutée en 1871 pour le comte Clément de Ris. Aujourd’hui chez M. L. de Montgermont.

Ce dernier ouvrage n’avait pas été mentionné sur la liste remise à M. Potier [i.e. Porquet] au moment de la vente Octave de Béhague ; cette liste n’indiquait pas non plus quelques volumes exécutés pour un bibliomane anglais M. Hankey, sur des livres d’un genre tout à fait spécial, volumes aujourd’hui cachés dans l’Enfer d’une grande bibliothèque américaine. » [sic]   

Pour l’érotomane Frédérick Hankey (Corfou, 1823-Paris, 1882), ancien officier des Gardes de S.M. la Reine d’Angleterre, qui vivait célibataire à Paris, rue Laffitte (IXe), Trautz avait accepté de se livrer à des mosaïquages spéciaux qui ne figurent pas dans le décompte de ses œuvres. Il signa en particulier une reliure dite « aux fleurs du mal » sur Le Meursius françois,ou Entretiens galans d’Aloysia (Cythère [Paris], s. n. [Valade], 1782, 2 t. en 1 vol. in-18, front. et 12 fig. h.-t. n. sign. [Elluin, d’après Borel]) : maroquin janséniste orange, dos à nerfs, titre doré, doublure de maroquin bleu ciel à bordure en dents de rat, décorée d’une composition érotique dorée de petits fers, têtes de faune et guirlandes florales arabesques, ornée de quatre phallus aux angles intérieurs et d’une vulve solaire au centre, mosaïqués de maroquin beige et rouge, gardes de moire bleu ciel, double filet sur les coupes, tranches dorées ; étui de maroquin noir, dos à nerfs, titre et chiffre FH dorés (Paris, Christie’s, 27 avril 2006, bibliothèque G. Nordmann : 38.400 €)     

L’Inavouable Fiasco de la vente Morante

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Don Joachim Gomez de la Cortina, né au Mexique le 6 septembre 1808, docteur en droit, fut successivement recteur de l’Université de Madrid, membre du Tribunal suprême de justice et sénateur. Entre-temps, en 1847, il reçut le titre de marquis de Morante.

Le marquis de Morante, dont on cherchera en vain le portrait, fut un des plus illustres bibliophiles espagnols. Depuis 1840, il était bien connu, à Paris, des libraires qui faisaient des catalogues et des ventes de livres anciens (Merlin, Tilliard, Crozet, Techener, Potier) et des relieurs (Thouvenin, Thompson, Bauzonnet, Duru, Capé). Le marquis avait en effet compris que le goût, la passion et la connaissance des beaux livres n’avaient jamais été portés aussi haut qu’en France. Les deux tiers de ses revenus, évalués à environ 125.000 francs, étaient sacrifiés pour les livres et leurs reliures. Il laissa la plus grande bibliothèque jamais possédée par un particulier, composée de plus de 120.000 volumes, dont la majorité était en latin.

Il catalogua lui-même ses livres dans un Catalogus librorum doctoris D. Joach. Gomez de la Cortina, march. de Morante, qui in aedibus suis exstant (Matriti, Eusebium Aguado, 1854-1862, 8 vol. in-8, 16.148 articles au total). Le corps principal du catalogue finit au tome VI, et il est suivi d’un grand supplément et d’un autre peu étendu à la fin du tome VIII.
Ce catalogue ne fut tiré qu’à 500 exemplaires, dont la plupart furent reliés en basane verte portant ses armes, destinés seulement aux amis et aux bibliothèques publiques.

Il est classé par ordre alphabétique des titres ou des noms d’auteurs ; les notes sont rédigées en espagnol, et non en latin, comme l’ont écrit tous ceux qui ne l’ont pas lu ; à côté de chaque article, on trouve l’indication du prix qu’il a coûté ; des notices biographiques d’auteurs du xvie siècle, sont intercalées dans les huit volumes. Un troisième supplément (tome IX), publié après la mort du marquis (Madrid, F. Lopez Vizcaino, 1870, in-8), n’est qu’une simple nomenclature des titres.









Les volumes, qu’il avait fait habiller par les plus habiles relieurs de Paris et de Londres, portaient ses armes, parfois accompagnées de son chiffre, formé des lettres J.G.C. (Joachim Gomez Cortina), redoublées et surmontées d’une couronne de marquis :



« Coupé d’un et parti de trois, ce qui fait huit quartiers : au 1, d’argent, à 3 fasces de gueules, à la bordure de sinople, chargée de 8 sautoirs d’argent, 3 en chef, 2 aux flancs et 3 en pointe ; au 2, de sinople, à une cotice et un filet d’argent en bande, accompagnés de 2 croix recercelées du même, 1 en chef et 1 en pointe ; au 3, de gueules, au pélican de sinople en sa piété, à la bordure componée de sinople et d’azur ; au 4, de même que le 2 ; au 5, de gueules, à 3 fleurs de lys d’or en fasce, en pointe une tour d’argent maçonnée de sable et donjonnée de même, en chef une cannette d’or, reposant sur une planchette de même ; au 6, de sinople, à 5 étoiles d’argent, 2, 1 et 2 ; au 7, de même que le 1 ; au 8 et dernier, coupé : au 1, d’azur, à 1 tour d’argent surmontée de 3 étoiles de même mises en fasce ; au 2, de sinople, au taureau d’argent. » Ces armes, surmontées d’une inscription imitée de celle de Grolier, « J. Gomez de la Cortina et amicorum », et accompagnées de la même devise que celle du bibliophile français A. R. Courbonne, « Fallitur hora legendo » [Lire fait oublier l’heure], constituaient un super ex-libris, dont il existe plusieurs types, l’inscription et la devise étant portées sur un ruban ou dans un anneau ovale.








Son ex-libris armorié en dérivait, ou portait ses armes surmontées d’une couronne de comte, avec l’inscription « Bibliotheca Cortiniana. » au-dessous et l’épigramme de John Owen, poète anglais du dix-septième siècle, « Egregios cumulare libros præclara supellex. » [Une collection de livres choisis est un beau meuble], comme devise sur les trois autres côtés.

Contrairement à l’inscription qu’on peut lire sur ses livres, le marquis n’a jamais voulu en prêter un seul. Sa bibliothèque, dans son hôtel de la rue Fuencarral, à Madrid, était composée de trois salles dallées de marbre, dont une avec une galerie circulaire. Le marquis, vêtu d’une simple veste de coutil et chaussé d’escarpins inusables, y était la plupart du temps, penché sur un livre, au haut d’une échelle peu solide. Il fut un des plus grands latinistes contemporains et on lui doit un Nuevo Diccionario latino-español etimológico [Dictionnaire étymologique latin et espagnol] (Leipzig, Brockhaus, 1867).
Le marquis de Morante s’éteignit le 13 juin 1868, après une chute de son échelle tremblante, au haut de laquelle il était assis. Il était célibataire.



Conformément à ses dernières volontés, sa dépouille mortelle, dans un magnifique sarcophage en bronze, fut déposée dans le panthéon de la chapelle de l’église de Salarzon, dont son père avait été le fondateur.

Il était naturel que sa bibliothèque, dont la plus grande partie a été acquise ou reliée en France, revienne à Paris pour être dispersée au feu des enchères. Les héritiers du marquis de Morante cédèrent la collection en bloc au libraire parisien Jean-Antoine Bachelin (1835-1896), époux Deflorenne. Bachelin dut attendre la fin de la guerre franco-prussienne de 1870 et de la Commune pour envisager une vente à Paris. Il chargea son confrère Édouard-Léon Scott de Martainville (1817-1879), qui avait inventé en 1857 le phonautographe [appareil enregistreur des sons d’où est dérivé vingt ans plus tard le phonographe], de sélectionner les livres et de préparer le catalogue de la vente :



Catalogue de la bibliothèque de feu M. le marquis de Morante (Paris, Bachelin-Deflorenne, 1872, 3 parties en 1 vol. in-8, XL-352 p., 1.909 lots ; VIII-206 p., 1.165 lots ; VII-[1 bl.]-339-[1 bl.] p., 2.265 lots).

La vente eut lieu à l’hôtel Drouot.



La première partie, en 10 vacations, du mercredi 21 février au samedi 2 mars 1872, fut la plus importante : 7 manuscrits (du xiiie au xve s.), 11 livres enluminés, 2 livres imprimés sur peau vélin, 4 exemplaires uniques ou seuls connus ; des éditions rarissimes ou non citées ; des premières impressions de quelques villes (Paris, Cambrai, Orange, Bâle, Cologne, etc.) ; des livres à figures, sur bois et sur cuivre ; des livres provenant de la bibliothèque des rois de France et princes du sang (François II, Louis-Philippe, Dauphin de France, etc.), des reines de France et princesses (Marguerite de Valois, Mademoiselle, etc.), des princes étrangers (Charles-Quint, etc.), des personnages (Calvin, Desportes, Richelieu, etc.) et des bibliophiles (Boutourlin, Cailhava, De Bure, Girardot de Préfond, Giraud, Hoym, Nodier, Peiresc, Pixerécourt, Peignot, Renouard, De Thou, etc.) célèbres ou distingués ; des livres avec signatures ou notes autographes ; des reliures riches ou curieuses (reliures « à la Grolier », Padeloup, Derome, Bozerian, Trautz-Bauzonnet, Capé, Schaefer, etc.). Ce fut pour la première fois en France que les amateurs trouvèrent dans cette collection de belles reliures exécutées en Espagne. Parmi les acheteurs : Bachelin, Ellis, Green, Techener, Potier, Tross, Rouquette, Fontaine.

La première partie de la vente a produit 118.253 francs, « dont le succès a dépassé toute attente », affirma Bachelin. En réalité, la vente fut un véritable fiasco. Les livres n’atteignirent que rarement les prix de réserve donnés par leur propriétaire. Pour beaucoup de livres, les enchères ne furent pas véritables : nombreux furent ceux rachetés par Bachelin ou ses agents.



100. Faii (Bartholomaei) Energumenicus. Lutetiae, apud Sebast. Nivellium, 1571, in-8, v. fauve à riches compart. dent. fil. tr. dor. Anc. rel. à la Grolier. 140 fr. à Ellis.



135. Mornay (Phil. de). De l’institution, usage et doctrine du Saint Sacrement de l’Eucharistie en l’Église ancienne. La Rochelle, Hierosme Haultin, 1598, in-8, mar. brun, à compart. dent. tr. dor. (Anc. rel.). Exemplaire de l’auteur Philippe de Mornay, dont les initiales en grec se trouvent sur les plats de la reliure ; sur le dos, les initiales de Philippe sont séparées par les initiales de Charlotte d’Arbalette, sa femme. 300 fr. à Ellis.



172. Elizade (Mich. de). Forma verae religionis quaerendae et inveniendae, liber unus. Neapoli, Hyac. Passerus, 1662, in-4, mar. orange, compart. fleurons, fil. tr. dor. (Anc. rel.). Rel. italienne dite « à l’éventail ». 60 fr.


204. Massae Gallesii (Antonii), civis romani, De exercitatione Jurisperitorum libri tres. Romae, apud Valer. et Aloys. Doricos fratres Brixienses, s. a. (ca 1545), in-4, mar. brun, compart. fil. tr. dor. (Rel. du temps). Exemplaire en grand papier fort, aux armes du pape Jules III. 185 fr. à Ellis.



228. Peckius (Petr.). Ad Regulas juris Canonici. Helmstadii, excudebat Jacobus Lucius, 1588, in-4, mar. rouge, larges dent. comp. fil. tr. dor. et ciselée. Rel. du temps à la Grolier. 40 fr.



233. Ciceronis (M.T.). De Philosophia. Parisiis, Sim. Colin., 1545, 2 vol. in-12, mar. brun à compart. mosaïque, fil. tr. dor. Rel. du temps à la Grolier. 55 fr.


301. Guevara (Ant. de). L’Orloge des princes. Paris, Arnoul l’Angelié, 1550, in-8, v. fauve, riches compart. mosaïque, fil. tr. dor. (Rel. anc.) Exemplaire réglé. Reliure du temps portant la date de 1555, avec dans le haut les initiales R. B. 235 fr. à Bachelin.

472 bis. Bocchii (Ach.). Symbolicarum quaestionum de universo genere quas serio ludebat, libri quinque. Bononiae, in aedibus novae Academiae Bocchianae, 1555, pet. in-4, fig. sur cuivre, mar. marron à riche compart. mosaïque, fil. tr. dor. et ciselée. Rel. du temps à l’imitation de celles de Grolier. Ex. réglé et en grand papier. Provient de la vente Lefèvre-Dallerange. 390 fr. à Bachelin.


518. Aedes Barberinae ad Quirinalem à comite Hieronymo Tetio Perusino descriptae. Romae, excudebat Mascardus, 1642, in-fol. mar. r., à riches compert mosaïque, fil. dent. dos orné, tr. dor. et ciselée. (Rel. anc.). Exemplaire en grand papier, aux armes de Jacques II, roi d’Angleterre, qui a passé depuis dans la bibliothèque de Colbert. Rel. romaine. 720 fr. à Potier.



622. Asconii Paediani expositio in IV Orationes M. T. Ciceronis contra C. Verrem. Venetiis, in aedibus Aldi et Andreae Asulani soceri, 1522, in-8 mar. brun à riche compart. tr. dor. Deux têtes de maure dans un écusson sur les plats. 75 fr.



658. Longolii (Chr.). Lucubrationes. – Orationes tres. – Epistolarum libri quatuor. Lugduni, apud Sebast. Gryphium, 1542, in-8, mar. brun à compart. dent. fil. tr. dor. (Emblème de Canevari sur les plats). Ex. de Canevarius. 380 fr. à Bachelin.



775. Horatii (Q. H. F.). Opera. Lugduni, apud haeredes Seb. Gryphii, 1559, in-16, mar. à riches comp. mosaïque, fil. tr. dor. Ex. réglé dans une reliure dans le goût de celles de Maioli. 100 fr. à Voisin.


783. Horatii (Q. H. F.). Opera omnia. Basileae, apud Ludov. Regem, 1615, in-fol. mar. br. semé de croix croisetées, de fleurs de lis d’or. (Anc. rel.). Ex. aux armes de Henri de Lorraine. Front. gravé de Math. Merian. 200 fr. à Potier.



836. Ovidii (P. O. N.). Heroidum Epistole, atque Auli Sabini responsiones. Parrhisiis, Bern. Aubririus, 1517. – Auli Persii familiaris explanatio. Impressum est hoc opus in nobilissimo Parrhisiorum Gymnasio, 1516. In-4, semi-goth. v. fauve, racc. à riche compart. blasons sur les plats, fil. tr. dor. et ciselée avec le nom de Pignolet sur cette tranche. Reliure du temps contenant au milieu des plats l’écusson écartelé de France et d’Angleterre avec une vierge au-dessus, et sur les côtés les armoiries du roi de France, de Bretagne, d’Autriche, d’Angleterre, du Dauphin et de Valentine de Milan. 460 fr. à Voisin.



932. Ausonii (Decii), Burdigalensis, Opuscula varia. Lugduni, apud Seb. Gryphium, 1537, in-8, v. à comp. fleurons, tr. dor. Ex. du Dauphin François II, fils de François Ier. Provient de la vente Lefèvre-Dallerange. 51 fr.



949. In Testamenti Novi majorem partem. Basileae, 1542, in-8, v. à compartiments, dent. à froid. (Anc. rel.). 82 fr.


1.142. Sarbievii (Mathiae-Casimiri). Lyricorum libri IV. Lutetiae Parisiorum, J. Henault, 1657. In-16, mar. r., riches compart. petits fers, fil. tr. dor. (Eve). 100 fr. à Bachelin.



1.218. Terentius. Castigationes plurimorum ex Terentio locorum. Lugduni, apud Seb. Gryphium, 1534, in-8, v. fauve à riche compart. fil.dent.tr. dor. Rel. genre Grolier. 43 fr.


1.269. Boccaccio. Il Corbaccio.Parigi, Morello, 1569, in-8, mar. br. à riches compartiments, dent. (Rel. du temps). Rel. à la Grolier. Ex. de Ballesdens. 240 fr. à Techener.



1.384. Apophthegmes, c’est-à-dire, promptz, subtilz et sententieux ditz de plusieurs roys. Paris, Ruelle, 1551, in-16, v. f. riches compart. fil. tr. dor. Rel. du seizième siècle dans le goût des Maioli. 42 fr.



1.442. Pontani (J. Jov.). Opera. Venetiis, Aldus, 1513, in-8, v. fauve, à riches compartiments, dent. fil. tr. dor. Ex. réglé dans une reliure à la Grolier. 80 fr.



1.580. C. Sallustii de Conjuratione Catilinae. Venetiis, 1546, pet. in-fol., fig. sur bois, mar. brun, fil. dent. tr. dor. Reliure exécutée pour Th. Maioli dont le nom et la devise se trouvent sur les plats. 350 fr. à Bachelin.

1.581. Sallustius (C. Crispus) ex museo Johannis Isaci Pontani. Amstelodami (à la Sphère), apud Joan. Janssonium, 1627, in-16, mar. rouge, fil. compart. dent. tr.dor. milieu mosaïque. (Le Gascon). Sur les plats, chiffres de L. Habert de Montmort, conseiller d’État, mort en 1679. 150 fr. à Potier.


1.608. Valerius Maximus nuper editus. Venetiis, in aedibus haeredum Aldi et Andr. Soceri, 1534, in-8, mar. brun, compart. fil. tr. dor. Reliure seizième genre Grolier. 265 fr. à Potier.


1.630. Suetonius. C. Suetonius Tranquillus, et in eum commentarius, exhibente Joanne Schildio. Lugd. Batav., ex offic. Fr. Hackii, 1651, in-8, mar. orange, larges dent. fil. tr. dor. Anc. rel. à petits fers. 30 fr.


1.774. Kircheri (Ath.), Soc. Jesu, Diatribe de prodigiosis Crucibus. Romae, 1661, in-8, mar. rouge, à riches compart. petits fers, dent. tr. dor. 17 fr.



1.779. Jovii (P.). Elogia veris clarorum virorum imaginibus apposita. Venetiis, apud Michaelem Tramezenium, 1546, pet. in-fol. mince, mar. vert, à riches comp., dent. fil. tr. dor. Rel. du temps aux chiffres de Cosme de Médicis, duc de Florence. 200 fr. à Chossonnery.



1.785. Plutarque. Les Vies des hommes illustres.Lausanne, François Le Preux, 1575, 2 vol. in-fol., mar. r. fil. ornem. tr. dor. Reliure datée de 1579, aux armes, peintes en miniature, des ducs de Bourgogne, avec la devise « Sans vous ne puis X Bourgogne X ». 150 fr. à Bachelin.


1.790. Eunapius Sardianus, de Vitis philosophorum et sophistarum. Antverpiae, Ch. Plantinus, 1568, in-8, v. fauve, à riches comp. dent. coins et milieu dorés, fil. tr. dor. Rel. du temps. 50 fr.
                       


Le plus gros acheteur fut le libraire londonien Frederick-Startridge Ellis (1830-1901), qui acheta 113 lots pour le British Museum ; sur les 94 livres qui atteignirent 200 francs, 16 furent achetés par Ellis ; son collègue français Tross le complimenta à plusieurs reprises pendant la vente : « Monsieur, vous êtes la providence de la vente. » Quatre livres seulement dépassèrent 1.000 francs :

967. Tory (Geoffroy). Gotofredi Torini, Biturici, in filiam charissimam, virguncularum elegantissimam, Epithalamia et Dialogi. Impressum Parrhisiis e regione scholae Decretorum, 1523 (1524 n.s.), in-4 cart. Exemplaire unique. C’est dans ce poème qu’on trouve pour la première et unique fois la première forme de la marque de Tory, le Pot cassé, avec la petite image dans le haut représentant l’âme de sa fille, sous la figure d’ange entouré de rayons. 1.450 fr. à Bachelin.
1.459. Collection de classiques français, imprimée par Didot pour léducation de Monseigneur le dauphin, 22 vol. in-4, mar. vert, avec dent. fil. tr. dor. (Riche rel. de Derome). Précieux exemplaire d’une collection qui est introuvable complète et en pareille condition. Tous les volumes portent les armes de la Maison d’Orléans. 1.250 fr. à Bachelin.
1.529. Gesta nobilis viri Dom. Symonis comitis de Monteforti. Pet. in-fol. mar. noir, jans. (Schaefer). Manuscrit du quinzième siècle sur vélin. 1.350 fr. à Didot.  
1.719. Chronica regni Aragonum. Manuscrit sur peau de vélin du quinzième siècle, in-fol., rel. du temps à compart. ferm. 1.950 fr. à Bachelin.

Au cours de la deuxième partie, qui se déroula en 6 vacations, du lundi 20 mai au samedi 25 mai 1872, et de la troisième partie, en 12 vacations, qui a eu lieu du lundi 20 janvier au samedi 1er février 1873, les prix atteints par les livres furent également très bas et une grande partie fut rachetée par Bachelin.


Peu de temps après les trois ventes de 1872-1873, Bachelin publia des catalogues de livres anciens à vendre, provenant principalement de la bibliothèque Morante. Le dernier de ces catalogues contenaient 2.556 articles, dont les 2/3 environ avaient été rachetés dans les trois ventes ; la plupart réapparurent dans le catalogue de Bachelin en 1875, mais ne trouvèrent toujours pas d’acheteurs et furent finalement mis en vente à la salle Silvestre en avril 1875. Une grande quantité de livres restèrent invendus et 6.230 lots, dont les 2/3 provenaient de la bibliothèque Morante, furent remis en vente dans la même salle, en quatre ventes, en 1878 et 1879.





Henri-Louis Habert de Montmor, homme de science

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La famille Habert, originaire de l’Artois, était honorablement connue à Paris dès le début du seizième siècle : Philippe Habert, procureur, clerc du greffe criminel du Parlement de Paris, seigneur du Mesnil-Saint-Denis (Yvelines), épousa en 1519 Radegonde Hodon, fille d’Antoine Hodon, secrétaire du Roi, et de Jacquette Budé, sœur de Guillaume Budé (1467-1540), le célèbre helléniste du Collège de France.



En 1592, Montmort [sic], sur la commune de Les Essarts-le-Roi (Yvelines), est érigé en fief par Charles d’Angennes, seigneur d’Auffargis (Yvelines), en faveur du fils de Philippe Habert, Louis Habert (1530-1622), seigneur du Mesnil-Saint-Denis, qui fit construire un manoir, à l’emplacement de la ferme qui existe aujourd’hui. En dépit de l’ancienne orthographe du nom, « Montmor » [en latin « Mon-morius »], sur lequel parut un curieux poème où l’auteur joue sur la triple étymologie du mot (« mons mortis », « mons moris », « mons mori »), sans en oublier la terminaison dorée (« or »), on devrait donc l’écrire aujourd’hui avec un « t » final, « Montmort », ce que fit La Chenaye-Desbois dans son Dictionnaire de la noblesse (Paris, Antoine Boudet, 1774, t. VII, p. 604-606).  

Chacun des membres de la famille Habert a laissé une œuvre d’art toujours visible aujourd’hui :



Louis (1530-1622), trésorier de l’extraordinaire des guerres, le château du Mesnil-Saint-Denis (Yvelines), construit en 1589, agrandi et modifié au xviie siècle ;



son fils Jean (v. 1570-1639), dit « le Riche », trésorier de l’épargne, l’hôtel de Montmort à Paris, 79 rue du Temple (IIIe), construit en 1623, agrandi et modifié au xviiie siècle ;



le fils de ce dernier, Henri-Louis (1603-1679), le tableau de Philippe de Champaigne représentant ses sept enfants en 1649 (Musée des Beaux-Arts, Reims, Marne) ;



l’arrière-petit-fils de Jean, Louis (1645-1695), évêque de Perpignan (Pyrénées-Orientales), son tombeau dans la cathédrale.



Henri-Louis Habert, seigneur de Montmort, conseiller au Parlement de Paris le 11 septembre 1625, maître des Requêtes le 6 avril 1632, dont on disait qu’il « aime les lettres, s’explique avec peine, est lent, timide, et peu appliqué à sa charge », occupa dignement le 35e fauteuil, dit « de Cuvier », de l’Académie française, de 1634 à sa mort, arrivée le 21 janvier 1679. Il était cousin de Philippe Habert (1605-1637), militaire et poète, qui était au 11e fauteuil, et de Germain Habert (1614-1654), abbé de Cérisy-la-Forêt (Manche), qui était au 12e.



Médaille : avers, buste à droite de H.L. Habert de Montmor ; revers, buste à droite
de Marie de Buade, à côté d'elle son fils Henri-Jean, en regard ses trois autres fils,
Balthasar, Louis et Jean-Paul.


Il avait épousé, le 29 mars 1637, Henriette-Marie de Buade de Frontenac (v. 1618-1676), sœur du futur gouverneur de la Nouvelle-France, qui lui donnera quinze enfants, la plupart morts en bas-âge. La perte de plusieurs de ses enfants, la banqueroute frauduleuse de son fils aîné en 1669 et la disparition de sa femme en 1676 furent la cause de sa « mélancolie mortelle ». Il décéda le 21 janvier 1679 et fut inhumé le surlendemain en l’église Saint-Nicolas-des-Champs, dans la chapelle de Saint-Joseph.

