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Biographie renouvelée de Mathurin Lesné

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Gustave Brunet (1805-1896), dans ses « Études sur la reliure des livres » (in Actes de l’Académie de Bordeaux. Paris, Dentu, 1866, p. 88), signale « à cause de sa singularité, un poème sur la Reliure, que publia en 1820 un relieur parisien, nommé Lesné, dont les vers, tout comme les produits industriels, sont restés au-dessous du médiocre. » Il ajoute, après avoir offert deux échantillons dudit poème : « On voit que le poème de Lesné mérite de rester dans l’oubli, qui en a fait sa proie. »

Cet avis catégorique est asséné sans aucune autre justification que le renvoi, d’ailleurs incomplet et inexact, à la « Lettre trentième concernant l’imprimerie et la librairie de Paris » (Paris, Crapelet, 1821, p. 58-71), par l’imprimeur Georges-Adrien Crapelet (1789-1842), traduite de l’anglais de A bibliographical, antiquarian and picturesque tour in France and Germany (London, 1821, vol. II, p. 412-422), par Thomas-Frognall Dibdin (1776-1847), où le bibliographe anglais critique les relieurs français, sans en avoir vu aucun :

« Il y a un relieur du nom de Lesné, maintenant occupé, comme je viens de l’apprendre, d’un poëme sur son art, et qui passe également pour un artiste assez habile. Quelques uns disent cependant qu’il écrit mieux qu’il ne relie, ce qui et d’autant plus fâcheux pour sa petite famille, s’il est marié. […] Il est pourtant vrai que des amateurs judicieux et impartiaux, avec lesquels je me suis entretenu, paraissent aussi penser que l’art de la reliure en France, dans son état actuel, s’il ne rétrogade pas, est au moins stationnaire, et ne paraît pas pouvoir atteindre au plus haut degré de perfection. » [sic]

En note, Crapelet commente :

« Quoique l’ouvrage de M. Lesné ne forme qu’un petit volume in-8°, qu’il n’est pas coûteux de se procurer, et dont on ne peut pas regretter la dépense, je retranche peu de choses aux longues citations de M. Dibdin, parce que le poëme de M. Lesné ne me paraît pas une production ridicule, comme je l’ai entendu dire. Le style et la poésie de l’auteur n’ont pas une grande élévation sans doute, mais ils sont presque toujours appropriés au sujet. […] Il était impossible à l’auteur d’éviter l’emploi d’une foule de mots propres, mais très peu poétiques, lorsqu’il décrit la partie technique ; mais cet ouvrage, dans les notes surtout, n’en est pas moins instructif, curieux et utile aux amateurs de belles et bonnes reliures, qui certainement y trouveront beaucoup de choses qu’ils ignorent. » [sic]

Lesné ne put se contenter de commentaires qui n’avaient relevé qu’une partie des inconvenances de la « Lettre trentième », et contre-attaqua dans une Lettre d’un relieur français à un bibliographe anglais (Paris, Crapelet, 1822) :

« Si dans votre Lettre vous vous borniez à critiquer mon Poëme, ou même à dire que j’écris moins mal que je ne relie, je me garderais bien de vous répondre ; mais vous attaquez les relieurs français en général ; vous prétendez qu’ils ne sont parvenus au point où ils en sont qu’en imitant vos ouvriers ; vous leur accordez, comme par grâce, qu’en continuant ainsi, l’âge d’or pourra renaître en France pour la reliure : phrase à coup sûr plus gigantesque que celle que vous me reprochez quand je parle de sa décadence. […] il ne me sera pas difficile de vous prouver que c’est justement en imitant vos ouvriers que la reliure française est tombée dans l’état de dépérissement où nous l’avons vue […].
Quant à moi je voudrais qu’on se bornât à établir des reliures simples, mais solides, susceptibles de durer autant de temps que les livres, dans les deux parties qui constituent essentiellement la reliure, c’est-à-dire  la couture et l’endossement ; que l’on pût renouveler la couverture sans pour cela être obligé de démonter le livre, et par conséquent de le recoudre et le rogner de nouveau ; mon unique but est la conservation des marges, puisque c’est d’après leur dimension que s’établit ordinairement le prix d’un livre. » [sic]


Cette Lettre fut suivie par une Épître à Thouvenin (Paris, F. Didot, 1823) :

« Vous croyez que Dibdin s’en tient à ses missives ;
Il sait par cent moyens vomir des invectives ;
A Londres, à Paris, on connaît ses écarts,
Nous ne sommes pas seuls l’objet de ses brocards. »

Ces deux textes de Lesné témoignent bien des rivalités mesquines entretenues alors par la France et l’Angleterre.