Ami et admirateur de Descartes, il fut un protecteur éclairé des sciences et des lettres. Ses goûts, qui étaient littéraires au début – il fréquenta l’hôtel de Rambouillet et participa à La Guirlande de Julie–, devinrent peu à peu scientifiques. Une fois par semaine, une assemblée de savants se tenait chez lui, où on traitait des matières de physique, préfiguration de l’Académie royale des sciences. Bien que rival de Descartes, mort à Stockholm en 1650, le célèbre philosophe Pierre Gassendi (1592-1655) vécut chez Montmort à partir de 1653 et y mourut. Montmort lui fit ériger un mausolée, aujourd’hui disparu, en l’église de Saint-Nicolas-des-Champs, dans la chapelle de sa famille, et se chargea, avec François Henri (1615-1686), avocat au Parlement de Paris et patrice de Lyon, de rassembler tous ses ouvrages qui furent édités sous le titre Petri Gassendi Diniensis ecclesiae praepositi (Lyon, L. Anisson, 1658, 6 vol. in-fol.) ; il orna cette édition d’un avis aux lecteurs en latin de quatre pages, le seul ouvrage de lui qui ait été imprimé, à part quelques vers et épigrammes conservés dans les recueils du temps.  



C’est à l’hôtel de Montmort que Molière lut  en 1664 son Tartuffe alors interdit et que Jean-Baptiste Denis (1635-1704), médecin de la Faculté de médecine de Reims, réalisa les premières expériences de transfusion sanguine d’un animal vers l’homme en 1667. Cartésien fidèle, Montmort sera de ceux qui, le 25 juin 1667, menèrent le corps de Descartes, retour de Suède, à l’église Sainte-Geneviève.  

Montmort possédait un cabinet de curiosités et une bibliothèque, dont l’un des plus beaux livres était une édition in-folio de Ronsard datée de 1609, conservée aujourd’hui à Chantilly, dans la collection Lovenjoul : elle a appartenu à Sainte-Beuve, qui en fit don à Victor Hugo. Celui-ci en utilisa les marges, comme album, où il priait ses amis d’écrire quelques vers : c’est ainsi qu’on peut y lire des poèmes autographes de Sainte-Beuve, Fontaney, Lamartine, Alfred de Vigny, Alexandre Dumas, et de Victor Hugo lui-même.

De Paris, le vendredi 30 janvier 1654, Gui Patin avait écrit à Charles Spon :

« J’ai aujourd’hui dîné avec M. Gassendi chez M. H. de Montmor, maître des requêtes, qui m’en envoya hier prier. Il m’a fait voir ses livres, qui sont beaux et en grand nombre : il m’a fait promettre que je l’irois voir une fois la semaine, mais je n’ai pas promis que ce seroit à dîner ; on perd trop de temps en telles cérémonies. Je dîne céans à mon aise en un bon quart d’heure. Il dit qu’il veut venir voir mes livres ; je pense qu’il prétend aussi que je serai son médecin, mais je ne sais si nous nous accorderons bien, car il aime la chimie, il n’est pas encore détrompé tout-à-fait de l’antimoine, qui est ici fort déchu et décrié ; sa femme même, qui est d’un esprit curieux, versatur in ea hæresi. Elle est aussi pour la poudre des jésuites[le quinquina], de laquelle je n’ai vu dans Paris aucun bon effet. […]
M. de la Tercerie, qui mourut ici l’an passé, et qui étoit médecin de madame la duchesse d’Orléans, avoit une assez belle bibliothèque que les libraires vouloient acheter. Enfin, M. H. de Montmor, duquel je vous ai parlé ci-devant, l’a achetée. Il y avoit là-dedans de forts bons livres ; tout ce que j’en ai vu est bien choisi. » [sic] 

Sa bibliothèque avait été commencée par son cousin du Berry, Isaac Habert, fils d’un valet de chambre du roi, chanoine et théologal de l’Eglise de Paris, puis évêque de Vabres (Aveyron) en 1645, mort en 1668, qui avait reçu de sa tante Suzanne Habert, morte en 1633, un grand nombre d’ouvrages manuscrits.



(Esmerian, vol. II, 1972)

Montmort avait fait revêtir sa collection elzévirienne d’une reliure attribuée d’abord à Le Gascon, puis à Macé Ruette (1584-1638), relieur ordinaire du Roi : en maroquin rouge, décorée sur les plats d’un double filet d’encadrement poussé très près des bords et de la charnière, avec petit quadrilobe central mosaïqué de maroquin noir portant les lettres entrelacées H L H M et quatre fermesses dorées [ou : à petit quadrilobe central mosaïqué de maroquin olive portant des petits fers dorés] et entouré de quatre compositions de petits fers filigranés dorés disposés en bouquet, le tout inscrit dans un encadrement intérieur quadrilobé composé de deux filets dorés et marqué aux angles d’un fer filigrané doré, à type de vase de fleurs ou de gerbe ; dos à cinq nerfs marqués d’un filet pointillé doré, les entrenerfs ornés d’un fer central filigrané et encadrés d’un double filet doré, le titre doré dans le 2e entrenerf ; tranches dorées ; tranchefiles simples bicolores ; coupes marquées d’un filet pointillé doré ; chasses décorées d’une roulette à motif végétal ; contregardes et gardes en papier marbré.


Marolles. Tableaux du Temple des Muses
(Paris, Sommaville, Langlois, 1655, in-fol.)
Drouot, 17 décembre 2007, 25.000 €

D’autres livres furent reliés en maroquin rouge, avec ses armes au centre des plats : « D’azur, au chevron d’or, accompagné de 3 anilles ou fers de moulin d’argent2 en chef, 1 en pointe. »



Tourville. Exercice en général de toutes les manoeuvres qui se font à la mer.
(Brest, R. Malassis, s. d.)
Drouot, 17 juin 2010

La bibliothèque fut vendue à partir de 1682, dont des manuscrits latins anciens achetés par Colbert.


La Science et la Patience du comte de Lignerolles

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Lignerolles appartenait à une famille de la noblesse chartraine qui posséda longtemps Le Thieulin (Eure-et-Loir), où se trouve le château de Lignerolles. Depuis la Révolution, cette famille habitait la petite ville de Brou (Eure-et-Loir), rue de la Chevalerie, sur la paroisse Saint-Lubin, où le comte Raoul-Léonor L’Homme Dieu du Tranchant de Lignerolles était né le 15 septembre 1816, fils de Marie-Pierre-Jean-François L’Homme Dieu, seigneur du Tranchant et de Lignerolles, et de sa seconde épouse Agathe-Hippolyte d’Orival de Criel.



Ses armes étaient « d’azur, au chevron d’or, accompagné en chef de deux étoiles du même et en pointe d’un agneau pascal d’argent ».
Il fut reçu chevalier de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem de Malte par bulle délivrée à Rome le 7 août 1840. Auditeur au Conseil d’État, il entra à la Société des Bibliophiles françois le 28 mai 1851, remplaçant Jean-Louis-Antoine Coste (1784-1851), ancien conseiller à la Cour d’appel de Lyon, qui avait possédé la bibliothèque la plus complète sur sa ville natale.

Au cours d’un demi-siècle, le comte de Lignerolles était arrivé à composer l’une des bibliothèques les plus remarquables qui aient été formées à Paris dans la seconde moitié du xixe siècle, malgré des ressources limitées : mais, heureux célibataire, il avait beaucoup de patience et possédait particulièrement bien la science bibliographique. Il assistait à toutes les ventes publiques, le soir à la salle Silvestre, fouillait toutes les boutiques de libraires, Potier, Claudin, France, Techener et Bachelin, et les boîtes des quais.



Tout le monde connaissait bien sa barbe blanche et sa redingote noire, ornée de poches profondes.
En 1869 eut lieu un événement unique dans les annales de la bibliophilie. À la vente du baron Jérôme Pichon (1812-1896), Lignerolles et le baron Jean-Joseph de La Roche-Lacarelle (1816-1887) ne pouvant posséder le même volume qu’ils convoitaient tous les deux, un Recueil de pièces joyeuses dans son ancienne reliure en maroquin vert, se le partagèrent par traité, avec faculté de le voir et de l’avoir de temps à autre, comme des parents divorcés ont et voient leur enfant à dates fixes ; le survivant, qui fut le comte de Lignerolles, devait en rester le propriétaire :

« Entre les soussignés, M. le baron de La Roche-Lacarelle et M. le comte de Lignerolles, il a été convenu ce qui suit :
Le recueil de 18 pièces gothiques inscrit sous le n° 485 du Catalogue J. Pichon et qui a été acheté moyennant la somme de 3,900 francs, plus 10 p. 100 de frais, en tout 4,290 francs, reste et restera indivis entre les deux acquéreurs jusqu’à la mort de l’un des deux.
Chacun des deux acquéreurs payera la moitié du prix d’acquisition, et jouira alternativement, pendant six mois chaque année, de la possession dudit ouvrage.
Fait double, approuvé et signé par les deux parties. »

Lignerolles était très amoureux de ses livres, et très discret sur leur présence chez lui. Peu de gens connaissaient d’ailleurs son adresse, rue de Clichy, rue d’Alger, puis rue François Ier de 1872 à 1893. Seuls, de rares privilégiés, dont le baron Pichon et Quentin-Bauchart, ont vu quelques-uns de ses livres avant leur dispersion. En outre, le bibliomane offrait des gants à ses visiteurs qui, ainsi gantés, devaient se contenter de regarder, sans toucher l’ouvrage qu’il leur présentait !
Dans ses Estampes et livres (Paris, L. Conquet, 1892), Henri Beraldi raconte que Ernest Quentin-Bauchart (1830-1909) avait un jour déjeuné chez le comte Raoul de Lignerolles :

« après ce déjeuner, ayant cherché un endroit retiré – pourquoi ne pas dire le mot ? Les cabinets, parbleu ! – s’était trouvé face à face avec un Molière de Bret à figures avant la lettre, avec des eaux-fortes ! Ceci mit le sceau au prestige du bibliophile. Un pareil livre en pareil lieu ! Qu’étaient donc les livres réservés aux honneurs du salon ? Et dès lors l’opinion générale se résuma en ce mot : Lignerolles a tout ... »

Le « Molière de Bret » est en effet une belle édition, recherchée par les amateurs, des Œuvres de Moliere, avec des remarques grammaticales ; des avertissemens et des observations sur chaque piéce [sic]. Par M. Bret (Paris, Compagnie des libraires associés, 1773, 6 vol. in-8, 33 gravures d’après Moreau « le jeune »), pour laquelle l’auteur dramatique Antoine Bret (1717-1792) avait suivi l’édition imprimée par Pierre Prault (Paris, s.n. [David l’aîné], 1734, 6 vol. in-4, gravures d’après François Boucher).

Lignerolles recherchait surtout les éditions originales des écrivains des xvie etxviie siècles : les exemplaires devaient être irréprochables, dans des reliures en maroquin ancien ou de Trautz, le seul relieur moderne qui trouvait grâce devant lui. Deux écrivains seulement du xixe siècle trouvèrent grâce devant lui : Chateaubriand, représenté par son seul roman d’Atala, et Béranger. Lignerolles n’a jamais eu d’ex-libris, mais certains de ses livres portent une note brève sur la garde, écrite au crayon, avec un « V » (Vu) ou un « Coll. » (Collationné), à l’angle de cette même garde.
Chaque année, il séjournait pendant plusieurs semaines, avant l’hiver, dans sa ferme de Graville-Sainte-Honorine (commune absorbée par Le Havre, Seine-Maritime, en 1923). En 1892, il y fut atteint d’une congestion et dut rentrer à Paris, 66 rue François Ier (VIIIe),où il s’éteignit le 13 février 1893.




Le libraire Charles Porquet (1823-1902), quai Voltaire, a été chargé de la vente de sa bibliothèque à Drouot et de la rédaction du catalogue. Les principaux acheteurs furent Morgand, Porquet et Lortic, le fils, mais aussi Durel, Techener, Rondeau, Champion, Belin, Claudin, Fontaine, Briquet, Leleu, Gruel, la Bibliothèque nationale, le prince Bonaparte, etc.

Dans le catalogue de la première vente, Catalogue des livres rares et précieux manuscrits et imprimés composant la bibliothèque de feu M. le comte de Lignerolles (Paris, Charles Porquet, 1894, in-8, [4]-IV-153-[1 bl.] p., 675 lots), qui eut lieu du 29 janvier au 3 février 1894, on trouve 35 manuscrits, tous les livres de Théologie et ceux des Sciences et des Arts. La classe des Livres d’Heures est particulièrement riche : on remarque la plupart des éditions de Simon Vostre, de Philippe Pigouchet, de Thielman Kerver, d’Antoine Vérard, etc., en exemplaires parfaits. Il y a toutes les éditions originales de Bossuet en maroquin de l’époque. Montaigne, La Rochefoucauld, La Bruyère, etc. Les plus précieux parmi les livres de chasse et de cuisine sont présents. Des exemplaires de provenances illustres : royales (François Ier, Henri III, Henri IV, Louis XIII et Anne d’Autriche, etc.), amateurs (Maioli, De Thou, Fresnoy, Longepierre, Chamillart, etc.), auteurs (un Montaigne de 1588, dans sa reliure primitive en vélin blanc, avec un long envoi autographe). Des reliures de Padeloup pour le comte d’Hoym, de Le Gascon pour le chancelier Séguier, une des 22 reliures à mosaïques composées par Trautz-Bauzonnet, etc.



39. Liber Psalmorum. Parisiis, Ex officina Simonis Colinaei, 1541. In-16, réglé, mar. rouge, mosaïque de mar. vert et citron, compart. et arabesques, dorure à petits fers et au pointillé couvrant le dos et les plats du vol. doublé de mar. citron, large dent., gardes de pap. doré, tr. dor. Provient de la bibliothèque du comte d’Hoym (n° 93). 2.500 fr. à Morgand.


87. Les Homélies du bréviaire, avec les leçons des Festes des Saints. Paris, Pierre Rocolet, 1640. 2 vol. in-8, mar. rouge, compart. et arabesques, tr. dor. (Le Gascon). Aux armes et au chiffre du chancelier Séguier. 10.000 fr. à Morgand.
105. L’Office de la semaine sainte. Paris, impr. Jac. Colombat, 1732. In-8, fig., mar. rouge, fil., dent., compart. et arabesques, dorure au pointillé couvrant le dos et les plats du volume, tr. dor. Aux armes et au chiffre du roi Louis XVI. Avec, sur le feuillet de garde, un envoi autographe du Roi à sa cousine, la Princesse de Lamballe, un billet autographe de la reine Marie-Antoinette et quelques mots de Marie-Thérèse, dite Madame Première. On joint une lettre autographe de la Reine, portant quelques lignes de la main du Roi. Coté 2.000 fr. en 1858 dans un catalogue du libraire Potier. 30.000 fr. à Morgand.


121. Homélies ou Sermons de S. Jean Chrysostome. Paris, André Pralard, 1693. 3 vol. in-8, réglés, mar. bleu, mosaïque de mar. rouge et citron, compart. et arabesques, dorure à petits fers couvrant entièrement le dos et les plats des volumes, gardes de pap. doré, tr. dor. (Padeloup). Un des chefs-d’œuvre de Padeloup. 8.550 fr. à Porquet.


187. Traicté de la très saincte communion. Paris, Thomas Brumen, 1583. In-16, réglé, mar. brun, fil., compart. et arabesques, tr. dor. Rel. exécutée pour le roi Henri III. Sur le dos, les armes de France, la tête de mort et la devise du Roi ; sur les plats le même médaillon, les Saintes Femmes au pied de la Croix. 405 fr. à Belin.


281. De l’Imitation de Jésus-Christ. Paris, Charles Savreux, 1663. Gr. in-8, front. et fig. grav. par A. Bosse et K. Audran, mar. rouge, fil., tr. dor. Aux armes et au chiffre de Henriette de France, femme de Charles Ier, roi d’Angleterre. Avec une lettre autographe d’Henriette à Mazarin. Adjugé 700 fr. à la vente Debure. 6.000 fr.


444. Ioannis Lodovici vivis Valentini, de Concordia & discordia in humano genere. Antverpiae, apud Michaelem Hillenium, 1529. Pet. in-8, v. fauve à compart., tr. dor. Exemplaire de Maioli avec son nom et sa devise. Provient des bibliothèques de Paris et du prince Radziwill. 2.700 fr. à Porquet.
448. Essais de Michel seigneur de Montaigne. Paris, Abel L’Angelier, s. d. [1588]. In-4, vél. blanc, étui de maroquin rouge. Avec un envoi autographe de Montaigne. 8.000 fr. à Rondeau.


585. Livre singulier et utile, touchant l’art et practique de géométrie. – Raison darchitecture antique, extraicte de Victruve. Paris, Simon de Colines, 1542. 2 parties en 1 vol. pet. in-4, réglé, fig. sur bois, mar. noir, compart. et arabesques, coins dorés, dos orné, tr. ciselée et dorée. Aux armes du roi François Ier. Dos refait. 5.160 fr.

670. La Lumière. Par le sieur de La Chambre. Paris, P. Rocolet, 1657. In-4, front. gr., mar. rouge, fil., larges dent., coins et milieux dorure à petits fers, dos orné, tr. dor. (Boyet). Ex. de dédicace au cardinal Mazarin, portant sur les plats ses emblèmes, des flammes et des étoiles. 850 fr.à Morgand. 

La seconde vente, Catalogue des livres rares et précieux manuscrits et imprimés composant la bibliothèque de feu M. le comte de Lignerolles (Paris, Charles Porquet, 1894, in-8, XII-319-[1 bl.] p., 1.485 lots numérotés de 676 à 2.160), qui eut lieu du 5 au 17 mars 1894, fut réservée aux Belles-Lettres. Parmi les provenances : un Catulle de Grolier en maroquin rouge, un maroquin noir où s’étale l’emblème de Demetrius Canevarius (Apollon sur son char gravissant le Parnasse), un maroquin bleu avec les insignes de Longepierre, l’édition originale des Amours de Psyché et Cupidon de La Fontaine aux armes du comte d’Hoym, plusieurs volumes en maroquin doublé de Boyet ayant à l’intérieur les armes de madame de Chamillart ; l’édition originale de L’École des femmes de Molière (1663) aux armes d’Anne d’Autriche. Des éditions anciennes de Rabelais (Pantagruel, Lyon, François Juste, 1534), plusieurs éditions précieuses de Marot (celle de 1545, dite du Rocher, en maroquin doublé, avec les armes du Dauphin au bas du dos). Le « grand siècle », époque de prédilection de Lignerolles : la collection complète des pièces de théâtre de Molière en éditions originales, toutes les éditions collectives, y compris celle de 1673 aux armes de Colbert. Des livres à figures, qui ne jouissaient pas des faveurs de Lignerolles : Les Baisers de Dorat, les Chansons de Laborde, les Contes de La Fontaine (un exemplaire aux armes du fermier général Millin du Perreux), etc. Les numéros 934 (Les Souspirs d’Olivier de Magny. Paris, V. Sertenas, 1557), 935 (Les Odes d’Olivier de Magny. Paris, A. Wechel, 1559), 1.657 (Britannicus. Paris, Barbin, 1670), 1.658 (Bérénice. Paris, Barbin, 1671), 1.661 (Iphigénie. Paris, Barbin, 1675), dans des reliures en mar. rouge ou bleu de Trautz-Bauzonnet, ont été volés, probablement lors de l’exposition le dimanche 28 janvier 1894.

733. Oraisons funèbres de Bossuet. Paris, Ch. Lahure, 1863. In-fol., pap. de Hollande, mar. brun doublé de mar. rouge, large dent. dorée à petits fers, tr. dor. (Hardy-Mennil, relieur ; Marius Michel, doreur). Exemplaire unique imprimé pour Pierre-Antoine Berryer (1790-1868), avocat, royaliste de conviction, qui plaida pour les ouvriers typographes. On joint une feuille volante sur laquelle Lignerolles a écrit : « Le 20 mars 1869, j’ai acheté ce volume de Bossuet en l’honneur de Berryer, en l’honneur de l’opinion politique à laquelle il est resté fidèle, en l’honneur des ouvriers typographes qui le lui ont offert. Ce livre est pour Berryer et pour son temps un monument national et tout français. ». 1.500 fr. à Champion.
792. Catullis. Tibullus. Propertius. (à la fin : ) Venetiis in aedibus Aldi et Andreae soceri mense martio. MDXV.In-8, mar. rouge, fil., compart. arabesques et coins dorés, tr. dor. Exemplaire de Grolier. Adjugé 935 fr. à la vente Libri en 1847. Acheté 2.500 fr. par Lignerolles à la vente Hebbelinck, à Londres, en 1856. 10.000 fr.


799. La Métamorphose d’Ovide figurée. Lyon, Jean de Tournes, 1557. Pet. in-8, fig. sur bois, mar. rouge, fil., tr. dor. (Boyet). Edition originale, chef-d’œuvre du graveur Bernard Salomon, dit le Petit Bernard. 178 fig. sur bois entourés d’ornements variés. 3.700 fr.

830. V. ampliss. Chtistophori Thuani tumulus. Lutetiae, Apud Mamertum Patissonium, 1583. – V. C. Ioannis Thuani […] Tumulus. Lutetiae, Apud Mamertum Patissonium, 1580. 2 parties en un vol. in-4, portrait gravé par Léonard Gaultier, mar. brun, fil., semis de larmes sur les plats et sur le dos du volume, tr. dor. À la louange de Christophe de Thou et de son fils. Grand papier. Rel. aux armes de J-A de Thou. Acquis par Lignerolles à la vente Gosford, en mai 1882, au prix de 3.500 fr. 1.980 fr.
857. Le Résolu en mariage. Paris, Anthoine Vérard, s. d. [v. 1500]. In-8, 32 fig. sur bois, mar. brun jans., doublé de vél. blanc, tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). Ex. imprimé sur vélin et le seul connu. De la bibliothèque de La Roche-Lacarelle. 2.800 fr.
858. Les Œuvres de maistre Françoys Villon. Paris, Galliot du Pré, 1532. Pet. in-8, lettres rondes, mar. rouge, fil., dos orné, doublé de mar. rouge, dent., tr. dor. (Boyet). Ex. de J. J. De Bure. 2.000 fr.
873. Les Fortunes & Adversitez de feu noble homme Jehan Regnier escuyer. Paris, 1526. In-8, caract. goth., figures sur bois, mar. vert, fil. à froid, doublé de mar. rouge, riches compart., semis des chiffres M. J. P., tr. dor. (Bauzonnet). Volume dont on ne connaît que deux ou trois ex., provenant de la bibliothèque du baron Pichon. 2.500 fr.
889. Les Œuvres de maistre Roger de Collerye. Paris, 1536. Pet. in-8, lettres rondes, mar. rouge jans., doublé de mar. rouge, guirlande de fleurs, dorue à petits fers, tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). On n’en connaît qu’un deuxième ex. complet, celui du baron J. de Rothschild (Cat. t. I n° 517). 2.980 fr.
901. Les Œuvres de Clément Marot. Lyon, à l’enseigne du Rocher, 1545. 2 tomes en 1 vol. in-8, réglé, mar. bleu, fil., dos orné, doublé de mar. rouge, dent., tr. dor. (Du Seuil).Ex. relié pour Louis, dauphin, fils de Louis XIV, dont les armes se trouvent au bas du dos du volume. Des bibliothèques de La Vallière, Coulon, Bruyère-Chalabre, Richard Heber et J.-Ch. Brunet. 4.000 fr.
920. Rymes de gentile, et vertueuuse dame D. Pernette du Guillet Lyonnoise. Lyon, Jean de Tournes, 1545. Pet. in-8, mar. rouge jans., doublé de mar. rouge, dent. (Trautz-Bauzonnet). 6.310 fr.
929. Euvres de Louize Labé Lionnoize. Lyon, Jean de Tournes, 1555. In-8, v. ant., fil., coins fleurdelisés (Rel. du seizième siècle). Première édition. 3.000 fr. à Morgand.
930. Euvres de Louize Labé Lionnoize. Lyon, Jean de Tournes, 1556. In-8, mar. citron, fil., dent. de roses et de feuillages, semis de pensées, roses et marguerites couvrant le dos et les plats du volume, doublé de mar. bleu, dent., guirlande de fleurs, tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). Seconde édition. 2.030 fr. à Porquet.
974. Elégies de Ian Doublet Dieppoys. Paris, Charles Langelier, 1559. In-4, mar. bleu, fil., milieux et coins à feuillage, dorure à petits fers, dos orné, tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). Ex. de La Roche-Lacarelle. 1.920 fr. à Morgand.
1.005. Recueil de quelques vers amoureux. Paris, veuve Mamert Patisson, 1602. In-8, réglé, vél. blanc, fil., semis de fleurs de lis sur le dos et sur les plats, tr. dor. Aux armes et au chiffre de Henri IV. Adjugé 71 fr. à la vente Nodier en 1844. 7.450 fr. à Porquet.
1.006. Le Grand Ciel empyrée de Claude de Kaerlec. Paris, Félix le Mangnier, 1585. In-4 réglé, portraits de Henri III et de Louise de Lorraine, vél. blanc, fil., arabesques de feuillages, milieux représentant des têtes d’anges surmontées d’un soleil levant, aux angles du vol. le chiffre du Roi et de la Reine surmonté de la couronne royale, tr. dor. 3.200 fr. à Morgand.
1.045. Les Œuvres du sieur de Saint-Amant. Paris, impr. Robert Estienne pour François Pommera et Toussaint Quinet, 1629. In-4, réglé, mar. rouge, fil., dent., coins et milieux, dorure à petits fers et au pointillé, dos orné, tr. dor. (Le Gascon). 2.020 fr. à Porquet.
1.073. Poésies de Mme et de Melle Deshoulieres. Paris, Villette père, 1732. 2 vol. in-8, mar. rouge, dent., dos ornés, doublés de mar. vert, dent. gardes de tabis, tr. dor. (Padeloup). Aux armes de Brancas, duc de Lauraguais,  et de Diane Adélaïde de Mailly, sa femme. 4.000 fr. à Morgand.
1.093. Les Baisers, précédés du mois de mai. La Haye, et se trouve à Paris, Lambert et Delalain, 1770. In-8, mar. rouge, fil., dos orné, dent. int., gardes de pap. dor., tr. dor. (Rel. anc.). 2.560 fr.
1.303. Fables choisies, mises en vers, par J. de La Fontaine. Paris, Desaint, Saillant et Durand, 1755-1759. 4 vol. gr. in-fol., mar. rouge, fil., coins dorés, tr. dor. Grand papier de Hollande. Epreuves de premier tirage. Aux armes du duc d’Aumont. 6.000 fr
1.304. Fables nouvelles [par Dorat]. La Haye, et se trouve à Paris chez Delalain, 1773. 2 tomes en 1 vol. gr. in-8, mar. rouge, fil., dos orné, tr. dor. (Rel. anc.). 3.050 fr.
1.307. Contes et Nouvelles en vers de M. de la Fontaine. Paris, Claude Barbin, 1665. – Deuxiesme partie des Contes et Nouvelles en vers de M. de la Fontaine. Paris, Louis Billaine, 1646 [i.e. 1666]. 2 tomes en 1 vol. pet. in-12, mar. citron, fil., dos orné, dent. int., tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). Edition originale des deux premiers livres. 3.060 fr. 

1.325. La Pucelle d’Orléans. Poeme heroi-comique en XVIII chants.Londres, 1756. In-18, mar. rouge, mosaïque de mar. vert et citron, compart. et arabesques de feuillages, dorure au pointillé, doublé de mar. rouge, dent., dos orné, tr. dor. (Rel. anc.).

Porte à l’intérieur les armes de Angrand de Fonspertuis, fermier général. Front. et 29 dessins libres inédits, exécutés à la sépia et coloriés. 2.080 fr.
1.357. Choix de chansons mises en musique par M. de la Borde. Paris, Delormel, 1773. 4 tomes en 2 vol. gr. in-8, mar. rouge, fil., dos orné, tr. dor. (Rel. anc.). 4.620 fr. à Morgand.
1.358.Œuvres complètes de P.-J. de Béranger. Paris, Perrotin, 1847. 2 vol. – Musique des chansons de P.-J. de Béranger. Paris, Perrotin, 1847. – Dernières chansons de Béranger de 1834 à 1851. Paris, Perrotin, 1860. – Ma biographie, ouvrage posthume. Paris, Perrotin, 1858. Ensemble 5 vol. in-8, fig., brochés. Ex. contenant la suite des figures épreuves en double état :avant la lettre sur papier de Chine et eaux-fortes, pour les quatre volumes. 5.000 fr. à Conquet.



1.415. L’Amoureux Passetemps. Lyon, Benoist Rigaud, 1570. In-16, mar. citron, dent. de fleurs, semis de marguerites, de tulipes et de pensées couvrant le dos et les plats, dent. int., tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). 685 fr. à Porquet.
1.472. La Nef des folles. Paris, Geoffroy de Marnef, s. d. [v. 1500]. In-4 goth., fig. sur bois ; mar. bleu, fers à froid, doublé de mar. rouge, riches compart., tr. dor. Chiffre et armes sur les plats. Imprimé sur vélin. Des bibliothèques de Pichon et de La Roche-Lacarelle. 3.200 fr. à Morgand.
1.568. Le Théatre de P. Corneille. Paris, Guillaume Cavelier, 1706, 5 vol. – Poëmes dramatiques de Th. Corneille. Paris, Guillaume Cavelier, 1706, 5 vol. Ensemble 10 vol. in-12, réglés, mar. vert, larges dent., dos ornés, doublés de mar. rouge, dent. int., tr. dor. (Boyet). Aux armes de Madame de Chamillart à l’intérieur. De la bibliothèque de J.-Ch. Brunet. 3.630 fr.


1.575. Les Sentimens de l’Académie françoise sur la tragi-comédie du Cid. Paris, Jean Camusat, 1638. In-8, mar. rouge, compart. de fil., dos orné, tr. dor. Grand papier. Avec les armes du cardinal de Richelieu sur le dos et sur les plats. 5.000 fr.
1.584. Les Œuvres de Monsieur Molière. Paris, Claude Barbin, 1673. 7 vol. in-12, mar. rouge, fil., tr. marb. Réunion factice dont on ne connaît que 5 exemplaires (BnF, incomplet du t. V, Aumale, Villeneuve, Tandeau de Marsac, Lignerolles). Aux armes de J.-B. Colbert sur les plats et son chiffre couronné sur les dos. 16.200 fr.
1.585. Les Œuvres de Monsieur de Molière. Paris, Denys Thierry et Claude Barbin, 1674. 7 vol. in-12, mar. rouge, fil., dos ornés, tr. dor. (Rel. anc.). 5.600 fr.
1.587.Œuvres de Molière (par M. Bret). Paris, Compagnie des libraires associés, 1773. 7 vol.in-8, demi-rel. mar. ch. rouge. Très bel ex. non rogné. 22.100 fr.
1.649.Œuvres de Racine. Paris, Pierre Trabouillet, 1687. 2 vol. in-12, front. de C. Le Brun, fig. de Chauveau, mar. rouge, fil., dos ornés, tr. dor. Aux armes de J.-B. Colbert. 3.500 fr.
1.666. Esther. Paris, Denys Thierry, 1689. Athalie. Paris, Denys Thierry, 1692. Ensemble 2 pièces en 1 vol. in-12, réglé, mar. vert, large dent., dos orné, doublé de mar. rouge, dent., tr. dor. Editions originales. Aux armes du duc de Montmorency-Luxembourg. De la bibliothèque de Nodier. 6.020 fr.
1.753. Les Amours de Psiché et de Cupidon. Paris, Claude Barbin, 1669. In-8, mar. rouge, fil., dos orné, tr. dor. (Du Seuil). Edition originale, aux armes d’Hoym. 3.500 fr. à Morgand.
1.762. Le Temple de Gnide, par Montesquieu. Paris, Didot jeune, l’An III [1794]. Gr. in-8, fig., mar. rouge, fil., coins dorés, dos orné, doublé de mar. rouge, large dent., tr. dor. (Petit). Ex. unique imprimé sur vélin, contenant les dessins originaux d’Eisen, les deux dessins de Le Barbier, la suite du frontispice et des 9 fig. gr. par Le Mire, épreuves avant la lettre sauf la première qui est avec la lettre, la suite du frontispice et des 10 fig. peintes à la gouache. 14.000 fr. à Porquet.
1.881. Heptameron françois. Berne, nouvelle Société typographique, 1780. 3 vol. in-8, mar. rouge, large dent., dos ornés, doublés de tabis, tr. dor. (Derome). 8.320 fr.
1.912. Histoires ou Contes du temps passé [par Charles Perrault]. Paris, Claude Barbin, 1697. In-12, mar. rouge jans., doublé de mar. rouge, tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). 5.000 fr.     


1.929. Le Décameron de Jean Boccace.Londres, 1757-1761. 5 vol. in-8, mar. rouge, larges dent., dos ornés, doubles de tabis, tr. dor. (Derome). 5 frontispices, 1 portrait, 110 figures et 97 culs-de-lampe. Armoiries sur les plats. 6.960 fr.
2.124. Les Œuvres diverses du sieur de Balzac. Paris, P. Rocolet, 1644. In-4, portr., réglé, mar. rouge, mosaïque de mar. vert, dent., compart. et arabesques, dorure à petits fers et au pointillé couvrant le dos et les plats, tr. dor. Aux armes et aux chiffres couronnés d’Anne d’Autriche, reine de France. 6.000 fr.
   
Salle n° 2 pendant la vente (par E. Grenier)

La troisième vente, Catalogue des livres rares et précieux manuscrits et imprimés composant la bibliothèque de feu M. le comte de Lignerolles (Paris, Charles Porquet, 1894, in-8, XI-[1 bl.]-277-[1 bl.] p., 1.126 lots numérotés de 2.161 à 3.286), eut lieu du 16 au 26 avril 1894, fut réservée à l’Histoire et à la Géographie. Des reliures aux armes de Charles IX, de Henri III, de Henri IV, de Marie de Médicis, de Louis XII et Anne d’Autriche, etc. Des exemplaires provenant des bibliothèques du comte d’Hoym, de Longepierre, de Jacques-Auguste de Thou, etc. Des reliures de Boyet, de Padeloup, de Derome, etc. Surtout, des exemplaires souvent uniques d’écrits imprimés sur François Ier et les événements de son règne. Le n° 3.217 (La Devise des armes des chevaliers de la Table ronde. Paris, s. d. [v. 1530]), dans une reliure en maroquin de Bauzonnet a disparu.

2.161. Cosmographiae introductio. S. l. [Saint-Dié], s. n. [Gautier Lud], 1507. In-4, mar. rouge jans., dent. int., tr. dor. 1.600 fr. au prince Bonaparte.
2.219. Mundus novus. S. l. n. d. [v. 1502]. In-4 goth., mar. rouge jans., dent. int., tr. dor. Relation du voyage execute par Vespuce en 1501. 3.000 fr. à Techener.
2.277. Discours sur l’histoire universelle [par Bossuet]. Paris, S. Mabre-Cramoisy, 1691. In-12, réglé, mar. rouge, fil., dos fleurdelisé, doublé de mar. rouge, dent. tr. dor. Aux armes de la duchesse de Bourgogne. 4.600 fr. à Morgand.
2.440. L’Histoire de Thucydide athénien. Paris, Michel de Vascosan, 1559. In-fol., mar. brun, fil., coins de feuillages, semis de fleurs de lis couvrant le dos et les plats, fers à froid. Aux armes et au chiffre de Henri III, roi de France. 2.000 fr. à Porquet.
2.490. Les Chroniques de France. Paris, Pasquier Bonhomme, 1476. 3 vol. in-fol. goth., mar. rouge jans., dent. int., tr. dor. Première edition et premier livre français connu imprimé à Paris avec date. 2.450 fr. à Porquet.
2.579. Journal de Henri III. La Haye, et se trouve à Paris chez la veuve de Pierre Gandouin, 1744, 5 vol. – Journal du règne de Henri IV. La Haye, frères Vaillant, 1741, 4 vol. Ensemble 9 vol. pet. in-8, portr., mar. rouge, fil., tr. dor. Rel. dite « à l’oiseau » par Derome. 5.500 fr. à Morgand.



2.655. Lentrée de la royne en sa ville & cité de Paris. Paris, 1531. Pet. in-4, mar. rouge jans., doublé de mar. bleu, fil., larges dent., tr. dor. (Cuzin). Marque de Tory. 3.000 fr.

Aux trois catalogues in-8, il faut joindre le Catalogue de la bibliothèque de feu M. le comte de Lignerolles. Table alphabétique générale et liste des prix d’adjudication (Paris, 1895, in-8, 123 p.) et un Catalogue des livres rares et précieux manuscrits et imprimés composant la bibliothèque de feu M. le comte de Lignerolles. Album (Paris, Charles Porquet, 1894, in-fol., 168 pl.).




Les planches de l’album, dont la première est un portrait de Lignerolles, ne sont pas numérotées mais portent un renvoi aux articles du catalogue.

Une quatrième vente de doubles eut lieu du 4 au 16 mars 1895 : Catalogue des livres rares et précieux manuscrits et imprimés composant la bibliothèque de feu M. le comte de Lignerolles (Paris, Charles Porquet, 1895, in-8, VIII-272 p., 2.010 lots).

Les quatre ventes ont produit  1.121.282 francs. Le comte avait refusé une offre de deux millions de francs pour la bibliothèque en bloc.Le total se monte à 1.136.407 francs si on y ajoute le produit de la vente d’une collection faite à Drouot les mardi 16 et mercredi 17 janvier 1894 : Catalogue d’estampes anciennes Portraits des xviexviie et xviiie siècles provenant de la bibliothèque de feu M. le comte de Lignerolles (Paris, Ch. Porquet et Jules Bouillon, 1894, in-8, [3]-[1 bl.]-42 p., 388 lots). 




Gants blancs et livres anciens

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Chez Nicolas Fouquet (1615-1680), surintendant général des finances de Louis XIV, aucun visiteur n’était autorisé à manipuler un ouvrage sans avoir enfilé une paire de gants blancs. Dans la salle servant de dépôt aux richesses bibliographiques du banquier parisien Rougemont de Lowemberg (1758-1839), on voyait une pile de gants blancs qu’on offrait aux visiteurs qui désiraient toucher les reliures et les tranches peintes de cette collection.


Gants de coton blanc à la Bibliothèque
(Auxerre, 6 juin 2013 - photo blog Histoire du Livre)

Le port de gants est encore obligatoire aujourd’hui pour consulter les livres et papiers anciens de certaines collections d’archives et de bibliothèques, alors qu’il a été démontré que les gants de coton blanc ne protègent pas les livres et le papier contre la transpiration et la saleté, et qu’ils augmentent la probabilité d’endommager physiquement les collections (In International preservation news, n° 37, décembre 2005, p. 10-16).
Une manipulation quotidienne ne provoquant pas de détérioration chimique du papier, se laver les mains est une alternative raisonnable et efficace au port de gants.
Il est vrai néanmoins que les gants protègent les reliures contre les griffures d’ongle un peu long.

 


L’Épigramme de Pons de Verdun

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De nombreux biographes le prénomment Robert, sans raison connue, et le font naître en 1749, à cause d’un distique intitulé « Sur mon âge » qu’il a publié dans Les Loisirs ou Contes et poésies diverses (Paris, Brasseur aîné, 1807, in-8, p. 103) :

« J’ai vu le jour en mil sept cent quarante-neuf ;
Si je ne suis pas vieux, las ! je ne suis pas neuf. »

En réalité, Philippe-Laurent Pons est né le 17 février 1759, à Verdun, et fut baptisé le lendemain en l’église Saint-Pierre-l’Angelé, la première et la plus ancienne du diocèse, située dans la ville haute, vers le milieu de la rue Saint-Pierre, à droite, quand on montait du Pont Neuf à la Citadelle, qui fut détruite en 1793 :

« L’an mil Sept cent Cinquante neuf Le dix Sept feuvrier est né en cette Paroisse et Le Lendemain dix huit a été baptisé par nous Pretre Curé Soussigné Le fils du sr Laurent Pons, Marchand Confiseur et de marie anne Pierson son Epouse, au quel on a imposé Le nom de Philippe Laurent. Le parrain a été Le sr Philippe françois Dupaix apoticaire, et La marraine Elizabeth Pierson sa femme, oncle et tante a L’enfant qui ont signé avec nous, tous demeurans en cette ville. » [sic]

Son père, Laurent Pons, était donc marchand confiseur dans cette ville où, un jour de 1220, un apothicaire avait inventé la fameuse dragée qui, depuis 1750, était fabriquée lisse et satinée.

Comme beaucoup d’autres à cette époque, Pons céda à la manie d’utiliser une particule dite « de courtoisie », c’est-à-dire dépourvue de valeur nobiliaire et réservée à un usage mondain : il était « de Verdun », comme Arouet était « de Voltaire », Jean le Rond « d’Alembert », Caron « de Beaumarchais » et Fabre « d’Églantine ».

Il partit faire son droit à Paris. Il logeait alors dans un petit hôtel pour étudiants, rue des Anglais, aujourd’hui dans le Ve arrondissement, près de la place Maubert. Il établit des relations d’amitié avec deux poètes qui habitaient avec lui, Jean-François Collin d’Harleville (1755-1806) et François Andrieux (1759-1833), qui devinrent avocats comme lui, mais firent une carrière d’auteurs dramatiques et furent élus à l’Académie française en 1803.



Il publia en 1778 un recueil in-12 d’épigrammes, de réflexions morales, de contes et autres pièces, réédité en 1780, en 1781 et en 1783. L’édition « la plus complète » est intitulée Les Loisirs ou Contes et poésies diverses (Paris, Brasseur aîné, 1807, in-8, 198 p.). On y trouve, à la page 9, la fameuse épigramme, souvent transcrite de façon erronée, dont le titre est « Le Bibliomane » :



Dès avant la Révolution, différentes publications firent de fréquents emprunts aux textes du poète verdunois. Dans le Journal de Paris du 12 janvier 1779, il eut la surprise de lire, sous le nom de Voltaire, une pièce de vers dont il était l’auteur, adressée à Madame la comtesse de Boufflers, en réponse à ceux qu’elle avait envoyés au philosophe sur le bruit qui courut à Paris qu’il était mort. Il la réclama dans le Journal du 7 février suivant et la publia dans son Recueil de contes et poésies en vers (Londres, s.n., 1783, in-12). Elle ne figure pas dans l’édition « la plus complète » de 1807.

Avocat au Parlement de Paris à partir de 1780, les plaidoyers de Pons n’ont pas laissé de souvenir impérissable. D’évidence, cet homme sérieux et bon préférait la poésie. Pierre Larousse prétend qu’Antoine Rivarol (1753-1801) l’avait surnommé « la providence des almanachs ». En réalité, le brillant polémiste qualifiait ainsi l’opportuniste chevalier Michel de Cubières (1752-1820), dans Le Petit Almanach de nos grands hommes, pour 1788 (s.l., s.n., in-12). Mais il est vrai que Pons fournissait annuellement de nombreuses pièces de vers à l’Almanach des Muses. Fondé en 1765 par le publiciste Claude-Sixte Sautreau de Marsy (1740-1815), qui en sera le directeur jusqu’en 1793, et publié chez le libraire Nicolas-Augustin Delalain (1735-1806) jusqu’en 1794, cet almanach paraîtra jusqu’en 1833. Le recueil intitulé Pièces échappées aux XVI premiers almanachs des Muses (Paris, veuve Duchesne, 1781, in-12) renferme aussi des vers et des épigrammes de Pons de Verdun.



Enthousiasmé par la Révolution, Pons fut nommé juge au tribunal du Ier arrondissement de Paris. En 1792 il remplit les fonctions d’accusateur public près le tribunal de la capitale, avant d’être élu, le 4 septembre, député à la Convention nationale par le département de la Meuse. Deux jours avant son élection, la ville de Verdun avait ouvert ses portes à l’armée prussienne qui l’assiégeait depuis le 29 août, et des femmes avaient voulu offrir des fleurs et des dragées au roi de Prusse. En 1794, douze des quatorze « vierges [sic] de Verdun », âgées de vingt-deux à soixante-neuf ans, déclarées complices d’avoir livré la place aux ennemis, seront condamnées à mort. Pons fut accusé d’être l’instigateur de cette condamnation alors qu’il avait déclaré que les habitants de Verdun n’avaient pas démérité de la patrie et que son nom n’avait jamais figuré dans les actes du procès. Malgré cela, Chateaubriand, l’ancien émigré enrôlé dans l’armée des princes, répétera cette calomnie dans ses Mémoires d’outre-tombe (Paris, Eugène et Victor Penaud frères, 1849, 12 vol. in-8, t. III, p. 111) :

« L’instigateur du massacre des jeunes filles de Verdun, fut le poétereau régicide, Pons de Verdun, acharné contre sa ville natale. Ce que l’Almanach des Muses a fourni d’agents de la Terreur est incroyable ; la vanité des médiocrités en souffrance produisit autant de révolutionnaires que l’orgueil blessé des culs-de-jatte et des avortons : révolte analogue des infirmités de l’esprit et de celles du corps. Pons attacha à ses épigrammes émoussées la pointe d’un poignard. Fidèle apparemment aux traditions de la Grèce, le poète ne voulait offrir à ses dieux que le sang des vierges : car la Convention décréta, sur son rapport, qu’aucune femme enceinte ne pouvait être mise en jugement. »

Dans le procès du roi Louis XVI, au mois de décembre 1792, Pons se prononça pour la peine de mort : « Louis a été accusé par la nation entière d’avoir conspiré contre la liberté ; vous l’avez déclaré convaincu de cet attentat, ma conscience me dit d’ouvrir le code pénal et de prononcer la peine de mort. » En 1793, il dénonça Jean-Baptiste Marino (1767-1794), agent du comité de sûreté générale à Lyon, qui se servait de sa position pour obtenir des avantages en nature et en argent. L’année suivante, il fit voter qu’aucune femme accusée de crimes entraînant la peine capitale ne pourrait subir le jugement si elle était reconnue enceinte. En 1795, rappelant la générosité du général vendéen Charles-Melchior-Artus de Bonchamps (1760-1793) qui avait obtenu la grâce de soldats républicains prisonniers à Saint-Florent-le-Vieil en 1793, il sauva sa veuve condamnée à la peine de mort par la commission militaire de Nantes. De 1795 à 1799, Pons siégea au Conseil des Cinq Cents, qui avait l’initiative des projets de loi. Un jour de 1798, pendant qu’on y discutait sur les malversations reprochées à Ange-Etienne-Xavier Poisson de La Chabeaussière (1752-1820) dans l’administration du Théâtre des Arts, ou Opéra, Pons composa et fit circuler la pièce suivante :

« Sous ses ordres, quand l’Opéra
                                                   De faillir essuya la honte,
                                                   Habilement il s’en tira
                                                   En évitant de rendre compte.
                                                   N’ayant volé qu’un peu d’argent,
                                                   Il n’eut qu’un peu d’ignominie ;
                                                   Petit poisson deviendra grand,
                                                   Pourvu que Dieu lui prête vie. »

L’affaire ayant été portée devant les tribunaux, La Chabeaussière, dont les premiers essais poétiques étaient parus dans l’Almanach des Muses, fut acquitté.
Pons était membre du « Portique Républicain », ou « Institut libre », société littéraire qui excluait les membres de l’Académie française et qui fut fondée en 1798 par les chevaliers Antoine-Pierre-Augustin de Piis (1755-1832) et Michel de Cubières, auteurs, eux aussi, de quelques pièces publiées dans l’Almanach des Muses.

Rallié à Bonaparte après le coup d’État du 18 brumaire, Pons devint commissaire près le Tribunal d’appel du département de la Seine. C’est alors qu’il publia un Portrait du général Suwarow. Dialogue sur le congrès de Rastadt (Paris, Dabin, an VIII, in-8). Il fut nommé substitut du procureur général près la Cour de cassation en 1801, reçut la décoration de la Légion d’honneur en 1804 et assura les fonctions d’avocat général près la même cour de 1810 à 1815. Pons avait le projet de publier une Bibliothèquedes livres singuliers, c’est-à-dire d’ouvrages intéressant les bibliophiles, en théologie, en droit, en sciences et arts, en littérature et en histoire. Celle concernant les livres de droit se trouve p. 246-335 des Questions illustres ou Bibliothèque des livres singuliers en droit (Paris, Tardieu Denesle, 1813, in-12), par l’ancien avocat et ex-juge au Tribunal du département de la Seine Julien-Michel Dufour de Saint-Pathus (1757-1828), dont plusieurs articles ont en outre été faits sur des exemplaires faisant partie de la bibliothèque de Pons :

« Ce livre et la majeure partie de ceux dont je donne l’analyse m’ont été communiqués par M. Pons de Verdun, avocat général à la Cour de Cassation, dont la bibliothèque est peut-être la plus riche en livres singuliers. » [p. 3]

Banni comme régicide, Pons dut s’exiler à Bruxelles en 1816 et ne fut autorisé à rentrer en France qu’en 1819. Sa bibliothèque fut vendue par le libraire Jacques-Simon Merlin (1765-1835), avec celle de Blanchon : Catalogue des livres de la bibliothèque de M. B. P. (Paris, Merlin, 1817, in-8).

Pendant son séjour à l’étranger, il fournit plusieurs contes en vers à L’Esprit des Journaux. Ce périodique, créé à Liège en 1772, puis publié sous la double adresse de Paris et de Liège entre 1782 et 1793, fut cédé à Charles-Auguste Weissenbruch (1744-1826) qui l’a continué à Bruxelles jusqu’en avril 1818.

Dans Le Savant, comédie-vaudeville en deux actes représentée pour la première fois au Théâtre du Gymnase le 22 février 1832, le savant professeur Reynolds, s’extasiant sur une édition de Pétrone imprimée par Robert Estienne, chante un couplet qui rappelle l’épigramme de Pons de Verdun (acte II, scène IV) :

« Avec tous les fragments nouveaux...
                                               Grand Dieu ! Quelle joie est la mienne !
                                               Que ces caractères sont beaux !
                                               Et c’est la bonne édition...
                                               Voici, page soixante-seize,
                                               Ces deux fautes d’impression
                                               Qui ne sont pas dans la mauvaise. »

L’auteur était le librettiste Eugène Scribe (1791-1861), de l’Académie française, qui vota contre l’admission de Victor Hugo. Dans ses Petits Mémoires de l’Opéra (Paris, Librairie Nouvelle, 1857, in-12, p. 283-284), Charles de Boigne (1808-1896) l’accuse, à juste titre, de plagiat : « La bibliothèque de M. Scribe n’est point un ramassis de livres achetés, empilés au hasard : les livres de M. Scribe lui ont rapporté mieux que quelques heures d’agréable loisir. » Le baron de Boigne, qui fut l’un des fondateurs du Jockey-Club, dut faire la grimace quand son club s’installa rue Scribe en 1863 !

Pons publia encore des pièces de vers intitulées Le Filleul et le Parrain ou la Question physiologique (Paris, Pollet, 1836, in-8). Il mourut à Paris le 16 mai 1844.

C’est ainsi que Pons de Verdun, qui « aurait laissé intacte la réputation d’un littérateur aimable, s’il n’avait pas eu la malheureuse fantaisie de devenir un personnage politique », dut à une seule épigramme d’être entré dans l’Histoire de la Bibliomanie.


le Bibliomane
Livres et Gravures
2, Avenue Trudaine - Paris (IX)








Un palais pour les livres du prince Roland Bonaparte

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La doyenne des sociétés de géographie fut fondée à Paris en 1821, à l’initiative de l’orientaliste Louis-Mathieu Langlès (1763-1824), bibliothécaire à la Bibliothèque royale.