En remerciement, Thouvenin offrit à Lesné un exemplaire de sa Lettre d’un relieur français à un bibliographe anglais dans une reliure en maroquin rouge mosaïqué de jaune et de vert, tranches dorées, qui a appartenu à Charles Cousin (1822-1894), puis à René Descamps-Scrive (1853-1924).

Mathurin-Marie Lesné, dit « Lesné aîné », naquit à Paris le 7 novembre 1777 et mourut à Batignolles-Monceaux (aujourd’hui XVIIe arrondissement de Paris) le 31 juillet 1841.
La Révolution ayant interrompu ses études, il exerça la profession de serrurier jusqu’en 1804, quand il se forma, seul dit-il, à l’art de la reliure et s’installa comme libraire dans la rue des Grès, dénomination du passage des Jacobins depuis 1799, aujourd’hui rue Cujas (Ve).
À la même adresse, on relève à cette époque la présence du libraire Antoine-René-Marie Lesné, dit « Lesné père », et, tenant la librairie voisine immédiate, Jean-Auguste Lesné, dit « Lesné jeune », décédé le 24 octobre 1846 dans le XIe arrondissement ancien (VIe actuel) : le premier pourrait être le père, le second le frère de Mathurin. Nous ne le saurons probablement jamais, l’état-civil parisien antérieur à 1860 ayant été détruit lors des incendies de la Commune en mai 1871, et un tiers seulement des actes perdus ayant été rétabli.

Dès 1818, Mathurin Lesné présenta à la Société d’encouragement pour l’industrie nationale un « Mémoire relatif aux moyens de perfectionnement propre à faire retarder de plusieurs siècles le renouvellement des reliures »,  qui fut soumis, avec succès, au jury de l’Exposition des produits de l’industrie française l’année suivante. Lesné avait cherché à éviter les inconvénients des méthodes suivies alors pour relier les livres, afin d’arriver à la souplesse et à la solidité de la reliure hollandaise :

-          il substituait, aux nerfs formés de ficelles, de forts lacets plats en soie, évitant ainsi de faire des entailles dans le dos pour les y loger et permettant de conserver toute la marge intérieure des livres.
-          adoptant des fils de soie torse au lieu de fils de chanvre, il pratiquait la couture cahier à cahier et l’étendait sur toute la longueur de chacun d’eux, de manière qu’elle y forme au moins quatre points longs d’attache.
-          il rétablissait l’usage du parchemin pour doubler les dos et les attacher aux couvertures.
-          pour les couvertures, il substituait, aux cartons fabriqués en pâte molle et recouverts d’une peau mince, du cuir fort, battu ou laminé.
-          il diminuait l’emploi de la colle, et remplaçait la colle de pâte, faite avec de la farine et principale cause de la destruction des livres par les insectes, par la colle forte (colle de gélatine) délayée dans une dissolution de coloquinte.

Ces reliures avaient pour avantages leur longue durée et la facilité de les renouveler sans découdre les livres, mais pour inconvénient leur prix augmenté et ne pouvaient donc pas être employées pour des livres ordinaires.

C’est au cours de l’année 1820 que Lesné déménagea de la rue des Grès à la rue de Tournon (VIe), où il demeura au moins une quinzaine d’années. Sur la fin de sa vie, en 1839 et en 1840, on le trouve rue Vivienne (IIe).

Plus indulgent que Brunet, Henri Beraldi (1849-1931), dans La Reliure du xixe siècle (Paris, L. Conquet, 1895, Première partie, p. 57-84), fait naître Lesné vers 1775, le confond avec un certain François-Antoine-Désiré Lesné – en réalité son fils ? – dont on retrouva le corps le 19 février 1839 dans la Seine, près du pont d’Arcole.



Pourtant, la nécrologie exacte de Mathurin Lesné avait été publiée dans le Feuilleton du Journal de la librairie du 26 février 1842.

Roger Devauchelle (1915-1993), dans La Reliure (Paris, Éditions Filigranes, 1995, p. 169) recopie servilement Beraldi, et augmente le nombre des adresses fantaisistes du relieur qui avaient été données par le célèbre bibliophile, malgré les indications fournies par les publications du poète.



Après huit années de travail, Lesné publia La Reliure, poème didactique en six chants (Paris, Lesné et Nepveu, 1820, in-8, 252 p.), avec l’aide de son ami Auguste-Nicolas Nepveu († 1837), libraire-éditeur dans le passage des Panoramas (IIe). L’ouvrage est dédié à son fils :

« A dix-sept ans, tu es mon premier ouvrier ; à dix-sept ans, tu sais à-peu-près un art que je ne commençai à apprendre qu’à vingt-sept ; tu n’as plus qu’à t’y perfectionner. 
C’est bien moins dans mon livre qu’il te faut étudier, que d’après nos grands ouvriers que tu dois t’efforcer d’imiter. […]
Pénètre-toi bien que l’état le plus simple devient un art dans la main de celui qui l’exerce avec distinction […].
Sans négliger l’embellissement, […] que la solidité soit ta principale étude […]. »

La « Dédicace » est suivie d’une « Préface » :

« Mon unique but a été de fixer, pour ainsi dire, mnémoniquement les principes fondamentaux de mon art, me réservant de développer quelques principes secondaires, seulement les plus essentiels, dans des notes […] »

Le poème, suivi du « Mémoire relatif aux moyens de perfectionnement », est enrichi de notes particulièrement intéressantes sur le mécanisme de la reliure.

Le chant premier est historique :

« Gascon parut alors, et des premiers en France
Sut mettre en sa reliûre une noble élégance ;
Une solidité que Deseuil imita,
Et que de surpasser personne ne tenta.
Pasdeloup le suivit, puis le fameux Derome,
[…]
Ces hommes ne visaient qu’au bien fait, au solide ;
Le clinquant à leurs yeux était fade, insipide ;
[…]
L’art pour beaucoup de gens devint trop malaisé ;
La paresse inventa bientôt le dos brisé.
Les parchemins, les nerfs parurent inutiles,
On osa supprimer jusques aux tranchefiles ;
L’élégance tint lieu de la solidité,
On sacrifia tout à l’élasticité.
Delorme effrontément supprima la couture ;
D’autres auraient peut-être élagué l’endossure ;
[…]
Les amateurs, outrés de tant de nonchalance,
Envoyèrent long-temps leurs livres hors de France,
Et chez nous ce bel art retombait au néan,
Alors que s’établit le fameux Bozérian.
Cet artiste amateur sut guérir sa patrie
De regarder l’Anglais avec idolâtrie.
[…]
Oui, Bozérian l’aîné, seul osa les combattre ;
Son frère en l’imitant sut presque les abattre ;
En marchant sur ses pas, Lefebvre, son neveu,
Entre les deux parens tint un juste milieu.
[…]
Tous trois seraient pourtant demeurés sans rival,
S’il n’était survenu le soigneux Courteval ;
[…]
Simier parut ensuite, et cet habile artiste
Des ouvriers fameux semblait fermer la liste ;
Près de lui le plus grand ne paraissait qu’un nain,
Quand pour l’honneur de l’art s’établit Thouvenin ;
[…]
Il est riche, pompeux, superbe, magnifique !
Ses fers semblent poussés par l’art typographique,
Et toujours élégant dans sa simplicité,
Sait joindre la souplesse à la solidité. » [sic]

Lesné ajoute en note :