184, boulevard Saint-Germain - Paris (VI)
Les sept autres principaux membres fondateurs furent recrutés parmi les membres de l’Institut : le géographe Jean-Denis Barbié du Bocage (1760-1825),  le géographe Conrad Malte-Brun (1775-1826), l’archéologue Jean-Antoine Letronne (1787-1848), le contre-amiral Paul-Édouard de Rossel (1765-1829), le naturaliste Charles-Athanase Walckenaer (1771-1852), le mathématicien Joseph Fourier (1768-1830), qui avait participé à l’expédition d'Égypte, et le géographe et archéologue Edme-François Jomard (1777-1862), le principal artisan de la publication de la Description de l’Égypte, monumental ouvrage de 23 volumes publiés de 1809 à 1828. Cette Société fut présidée de 1910 à 1924 par le prince Roland Bonaparte (Paris, 19 mai 1858-14 avril 1924).




Le prince était le fils d’un aventurier lettré, Pierre Bonaparte (1815-1881), assassin de Victor Noir (1848-1870), journaliste au quotidien La Marseillaise, et de Éléonore-Justine Ruffin (1831-1905). Son grand-père paternel était Lucien Bonaparte (1775-1840), frère de l’empereur Napoléon Ier. Il épousa en 1880 Marie-Félix Blanc (1859-1882), fille du richissime fondateur de la Société des Bains de mer de Monaco et du casino de Monte-Carlo, morte après avoir donné naissance à Marie Bonaparte (1882-1962), future princesse de Grèce et célèbre psychanalyste, maîtresse du ministre Aristide Briand et disciple de Sigmund Freud.

Veuf, le prince vécut alors avec sa mère et se consacra à ses travaux et à ses collections scientifiques. En 1885, il déménagea de Saint-Cloud à Paris, 22 cours de la Reine. Il quitta l’armée d’active pour la réserve, avant d’être rayé des cadres en tant que membre d’une famille ayant régné sur la France, conformément à la loi du 22 juin 1886. Ses moyens financiers et ses relations influentes contribuèrent à l’accroissement de nombreuses sociétés savantes dont il fut membre et président. Il s’intéressa d’abord à l’anthropologie et à la géographie. Il entreprit la réalisation de collections photographiques anthropologiques et devint en 1884 membre de la Société d’anthropologie, fondée en 1859, et membre de la Société de géographie. La plupart de ses albums, qui portent les noms des  groupes ethniques photographiés, furent réalisés au cours d’expositions ethnographiques à Amsterdam (Exposition coloniale de 1883), à Paris (Exposition universelle de 1889), à Londres et à Berlin (1884). Le prince effectua néanmoins quelques voyages d’étude, en Amérique du Nord (1888 et 1893), en Europe de l’Est, en Norvège (1884) et en Corse (1887). Chaque photographie porte la mention « Collection du Prince Roland Bonaparte » et un timbre sec représentant l’aigle impérial.

Dans les années 1890, il se tourna vers la géologie et la botanique. Il étudia le mouvement des glaciers alpins, et participa à la création de nombreux postes d’observation dans les Alpes et les Pyrénées pour leur étude. Il fut de ceux qui financèrent en 1891 la construction de l’éphémère observatoire météorologique du Mont-Blanc et fournit des fonds à la station zoologique de Banyuls-sur-Mer, qui avait été fondée en 1881. Membre en 1900 de la Société française de photographie, fondée en 1854,  il en fut le président de 1919 à 1922.
En 1905, il commandita une expédition envoyée en Équateur pour mesurer l’arc méridien de Quito. Il devint membre de l’Académie des sciences en 1907, et en fut le président en 1919. En 1908, il fut élu président du Club alpin français, fondé en 1874.

Puis il se tourna vers la botanique, avec le projet de constituer un herbier général, spécialisé sur les fougères. Il voyagea, passa commande à de nombreux correspondants en voyage ou en mission et acheta des herbiers, dont celui en 960 cartons du journaliste Georges Rouy (1851-1924), ancien vice-président de la Société botanique de France. Ce dernier était l’auteur, avec Julien Foucaut (1847-1904), directeur du jardin botanique de la Marine, à Rochefort, d’une Flore de France (Société des sciences naturelles de la Charente-Inférieure, 1893-1913, 14 vol. in-8).


Le prince laissa à sa mort un herbier de 2.500.000 échantillons concernant près de 100.000 espèces, soit plus du tiers de la flore mondiale. La Faculté des sciences de Lyon en hérita, et cet herbier est aujourd’hui à l’Université Claude-Bernard, Lyon 1 : 8.800 cartons de planches, du mobilier de rangement et une bibliothèque qui étaient arrivés par un convoi de vingt wagons. L’herbier Bonaparte est le deuxième de France après celui du Muséum national d’histoire naturelle de Paris, et le septième dans le monde. 


L’herbier avait occupé à lui seul plusieurs pièces et une dizaine d’employés dans l’imposant hôtel particulier du 10 avenue d’Iéna (XVIe), que le prince avait fait construire entre cette avenue, ouverte en 1858, et la rue Fresnel, ouverte en 1877, grâce à la fortune héritée de sa femme.


Il fut édifié sur cinq niveaux, de 1892 à 1895 (permis de construire du 30 juin 1891), par l’architecte Ernest Janty (1837-1913), élève d’Hector Lefuel (1810-1881), l’architecte du Louvre et des Tuileries



L’hôtel n’avait pas de jardin.


Au premier étage, en façade sur la rue Fresnel, la bibliothèque était formée de quatre pièces en enfilade disposées autour d’une cour carrée intérieure, de 24 mètres de côté, située au-dessus des communs. Par le grand escalier d’honneur, on entrait dans celle qui était éclairée par quatre grandes croisées prenant jour sur la cour intérieure. Les trois autres pièces étaient éclairées par des verrières zénithales. Le parquet était en frisette de chêne de Hongrie, disposée par panneaux et compartiments symétriques. Les boiseries, cheminées et escaliers étaient en noyer ciré, avec des panneaux sculptés de style Louis XIV.


Dans chaque pièce, une galerie, munie d’une rampe en acier forgé et bronze doré et soutenue par des colonnes en noyer sculpté, divisait en deux la hauteur totale de 7 mètres.



Quatre escaliers en colimaçon, décorés de sculptures en cuivre doré, donnaient accès à cette galerie. La serrurerie et les ferrures des portes et croisées étaient en bronze doré.

Près de 150.000 volumes occupaient 6.805 tablettes, sur environ 6.310 m de longueur. Les collections du prince eurent pour noyau primitif la bibliothèque de géographie, d’art militaire et de littérature étrangère de son père. Elles s’accrurent de livres de celle du prince Anatole Demidoff (1813-1870), époux de la princesse Mathilde Bonaparte, fille du roi Jérôme, qui contenait des ouvrages ayant appartenu à Napoléon à l’île d’Elbe, puis de celle du géographe Louis Vivien de Saint-Martin (1802-1897), secrétaire général de la Société de géographie de 1845 à 1849, de celle de l’orientaliste Charles Schefer (1820-1898) et de celle de Napoléon qui se trouvait à la Malmaison. Le prince ajouta à sa bibliothèque les publications anciennes ou récentes dont ses travaux avaient besoin. Parmi ses nombreuses publications, hormis les textes de ses conférences et ses articles de presse, figurent :
-         Les habitants de Suriname. Paris, 1884.
-         La Nouvelle-Guinée. Paris, 1887.
-         Le premier établissement des Néerlandais à Maurice. Paris, 1890.
-         Démocratie suisse. Paris, 1890.
-         Les variations périodiques des glaciers français. Paris, 1891.
-         Une excursion en Corse. Paris, 1891.
-         Documents de l’époque mongole des xiiie et xive siècles. Paris, 1895.
-         Fougères du Congo belge. Bruxelles, 1913.
-         Notes ptéridologiques. Paris, 1915-1924.



Les livres étaient classés dans un cadre géographique (Europe, Asie, Afrique, Amérique, Océanie), suivant vingt-six divisions représentées sur les livres par une lettre de l’alphabet et dans l’ordre suivant : généralités, géologie, géographie, histoire, mœurs et législation, sciences, arts, etc. Une collection des voyageurs hollandais, des atlas de cartes anciennes, des recueils de planches de sciences et d’art, des milliers de clichés photographiques et des centaines de revues et journaux géographiques français et étrangers, classés selon la même méthode que les livres, complétaient les collections. Un signe spécial, une étoile à cinq branches, marquait les œuvres de la famille Bonaparte ou la concernant.



Environ un quart de la bibliothèque formait le cabinet de travail particulier du prince, qui occupait une des quatre pièces, avec les sections : bibliographie, linguistique, encyclopédies, relations générales de voyages, voyages en plusieurs parties différentes du monde. Un double catalogue par fiches était établi au jour le jour : des fiches pour l’ordre alphabétique des auteurs, des fiches pour l’ordre des matières.




Cette bibliothèque était une bibliothèque de travail plus qu’une bibliothèque de bibliophile : elle était en effet plus remarquable par les séries bien complètes sur les sujets préférés par le prince que par la rareté ou le grand luxe des livres, munis néanmoins, pour la plupart, d’un ex-libris.
Le service de la bibliothèque, qui était à la disposition des lettrés, des érudits et des savants, était assuré par un bibliothécaire, un bibliothécaire adjoint et trois aides chargés de la manutention, de l’étiquetage et de la confection des fiches. François Escard (1836-1909), ami et disciple du sociologue Frédéric Le Play (1806-1882), fondateur en 1856 de la Société d’économie sociale, fut le bibliothécaire le plus connu.
C’était au rez-de-chaussée que se trouvaient le cabinet du bibliothécaire, ainsi qu’une bibliothèque de réserve, des magasins et un laboratoire photographique.

En 1925, après la mort du prince, l’hôtel de l’avenue d'Iéna fut acheté par la Compagnie universelle du canal maritime de Suez. Il fut modifié en 1929 (permis de construire des 17 février et 10 mars 1926) par Michel Roux-Spitz (1888-1957), l’architecte de l’Hôtel de Ville de Saint-Nazaire : l’hôtel fut surélevé de trois étages, les communs furent transformés en garage fermé par une grande baie vitrée monumentale, et une salle de conférences fut réalisée dans la partie supérieure de l’ancienne cour. Dans les années 1980, d’autres travaux modifièrent profondément la partie arrière du bâtiment. Seuls le rez-de-chaussée et le 1erétage subsistent ; la bibliothèque a depuis longtemps disparu.

La partie géographique de la bibliothèque, environ 40.000 volumes, ainsi que 17.000 clichés, furent offerts à la Société de géographie par Marie de Grèce.



Ce don ne pouvant tenir dans les locaux du 184 boulevard Saint-Germain (VIe), inaugurés en 1878, la Société loua l’hôtel Bonaparte à la Compagnie Universelle du canal maritime de Suez et déménagea.



La bibliothèque du prince demeura ainsi en place. En 1942, la Société réintégra les locaux du boulevard Saint-Germain et les collections furent alors déposées à la Bibliothèque nationale : 90.000 ouvrages, 2.000 titres de périodiques (345 titres vivants), 135.000 documents iconographiques, en majeure partie des photographies sur papier ou plaques de verre, 500 cartons d’archives, environ 35.000 cartes, ainsi que le manuscrit de Vingt mille lieues sous les mers et un fragment de celui de Cinq semaines en ballon de Jules Verne, donnés à la Société de géographie par son fils Michel en 1906.
En 1888, après son voyage en Corse, le prince avait donné 5.000 volumes à la bibliothèque d’Ajaccio : des livres de chimie, de sciences, de botanique, de médecine et d’anatomie, ainsi que des ouvrages de littérature, d’histoire, de géographie et des récits de voyages.
D’autres parties de la bibliothèque de Roland Bonaparte furent mises en vente aux enchères publiques : à Paris, chez Sotheby’s le 21 mars 2002, Drouot le 29 mai 2002 ; à Londres, chez Christie’s le 18 novembre 2003 ; à Cincinnati, chez Cowan’s, le 16 novembre 2006, etc.

Devenu le siège d’Ubifrance, agence française pour le développement international des entreprises, l’hôtel de l’avenue d’Iéna a été racheté à l’État en 2005 pour 92 millions d’euros par le groupe hôtelier Shangri-La pour en faire, après de nouveaux remaniements, le huitième palace de Paris, dont l’ouverture eut lieu le 17 décembre 2010.









Les De Bure, libraires sur le quai des Augustins

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D’après la plupart des biographes, la famille De Bure serait originaire de Flandre, mais selon une tradition familiale, elle aurait eu pour berceau les confins de la Normandie, du Maine et du Perche, aurait primitivement appartenu à la noblesse, aurait possédé un château de Bures, situé près de Sées (Orne) et détruit par un incendie en 1576. Ce qui est certain, c’est que la famille De Bure appartenait à la bourgeoisie parisienne dès la seconde moitié du xviie siècle et que ses membres ne figurent avec les qualifications nobiliaires dans aucun acte antérieur à la Révolution.




Pendant près de deux siècles, des membres de la famille De Bure exercèrent la profession de libraire à Paris, sur le quai des Augustins [aujourd’hui quai des Grands Augustins, VIe], près la rue Pavée [aujourd’hui rue Séguier]. Quelques-uns d’entre eux s’intéressèrent à la bibliographie.



Le premier, Nicolas [I] De Bure (1er mai 1631-15 novembre 1703), était fils de Gilles De Bure, homme d’armes dans la Compagnie de Jehan de Pellevé, et de Marie Fauveau. Mis en apprentissage en 1643 chez Adam Pousset, libraire depuis le 27 août 1620, il fut reçu maître le 11 mars 1660 et s’installa « À la Ville de Montpellier ». Jeanne Pontier, son épouse, lui donna quatre enfants : deux filles, qui épousèrent des libraires, et deux fils, Guillaume [I] et Nicolas [II].


Il publia les Caracteres, pensées, maximes, et sentimens, dédiez à Monseigneur le duc de La Rochefoucault (Paris, De Barre [sic], 1693, in-12), par Dupuy La Chapelle, seul livre connu à son adresse, réédité l’année suivante.

Guillaume [I] De Bure (1er octobre 1663-25 octobre 1748), fils aîné de Nicolas [I], épousa Marie-Charlotte Fuzelier le 18 juin 1691, fut reçu maître libraire le 26 juin 1703, à la place de son père. À sa mort, sa fortune fut estimée à 100.000 livres tournois. Son épouse décéda quatre jours après lui.

Nicolas [II] De Bure (v. 1670-23 octobre 1720) a épousé le 21 novembre 1695 Jeanne Bessin, fille de libraire, décédée le 8 juillet 1756, et fut reçu libraire le 12 décembre 1704. Son fils Nicolas-François, né le 10 avril 1692, fut reçu maître le 18 décembre 1716 ; il fut emprisonné pour dettes et déchu de la maîtrise en 1726, et mourut avant 1737.

Jeanne-Christine De Bure (5 juin 1697-17 septembre 1766), fille aînée de Guillaume [I], resta célibataire, obtint en 1749, après la mort de son père, l’autorisation de continuer son commerce de librairie, à condition de ne pas prendre d’apprenti. Pratiqua surtout le commerce d’occasion, jusqu’en 1765. Vendit son fonds le 17 avril 1765. À sa mort, elle laissa à son frère et ses enfants environ 180.000 livres tournois.

Jean De Bure (14 février 1702-15 avril 1786), dit « l’Aîné », puis « Père » après la mort de Guillaume [I], frère de la précédente, fut le véritable créateur du fonds de librairie De Bure. Marié à Jeanne-Noëlle Tilliard, sœur de libraire, il fut reçu maître le 30 décembre 1721 et exerça « À l’Image Saint Paul » jusqu’en 1786.
Il publia des livres du naturaliste Antoine-Nicolas Dezallier d’Argenville (1723-1796) et le Voyage en Sibérie de l’abbé Jean Chappe d’Auteroche (1722-1769). Sa fortune provint surtout du succès des rééditions des ouvrages de droit de Daniel Jousse (1704-1781) et de Robert-Joseph Pothier (1699-1772), juristes au présidial d’Orléans. En 1773, il vendit à ses deux fils, Guillaume [II] et François-Jean-Noël, son fonds estimé à 300.000 livres.

François De Bure (5 mars 1707-16 novembre 1752), dit « le Jeune », frère du précédent, épousa la fille de sa cousine germaine, Marie-Jeanne-Angélique Montalant, décédée à Rueil (Hauts-de-Seine) le 3 mai 1772. Reçu maître le 13 février 1730, il s’installa « À l’Image Saint Germain ». Il fut le premier de sa famille à s’intéresser aux ventes des bibliothèques particulières.

Guillaume [II] De Bure (10 mai 1734-4 février 1820), dit « l’aîné » ou « fils aîné », fils de Jean, fut reçu le 18 mai 1759 et exerça jusqu’en 1813. Établi d’abord sur le quai des Augustins, « À la Bible d’Or », il déménagea rue Serpente, à l’hôtel Ferrand.




Il se rendit célèbre pour sa résistance aux arrêts du Conseil sur la librairie du 30 août 1777, qui lui valut un emprisonnement à la Bastille du 23 au 29 janvier 1778 : alors syndic de sa communauté, il refusa de parapher les contrefaçons. Il épousa Marguerite Barrois, d’une famille de libraires spécialisés dans la vente de bibliothèques, elle-même bibliophile, qui collectionnait les livres de piété et les livres espagnols. Libraire de la Bibliothèque du Roi, il publia plus de 200 catalogues de vente de bibliothèques particulières, d’abord seul, puis avec l’aide de ses deux fils de 1803 à 1813 : bibliothèques de Lauraguais (1772), de Mel de Saint-Céran (1780), de Camus de Limare (1786), de Loménie de Brienne (1792), de Mercier de Saint-Léger (1799), de L’Héritier de Brutelle (1802), etc. ; le plus connu, celui du duc de La Vallière (1783), lui valut les injures de l’abbé Jean-Joseph Rive (1730-1791) dans La Chasse aux bibliographes et antiquaires mal-advisés (Londres [Aix], N. Aphobe [« Sans peur »], 1788-1789, 2 vol. in-8), qui le surnomma « le Gros Guillaume ».

François-Jean-Noël De Bure (23 mars 1743-6 novembre 1802), frère du précédent, fut reçu maître le 4 juillet 1769 et épousa la même année Anne-Charlotte d’Houry, unique héritière d’une famille de libraires et imprimeurs, et en eut deux fils. En activité de 1769 à 1790, il fut d’abord associé à son père, puis à son frère de 1774 à 1780 sous la raison « Frères Debure », son beau-père l’associa ensuite à ses affaires jusqu’en 1786. Ses investissements le conduisirent à une retentissante faillite en 1790. Ses livres furent mis en vente publique du 24 au 26 février 1791, dans sa maison de la rue Hautefeuille : Catalogue des livres de M. D… d’H… (Paris, Laurent-Charles d’Houry et Pierre-Michel Lamy, 1791).

Guillaume-François De Bure (23 février 1732-15 juillet 1782), dit « le jeune » ou « fils aîné », fils de François « le Jeune », a souvent été confondu avec son cousin germain, Guillaume [II] De Bure. Il fut reçu libraire le 19 mai 1753 et reprit l’enseigne de son père jusqu’en 1782. Il épousa Thérèse-Louise Saugrain, fille de libraire, et fit paraître, sous le nom anagrammatique de « Rebude », un Musæum typographicum (S.l., s.n., 1755, in-12, tir. 12 ex.), qui donne une liste alphabétique de 510 livres imprimés entre 1457 et 1737,




et une Bibliographie instructive : ou Traité de la connoissance des livres rares et singuliers (Paris, Guillaume-François De Bure le Jeune, 1763-1768, 7 vol. in-8), premier répertoire à l’usage des bibliophiles, qui comprend 6.140 entrées classées par ordre de matière, en quatre catégories publiées successivement : les critiques de Barthélemy Mercier (1734-1799), futur abbé de Saint-Léger de Soissons, n’empêchèrent pas cet ouvrage d’être considéré comme l’un des plus importants que la France ait donné en ce genre.


Le « Moine Mercier », selon l’expression de l’abbé Rive, fit ses premières armes de bibliographe dans le Journal de Trévoux et adressa à ce journal, qui portait le titre de Mémoires pour l’Histoire des Sciences et Beaux-Arts, deux lettres d’observations sur le premier volume de la Bibliographie instructive.
Dans la première, il précise que son « dessein est de ne faire aucune peine à ce Libraire dont on ne peut que louer le zèle, l’application & les connoissances », tout en étant conscient de préférer « un mot tranchant, parce qu’il étoit plus court, à une circonlocution qui paroitroit plus honnête », et conclut : « Cette Bibliographie, Messieurs, peut, telle qu’elle est, n’être pas inutile à certaines personnes ; mais si M. de B veut obtenir les suffrages des connoisseurs, il me paroît nécessaire qu’il la remanie en entier, qu’il consulte les bonnes sources de l’histoire littéraire, & qu’il ait la plus grande attention à ne pas répéter en différents endroits & sous différentes subdivisions les mêmes livres des mêmes éditions [...]. Enfin il est important pour ce Bibliographe qu’il visite plus exactement qu’il n'a fait les grandes Bibliothèques de Paris, dont les richesses lui sont trop peu connues. » (juillet 1763, p. 1.617-1.682).
Dans la seconde, il ajoute que son « unique objet [...] a été non de diminuer le mérite de l’Ouvrage de M. de B. ; mais d’empêcher que les erreurs involontaires de ce Bibliographe ne passassent pour autant de vérités, & ne fussent adoptées trop légerement par ceux qui n’ont ni le tems ni la volonté d’examiner une matiere rebutante par elle-même, & d’une discussion aussi longue que pénible » (août 1763, p. 1.994-2.074).
Très peiné, De Bure lui répondit par deux lettres imprimées séparément : Appel aux savans et aux gens de lettres, au sujet de la Bibliographie instructive (s.l., 1763, in-8, 17 p.) et Lettre à M*** servant de réponse à une critique de la Bibliographie instructive (Paris, 1763, in-8, 80 p.), datée du 25 octobre 1763, dans laquelle il le qualifie d’ « un de ces hommes caustiques dont le fiel va jusqu’à leur faire oublier les loix les plus communes de la bienséance & de la politesse », qui n’a « pas sçu discerner le peu d’autorité de quelques Bibliographes », qui ne s’est pas donné « la peine de lire le plan de son Ouvrage », qui s’annonce « pour être un connoisseur » et qui n’en a « pas senti toute la ridiculité », qui s’amuse à des « bagatelles qui n’apprennent rien », qui est « bien peu au fait de ce qui constitue la rareté d’un livre », etc.
Mercier écrivit en retour : « je ne lui répondrai pas, je laisserai aux Juges de la Littérature à prononcer sur ce sujet, & je me soumets d’avance à leur décision, dans la ferme persuasion où je suis qu’avant de donner leur avis, ils prendront la peine de voir les pièces, & de comparer attentivement mes deux Lettres avec la réponse que l’on prétend y avoir faite », ajoutant « je le prie d’oublier mes deux Lettres, puisqu’il ne veut pas en profiter » (octobre 1763, p. 2.407-2.422).




Guillaume-François De Bure ne publia que 7 catalogues de vente : de l’avocat Paillet des Brunières (1754), du négociant Paul Girardot de Préfond (1757), de l’académicien Jean-Pierre de Bougainville (1763), du duc de La Vallière (1767) et, le plus connu, celui du conseiller-secrétaire du Roi Louis-Jean Gaignat (1769), intitulé Supplément à la Bibliographie instructive, ou Catalogue des livres du cabinet de feu M. Louis Jean Gaignat (Paris, Guillaume François De Bure le jeune, 1769, 2 vol. in-8, 3.542 lots).
Jean-François Née de La Rochelle (1751-1838), associé depuis 1773 au second mari de sa mère, le libraire Jean-Baptiste Gogué (1735-1786), quai des Augustins, près du pont Saint-Michel, a publié la Bibliographie instructive, tome dixième, contenant une table destinée à faciliter la recherche des livres anonymes qui ont été annoncés par M. De Bure, le jeune (Paris, Gogué et Née de La Rochelle, 1782, in-8), précédée d’un « Discours Sur la Science Bibliographique & sur les devoirs du Bibliographe ».
Il a été tiré 50 exemplaires des dix volumes de la Bibliographie instructive en grand papier de Hollande et dans un format petit in-4.
En 1783, Gervais-François Magné de Marolles (1727-1795), ancien lieutenant au régiment de Bourgogne, eut le projet d’ajouter un onzième volume, portant le titre de Bibliographie instructive, tome XI, partie estimative du prix des livres rares et précieux, publié par Nicolas-Léger Moutard, petit-fils d’un grand-oncle de Guillaume-François De Bure, imprimeur-libraire de la Reine, rue des Mathurins, hôtel de Cluny. Malheureusement, il n’a paru de cet ouvrage que le prospectus de 8 pages in-8, et un modèle d’un feuillet contenant le prix estimatif de vingt articles de la Bibliographie.
Dès le 2 septembre suivant sa mort, les livres principaux du cabinet de De Bure furent dispersés en vente publique, avec catalogue : Notice des livres principaux composans le cabinet de feu Guill.-Franç. De Bure le jeune (Paris, Claude-Marin Saugrain, 1782, in-12, [2]-42 p., 475 lots). 

Jean-François De Bure (16 septembre 1741-24 janvier 1825), dit « de Saint-Fauxbin », frère du précédent, fut reçu maître le 29mars 1765, mais abandonna la librairie pour se consacrer à l’étude des belles-lettres : on lui doit de bonnes traductions du Nouveau Manuel d’Epictète (1784) et de Les Amours de Daphnis et Chloé (1787) , et Anicii Manlii Torquati Severini Boethii de consolatione philosophiæ libri V (1783), sous le pseudonyme de « Johannes Eremita ».


Le 24 octobre 1792, il acheta une maison rue Hautefeuille, moyennant 50.000 francs, où sa bibliothèque fut vendue du 16 au 23 mai 1825 : Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. De Bure de Saint Fauxbin (Paris, Tilliard frères et Debure frères, 1825, in-8, [2]-57-[1 bl.] p., 670 lots), où un très grand nombre de volumes portent des corrections et des notes de sa main.

Jean-Jacques De Bure (14 décembre 1765-15 janvier 1853) et Marie-Jacques De Bure (29 novembre 1767-18 juin 1847) étaient installés rue Serpente, dernière adresse de leur père Guillaume [II], et exercèrent de 1803 à 1813 avec leur père, puis ensemble jusqu’en 1838 sous la raison « De Bure frères ».


Jean-Jacques De Bure



Libraires de la Bibliothèque impériale, ils établirent plus de 80 catalogues de bibliothèques de 1812 à 1832 : Pierre-Henri Larcher (1814), Mac-Carthy Reagh (1815), Fr. J. G. de La Porte du Theil (1816), Paignon Dijonval et Morel-Vindé (1822), Chardin (1823), Boucher de la Richarderie (1826), La Mésangère (1831), etc. Ils furent eux-mêmes bibliophiles, héritiers de la bibliothèque de leur mère.


Ils firent une première vente de leur fonds de 1835 à 1838, et en 1853, après leur mort, leur cabinet fut vendu pour 140.700 francs.
En 1854, la Bibliothèque impériale a acheté leur collection de plus de 65.000 portraits, noyau de ce fonds au Cabinet des estampes.

Laurent-François De Bure (6 novembre 1775-28 février 1864), fils de François-Jean-Noël, fut le dernier libraire de sa famille. D’abord engagé dans l’armée, il s’installa libraire rue Guénégaud en 1820, puis rue de Bussy en 1826. Entre 1822 et 1827, il publia la « Bibliothèque portative de l’amateur », collection de classiques français en 103 volumes in-32, ornés de portraits et imprimés par Firmin Didot, et cessa son commerce vers 1840.

  






Chardin, l’agent bibliophile de Beckford

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Le « Fou de Fonthill »




D’une famille qui s’était enrichie à la Jamaïque, où elle possédait plus de la moitié des plantations de canne à sucre, le futur romancier anglais William Beckford (Londres, 1760-Bath, 1844) fut envoyé à Genève pour terminer ses études. Il était orphelin de père, membre du Parlement et deux fois lord-maire de Londres, depuis l’âge de dix ans. En 1778, il rendit visite au patriarche de Ferney (Ain). Rentré en Angleterre, il publia son premier ouvrage, intitulé Biographical memoirs of extraordinary painters (Londres, J. Robson, 1780), puis il repartit pour la Hollande, l’Allemagne, l’Italie et la France. En 1783, il épousa Margaret Gordon (1763-1786), fille de Charles Gordon (1726-1794), 4e comte de Aboyne. Ayant été accusé d’avoir séduit en 1784, au château de Powderham (Devon), le jeune William Courtenay (1768-1835), Beckford et sa femme se réfugièrent en Suisse, à La Tour-de-Peilz (canton de Vaud) : bien que membre du Parlement, ce scandale l’obligea à renoncer à une carrière politique. Ils eurent deux filles, Margaret-Maria-Elizabeth, puis Susannah-Euphemia, mais la jeune mère mourut après la naissance de la seconde. Inconsolable, « le plus riche des fils de l’Angleterre », selon l’expression de lord Byron, se remit à voyager, en Allemagne, en France, où il assista à la prise de la Bastille, en Italie, en Espagne et au Portugal, qu’il aimait particulièrement et où il se fixa pour deux ans, à la fin de 1793, dans sa villa de Monserrate, sur les côtes de la montagne de Sintra.


Revenu enfin en Angleterre, il fit faire des travaux d’agrandissement au château de son père, appelé « Fonthill Splendens », à Fonthill Gifford (Wiltshire), puis fit commencer en 1796 la construction d’un nouveau château, baptisé « Fonthill Abbey », à environ 1,5 km. au sud-ouest du premier, par l’architecte James Wyatt (1746-1813) : une tour octogonale de 285 pieds de haut [86,86 m.] dominait toute la région. Terminée en 1814, la construction aura coûté 273.000 £, de l’aveu de Beckford lui-même. Il y vécut à l’abri des curieux, comme un ermite dans un musée, entouré seulement de ses domestiques, excitant l’imagination de ses voisins qui se plaisaient à raconter les mystères de la tour.


Sa bibliothèque fut bientôt l’une des plus célèbres de l’Europe, aussi bien pour les ouvrages eux-mêmes que pour les reliures : elle comptait une collection presque sans rivale d’Aldes et d’Elzévirs, et l’un des plus riches ensembles qui fussent au monde en fait de livres de voyages.


On trouve la description de cette bibliothèque et les ouvrages qu’elle renferme dans Repertorium bibliographicum ; or, some account of the most celebrated british libraries (London, William Clarke, 1819, p. 203-230). Jusqu’à sa mort il ne cessa d’acheter des livres et n’en vendit aucun, même quand il fut obligé, plus tard, de vendre quelques-uns de ses tableaux.


Beckford, à gauche, avec son libraire, William Clarke, au centre, en 1817.

Toujours levé à six heures, il passait la matinée dans sa bibliothèque, coupant son travail d’un léger repas à dix heures : il lisait, annotait ses livres, étudiait les catalogues, entretenait avec les marchands une correspondance passionnée. Après son déjeuner à quinze heures, il s’en allait à cheval, ou en voiture, à travers ses terres, surveillant les travaux, examinant les jardins, s’inquiétant de ses fermiers et de ses serviteurs. Un visiteur venait parfois de Londres ou du continent, pour quelques jours : ainsi, en 1800, une réception fastueuse en l’honneur de lord Nelson dura trois jours.

En 1796, il acheta en bloc la bibliothèque de l’historien britannique Edward Gibbon (1737-1794) et la laissa en dépôt chez son médecin, le Docteur Frédéric Schöll (1757-1835), à Lausanne. Il fit démolir le château de son père en 1807. En 1810, il maria sa fille Susannah-Euphémia (1786-1859) au duc Alexander Hamilton (1767-1852), 10e duc d’Hamilton. L’année suivante, sa fille Margaret (1784-1818) épousa le major général James Orde († 1850).


Conséquence du mouvement abolitionniste, la diminution de ses revenus de la Jamaïque l’obligea en 1823 à vendre Fonthill Abbey, et une partie de ses collections, dont 20.000 volumes de la bibliothèque, à John Farquhar (1751–1826), un ancien officier qui avait fait fortune aux Indes. Il se retira au Lansdown Crescent, à Bath (Somerset), où il fit construire, de 1825 à 1827, la Lansdown Tower, par l’architecte Henry Goodridge (1797-1864) :

« un appartement de la tour portait plus particulièrement le nom de chapelle. Cette chapelle communiquait à une bibliothèque, autre sanctuaire où un bibliophile se serait volontiers laissé ensevelir tout vivant. On y respirait ce délicieux parfum de peau de vélin et de cuir de Russie, qui parle si vivement aux sens de l’amateur de livres. Tous les aromates réunis sur le bûcher de Sardanapale n’étaient rien auprès de cette atmosphère embaumée. Du sommet de la tour, […] un œil exercé pouvait distinguer la tour de Fonthill. Serait-il vrai que la seconde tour n’eût été érigée que pour se procurer ainsi la vue de la première toujours regrettée ? » (In The Athenæum, Londres, 10 mai 1844)

Il était fasciné par les littératures de l’Orient. Des deux éditions de son œuvre principale publiées anonymement la même année, mais totalement différentes, contrairement à ce que dit Stéphane Mallarmé dans sa préface à l’édition de 1876 par Adolphe Labitte, la première est Vathek (Lausanne, Isaac Hignou et Cie, 1787, in-8, iv-204 p.), la seconde Vathek, conte arabe (Paris, Poinçot, 1787, in-8, 190 p.), dont le texte fut préparé par son médecin et ami lausannois François Verdeil (1747-1832). Beckford copia dans l’abbaye de Fonthill l’orgueil babélique du calife, héros de son roman. Le journaliste Cyrus Redding (1785-1870), son biographe, cite aussi de lui, dans Memoirs of William Beckford of Fonthill (Londres, Charles J. Skeet, 1859, vol. II, p. 250), une satire contre la bibliomanie d’une demi-douzaine de feuillets, introuvable et intitulée A catalogue of books to be sold by Maister Thomas Frognall Dibdin.

Le Dernier des libraires français de la « vieille école »

Beckford était donc à Paris depuis 1788. Poursuivant les riches dépouilles que la Révolution jetait dans les rues, il voyait fréquemment le libraire et bibliophile Charles Chardin, quifut pendant trente-cinq ans son fournisseur attitré en livres précieux.
Chardin était né à Saint-Michel-de-Montjoie (Manche), le 9 juin 1742 :

« Charles chardin né hier du legitime mariage de charles chardin Laboureur et de marie chardin ses pere et mere a été baptisé par moy vicaire de cette paroisse ce dixe Jour de Juin mil sept cens quarante deux le parain a été charles Becherel cousin issu de germain dud enfant du côté maternel qui a signé, la maraine charlotte chardin seur dud enfant qui a aussi signé. » [sic]

Il demeurait alors rue Saint-Roch-Poissonnière, ou « petite rue Saint-Roch », [aujourd’hui partie de la rue des Jeûneurs, entre la rue Poissonnière et la rue du Sentier, IIe arrondissement], qui lui revendait quelques curiosités. Après la déclaration de guerre à l’Angleterre, au début de l’année 1793, Chardin apprit que les jours de Beckford étaient menacés. Il courut chez lui, rue de Grenelle, lui fit changer ses vêtements contre ceux d’un commis libraire et le conduisit chez son collègue Jean-Gabriel Mérigot (1738-1818), dit « le Jeune », quai des Augustins, au coin de la rue Pavée [rue Séguier], où il occupa la place de commis. Après quelques semaines, Chardin trouva le moyen de faire délivrer à Beckford un passeport sous un nom d’emprunt, lui permettant de retourner en Angleterre. Jacques-Charles Brunet raconte que Beckford témoigna généreusement sa reconnaissance à son sauveur en lui faisant passer tous les ans une rente de 2.400 francs, jusqu’à sa mort.
Sur la dénonciation de Jean, dit « Louis-Julien », Leymerie, médecin du député Georges Couthon, Chardin fut arrêté le 1er germinal An II [21 mars 1794] comme agent anglais et traduit au Tribunal
révolutionnaire, du 21 au 24 germinal [10-13 avril], avec d’autres, dont le général Arthur Dillon et Pierre-Gaspard Chaumette, dit « Anaxagoras », agent national de la commune de Paris : tous étaient accusés, par le journaliste Jacques Hébert, de complicité dans la conspiration formée contre la liberté et la sûreté du peuple français.
Aux interrogations de l’accusateur public Fouquier-Tinville, Chardin répondit qu’il connaissait Beckford depuis 1787, qu’il l’avait rencontré chez le fils du lord maire de Londres, qu’il l’avait chargé de faire pour lui plusieurs achats de livres, que la bibliothèque trouvée chez lui était la sienne et non celle de Beckford ; qu’il avait chez lui en dépôt des signes de la royauté (bijoux, médailles) parce qu’il en avait été chargé par sa section et par la société populaire ; qu’il s’était intéressé à un nommé Drouin, agent du prince de Wittemberg, que par humanité. Il fut acquitté et libéré.
Cet acquittement provoqua la publication d’une Lettre du citoyen Leymerie, à l’accusateur public, près le Tribunal révolutionnaire :

« J’accuse Fouquier Tinville d’avoir fait acquitter Chardin, chef de légion, se disant Libraire, en supprimant les pièces à sa charge, en n’appelant point les témoins qui avoient fait des déclarations par écrit contre cet agent Anglais. Ledit Chardin prévenu d’avoir conspiré contre la représentation nationale & de s’être approprié une riche & immense bibliothèque, & des chevaux appartenans ci-devant à l’anglais Becfort, & depuis la loi du séquestre des biens de nos ennemis, à la République ; d’avoir dit & fait imprimer qu’il ne connoissoit Becfort que sous des rapports littéraires & typographiques, tandis qu’il y a preuve matérielle qu’il est le chargé d’affaires de cet anglais, dont il reçoit cinq mille livres d’appointemens. » [sic]

La Réponse du citoyen Chardin, de la section de Brutus, à la lettre vraiment contre-révolutionnaire de Leymerie date du 6 fructidor An II [23 août 1794] :

« Qu’il accuse Fouquier-Tinville d’avoir fait acquitter Chardin, chef de légion, se disant libraire, en supprimant les pièces à sa charge, et n’appelant point les témoins qui avoient fait des déclarations par écrit contre cet agent anglais, (ledit Chardin), c’est une calomnie, c’est un crime à punir. […]
Que Leymerie accuse Chardin d’avoir conspiré contre la Représentation Nationale ; qu’il dise qu’il a volé 100 mille écus à la République ; qu’il s’est approprié une riche et immense Bibliotheque, et des chevaux appartenant à Langlais Beckfort, cela peutêtre vraisemblable, mais c’est une fausseté, une calomnie méditée, qui appelle sur Leymerie la vengeance des loix. […]
Les 100 mille écus supposés volés à la Nation, n’existent que dans l’ame atroce de Leymerie. Chardin n’a jamais possédé un écu qui ait appartenu à la Nation, soit à titre de confiance, ou autrement. La bibliothèque qu’il possede lui appartient toute entière, elle est due à son travail constant et pénible, elle est son seul patrimoine et celui de toute sa famille, elle est le fruit et l’objet de son commerce depuis 1779, époque à laquelle il fut ruiné et obligé de vendre une bibliothèque qu’il avoit déjà formée pour lui depuis 1769, et dont le produit fut destiné à l’acquittement de ses dettes. […]
Quant à la riche bibliothèque de Beckford, elle est toute entière dans sa maison ; elle est en séquestre rue Grenelle, les scellés y sont apposés, ainsi que sur ses autres effets, et des gardiens y sont établis, depuis un an. Ses chevaux ont été mis en réquisition par la Nation, […]
Il est de la plus insigne fausseté que Chardin soit le chargé d’affaires de Beckford, il n’en avoit point de Français, […] mais Chardin avoit été prié et chargé du soin de ses livres, et des acquisitions qu’il faisoit pendant ses séjours à Paris. […]
Chardin a reçu effectivement pendant 18 mois 4800 liv. de traitement, payable de trois mois en trois mois pour les soins que dès 1791, il s’étoit engagé de prendre à la recherche des livres que Beckfort désiroit se procurer ; mais son amour ardent pour sa patrie et pour la Révolution, ne lui avoit pas permis d’accepter un traitement annuel de 15000 liv. pour devenir le commensal de cet Anglois, et le suivre constamment dans ses voyages. » [sic]


Du lundi 3 au samedi 29 mai 1779, en 20 vacations, Chardin avait effectivement vendu sa bibliothèque, à l’hôtel Saint-Antoine, rue des Deux Écus [aujourd’hui rue Berger, Ier arrondissement], sous le pseudonyme de « Filheul », qui était le patronyme de sa femme : le Catalogue des livres rares et singuliers du cabinet de M. Filheul (Paris, Dessain junior, 1779, in-8, [4]-lvj-502-[1]-[1 bl.] p., 2.345 [2 numéros 408] + 15 lots). À propos de ce catalogue, Charles Nodier écrivit dans le Catalogue des livres composant le fonds de librairie de feu M. Crozet (Paris, Colomb de Batines, 1841, Seconde partie, p. 190, n° 1601) :

« Je ne sais s’il a existé un amateur du nom de Filheul ; ce qu’il y a de certain, c’est que ce catalogue est celui d’une vente de M. Chardin, bibliophile passionné qui a fait pendant quarante ans le commerce des livres rares et curieux avec un très grand succès. Remarquable par sa belle exécution, il mérite d’ailleurs d’être conservé comme premier specimen des catalogues avec notes, notices et descriptions que les libraires cherchent depuis quelque temps à mettre à la mode, car l’excellent catalogue de la bibliothèque de La Vallière, vol. in-8, est postérieur de quatre ans. La profusion de ces notes laudatives, et souvent fort hyperboliques, dans le catalogue d’une vente dont on doit recueillir le produit, a sans doute quelque apparence de charlatanisme, et ce n’est pas tout à fait sans raison que le Catalogue de Filheul a subi ce reproche ; mais l’enthousiasme des amateurs pour les livres qu’ils ont aimé, est bien digne de quelque indulgence. M. Chardin pensait de ses livres tout ce qu’il en disait, et il l’a prouvé souvent en les rachetant lui-même au prix exorbitant auquel il les avait fait monter. »       

Depuis le commencement de la Révolution, Chardin avait toujours travaillé pour elle, dans la section de Brutus : d’abord commissaire pour administrer les secours aux pauvres, il fut successivement nommé lieutenant, capitaine, commandant en second, commandant en chef, électeur en 1790 et 1792, juré d’accusation du tribunal du 17 août 1792, membre du Comité de bienfaisance en 1793, et enfin chef de la 4e légion. Lors de l’insurrection populaire du 10 août 1792 qui marcha sur les Tuileries, Chardin avait été criblé de coups de fusils.

Vers la fin du mois d’octobre 1793, les comités du gouvernement décidèrent qu’il fallait changer les reliures de tous les livres portant des armes ou des fleurs de lys, enlever les pages armoriées, les préfaces et les dédicaces à des rois, etc. Chardin et le libraire Antoine-Augustin Renouard (1765-1853), et Jean-Philippe-Victor Charlemagne (1766-1794), dit « Charlemagne fils », instituteur et membre de la commune de Paris, – et non l’auteur dramatique Armand Charlemagne (1759-1838), comme le prétend Quérard –, osèrent alors publier des Observations de quelques patriotes sur la nécessité de conserver les monuments de la littérature et des arts (Paris, [Didot aîné], An II [1793]) qui eurent pour effet de rendre un décret pour la conservation des livres menacés. Chardin contribua ainsi à la sauvegarde des reliures armoriées des dépôts publics.      
En 1797, la bibliothèque de H.-Victor Lefébure, particulièrement riche en reliures du xviiie siècle, fut transportée de Rouen à Paris, dans une des salles du Musée, rue de Thionville ci-devant Dauphine, pensant qu’on en tirerait un parti plus avantageux, mais n’a produit que 40.620 francs : Catalogue des livres provenants [sic] du cabinet de feu H. V. Lefébure de Rouen (Paris, Chardin, 1797, in-8, viii-160 p., 2.008 lots).

Une rencontre historique




Au cours de son voyage sur le continent en 1818, qui sera publié trois ans plus tard, Thomas-Frognall Dibdin (1776-1847), accompagné par George Robert Lewis (1782-1871), habile dessinateur et graveur à l’eau forte, rencontra Chardin, qui demeurait alors rue Sainte-Anne, n° 19 :

« rue qui, dans son cours, fait angle droit avec la rue Saint-Honoré, non loin de l’église Saint-Roch. M. Chardin est le seul qui survit encore aux libraires de la vieille écoleà Paris ; […] M. Chardin est d’une taille au-dessus de la moyenne, et ordinairement vêtu d’une roquelaure ; un petit bonnet de soie noire laisse échapper de chaque côté de son front de longues boucles de cheveux gris-blancs. Et ses traits ? Pour cela je vous envoie sa figure même d’après nature, et faite en deux séances qu’il a données à M. Lewis. […] Il habite au premier au-dessus de l’entresol, et les deux ou trois petites pièces qu’il occupe sont abondamment garnies de livres. Leur intérieur est digne d’intérêt ; ses trésors sont renfermés dans des armoires à glaces, dans lesquelles se trouve un assez grand nombre d’articles rares et précieux. […] Il y a à peine sept ans que M. Chardin publia, en un volume in-8° de près de deux cents pages, un Catalogue de manuscrits, et de livres tous sur Vélin. Il a été long-temps renommé pour les raretés en ce genre. […] C’est une manie chez lui que de compléter ses Alde au moyen de feuillets manuscrits ; et que cet expédient soit convenable ou non, je dois dire que l’exécution en est d’une perfection surprenante ; car il est presque impossible, à la lumière, de découvrir la moindre différence entre ce qui est imprimé et ce qui est exécuté à la plume. […] Dans une espèce de couloir, entre sa pièce principale et sa chambre à coucher, se trouve une volumineuse collection de traités et d’ouvrages imprimés relatifs au beau sexe. […] Ce singulier homme est encore très passionné pour toutes les curiosités de l’antiquaille : anciennes porcelaines, anciens dessins, anciennes peintures, anciennes ciselures, anciennes reliques en tout genre » (In A bibliographical antiquarian and picturesque tour in France and Germany. London, 1821, vol. II, p. 400-404. Traduction de l’anglais par G.A. Crapelet dans Voyage bibliographique, archéologique et pittoresque en France. Paris, Crapelet, 1825, t. IV, p. 89-94).


La bibliothèque de Chardin fut dispersée du 9 février au 22 mars 1824, en 34 vacations, dans l’une des six salles de l’hôtel de Bullion, rue J.-J. Rousseau [Ier arrondissement] : bâti en 1630, sur les dessins de Le Vau, pour le surintendant des finances Claude de Bullion, il était consacré aux ventes publiques depuis 1780 et sera en grande partie détruit lors de l’ouverture de la rue du Louvre en 1880. L’avertissement du Catalogue des livres rares et précieux, de manuscrits, de livres imprimés sur vélin (Paris, De Bure frères, 1823, in-8, xj-[1 bl.]-267-[1 bl.] p., 2.791 lots) précise :

« M. Chardin, connu depuis long-temps des personnes qui s’occupent de livres, avoit successivement acquis, soit dans des ventes, soit autrement, une très grande quantité de livres précieux ; mais sa fortune ne lui ayant point permis de conserver tout ce que son goût lui faisoit acheter, il s’étoit défait des uns, pour pouvoir en conserver d’autres. […]
On pourroit, pour ainsi dire, diviser cette collection de livres, en six genres seulement, savoir : En Manuscrits, en éditions du xve siècle, en une collection des Alde, une des Elzeviers, une des classiques grecs et latins appellés Variorum, et une de livres imprimés sur Vélin. […]
M. Chardin s’étoit plu à faire recopier les feuillets qui manquoient, de manière à en imiter l’impression ; […] Ces feuillets refaits se trouvent principalement dans les Alde et dans les Elzeviers, dont plusieurs aussi ont été lavés ; ils ont été écrits presque tous par Fyot [François-Florent Fyot, calligraphe], qui imitoit dans une telle perfection les impressions et les vignettes anciennes, qu’il seroit souvent difficile de s’en apercevoir. 
M. Chardin n’a pu se décider à se défaire de la totalité de ses livres, que parce qu’étant presque toujours dans un état de souffrance et de maladie, il lui est impossible de s’en occuper, comme il avoit l’habitude de le faire ; nous ne croyons pas que d’ici à long-temps, il se présente pour les amateurs de vieux livres une occasion semblable à celle-ci. » [sic]

Chardin, malade, dut mourir peu de temps après. On ne connaît pas la date de son décès, mais on trouve aux Archives de Paris, dont l’état civil antérieur à 1860 a été partiellement reconstitué, deux Charles Chardin décédés : l’un dans l’ancien IIe arrondissement [IXe aujourd’hui], le 30 novembre 1826 ; l’autre dans l’ancien XIIe arrondissement [Ve aujourd’hui], le 27 décembre 1827.

Concernant sa propre bibliothèque, Chardin avait aussi publié une Notice des livres, dont plusieurs sont superbement conditionnés (Paris, Guillaume De Bure l’aîné, 1793, 7p.), qui furent vendus le samedi 18 mai 1793 en l’une des salles de l’hôtel de Bullion, rue J.-J. Rousseau ;



un Catalogue des livres rares et précieux de M. Chardin (Paris, Guillaume De Bure, Père et fils, 1806, in-8, [2]-vi-215 p., 2.126 lots), dont la vente s’est faite rue des « Bons-Enfans » à partir du lundi 27 janvier ;



un remarquable Catalogue de livres précieux, manuscrits et imprimés sur peau-vélin, du cabinet de M.**  (Paris, Impr. Leblanc, 1811, in-8, VI-179-[1 bl.] p.), qui n’était pas destiné à une vente publique et où on remarque divers manuscrits de Jarry, des copies figurées faites par le calligraphe Fyot, la Bible polyglotte d’Arias Montanus (Anvers, 1569, 8 vol. in-fol.), les Anecdota graeca publiés par Villoison (1781, 2 vol. in-fol.), Le Roman de la rose (Vérard, 1494, in-fol.), la Collection dite « d’Artois » (Paris, Didot l’Aîné, 1780-1784, 64 vol. in-18), etc. ; sans oublier un catalogue d’éditions « cum notis variorum » (1809, 283 ouvrages formant 107 vol.) et un catalogue d’éditions elzeviriennes (102 ouvrages, 234 vol.).

En Angleterre, Beckford légua tout ce qu’il possédait à sa fille et à son gendre, le duc Alexandre Hamilton. Celui-ci voulut vendre la bibliothèque, qui avait été transportée à Hamilton Palace, mais la duchesse s’y opposa, par respect pour la mémoire de son père. 


La bibliothèque fut finalement vendue à Londres par Sotheby, Wilkinson et Hodge : The Hamilton Palace Libraries. Catalogue of  […] the Beckford Library, removed from Hamilton Palace (première partie [A-F], 30 juin 1882 ; seconde partie [G-M], 11 décembre 1882 ; troisième partie [N-T], 2 juillet 1883 ; quatrième partie [U-Z], 27 novembre 1883).




Une cinquième partie fut vendue en 1884 : The Hamilton Palace Libraries.Catalogue of valuable books returned from the sales of the Beckford & Hamilton Libraries, having been found to be imperfect.            








Les Regrets du comte de La Bédoyère

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D’une très ancienne famille de Bretagne dont les origines remontaient au xve siècle, Noël-François-Henri Huchet, comte de La Bédoyère, fils aîné de Charles-Marie-Philippe Huchet de La Bédoyère (1751-1809) et de Judith-Félicité des Barres (1757-1817), fille du marquis des Barres, propriétaire du château de Raray (Oise), naquit à Paris le 21 novembre 1782.