« Desseuil [Augustin Duseuil, relieur ordinaire du roi de 1717 à 1746] fut celui qui, après Gascon [Le Gascon, actif de 1622 à 1661], ajouta beaucoup à la solidité de la reliure et à son embellissement. […]
Pasdeloup [Antoine-Michel Padeloup, relieur du roi de 1733 à 1758] et Derome [Jacques-Antoine Derome, actif de 1718 à 1760] étaient contemporains : ils travaillaient très solidement et très élégamment dans le goût de leur temps. […] Peu de relieurs ont trouvé le moyen de réunir la solidité à cette élasticité, tant estimée aujourd’hui. Les Courteval [actif rue des Carmes, de 1796 à 1836], Bozérian [Jean-Claude Bozérian, dit « l’Aîné », actif de 1795 à 1812, et François Bozérian, dit « le Jeune », actif de 1801 à 1818], Lefebvre, Simier, Thouvenin, et un très petit nombre avec eux, ont assez bien réuni ces deux extrêmes ; mais la plupart ne s’attachent qu’à l’embellissement souvent mal entendu, et à donner de l’ouverture à leur livre. De là est venue la mode presque universelle des reliures à la grecque, méthode très abréviative et pernicieuse, qui gâte presqu’autant de livres qu’on en relie […] » [sic]

Le chant II est pour les préceptes généraux ; les chants III et IV traitent du corps d’ouvrage ; le chant V est « le chant du veau », selon l’expression de Beraldi ; le chant VI est celui de la dorure.


Dans son Épître à Simier père, sur l’Exposition de 1823 (Paris, J. Renouard, 1827), datée du 15 décembre 1823, Lesné établit un parallèle entre René Simier (1772-1843) et Joseph Thouvenin (1790-1834) et montre sa préférence pour ce dernier. L’éditeur Jules Renouard (1798-1854) était son voisin d’en face, rue de Tournon, depuis 1826. Lesné, avait été admis à l’exposition, mais, inquiet sur le sort de son fils et de sa fille malades, n’eut pas le temps d’achever les ouvrages qu’il se proposait d’exposer. Cette épître, qui fait partie de la seconde édition du poème de La Reliure, a été tirée à part à 12 exemplaires.


Cette « Seconde édition dédiée aux amateurs de la reliure » de La Reliure, poème didactique en six chants (Paris, l’Auteur et J. Renouard, 1827, in-8, 390 p.) ne fut tirée elle-même qu’à 125 exemplaires, numérotés en or, sur grand-raisin [sic] vélin, et offre, outre des rectifications, des additions d’opuscules alors épuisés : « Lettre d’un relieur français à un bibliographe anglais », « Épître à Thouvenin », « Épître à Simier père, sur l’Exposition de 1823 », « Satire à mon esprit », une déclaration de l’auteur – « je vais m’occuper maintenant de mettre en ordre et de rédiger les matériaux amassés depuis long-temps [sic] pour le Manuel du Relieur, que je me propose de publier par la suite » –, des « Notes des pièces diverses » et un « Vocabulaire explicatif et analytique des termes techniques ». L’ouvrage fut publié broché et « cartonné par l’auteur d’après ses procédés ».
Georges Vicaire (1853-1921), dans son Manuel de l’amateur de livres du xixe siècle (Paris, A. Rouquette, 1904, t. V, col. 260), précise qu’il existe quatre cartons :
-          pour les pages 89-90 correspondant aux pages 95-96.
-          pour les pages 107-108-109 et 110 (cette dernière blanche).
-          pour les pages 323-324-325 et 326.
-          pour les pages 347-348-349 et 350.
Le bibliographe explique comment reconnaître les exemplaires cartonnés de ceux qui ne le sont pas :
-          p. 96 : après le vers « Défiez-vous des gens qui sans cesse vous louent. » qui figure dans le premier texte, les deux vers suivants sont ajoutés dans le carton : « Incapables sur rien de donner leur avis, Tout est bien à leurs yeux, alors qu’ils sont servis. »
-          p. 108 : les vers suivants qui figurent dans le premier texte, sont supprimés dans le carton : « Je ferai mieux un jour, j’en conçois l’espérance, Si vous me précédez, je suis payé d’avance. »
-          p. 326 : après le vers « S’attribuer l’esprit, le talent des graveurs, » qui figure dans le premier texte, les deux vers suivants sont ajoutés dans le carton : « Tous deux nous avons vus [sic] des Prussiens, des Cosaques, Se prélasser bien haut, quand ils poussaient leurs plaques. »
-          p. 348 : après le vers « C’est un tyran qui vise au pouvoir absolu » qui figure dans le premier texte, les deux vers suivants sont ajoutés dans le carton : « De ses anciens excès gardons mieux la mémoire, Et ne lui laissons pas remporter la victoire. »