Il épousa en 1809 Ambroisine-Louise d’Estampes (1789-1847), qui lui donnera deux garçons et trois filles. Attaché à la monarchie, il entra dès 1814 dans les Gardes du corps du Roi. Lors des Cent-Jours, il eut la douleur de voir son jeune frère, le général Charles de La Bédoyère (1786-1815), rallier son régiment à Napoléon, qu’il était chargé d’arrêter devant Grenoble, et être fusillé au retour de Louis XVIII. En 1823, Henri de La Bédoyère participa à l’expédition française en Espagne. Aux élections législatives de 1827, il tenta sa chance en politique : nommé président du collège électoral de Soissons, sa candidature échoua de peu aux élections du grand collège. En 1830, il accompagna le roi Charles X et sa famille jusqu’à Cherbourg, et reçut en récompense de sa fidélité la croix de Saint-Louis, avant d’être rayé des contrôles de l’armée, pour refus de serment. Il mourut en son hôtel parisien le 18 juin 1861, chevalier de la Légion d’honneur et de Saint-Ferdinand d’Espagne.


Ce colonel de cavalerie très cultivé avait donné des traductions estimées, de l’anglais de Samuel Johnson (Voyage dans les Hébrides ou îles occidentales d’Ecosse. Paris, Colnet, An XII [1804], in-8) et de Henry Fielding (Tom Jones, ou Histoire d’un enfant trouvé. Paris, Firmin Didot, 1833, 4 vol. in-8), ainsi que de l’allemand de Goethe (Werther. Paris, Colnet, 1804, in-12, puis Les Souffrances du jeune Werther. Paris, P. Didot l’Aîné, 1809, in-8). Il avait également publié son Journal d’un voyage en Savoie et dans le midi de la France en 1804 et 1805 (Paris, Giguet et Michaud, 1807, in-8), dont la seconde édition parut chez Crapelet en 1849.  

A l’amour de la littérature, il avait joint l’amour des livres, et formé une des plus belles bibliothèques de la capitale, se rendant dans les grandes ventes qui eurent lieu en France et en Angleterre.

C'est ainsi que dès 1804, à la vente des livres de Jules-François de Cotte (1721-1810), ancien directeur de la Monnaie des médailles de France, il avait acheté pour 112 fr. l’édition originale, dans sa première reliure en maroquin rouge doublée de maroquin de même, de l’Histoire du vieux et du nouveau Testament (Paris, P. Le Petit, 1670, in-4), dite « Bible de Royaumont », qui passa dans la bibliothèque de Jacques-Charles Brunet en 1837, pour 200 fr., puis dans celle de Madame Gabriel Delessert (1806-1894), née Valentine de Laborde, en 1895, et dans celle d’Édouard Rahir (1862-1924), en 1937, avant d’être adjugée 23.009 € à la deuxième vente Berès du 28 octobre 2005.
En 1810, à la vente des livres du diplomate Antoine-Bernard Caillard (1737-1807), qui avait publié lui-même le catalogue de sa bibliothèque en 1805, tiré alors à 25 exemplaires et réimprimé après sa mort pour servir à la vente de ses livres, il avait fait d’importantes acquisitions, dont Les Aventures de Télémaque (Amsterdam, Wetstein, 1734, in-fol.), dans un maroquin bleu du Levant, et Les Héros de la Ligue (Paris, Peters, 1691, in-4), dans un maroquin de Derome.
En 1811, il avait été présent à la vente des livres de Firmin Didot (1764-1836), qui avait acheté en 1807 la bibliothèque du philosophe et académicien Jacques-André Naigeon (1738-1810), et qui la mettait en vente quatre ans plus tard, avec le reste de sa riche collection. Le comte de La Bédoyère y avait trouvé les Œuvres de Rabelais (Amsterdam, J.F. Bernard, 1741, 3 vol. in-4), les Œuvres de Molière (Paris, David l’aîné, 1739, 8 vol. in-12) et les Œuvres de Boileau (Paris, David et Durand, 1747, 5 vol. in-8), tous dans un maroquin rouge de Padeloup, ainsi que les Contes et Nouvelles en vers, par La Fontaine (Amsterdam [Paris], 1762, 2 vol. in-8), édition dite « des fermiers généraux » , dans un maroquin citron à compartiments de Derome, le plus bel exemplaire connu de ce livre.
La même année, c’est à la vente du comte Léon d’Ourches ( 1766-1843), de Nancy, que La Bédoyère avait acheté un magnifique exemplaire de l’Histoire du vieux et du nouveau Testament (Anvers [Amsterdam], P. Mortier, 1700, 2 vol. in-fol.), dite « Bible de Mortier », dans sa première reliure en maroquin, en grand papier, et dont la dernière planche, page 145 du tome II,  était « avant la marque des clous » : cette planche ayant été cassée, on avait employé, pour la raccommoder, des clous dont les empreintes sur les tirages avaient donné des exemplaires « après les clous ». Il y avait acheté aussi le plus bel exemplaire qu’on puisse voir du Dictionnaire historique et critique, par Bayle (Rotterdam, Mich. Bohm, 1720, 4 vol. in-fol.), en grand papier, dans une reliure en maroquin violet de Derome.
De la vente des livres du général Bathelémy-Louis-Joseph Scherer (1747-1804), en 1813, provenaient les Œuvres de J.-J. Rousseau (Paris, Defer de Maisonneuve, 1793 et suivantes, 18 vol. in-fol.), un des quatre ou six exemplaires tirés dans le format in-folio, dans une reliure de Bozerian en maroquin rouge, et un superbe exemplaire de la première édition de l’Histoire naturelle générale et particulière, par Buffon(Paris, impr. royale, 1749 et suiv., 56 vol. in-4), dans une reliure en maroquin rouge de Bozerian aîné, le plus bel exemplaire qu’on puisse trouver.
En 1815, La Bédoyère avait été à la vente des livres du comte Justin de Mac-Carthy Reagh (1744-1811), où il avait pu acquérir, outre des exemplaires provenant du cabinet de Paul Girardot de Préfond, un magnifique exemplaire sur grand papier, dans une reliure en maroquin bleu, des Œuvres de Boileau (Amsterdam, Mortier, 1718, 2 vol. in-fol.), dont on ne connaissait que quatre exemplaires ; le Recueil des Caquets de l'accouchée (s.l., 1622, in-8), dans une reliure en maroquin bleu de Derome, composé des  numéros 1, 2, 3, 4, 5, 7 et 8 des Caquets de l’accouchée, de la Réponse aux Caquets, n° 6, de l’Anti-Caquet et de sa réimpression sous le titre de Commentaire de César ; les Œuvres de Clément Marot (La Haye, Moetjens, 1700, 2 vol. in-12), dans une reliure en maroquin rouge de Derome ; les Anecdotes of painting in England, par Horace Walpole (Strawbery-Hill, Th. Farmer, 1762-63-71, 5 vol. in-4), superbe exemplaire dont on trouve difficilement les 5 volumes réunis, dans une reliure en maroquin rouge de Derome ; les Fables de La Fontaine (Paris, Desaint, 1755-1759, 4 vol. in-fol.), exemplaire en très grand papier de Hollande,  dans une reliure en maroquin rouge de Derome ;  les M.T. Ciceronis opera omnia (Lugd. Batav., ex offic. Elzev., 1642, 10 vol. in-12), magnifique exemplaire dans un maroquin rouge de Derome.
En 1817, il avait acheté une partie de la collection d’écrits sur la Révolution  vendue par la veuve du député Louis Portiez (1765-1810), dit « de l’Oise ».
En 1823, à la vente du vicomte Charles-Gilbert Morel de Vindé (1759-1842), il avait acheté le superbe
manuscrit Preces piae, cum calendario, du xve siècle, sur vélin, orné de 183 miniatures, in-quarto dans un maroquin rouge de Purgold.
En 1825, à la vente d’un choix de manuscrits sur vélin, provenant de la bibliothèque du prince Mikhail Petrovich Galitzin (1764-v. 1835), à Moscou, La Bédoyère s’était offert deux précieux manuscrits :  l’Adonis, par La Fontaine, exécuté par le calligraphe Nicolas Jarry en 1658 (in-fol. de 26 f., dans un maroquin rouge de Le Gascon), et les Poésies diverses, par La Fontaine, exécuté par Monchaussé vers 1745 et décoré par Marolles (2 vol. in-4, dans une reliure en maroquin bleu, venant du cabinet de Gaignat).
En 1827, à la vente des livres du marquis Hippolyte de Châteaugiron (1774-1848), La Bédoyère avait emporté un exemplaire en grand papier de l’Histoire des juifs (Bruxelles, Fricx, 1701-1703, 5 vol. in-8), dans une reliure ancienne en maroquin rouge qui pouvait être d’Anguerrand.
D’autres livres rares et précieux étaient entrés dans cette bibliothèque : Le Romant de la rose (Paris, Galliot du Pré, 1529, in-8), exemplaire du comte d’Hoym, dans un maroquin bleu doublé de maroquin citron ; M. T. Ciceronis opera (Paris, Coignard, 1740-1742, 9 vol. in-4), grand papier dans un maroquin rouge aux armes du chancelier d’Aguesseau ; un des douze exemplaires restant du De l’utilité de la flagellation dans la médecine et dans les plaisirs du mariage (Londres [Besançon], 1801, in-8) dans un maroquin citron ;  L’Extrême-Onction de la marmite papale (1561, in-8), bel exemplaire d’un ouvrage très rare, dans un maroquin rouge de Derome.

Ex-libris de Henri de La Bédoyère
"Ecartelé : aux 1 et 4, d'argent, à trois huchets de sable ;
aux 2 et 3, d'azur à six billettes percées d'or, posées, 3, 2 et 1" 

Les reliures des Du Seuil, Padeloup, Derome, Bradel, ainsi que d’autres reliures anciennes anonymes, recouvrant toujours des ouvrages de choix, étaient nombreuses et très bien conservées. Les livres non rognés étaient aussi en très grand nombre. Le comte achetait souvent plusieurs exemplaires du même ouvrage moderne pour en former un sans défaut ; souvent illustré de dessins originaux et des plus belles suites de vignettes, le livre était alors livré au relieur, Bozerian, Simier, Thouvenin, Purgold ou Bauzonnet.
La Bédoyère avait probablement inventé « l’art de coiffer les livres », selon l'expression de Firmin Maillard, en les glissant dans un étui. Bibliomane et bibliotaphe, il ne prêtait jamais ses livres. Il était devenu membre de la Société des Bibliophiles françois le 16 mars 1829.


En 1837, pour une raison inconnue, Henri de La Bédoyère avait décidé de vendre les livres rares et précieux de sa bibliothèque : Catalogue des livres rares et précieux de la bibliothèque de M. le comte de La B*** (Paris, Silvestre, 1837, in-8, [6]-x-214-[2] p., 1.750 lots), dont 12 exemplaires furent tirés sur papier de Hollande. La vente s’était déroulée du mardi 4 au samedi 29 avril, en 23 vacations, chaque jour à 18 heures, chez Silvestre, rue des Bons-Enfants.


N° 84 : La Religion des mahométans
La Haye, Vaillant, 1721, in-12, rel. Derome

Elle avait provoqué l’émerveillement des bibliophiles et produit 108.753 francs.

Regrettant sa décision, il passa le reste de sa vie à retrouver les volumes qu’il avait vendus, et les paya parfois très cher. Ce fut le cas, en particulier, pour la « Bible de Mortier », les Preces piae, cum calendario, l’Histoire naturelle par Buffon, les Œuvres de Boileau, l’Adonis de Jarry, Le Voyage historique et pittoresque de l’Istrie et de la Dalmatie par Lavallée (Paris, 1802, 2 vol. in-fol., demi-rel. à coins de mar. bleu de Bauzonnet), exemplaire unique orné de 60 dessins originaux de Cassas, le Dictionnaire par Bayle. Mais il ne put les racheter tous, notamment son exemplaire des Contes, par La Fontaine, édition « des fermiers généraux », acheté 645 fr. en 1837 par le libraire Jacques-Charles Brunet (1780-1867).


Il établit une correspondance avec de nombreux libraires, voyagea pour augmenter ses collections, fréquenta assidûment les bouquinistes des quais, qui connaissaient bien son sac et son chien, terrier de Bedlington, et forma alors une seconde bibliothèque, dans son hôtel du 51 rue Saint-Dominique (VIIe arrondissement),  voisin immédiat de l’hôtel Kinsky.

Dès 1839, La Bédoyère put acquérir plusieurs dizaines d’ouvrages à la vente du vicomte René-Charles Guilbert de Pixerécourt (1773-1844), dont La Ville et la République de Venise (La Haye, Adr. Moetjens, 1685, in-12, v. olive de Simier), exemplaire de Charles Nodier, Engravings illustrative of Don Quichote (Londres, 1817, in-fol., 71 grav. , demi-rel. à coins de mar. de Thouvenin), les Fables de La Fontaine (Paris, Didot l’aîné, 1787, 6 vol. in-18, mar. bleu du Levant de Bozerian), Les Baisers par Dorat (La Haye, Paris, 1770, in-8, mar. r. de Bozerian), l’Histoire du grand Tamerlan (Amsterdam, Wolfgang, 1678, in-12, mar. olive de Thouvenin), Le Passe-Temps royal de Versailles (Cologne, P. Marteau, 1695, in-12, demi-rel. mar. r. de Simier).
En 1844, à la vente d’Alexandre Martineau de Soleinne (1784-1842), il récupéra la rare Tragédie sainte, par François Davesne (Paris, Boisset, 1651, in-12, rel. anc. mar. r.). La même année, à la vente de la bibliothèque de Charles Nodier (1780-1844), il acheta quatre ouvrages reliés en maroquin par François Koehler, ancien doreur de Thouvenin : Alaric, par Scudéry (La Haye, Jacob van Ellinckhuysen, 1685, in-12), Le Retour de Jacques II à Paris (Cologne, Pierre Marteau, 1696, in-12), le Journal amoureux de la cour de Vienne (Cologne, P. Marteau, 1689, in-12), et les Œuvres diverses d’un auteur de sept ans (S. l., s.d. [v. 1678], in-4), magnifique exemplaire d’un livre tiré à petit nombre et provenant de la bibliothèque du comte d’Ourches.
En 1847, à la vente de Pierre-Adolphe du Cambout, marquis de Coislin (1801-1873),  qui avait fait relier ses livres en maroquin, avec ses armes sur les plats et le chiffre P.A.C. [Pierre-Adolphe Coislin] aux angles, La Bédoyère acheta les Contes et Nouvelles en vers, par La Fontaine (Amsterdam [Paris, Barbou], 1762, 2 vol. in-8, rel. mar. r. de Derome jeune), édition dite « des fermiers généraux », et L’Admirable Histoire du chevalier du Soleil, traduite de l’espagnol par François de Rosset (Paris, Guillemot et S. Thiboust, 1625-1643, 8 vol. in-8, rel. anc. mar. vert).  
À celle du marquis Scipion du Roure, en 1848, il put acquérir l’Histoire de l’admirable Don Quixotte de la Manche (Suivant la copie imprimée à Paris, Claude Barbin, 1681, 4 vol. in-12), édition qui se joint à la collection des Elzevier, et le recueil de Poésies anciennes de Caron et son complément par Montaran (Paris, 1798-1806 et 1829-1830, 5 vol. in-8, mar. r. de Thouvenin). La même année, il fut à celle du comte Victor de Saint-Mauris où il se paya une douzaine d’ouvrages dont une Collection de 647 pièces gravées pour les Œuvres de madame de Staël, les Œuvres choisies de Dorat (Paris, Janet et Cotelle, 1827, in-8, demi-rel. à coins de mar. r. de Koehler), les Œuvres poétiques d’Alphonse de Lamartine (Paris, Jules Boquet, 1826, 2 vol. in-8, mar. grenat de Muller), Les Trois Mousquetaires, par Alexandre Dumas (Paris, Fellens et Dufour, 1846, in-8, demi-rel. à coins, mar. r., de Niedrée).
À cause des évènements qui suivirent la Révolution de février, la vente de la bibliothèque de Marie-Jacques De Bure, riche surtout en ouvrages bibliographiques reliés en veau fauve par Bradel, fut retardée en mars 1849. À la fin de l’année 1849, La Bédoyère se rendit à Gand, à la vente du rentier R. Brisart et s’offrit la Galerie des peintres flamands, hollandais et allemands, par Le Brun (Paris, 1792, 3 vol. in-fol., 201 pl. grav., demi-rel. à coins).
À celle du magistrat Louis-Jean-Nicolas Monmerqué (1780-1860), en 1851, il acheta The Ancient English Romance of Havelok the Dane (Londres, W. Nicol, 1828, in-4, br.), tiré à 40 exemplaires pour le Roxburghe club, avec un envoi du comte Spencer.
À celle de Jean-Jacques De Bure, en 1853, il emporta Atala, René, par Chateaubriand (Paris, Le Normand, 1805, in-12, mar. bleu de Bozerian). L’année suivante, il fut à la vente des livres d’Antoine-Augustin Renouard au cours de laquelle il se rendit acquéreur de nombreux ouvrages et, en particulier, des 120 dessins de Marillier pour le Cabinet des fées, des 85 dessins du même pour les Voyages imaginaires, des 32 dessins du même pour les Œuvres de Le Sage et des 77 dessins du même pour les Œuvres de l’abbé Prévost.
En 1857, la vente du comte Adolphe-Narcisse Thibaudeau (1795-1856), secrétaire de la Société du chemin de fer de Rouen, ancien rédacteur du National, lui donna l’occasion d’acheter l’exemplaire de Renouard contenant neuf dessins, sur onze, de Lafitte pour les Œuvres de Destouches.


Pierre de Saint-Julien : De l'origine des Bourgongnons (Paris, N. Chesneau, 1581)
Relié aux armes de Charles Huchet (1683-1759), procureur général
au Parlement de Bretagne, arrière-grand-père de Henri de La Bédoyère :
"D'azur, à six billettes d'argent percées, posées 3, 2 et 1"

Anciennes ou modernes, les très nombreuses reliures ornant la seconde bibliothèque de La Bédoyère sortaient des ateliers les plus célèbres :  Anguerrand, Bauzonnet, Bisiaux, Boyet, Bozerian le « jeune », Bradel, Carroll, Capé, Chaumont, Closs, Courteval, Derome, Du Seuil, Gardien, Ginain, Duru, Héring, Koehler, Lardière, Lefèvre, Lestringant, Meslan, Mouillié, Muller, Niedrée, Ottmann-Duplanil, Padeloup, Petit, Purgold, Simier, Thompson, Thouvenin, Trautz-Bauzonnet et Vogel.

Le comte avait aussi formé une collection des plus importantes sur la Révolution française, l’Empire et la Restauration : plus de cent mille pièces, dont 6.000 pamphlets, des affiches et des placards ; quatre mille volumes de procès-verbaux, mémoires, almanachs ; deux mille journaux politiques ; plus de 4.000 gravures historiques ; plus de 80 dossiers de lettres autographes.  
C’est à cette époque qu'il avait retrouvé le libraire François-Noël Thibault, dit « France », père du petit Anatole qui allait jouer dans le jardin de l’hôtel du comte. Sa librairie était installée sur le quai Malaquais, puis sur le quai Voltaire : elle était une des dernières librairies « à chaises » et une maison d’édition de livres sur la Révolution et sur les utopies du xixe siècle. C’est vers 1826, quand il était dans les Gardes du corps du Roi, que La Bédoyère avait remarqué cet ancien valet de ferme qui apprenait à lire et à écrire, auquel il avait communiqué sa passion des collections historiques et littéraires.
En 1843, La Bédoyère avait acheté en bloc la collection sur la Révolution de l’avocat François-Joseph Deschiens (1769-1843), puis l’avait augmentée considérablement en achetant les collections du dramaturge René Alissan de Chazet (1774-1844), devenu bibliothécaire des châteaux de Versailles et de Trianon, et du colonel Nicolas-François Maurin (1765-1848).
Alissan de Chazet avait tenu un bon nombre de journaux des mains de Jean-Baptiste Isoard de Lisle (1741-1816), dit « Delisle de Sales », auteur d’un De la philosophie de la nature condamné en 1775, et dont la bibliothèque de 24.852 volumes occupait quinze ou seize pièces d’une maison dont il n’arrivait pas à payer les loyers : cette gêne avait été provoquée par ses nombreuses publications dont la plupart n’eurent aucun succès de librairie. Dans l’avis de l’Analyse du Catalogue de la bibliothèque de M. de Sales, membre de l’Institut de France, qu’il avait lui-même rédigée en 1810, il avoue sa situation financière embarrassée : 

« Si un Prince, à l’exemple de l'Impératrice Catherine II, qui acheta la bibliothèque de Diderot, voulait ne prendre dans la mienne qu’un certain nombre de livres de choix, et me laisser, sous ses auspices, la jouissance du reste, le peu de temps que la nature me permettra encore de jouir de la vie, on sent que le traité présenterait pour lui infiniment plus d’avantages. »

La collection révolutionnaire de Delisle de Sales était composée de 2.000 volumes reliés et de près de 1.600 cartons renfermant environ 20.000 pièces. Il y avait aussi 600 cartons recelant 500 journaux dont 300 parfaitement complets ; 23 cartons étaient remplis d’écrits relatifs à Mirabeau ; 30 étaient gonflés de brochures sur, contre ou pour Marat ; plus de 120 cartons étaient consacrés à des facéties depuis longtemps introuvables. Toute la bibliothèque avait été dispersée après sa mort, et vendue misérablement pour environ 30.000 francs.
Le colonel Maurin avait mis quarante ans à former son cabinet. Il avait acquis successivement quelques-uns des papiers des conventionnels Edme-Bonaventure Courtois (1754-1816), Marie-Pierre-Adrien Francastel (1761-1831) et André Dumont (1764-1838). Tous ceux du patriote Pierre-François Palloy (1754-1835) étaient passés dans ses mains. Une sœur de Marat lui avait aussi donné des pièces venant de son frère. En 1795, il s’était trouvé en garnison au Fort Barraux, le plus ancien fort bastionné de France, dans le département de l’Isère, lorsqu’il apprit que le château Bayard, maison natale du chevalier Pierre Terrail (1476-1524), dit « le Chevalier sans peur et sans reproche », en grande partie ruiné sur la commune voisine de Pontcharra, et tout ce qu’il contenait, était à vendre ; outre quelques bibelots, il avait acheté toutes les archives, qui avaient été entassées dans une dizaine de caisses et expédiées à Paris ; mais elles n’étaient jamais arrivées à destination, et, malgré les recherches, on n’avait jamais découvert ce qu’elles étaient devenues.
La vente avec Catalogue des livres rares et précieux imprimés et manuscrits, dessins et vignettes, composant la bibliothèque de feu M. le comte H. de La Bédoyère (Paris, L. Potier, 1862, in-8, xiv-[2]-400 p., 2.846 lots) eut lieu en 19 vacations, du lundi 3 au lundi 24  février 1862, chaque jour à 19 heures, rue des Bons-Enfants, Maison Silvestre,
et fut suivie d’une deuxième partie avec Catalogue des livres vignettes et lettres autographes, composant la bibliothèque de feu M. le comte H. de La Bédoyère (Paris, L. Potier, 1862, in-8, VI-192 p., 1.658 lots + 71 lettres autographes + 8 livres en nombre), vendue en 11 vacations du lundi 24 novembre au vendredi 5 décembre 1862. La première partie rapporta 155.439 fr. 75 c., la deuxième partie 13.124 fr. 40 c.  : la « Bible de Mortier », 645 fr. [n’avait été vendue que 350 fr. en 1837] ; le manuscrit Preces piae, 800 fr. [acheté 800 fr. en 1823, il avait été retiré à 665 fr. à la vente de 1837] ; l’Histoire naturelle par Buffon, 1295 fr. [avait été retiré à 4.000 fr. à la vente de 1837] ;  le Dictionnaire, par Bayle, 1025 fr. [avait été acheté 1.400 fr. en 1811 par La Bédoyère, et vendu 1001 fr. en 1837] ; la perle du cabinet, le manuscrit Adonis, écrit par Jarry, 9.025 fr. [avait été acheté 2.900 fr. en 1825 par La Bédoyère, qui l’avait racheté 1.550 fr. en 1837] ; les Œuvres de Boileau, 500 fr. [avait été acheté 2.195 fr. à la vente de Mac-Carthy en 1815, et retiré à 2.000 fr. à la vente de 1837].

À ces deux catalogues de vente, on doit joindre la Table alphabétique des noms d’auteurs, traducteurs, commentateurs, dessinateurs et graveurs ; des ouvrages anonymes et des pseudonymes, précédée d’une notice par M. Jules Janin, et suivie de la liste des prix d’adjudication (Paris, L. Potier, 1862, in-8, XII-55-[1 bl.] p.).




La collection révolutionnaire de La Bédoyère fut mise en vente la même année chez le libraire France, qui en avait rédigé le catalogue : Description historique et bibliographique de la collection de feu M. le comte H. de La Bédoyère […] sur la Révolution française l’Empire et la Restauration (Paris, France, 1862, in-8, [6]-XVI-687-[1 bl.] p., 3.129 lots), avec un portrait en frontispice et  un « Avis » qui précise :

« Comme il serait regrettable de voir disséminer cette collection, qui est un véritable monument historique de l’histoire de la Révolution française, elle est en conséquence offerte en totalité. »

Elle fut acquise en entier par la Bibliothèque impériale en avril 1864, pour 90.000 francs, à l’initiative de son administrateur général-directeur, Jules-Antoine Taschereau (1801-1874).


La Bibliothèque de l’hôtel Lambert

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Berceau familial d’une lignée de magistrats, l’hôtel Lambert, par sa situation exceptionnelle à l’extrémité orientale de l’île Saint-Louis – à l’angle formé par la rue Saint-Louis-en-l’Île (IVe), où se trouve l’entrée principale, et par le quai d’Anjou, où est l’entrée de service – est l’un des plus beaux spécimens parisiens de l’architecture du xviie siècle : bâti par Louis Le Vau, l’architecte de Vaux-le-Vicomte (Seine-et-Marne), il est classé Monument historique depuis 1862.

Au rez-de-chaussée se trouvaient la cuisine, les offices, le garde-manger, la salle du commun, les chambres des officiers, la fruiterie, les remises pour plusieurs voitures et les écuries pour seize chevaux.


Au premier étage, à l’extrémité du palier, un vestibule ovale desservait les deux ailes qui se développent en angle droit sur le jardin. Dans la première aile, parallèle au quai d’Anjou, était une galerie peinte en grisaille où est la bibliothèque, ouverte par sept grandes croisées sur le jardin. Dans la seconde aile, le « Cabinet de l’Amour » racontait l’histoire de l’Amour par des toiles d’Eustache Le Sueur (1616-1655), dans des encadrements, au-dessus des portes, au plafond et sur le manteau de la cheminée.


Le deuxième étage était réservé aux réceptions d’apparat. Au-dessus de la bibliothèque s’étendait la « Galerie d’Hercule », décorée par Charles Le Brun (1619-1690).


Au-dessus du « Cabinet de l’Amour », était le « Cabinet des Muses » : les panneaux figuraient les Neuf Muses par Le Sueur, qui a représenté Phaeton demande à Apollon la conduite du char du Soleil pour le plafond et les Heures et l’Aurore pour les dessus-de-porte.


Au troisième et dernier étage, se trouvait le petit « Cabinet des Bains », décoré par Le Sueur, qui vient d’être détruit par un incendie, le 10 juillet 2013.

Sur un terrain qu’il avait acquis en 1639, Jean-Baptiste Lambert (1608-1644), premier commis de Bullion, surintendant des Finances, puis de Fieubet, trésorier de l’Épargne, fit construire cet hôtel.
Sa mort prématurée fit de son frère Nicolas Lambert (1617-1692), dit « Lambert le riche », seigneur de Thorigny [Yonne] et de Sucy-en-Brie [Val-de-Marne], secrétaire du Roi, le nouveau propriétaire. Bientôt maître des requêtes, puis président à la Chambre des Comptes, reçu en 1677, il avait eu, de son union en 1653 avec Marie-Claude Laubespine, fille du marquis de Verderonne, trois fils, dont l’un vécut peu, et une fille.
L’aîné, Claude-Jean-Baptiste Lambert (1653-1703), conseiller au Parlement en 1677, président des Comptes en 1687, hérita de l’hôtel à la mort de son père.


À la mort de Claude-Jean-Baptiste Lambert, la maison devint la propriété de son frère Nicolas Lambert (1666-1729), seigneur de Vermont, conseiller au Parlement en la deuxième Chambre des Requêtes en 1687, et président de cette Chambre en 1697, prévôt des marchands en 1725. Il avait, comme son père, l’esprit porté à la culture des beaux-arts et de la littérature, et augmenta sa bibliothèque. Son portrait, réalisé par Nicolas de Largillière vers 1697, est aujourd’hui au Norton Simon Museum de Pasadena (Californie). Il mourut célibataire, le 10 juillet 1729 :

« Vous êtes priés d’assister au convoy et enterrement de messire Nicolas Lambert, chevalier, conseiller, président honoraire au Parlement de la deuxième Chambre des requestes du Palais, prévost des marchands, décédé en sa maison, rue Saint-Louis, isle Notre-Dame ; qui se fera lundy, onzième juillet 1729, à sept heures précises du soir, en l’église Saint-Louis, sa paroisse, où il sera inhumé. »

Sa bibliothèque fut vendue aux enchères l’année suivante, « post Paschales Ferias » : Bibliotheca Lambertina : seu Catalogus librorum bibliothecæ illustrissimi viri D. D. Nicolai Lambert (Paris, Gabriel Martin, 1730, in-8, [4]-xij-376-[32] p., 3.169 lots + 25 lots [ad usum Delphini]). Le catalogue présente au titre les armes de Nicolas Lambert :


Écartelé : aux 1 et 4, dazurà la licorne dargentnaissante de la pointe au chef dorchargé de trois merlettes de sable, qui est : Lambert ; aux 2 et 3, dazurà la croix de Saint-André dor [ou au sautoir alésé dor] cantonnée de quatre billettes de même, qui est : Aubespine.
Il comporte une très courte table des abréviations, « CLAVIS Notarum, quibus elegantiores Librorum ligaturæ distinguuntur » (p. xij) :

« m. seu mar.       .      .      .      .       .       maroquin.
v. f.      .       .       .      .      .      .       .     veau fauve.
v. m.    .       .       .      .      .      .       .   veau marbré.
Et libri non compacti annotantur bl. idest, en blanc. »                


N° 2.313. Histoire de la conjuration de Portugal.
Paris, veuve Edme Martin, Jean Boudot et Estienne Martin, 1689


Les livres répertoriés aux numéros 1 et 1.190 ont eté exclus de la vente pour être donnés par testament au chancelier Henri-François d’Aguesseau : Biblia Sacra Polyglotta (Londres, Roycroft, 1657, 6 vol. in-fol., mar.) et Cartes de la Géographie ancienne & nouvelle, des Sieurs Sanson (6 vol. in-fol., G. P., mar.). Les grands imprimeurs des xvie Robert Estienne, Simon de Colines, Sébastien Gryphe) et xviie siècles (Elzévirs, Plantin) sont présents ; importance des ouvrages religieux et des ouvrages de droit ; goût pour la poésie et le théâtre ; littérature étrangère, italienne et espagnole ; deux incunables. Existent, une rubrique spécifique d’ouvrages « ad usum Delphini », non numérotés (p. 384 [i.e. 374]-375), un « Appendix » d’ouvrages omis (p. 376), un « Index auctorum » et une rubrique « Addenda et corrigenda ».

Pendant près d’un siècle, l’hôtel Lambert avait appartenu à la noblesse : il passa dans les mains des fermiers généraux en 1732.
En 1745, Marin de La Haye en était le propriétaire. La Haye, écuyer, seigneur et patron de Saint-Germain-des-Vaux, de Marcenou, de Draveil, de Beaumont, et en partie du fief de l’Estre qu’il acquit le 17 janvier 1728, conseiller du Roi, trésorier-payeur des Gages de la Chancellerie près la Cour des Comptes de Provence par provisions du 10 avril 1727, l’un des fermiers généraux de sa Majesté, et administrateur de l’Hôpital général à Paris, naquit le 26 octobre 1684. Il épousa le 13 juin 1714 à Boulogne, près Paris, Demoiselle Marie-Edmée de Saint-Mars, fille de Nicolas de Saint-Mars, bourgeois de Paris, et de Françoise-Thérèse Fourny. Il mourut sans enfant le 3 octobre 1753, et fut enterré en l’église de Saint-Louis, île Notre-Dame.

Sa bibliothèque fut vendue en 1754 : le Catalogue des livres et estampes de feu M. de La Haye, fermier général (Paris, G. Martin, 1754, in-8, xij-396 p., 3.820 lots) se termine par une « Table des auteurs » [p. 369-396]. Bibliothèque encyclopédique de livres majoritairement des xviie et xviiie siècles : l’ouvrage le plus ancien date de 1522 [n° 326 : Recollection des ordonnances royaux concernant le fait des aydes] ; les livres d’histoire sont les plus nombreux [n° 1.942-3.523].

En 1776, les peintures du « Cabinet de l’Amour » et du « Cabinet des Muses »furent vendues au roi Louis XVI, et sont aujourd’hui au Musée du Louvre.
La Révolution, partout ailleurs destructrice, semble avoir épargné l’île Saint-Louis. En 1792, l’hôtel Lambert devint propriété nationale et resta inhabité jusqu’en 1809, quand le comte de Montalivet, ministre de l’Intérieur, s’en rendit acquéreur. Les Montalivet transportèrent dans leur château de La Grange [Saint-Bouize, Cher] un certain nombre de panneaux et de boiseries de l’hôtel Lambert, puis vendirent l’habitation à une entreprise de lits militaires, qui en loua une partie à un pensionnat dirigé par une dame Lagrange. Les ballots de laine et les piles de matelas encombrèrent les salons : une poussière blanchâtre, détachée par la carde, a sali l’or des corniches, les arabesques des boiseries, les solives sculptées des plafonds. Quand, en 1842, le prince Adam Czartoryski (1770-1861) devint propriétaire de la maison, il lui rendit son aspect d’autrefois : l’hôtel devint le refuge de la Pologne en exil, après l’échec de l’insurrection polonaise contre la Russie en 1830-1831. Le baron de Rothschild s’en rendit propriétaire en 1975. En 2007, l’hôtel fut cédé au frère de l’émir du Qatar pour la somme de 80 millions d’euros.


Les Pérégrinations bibliophiliques du Duc d’Aumale

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Le duc d’Aumale, Henri-Eugène-Philippe d’Orléans (Paris, 16 janvier 1822-Zucco, Sicile, 7 mai 1897), cinquième fils du roi des Français Louis-Philippe Ier (1773-1850) et de Marie-Amélie de Bourbon (1782-1866), fut un des plus grands bibliophiles et collectionneurs d’art de tous les temps.




Militaire de carrière dont le nom reste attaché à la prise de la smala d’Abd el-Kader en 1843, il épousa l’année suivante Marie-Caroline-Auguste de Bourbon-Siciles (1822-1869) qui lui donnera sept enfants.  Nommé gouverneur général de l’Algérie en 1847, il fut exilé au sud-ouest de Londres par la révolution de 1848 : d’abord au château de Claremont, propriété de son beau-frère le roi des Belges, puis à


Orléans House en 1844

Orléans House, qu’il acheta à Twickenham. De retour à Paris en 1871, il s’offrit l’hôtel Fould, qui sera détruit en 1880, rue du Faubourg-Saint-Honoré (VIIIe), fut élu à l’Académie française et député de l’Oise, présida le conseil de guerre qui condamna le maréchal Achille Bazaine pour trahison et fut nommé au commandement du 7e corps d’armée à Besançon.
Il fut exilé une seconde fois, de 1886 à 1889, pour avoir protesté contre sa radiation des cadres de l’armée sur proposition du général Georges Boulanger, qui avait voulu ainsi donner des gages aux républicains : à Bruxelles, où il loua une maison rue de Charleroi, et à Londres, où il acheta Moncorvo House, près de Hyde Park.



En 1886, veuf et sans enfant vivant, il légua à l’Institut de France ses collections, ainsi que son domaine de Chantilly, dont il avait hérité en 1830 du dernier prince de Condé, son parrain.
Il avait publié anonymement le 1er mai 1858, dans la Revue des deux-mondes, un article sur « Alésia : étude sur la septième campagne de César en Gaule ».Il a laissé aussi une Lettre sur l’histoire de France (Paris, Dumineray, 1861, in-8) qui a conduit devant la 6e chambre correctionnelle l’éditeur et l’imprimeur François-Henri Beau, de Saint-Germain-en-Laye : le premier  fut condamné à un an de prison, le second à six mois, et chacun à 5.000 francs d’amende ; après avoir été saisi, le pamphlet fut publié à Leipzig, Londres, Bruxelles et Tournai. Le duc d’Aumale fut surtout l’auteur d’une Histoire des princes de Condé (Paris, Michel Lévy frères, 1863-1864, 2 vol. in-8, et Paris, Calmann Lévy, 1885-1896, 8 vol. in-8).

C’est lors de son premier exil en Angleterre qu’il trouva une distraction dans l’amour de l’art et des livres. Resté en relation avec l’historien Alfred-Auguste Cuvillier-Fleury (1802-1887), son ancien précepteur devenu son secrétaire particulier, il lui écrivit en décembre 1848 :

« Je deviens décidément bibliomane : quand je vais à Londres, je vais chez les libraires qui ont de vieux livres ; j’en regarde, j’en marchande, et je m’en vais, me bornant à emporter le catalogue. » 

Il avait reçu en héritage les 800 manuscrits qui restaient de la bibliothèque des Condés et, le cas échéant, il souhaitait acquérir leurs équivalents imprimés. Il suivit donc de près les ventes publiques.

Dès 1849, la plus mauvaise année pour les livres et la bibliophilie, il fit quelques acquisitions à la vente de la bibliothèque de Richard Grenville, 1er duc de Buckingham et Chandos (1776-1839). Il s’intéressa l’année suivante à la vente des livres du lieutenant-général comte Hyacinthe-François-Joseph Despinoy (1764-1848), amateur des beaux-arts et de la littérature italienne, à celle de Pont-Laville, où il fit l’acquisition de plusieurs ouvrages dont les Lettres héroïques du sieur de Rangouze, exemplaire de dédicace orné du chiffre et du portrait d’Anne d'Autriche pour 81 fr., et à celle d’E. Baudelocque, qui vendait ses livres parce qu’il perdait la vue. Le 14 novembre 1850, à la vente de la bibliothèque de M. M***, le duc d’Aumale se rendit acquéreur pour 67 fr. d’un bel exemplaire desCent Nouvelles nouvelles reliées par Capé, et a enlevé à M. Yemeniz une relation inconnue de la Prise d’Alger par Charles-Quint pour 376 fr.
Après la mort de son père, le duc acheta en mars 1851, au château de Bizy, à Vernon (Eure), les 3.504 volumes, dont 250 incunables acquis auprès du bibliographe milanais Gaetano Melzi (1786-1851), de la bibliothèque que le collectionneur anglais Frank Hall Standish (1799-1840) avait constituée et léguée au Roi, pour la somme de 133.000 francs. Cette acquisition fit naître chez le duc une passion pour les imprimés égale à celle des manuscrits. La même année, il fit acheter, à la vente du maréchal Horace Sébastiani (1772-1851), Les Œuvres d’Alain Chartier (Paris, le Mur, 1647, in-4) pour 210 fr., les Œuvres de Clément Marot (Lyon, G. Rouille, 1554, in-16) pour 90 fr. et les Œuvres poétiques de Forcadel (Paris, G. Chaudière, 1579, in-8) pour 59 fr. ;  à la vente Lefèvre-Dallerange, le duc d'Aumale a payé 74 fr. le Liber Psalmorum (Langelier, 1586) dans une somptueuse reliure au chiffre de Catherine de Médicis, et 291 fr. un bel exemplaire de la première et rarissime édition de LaVénerie de Jacques du Fouilloux (Poitiers, de Marnef et Bouchet frères, 1561, in-fol.). Toujours en 1851, à la vente des livres du magistrat Louis-Jean-Nicolas Monmerqué (1780-1860), le Cy nous dit, sorte de manuel d’instruction religieuse illustré de miniatures, sur vélin du xive siècle, fut adjugé 1.000 fr. au duc d’Aumale qui, par ailleurs, donna 212 fr. pour La Muse historique de Jean Loret, recueil de lettres en vers de la seconde moitié du xviie siècle.
En janvier 1852, le duc acheta des livres à la vente des restes des bibliothèques privées de Louis-Philippe Ier, sauvés des pillages du palais des Tuileries et du château de Neuilly, dont le seul exemplaire imprimé sur vélin de La Très Élégante [...] Histoire du roy Perceforest (Paris, Galliot du Pré, 1528, 6 vol. in-fol.) pour 11.100 francs et Joseph, juif et hébreu (Paris, Galliot du Pré, 1534, in-fol.), qui a fait partie de la célèbre bibliothèque des d’Urfé, pour 2.045 fr. La même année, il fut à Londres, à la vente des livres d’Edward Utterson (1776-1857), bibliophile bien connu en Angleterre.
En 1853, il acheta à la vente des livres du libraire Jean-Jacques De Bure, et à celle des livres et des cartes géographiques du baron Charles-Athanase Walckenaer (1771-1852), naturaliste, il a acheté pour 975 fr. un fort bel exemplaire de la Cosmographia de Ptolémée (Rome, 1478), le premier ouvrage où se trouvent des planches gravées en taille-douce, et pour 700 fr. un des sept exemplaires connus du plan de Paris de 1652 par Jacques Gomboust. Le duc entra à la « Philobiblon Society », société de bibliophiles fondée à Londres cette même année.
En 1854, à la vente Armand Bertin (1801-1854), directeur du Journal des débats, un exemplaire, relié en maroquin par Trautz, des Essais de Montaigne (Bourdeaux, 1580, 2 vol. in-8) a été payé 515 fr. pour le compte du duc d’Aumale ; la même année, il commissionna à celle du libraire et bibliographe Antoine-Augustin Renouard (1765-1853).
En 1855, il fit suivre les ventes des bibliothèques de l’abbé Jean-Baptiste de Béarzi, protonotaire apostolique et chargé d’affaires de Sa Majesté le roi des Deux-Siciles à la cour de Vienne, de lord Rutherford, à Edimbourg, et du juriste Charles Giraud (1802-1881), ancien ministre de l’Instruction publique, et donna 1.260 fr. pour le Virgilius (Venetiis, in aedibus Aldi et Andreae Soceri, 1527, in-8) de Grolier.
En janvier 1856, le duc acheta à Gênes, au baron Félix de Margherita, les Très Riches Heures du duc de Berry (xve s.), pour la somme de 18.000 francs. La même année, à la vente de la bibliothèque de l’homme de lettres Jean-Pierre-Agnès Parison (1771-1855), Techener acheta 1.550 fr., pour le compte du duc d’Aumale, le fameux C. Julii Cæsaris Commentarii (Anvers, C. Plantin, 1570, in-8) de Montaigne, acheté 1,50 fr. sur les quais en 1832, et non en 1801 comme il est encore souvent dit : exemplaire « sorti des mains de Montaigne, marqué de son nom, couvert de ses notes, illustré par une page inédite, donnant la date de sa lecture et celle de son âge. »
Au tout début de l’année 1857, le duc fit pousser les enchères à la vente Carlo Riva, de Milan, puis à la vente du tourangeau André Salmon.
L’année suivante, il s’intéressa à la vente de la bibliothèque de François-Xavier-Joseph-Ghislain Borluut de Noordonck (1771-1857), de Gand.
En 1859, il fit l’acquisition, avant leur vente, des 2.910 titres d’ouvrages de la bibliothèque de l’agent de change Armand Cigongne [on doit prononcer « Cigogne »] (1790-1859), considérée comme la plus belle de Paris, pour 375.000 francs, et posséda alors plus de deux cents reliures de Joseph Thouvenin « l’Aîné » décédé vingt-cinq ans auparavant. A la vente Libri, la même année, le duc d’Aumale fit l’acquisition, pour 150 £ [3.750 fr.], d’un volume de Machiavel, Libro dell’arte de la guerra (Vinegia, 1540, in-8), reliure de Grolier.
Puis ce furent les ventes G. Gancia, libraire à Brighton, en 1860, puis Léon Cailhava (1795-1863), de Lyon, dont le relieur favori était Duru, en 1862.
Au début de l’année 1866, à la vente de la précieuse bibliothèque du prince Sigismond Radziwill, constituée à Paris par le prince Michael Radziwill (1744-1831) et qui contenait de nombreuses reliures de Boyet, Padeloup, Bradel, Biziaux et Derome, le duc d’Aumale put acquérir pour 7.050 fr. un exemplaire unique sur vélin du Choix de Chansons mises en musique par de La Borde (Paris, 1773, 4 vol. in-8, mar. r. de Derome), avec les dessins originaux de Moreau, de Le Bouteux et de Le Barbier, qui avait appartenu à la reine Marie-Antoinette.
En 1867, à la vente de la bibliothèque de Nicolas Yemeniz (1783-1871), qui a produit la somme de 724. 252 fr. et 75 c., chiffre le plus considérable qu’aucune bibliothèque d’amateur n’avait jamais atteint, le livre dont le prix a été le plus élevé fut l’Alain Chartier de Vérard, sur peau de vélin, le plus beau livre de la collection, acquis au prix de 11.050 fr. par Léon Techener pour le duc d’Aumale.



Après son retour d’exil, le duc d’Aumale entreprit de reconstruire le Grand Château de Chantilly, qui avait été rasé en 1799, et fit aménager, de 1875 à 1878, le « Cabinet des Livres », dans le Petit Château, ou Capitainerie, du xvie siècle, pour ses 1.500 manuscrits et 11.500 volumes imprimés. L’historien Georges Picot (1838-1909) écrivait en 1897 :

« Dans la galerie des livres, tout était fait pour le travail et la pensée : au milieu, de longues tables attendaient les estampes ou le déploiement des cartes. Tout autour, des vitrines renfermaient les exemplaires les plus rares, depuis les incunables jusqu’aux premières éditions des maîtres de tous les temps. Cette collection ne ressemblait en rien à celles que forme un acheteur riche, en quête du plus intelligent des luxes ; comme les bibliophiles de première marque et plus qu’aucun d’eux, il connaissait tous ses livres, il les aimait, il savait leur place aussi bien dans ses rayons que dans la littérature de leur siècle. Les anecdotes qui avaient enchanté le promeneur dans la galerie de tableaux, il ne les prodiguait pas en face de ses livres ; mais qu’un véritable amateur, qu’un de ses collègues de la Société des Bibliophiles, qu’un lettré vînt le visiter, les vitrines soigneusement fermées s’ouvraient, la conversation changeait de tour, et apparaissait l’érudit le plus précis, très informé et très interrogateur. »

Le duc était effectivement entré à la Société des Bibliophiles françois le 24 janvier 1872, et entra en 1881 à la Société des Amis des Livres, présidée alors par Eugène Paillet (1829-1901), conseiller à la Cour d’Appel de Paris. Cette année 1881, il acheta chez Damascène Morgand le cinquième exemplaire connu des Œuvres de Monsieur Molière (Paris, Claude Barbin, 1673, 7 vol. in-12, mar. r. anc.) qui venait de la vente des livres de Édouard Collin (1808-1886).



En 1888, il fit construire une seconde bibliothèque, dite « Bibliothèque du Théâtre », pour les livres du xixe siècle et les bibliographies.

Revenu de son second exil,  le duc acheta en 1891 à Louis Brentano, à Francfort, pour 250.000 francs, les quarante feuillets illustrés par Jean Fouquet du Livre d’heures d’Étienne Chevalier (xve s.), dépecé à la fin du xviiie siècle, et l’année suivante, il acheta le Psautier de la reine Ingeburge de Danemark (xiiie s.), qui avait appartenu au président Jean-Antoine de Mesmes (1661-1723), à la comtesse de Lignac pour 47.000 francs. En 1894, il se rendit acquéreur de 28 ouvrages à la vente de Raoul-Léonor L’Homme-Dieu du Tranchant, comte de Lignerolles (1817-1893), qui ne faisait relier ses livres que par Trautz, pour la somme de 25.000 francs.

Dès 1850, le duc d’Aumale se révéla être amateur de reliures : « Je sais que les livres rares sont chers ; je sais que les jolies reliures le sont aussi ; mais j’aime les uns et les autres, et surtout les deux choses réunies, et j’y veux mettre le prix qu’il faut. »

Il traita avec de nombreux relieurs, la plupart à Paris : Hippolyte Duru, « qui fait surtout bien les jansénistes et les maroquins lisses, mais qui ne réussit pas aussi bien les livres épais » ; Laurent-Antoine Bauzonnet et Charles-François Capé, qui « sont incontestablement les deux plus forts » ; Georges Trautz, la veuve de Jean-Édouard Niedrée et Pierre-Marcellin Lortic, pour les reliures « les plus faciles » ; Charles Petit, successeur d’Alphonse Simier (1795-1859) en 1849, pour les veaux.



L’habile Jean-Édouard Niedrée (1803-1854) avait épousé la veuve de Frédéric-Guillaume Muller († 1836), successeur lui-même de Joseph Thouvenin « l’Aîné » (1791-1834) et dont les reliures étaient caractérisées par un grand luxe d’ornement. Dans son rapport sur l’Exposition de 1844, Ambroise-Firmin Didot écrivait :
« Toutes les qualités qui ont rendu célèbres les anciens relieurs, Le Gascon, Du Seuil, Padeloup, Derome, sont réunies chez M. Niedrée. Aidé des conseils des bibliophiles les plus distingués, il exécute des reliures dans le style de la Renaissance et du siècle de Louis XIV avec une telle rectitude de dessin et une si grande délicatesse de dorure que les cinq ou six chefs-d’œuvre qu’il a exposés surpassent les plus riches reliures des superbes bibliothèques de Henri II, de Henri III, de Grolier, de De Thou. »
Après la mort de Niedrée, sa veuve tint l’atelier jusqu’en 1860, quand son gendre Jean-Philippe Belz (1831-1917) le reprit : il signa ses reliures « Belz-Niedrée ». Quand il se retira des affaires en 1880, son matériel du passage Dauphine fut repris par Georges Canape (1864-1940).



Le Gascon Pierre-Marcellin Lortic (1822-1892), actif de 1844 à 1884, rival de Trautz et fournisseur habituel de Baudelaire, couvrait ses dos de fers tortillés reconnaissables et fut le premier à remplacer les gardes de papier par de la soie moirée ou du brocart. Il remporta sa première médaille à l’Exposition de Londres en 1851, pour sa splendide reliure du Catholicon de Balbus de Juana , édition de Strasbourg de 1470. Il « a poussé le fini et l’éclat jusqu’à l’impossible ». Edmond de Goncourt écrivait en 1881 :
« Mais pour moi, – quand il est dans ses bons jours, – Lortic, sans conteste, est le premier des relieurs. C’est le roi de la reliure janséniste, de cette reliure toute nue, où nulle dorure ne distrait l’œil d’une imperfection, d’une bavochure, d’un filet maladroitement poussé, d’une arête mousse, d’un nerf balourd, – de cette reliure où se reconnaît l’habileté d’un relieur ainsi que l’habileté d’un potier dans une porcelaine blanche non décorée. Nul relieur n’a, comme lui, l’art d’écraser une peau, et de faire de sa surface polie la glace fauve qu’il obtient dans le brun d’un maroquin La Vallière ; nul, comme lui, n’a le secret de ces petits nerfs aigus, qu’il détache sur le dos minuscule des mignonnes et suprêmement élégantes plaquettes que lui seul a faites. Lortic est encore sans pair et sans égal pour jeter des fleurs de lis sur le plat d’une reliure, et la reliure de mon Histoire de Marie-Antoinette, où sur le semis d’or ressaute, dans le maroquin rouge, le profil d’argent d’une médaille de la Dauphine, est une reliure qui peut tenir à côté des plus parfaits ouvrages des relieurs anciens. » 
De ses deux fils qui lui succédèrent, Marcellin Lortic (1852-1928) resta seul propriétaire de l’atelier de la rue de la Monnaie en 1891. La vente des livres rares et curieux, anciens et modernes, de Pierre-Marcellin Lortic, la plupart couverts de riches reliures exécutées par lui,  dont plusieurs en mosaïque, eut lieu les 19 et 20 janvier 1894.

Mais en 1861, le duc d’Aumale déclarait sans ambiguïté que les trois grands relieurs vivants étaient Trautz, Capé et Duru.

Georges Trautz (Pforzheim, 1808-Paris, 1879) entra en apprentissage en 1822 et, après avoir parcouru l’Allemagne pour se perfectionner, arriva à Paris en 1830. D’abord chargé de la réalisation du corps d’ouvrage dans le modeste atelier de Kleinhans, rue Mazarine, où il profita des leçons d’un habile doreur nommé Debès, il devint en 1833 ouvrier-doreur chez Laurent-Antoine Bauzonnet (Dole, 1795-Paris, 1882), « le grand maître des filets », dont le duc d’Aumale disait en 1856 : « De tous ces relieurs actuels, Bauzonnet était le seul dont la manière sentît un peu l’artiste. »
Bauzonnet avait épousé en 1830 la veuve de son associé, Jean-Georges Purgold (Darmstadt, 1784-Paris, 1829), « le prince des relieurs de son temps » selon le relieur et poète Mathurin Lesné (1777-1841). En 1840, Trautz s’associa à Bauzonnet et épousa sa belle-fille, Alexandrine Purgold. Dès lors, les reliures furent signées « Bauzonnet-Trautz ». En 1851, Bauzonnet quitta son atelier de la rue du Four (VIe) et prit sa retraite : les reliures furent alors signées « Trautz-Bauzonnet ».
Les reliures de Trautz, jansénistes ou pastiches à décor mosaïqué, se signalent par une technique irréprochable : « Corps d’ouvrage solide, maroquin solide, dorure solide. Avec lui, le livre fut ferme à toucher, lourd à peser, dur à ouvrir. Le livre de Trautz n’est pas plat : il prend une forme délicieusement ovoïde, dans ses cartons cambrés qui renflent au centre et pincent sur les coins. », écrivait Beraldi en 1895.  Toutefois, les nerfs, les décors des dos et les titres, sont parfois posés légèrement de travers et montent de gauche à droite : contrairement aux doreurs français qui poussaient les titres latéralement sur le livre placé droit devant eux, Trautz les poussait  verticalement sur le livre placé en travers de lui. Les copies de Le Gascon furent la grande passion de Trautz. Las de si mal gagner sa vie, Trautz s’arrêta en 1863 et deux de ses ouvriers, Thibaron et Échaubard, tentèrent de lui succéder, en vain. C’est alors que le « Grand prêtre du pastiche » reprit ses activités en 1866 qui le menèrent à la gloire, pour le plus grand bonheur des « Trautzolâtres », dont l’un des plus exclusifs était le comte Alexandre de Lurde (1800-1872). Le duc d’Aumale fut, avec James de Rothschild, un de ses plus importants clients. Il employa alors les talents de Wampflug, doreur chez Lortic. Trautz mourut le 6 novembre 1879 et fut inhumé au cimetière Montparnasse. Il avait été le premier relieur à recevoir, dix ans auparavant, la croix de la Légion d’honneur.


Le plus célèbre des relieurs du Second Empire, le relieur de Charles Baudelaire, n’a pas droit à une notice dans le Dictionnaire encyclopédique du Livre. Charles-François Capé est né à Villeneuve-Saint-Georges le 9 décembre 1806. D’abord apprenti en papiers peints, il succéda en 1827 à son beau-père comme concierge du Louvre, où il fut également relieur à la bibliothèque. Après la mort de sa mère, il quitta le Louvre en 1848 pour s’installer rue Dauphine, et devint relieur de l’impératrice Eugénie, du baron Taylor et d’Emmanuel Martin.  Il devint célèbre pour les compositions pastichées qu’il faisait réaliser par le doreur Jean, dit « Marius », Michel (1821-1890), « le père ». Relieur de talent et grand amateur de gravures, il se constitua une belle bibliothèque. En 1856, le jeune relieur et poète toulousain Auguste Abadie, devenu libraire à Paris, quai Voltaire, lui dédia quelques vers :

« Et sur tous ces bijoux où ton nom est frappé,
Je veux en les voyant que la foule s’écrie :
Ces livres sont charmants, ils sont, je le parie,
De ce grand relieur que l’on nomme Capé. »

En 1860, le duc d’Aumale écrivit à son correspondant parisien : « Vous avez raison d’appeler Capé un véritable artiste. » Capé mourut à Passy le 5 avril 1867, au moment de l’ouverture de l’Exposition universelle, des suites d’une blessure faite en jardinant. Il réclama alors en vain la Légion d’honneur qui lui avait été promise. La mort de Capé inspira Jules Janin, dans le Journal des débats politiques et littéraires du lundi 15 avril 1867 :

« Hélas ! Le voilà mort, cet artiste excellent, ce grand relieur qui n’avait qu’un rival dans le monde. Il avait accompli sa tâche ici-bas. Son œuvre était la grâce et l’honneur des plus riches armoires en vieux Boule et des plus modestes tablettes en sapin odorant du nord, rayées de rouge et parfumées du miel de l’abeille attique. Il s’était bâti dans la région des bibliophiles, à côté de Mme Delessert, sa digne cliente, et non loin de son client M. Benjamin Delessert, une maison au milieu d’un petit jardin. Là il espérait se reposer quelques années et mourir doucement à côté de son aimable et vaillante femme..... Il est mort brusquement, châtié par la muse, pour avoir échangé le stylet léger des entre-filets et des dentelles contre une hache à fendre du bois. La hache est tombée sur son genou, il en est mort. Quelle élégie en latin, au temps des Erasmes et des Scaliger !
Pauvre et digne Capé, compagnon de nos heures les plus belles, ta mort est un deuil pour tous les livres du temps passé, du temps présent, s’il en est beaucoup, dans ce siècle au papier moisi, qui aient mérité l’honneur d’un manteau de pourpre ou d’azur taillé par tes savantes et délicates mains ! »

Au lendemain de sa mort, Bauzonnet écrivit : « Pour moi, Capé était l’idéal ». La vente des 1.137 lots de livres rares et précieux composant la bibliothèque de Capé se déroula du 27 janvier au 3 février  1868 et rapporta 75.000 francs à sa veuve. Le catalogue avait été rédigé par Laurent Potier, libraire sur le quai Malaquais. Son atelier fut repris par ses deux ouvriers, Germain Masson et Charles Debonnelle.
Dans La Maison d’un artiste (Paris, G. Charpentier, 1881, t. I, p. 347), Edmond de Goncourt soulignait : « Le vieux Capé était inimitable pour la résurrection des reliures riches du xviiie siècle et de leurs arabesques fleuries. Je possède une reliure des Maîtresses de Louis XV, exécutée par lui dans la dernière année de sa vie, qui est un vrai chef-d’œuvre de goût et d’imitation intelligente. »


Marc-Hippolyte Duru est né à Claye-Souilly, en Seine-et-Marne, le 26 août 1803, second d’une fratrie de cinq garçons et trois filles, de François-Antoine Duru (1773-1852), garde champêtre, républicain au point de devenir conseiller municipal en 1848, et de Angélique-Louise Thiessard (1780-1820). Elève du relieur parisien Antoine Chaumont, il épousa à Paris, le 25 juillet 1831, Victoire-Armande Coutrel, et s’installa dès 1840 aux Halles, rue des Prouvaires. Il devint  un « relieur pour bibliophiles » et confia ses dorures à Marius Michel, dès 1846. C’est en 1852 qu’il accueillit en apprentissage son neveu Eugène Varlin (1839-1871), fils de sa sœur Héloïse, futur militant socialiste et membre de la Commune de Paris, auquel il reprocha de lire les ouvrages qui lui étaient confiés. En 1856, le duc d’Aumale écrivait : « Ce Duru est un habile homme et j’ai de magnifiques reliures qui sortent de ses mains. »
Duru s’associa en 1861 avec René-Victor Chambolle, avant de prendre sa retraite en 1863. Il mourut le 6 mai 1884, à Paris.


Son associé lui succéda et conserva la signature « Chambolle-Duru » pour ses reliures. Il était né à Paris le 14 juillet 1834, avait fait son apprentissage chez Delaunay, rue du Dragon, de 1846 à 1852, puis était parti travailler pendant cinq ans chez Érard, à Metz, avant de revenir à Paris dans l’atelier Gruel-Engelmann, fondé à la suite du remariage, en 1850, de Catherine Mercier (1813-1896), seconde épouse et veuve de Pierre-Paul Gruel (1800-1846), avec le lithographe Jean Engelmann (1816-1875), fils de Godefroy Engelmann (1788-1839), introducteur de la lithographie en France et inventeur de la chromolithographie, ou impression en couleurs, en 1837.


Reliure Club Bindery

En 1897, le bibliophile américain Robert Hoe fit venir de l’atelier de Chambolle, le meilleur finisseur de livres de l’époque, Léon Maillard, pour le Club Bindery, fondé en 1895 par le Grolier Club de New York ; après la fermeture du Club Bindery en 1909, et ses tentatives de reconduction dans le Rowfant Bindery (1909-1913), le Booklover’s Shop (1914-1917) et  le French Binders (1918-c.1920), Maillard en fut réduit à vendre des balais mécaniques avant de se suicider en 1921.
René-Victor Chambolle mourut à Paris le 23 septembre 1898. Son fils, René Chambolle (1873-1915), lui succéda et adopta lui aussi la signature « Chambolle-Duru ».

Le duc d’Aumale se servait de deux chiffres pour marquer ses volumes.


(Coll. Bertrand Hugonnard-Roche)


L’un est formé des lettres H et O [Henri, Orléans] entrelacées, accostées de deux fleurs de lis, traversées d’une épée, la pointe en haut, et surmontées d’une couronne ducale ; sous la garde : « J’attendrai ». L’autre se compose des deux initiales détachées A et O [Aumale, Orléans] et couronnées.











La Bibliothèque du chancelier Henri-François d’Aguesseau

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Fils de Henri d’Aguesseau (1636-1716), intendant de Limoges [Haute-Vienne], et de Claire-Eugénie Le Picart de Périgny († 1713), Henri-François d’Aguesseau naquit à Limoges le 27 novembre 1668 – sa maison natale est aujourd’hui au n° 15 de la rue du Consulat.



Henri d'Aguesseau (1636-1716)


Le portrait de son père est souvent faussement donné comme étant celui du chancelier, que le duc de Saint-Simon décrivait ainsi : « Daguesseau, de taille médiocre, fut gros, avec un visage fort plein et agréable, jusqu’à sa dernière disgrâce, et toujours avec une physionomie sage et spirituelle, un œil pourtant bien plus petit que l’autre. » [sic](Mémoirescomplets et authentiques du duc de Saint-Simon. Paris, Sautelet et Cie, 1829, t. XIV, p. 337)



Henri-François d'Aguesseau (1668-1751)


Henri-François d’Aguesseau fut reçu avocat du Roi au Châtelet le 29 avril 1690, avocat-général au Parlement le 12 janvier 1691 et procureur-général le 19 novembre 1700, puis fut nommé à la dignité de chancelier de France le 2 février 1717, pour laquelle il prêta serment au Roi le lendemain. Disgracié et exilé en 1718, pour s’être opposé au système de Law, il le fut de nouveau en 1722. Élu honoraire de l’Académie royale des sciences le 24 avril 1728 et commandeur des Ordres du Roi le 31 juillet 1736, il mourut à Paris le 9 février 1751.
Il a été inhumé dans le cimetière de la paroisse d’Auteuil, auprès d’Anne-Françoise Le Fèvre d’Ormesson (1678-1735), sa femme, qu’il avait épousée le 4 octobre 1694, fille d’André Le Fèvre d’Ormesson, maître des requêtes, intendant de Lyon, et de Éléonore Le Maître de Bellejamme.




Le monument d’Aguesseau est resté au même endroit où il avait été érigé en 1753, aujourd’hui place de l’église d’Auteuil (XVIe), à l’emplacement de l’ancien cimetière. De leur mariage sont nés : Henri-François-de-Paule, en 1698 ; Claire-Thérèse, en 1699 ; Jean-Baptiste-Paulin, en 1701 ; Henri-Louis, en 1703 ; Marie-Anne, en 1709 ; Henri-Charles, en 1713.
Gallican d’éducation janséniste, il s’opposa à l’ingérence du Saint-Siège et soutint le Parlement contre Louis XIV dans l’affaire de la bulle Unigenitus. Il rédigea trois ordonnances : sur les donations (1731), les testaments (1735) et les substitutions (1747), dont plusieurs articles ont passé dans le Code civil.




On lui doit des ouvrages d’érudition, sur des sujets d’histoire et de philosophie.



18, rue Séguier

Il eut deux résidences à Paris – l’hôtel d’Aguesseau, aujourd’hui 18 rue Séguier (VIe),



hôtel de Bourvallais

et l’hôtel de Bourvallais, aujourd’hui ministère de la Justice, 11-13 place Vendôme (Ier) – et trois résidences à la campagne : une maison à Auteuil, voisine de l’église, à partir de 1727 ;



château de Puiseux-le-Hauberger


le château de Puiseux-le-Hauberger [Oise] ;



le château de Fresnes-sur-Marne [Seine-et-Marne], aujourd’hui disparu.

Le chancelier d’Aguesseau s’était formé une des plus remarquables bibliothèques de son époque, de plus de 20.000 ouvrages, dont la valeur a été estimée 50.210 livres à son décès. Dans la plupart des cas, la bibliothèque des parlementaires représentait alors un capital inférieur à 20.000 livres.


Tous les volumes portaient ses armes sur les plats – « D’azur, à deux fasces d’or, accompagnées de six coquilles d’argent, 3, 2 et 1. » – avec des masses, insignes de sa qualité : bâtons décorés dont la forme rappelle une masse d’armes.


La Guérinière. L'Ecole de cavalerie (Paris, J. Collombat, 1733, in-fol.)
Paris, Drouot, 27/05/2010 : 32.000 €
[n° 2.733 du Catalogue de 1785, vendu 30 livres le samedi 30/04/1785)


Quelquefois, les plats n’ont pas d’armes et ne se font reconnaître que par les coquilles mises aux angles,


et les masses et les coquilles au dos.



Almanach royal (Paris, Le Breton, 1764, in-8)
Aux armes de Henri-François-de-Paule d'Aguesseau
Paris, Drouot, 16/10/2012 : 1.246 €


À sa mort, son fils aîné, Henri-François-de-Paule d’Aguesseau (Paris, 1698-31 décembre 1764), hérita de toute sa bibliothèque. Il fut successivement avocat du roi au Châtelet, avocat-général au Parlement, conseiller d’Etat en septembre 1729, conseiller au Conseil royal de commerce en 1757 ; il a épousé, le 4 avril 1729, Françoise-Marthe-Angélique de Nollent, fille de Jean de Nollent, seigneur d’Hesbertot, et de Marie-Magdelène-Angélique de Nollent, dame de Trouville-sur-Mer.



Armes de Jean-Baptiste-Paulin d'Aguesseau

Mais léguée « à charge d’une substitution purement masculine », cette bibliothèque passa ensuite aux mains de son second fils, Jean-Baptiste-Paulin d’Aguesseau (Paris, 25 juin 1701-8 juillet 1784), comte de Compans et de Maligny, successivement conseiller au Parlement, commissaire en la seconde Chambre des Requêtes du Palais, maître des Requêtes, conseiller d’État ordinaire, en 1734, doyen du Conseil, prévôt-maître des cérémonies de l’Ordre du Saint-Esprit. Il a épousé : 1° le 29 février 1736, Anne-Louise-Françoise du Pré, dame de la Grange-Bleneau, morte le 13 février 1737. 2° le 16 août 1741, Marie-Geneviève-Rosalie le Bret, morte en novembre 1759. 3° le 4 novembre 1760, Gabrielle-Anne de la Vieuville.
Les deux fils du chancelier n’enrichirent guère le fonds légué par leur père : leurs livres se distinguent par les ornements extérieurs de l’écu.       

La vente de cette bibliothèque eut lieu du lundi 14 février au lundi 2 mai 1785, en 57 vacations, en son hôtel, rue Saint-Dominique, faubourg Saint-Germain, près les Jacobins [ancien hôtel de Gournay, aujourd’hui occupé par l’ambassade du Paraguay, 1 rue Saint-Dominique, VIIe].



hôtel de Gournay


Le Catalogue des livres imprimés et manuscrits, de la bibliotheque de feu Monsieur d’Aguesseau, doyen du Conseil, commandeur des Ordres du Roi, &c. (Paris, Gogué et Née de La Rochelle, 1785, in-8, xxxvj-12-366-[1]-[1 bl.] p., 5.583 lots) nous renseigne sur l’origine et l’intérêt des ouvrages :

« On s’apperçoit par la recherche des beaux exemplaires des Poëtes & des Orateurs grecs & latins, qui formerent le premier fonds de la Bibliotheque de Monsieur le Chancelier, de sa prédilection pour la belle Littérature ; & nous avons la preuve qu’il en fit une étude profonde, par le soin qu’il prit de se munir des meilleurs Grammairiens, des Glossateurs, & de tous les bons Critiques anciens & modernes. Ce fut sans doute dans sa jeunesse qu’il devint propriétaire de la plus grande partie de la Bibliotheque de ClaudeChrestien, fils de FlorentChrestien, qui étoit aussi bon Poëte qu’excellent Humaniste. Il y trouva les Auteurs grecs & latins les plus estimables, & plusieurs Manuscrits originaux de Jean Passerat, si connu par sa Muse agréable & facile. […]
L’étude de la Jurisprudence Civile & Canonique, celle du Droit public de France & des Etats voisins, le fixerent successivement ; […] Monsieur DAguesseau crut qu’il profiteroit beaucoup dans la société même des Jurisconsultes ; c’est ce qui le détermina à former des liaisons avec les plus savans Avocats de son siecle ; & quand la mort venoit à en surprendre quelqu’un, il faisoit en sorte d’acquérir ses Manuscrits. Il eut, par ce moyen, ceux de Mrs. Chuppé, Nublé, Langlois, Germain, Dupré, Loger, Avocats d’un mérite distingué. Il se procura les décisions manuscrites qui avoient servi à la composition des Ordonnances Civile & Criminelle de Louis XIV. Il obtint les Arrêtés fameux des Conférences sur la Coutume de Paris, que l’illustre premier Président DeLamoignon tenoit chez lui […]. Il fit copier presque tous les Ecrits du célebre Avocat Général DenisTalon, […]
Il rechercha l’amitié de M. Toinard, qui nous a donné une si belle Concordance des Evangélistes. Après la mort de ce Savant, il recueillit ses Manuscrits ; […]
Amateur de toutes les branches de la Littérature & des Sciences, M. DAguesseau  se procura quelquefois des Livres rares & singuliers ; mais l’occasion seule le décida pour ces emplettes, & non la fantaisie, car il préfera toujours les Ouvrages qui, au mérite de la rareté, joignoient encore celui de l’utilité. Il acquit aussi beaucoup de Manuscrits importans de la Bibliotheque de M. Rousseau, Auditeur des Comptes ; il en orna la sienne, & put montrer aux Bibliomanes des raretés littéraires de plusieurs genres, & que feu M. le Duc de la Valliere se fût cru heureux de posséder. » [sic] (p. v-xiij) 
  

« Nous citerons parmi les articles importans ou remarquables de la Bibliotheque de M. DAguesseau, la Bible Polyglotte de Walton, tirée sur le plus GRAND PAPIER ; la PREMIERE ÉDITION grecque & latine du Pseautier, publiée à Milan en 1481 ; un Pseautier latin manuscrit, d’une grande antiquité ; l’Evangile en Langue Malabare, écrite sur des feuilles de palmier ; le Synodia…Ugonia, de MathiasUgonius, Evêque de Famagouste ; deux manuscrits grecs sur la Liturgie, portant toutes les marques de la plus haute antiquité ; la Bibliotheque des Peres, avec l’Apparat de le Nourry, en 29 volumes in-folio ; une Collection très-considérable des meilleurs éditions des Peres de l’Eglise, grecque & latine ; un Recueil de divers Ouvrages de Postel, manuscrits, & inconnus à l’Auteur de sa Vie ; un autre Recueil où se trouve le Testament olographe de ce Savant, dont le cerveau ne fut pas assez vaste pour contenir toutes les connoissances qu’il y voulut faire entrer.
Nous rappellerons ici les ClÉmentines&laSextedes Décrétales, éditions de Rome, 1472 ; un assez grand nombre de Coutumes anciennes de la France, dont quelques-unes en manuscrit, & LOriginalde la rédaction de la Coutume de Paris, par Christophe de Thou & autres grands Magistrats ; plusieurs anciens Styles du Parlement, manuscrits, & différens de celui qui a été publié par Charondas.
Nous pourrions nommer encore l’Autoniana Margarita ; divers Traités de BrunusNolanus& de Bodin, dont le Colloquium heptaplomeres, qui n’a point été imprimé ; les belles éditions de Platon, & deux beaux manuscrits grecs, contenant des Commentaires sur quelques Dialogues de ce Philosophe ; les meilleures éditions d’Hippocrate& de Galien ; une version de l’Arithmétique deDiophante, manuscrite & autographe dOzanam ; la belle Collection des Estampes du Cabinet du Roi, de reliure et de format uniformes.
On verra dans la classe des Belles-Lettres un grand nombre de Glossaires& les meilleurs dans toutes les Langues ; les bonnes éditions desOrateurs& des Poetesgrecs & latins, publiées par les Aldes, les Etiennes, & par l’UniversitÉDOxford : un Themistius, sur toutes les autres éditions d’Alde, est remarquable par la grandeur extraordinaire de ses marges. On distinguera le Dictionnaire Egyptien, manuscrit precieux &AUTOGRAPHEDE LACroze ; LAnthologie Grecque de Planudes, mise au jour par Lascaris, & imprimée à Florence en 1494, surVÉLIN ; exemplaire très complet, bien conservé, & qui a apparteu au Pape Léon X ; une Version latine en vers & manuscrite de la même Anthologie ; la PREMIERE ÉDITIONgrecque dHomere, & celle d’Eustathe son Commentateur ; les Poésies latines & françoises de NicolasBergier, Nicolas Chesneau, César deNostredame, manuscrites& autographes de ces Auteurs. Outre plusieurs beaux manuscrits d’ancienne Poésie françoise, de Romans de Chevalerie, les Belles-Lettres offrent encore les plus savans Polygraphes& les meilleurs Critiques anciens & modernes ; l’édition de Ciceron, publiée par les soins de l’Abbé d’Olivet, & tirée sur le papier format in-folio ; des Lettres originales des Savans les plus illustres de l’Europe dans le xviie siècle.
L’Histoire nous fourniroit aussi d’excellens morceaux à annoncer dans toutes ses divisions ; mais nous nous bornerons à indiquer une superbe Collection des Cartes Géographiques des freresSanson ; beaucoup d’anciennes Chroniques manuscrites, relatives à l’Histoire universelle & à celle de France, d’Angleterre & des Pays-Bas ; les meilleures éditions des Historiens grecs & latins ; un très beau manuscrit de l’Abrégé deTite-Live en françois ; la Collection des Historiens du Bas-Empire, connue sous le nom de Byzantine ; les Recueils des Antiquités grecques & latines parGraevius&Gronovius ; les Antiquités du moyen-âge& les Écrivains de l’Histoire d’Italie, par le docte Muratori. Nous annoncerons aussi les Manuscrits originaux sur l’Histoire de France & sur les Généalogies, laissés par Jean-BaptisteHautin, Conseiller au Châtelet ; mais non pas ceux dont parle M. Debure le jeune dans sa Bibliographie instructive, sous les Nos. 5453* & 5833 ; il n’avoit pas connu les nôtres, dont personne n’a parlé, & que nous croyons plus précieux. Nous pouvons encore offrir aux Curieux le Codicille de Louis XIII, le Mercure & les Mémoires secrets deVittorioSiri, avec la suiteMANUSCRITE, qui passe très-rarement dans les ventes ; les Recherches deBouterouesur les monnoies de France, in-fol. GRAND PAPIER ; beaucoup d’Armoriaux rares& de Genéalogies particulieres ; l’Atlantica deRudbeck, avec le 4e. volume MANUSCRIT, qui est si rare, que M. le Duc de la Valliere ne le possédoit pas, quoique son exemplaire fût un des plus complets de ceux qui existent en Europe. » [sic] (p. xiij-xv)

Il est précisé, à la fin du catalogue (p. 366) :

« Plusieurs grands Corps de Bibliotheque à vendre en gros ou par parties.
On vendra au commencement de chaque Vacation différens Livres qui ne nous ont pas paru mériter de description. » [sic]
    
 
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