Reliure de Debes sur La Reliure (1827)
New York, 21 mars 2005, 7.200 $

Dès la « Préface » de son célèbre Manuel du relieur (Paris, Roret, 1827, p. vj-ix), Louis-Sébastien Le Normand (1757-1837), professeur de technologie et des sciences physico-chimiques appliquées aux arts, cite avantageusement l’ouvrage de Lesné :

« Celui de M. Lesné, intitulé la Reliure, poëmedidactique, est plutôt une critique judicieuse des manipulations vicieuses introduites dans l’art dont il traite, qu’une description de cet art. L’histoire de la reliure y est tracée avec assez d’exactitude. Les deux Mémoires qui terminent son poëme sont spécialement destinés aux divers perfectionnemens qu’il propose d’introduire dans l’art qu’il exerce, pour donner aux reliures les trois qualités essentielles que tout connaisseur recherche, l’élasticité, la solidité et l’élégance. » [sic]



Reliure de Lesné sur La Reliure (1820)
New York, 27 juin 2005, 3.360 $
Les reliures de Mathurin Lesné sont extrêmement rares, non seulement sur le marché, mais aussi dans les collections publiques et privées.
Ses travaux finirent par attirer sur lui l’attention de plusieurs amateurs et Lesné obtint, de 1832 à 1834, une place de chef d’atelier, et non de professeur, comme il le dit lui-même, à l’Institut royal des sourds-muets, établi rue Saint-Jacques.

Il fut aussi l’auteur d’un  Mémoire présenté au jury de l’Exposition de 1834 sur les cartonnages conservateurs (Paris, J. Renouard, mai 1834) :

« Le principal but de ces Cartonnages est de faciliter l’usage des livres dès qu’ils sont imprimés […]. Leur principal mérite est de conserver les livres intacts jusqu’à la reliure définitive.
Ces cartonnages, cousus sur toile dans toute leur longueur, faits sans colle adhérente aux livres, bien que très solides et pouvant supporter autant de lectures réitérées qu’on peut le désirer, peuvent être défaits très facilement sans que les livres soient nullement endommagés, ce qui n’arrive jamais avec les cartonnages dits à la Bradel. […] ; je publie mon procédé, je n’en fais aucun mystère, et désire dans l’intérêt de la conservation des livres, que beaucoup d’ouvriers français et étrangers l’exploitent. Mais comme il est juste que chacun réponde de ses œuvres, afin que le public ne puisse être trompé, je l’avertis que de tout temps mes reliures ont porté mon nom, et que ces cartonnages soit à dos de toile, en simple carton, soit en demi-reliure à dos de veau ou de maroquin, porteront tous sur la garde voisine du titre un timbre sec avec ces mots :
Exposition de 1834  Cartonnages conservateurs de Lesné. »


Il adressa ce Mémoire avec une Lettre d’un relieur français aux principaux imprimeurs, libraires, relieurs et bibliophiles de l’Europe (Paris, J. Renouard, mai 1834) :

« Fidèle à mes antécédents, je ne prendrai pas plus pour ce genre de cartonnage, un brevet que je n’en ai pris pour ma reliure en cuir sans carton et cousue sur lacets de soie […]. Je terminerai, messieurs, cette lettre, par quelques instructions touchant l’exécution de ces cartonnages. […] le manuel du relieur et de l’amateur de reliure paraîtra en 1835, grand in-8° ou peut-être même in-4°, le format n’est pas encore bien arrêté ; le prospectus en sera publié immédiatement après le cours public de reliure que j’ouvrirai au mois de février prochain […]. Il sera tiré du Manuel cinquante exemplaires sur grand et beau papier vélin, tous seront numérotés de 1 à 50, et seront cartonnés par moi, les vingt-cinq premiers exemplaires seront offerts aux vingt-cinq relieurs qui auront été jugés les mériter par leurs propres talens bien plus que par l’importance de leur établissement. » [sic]

De son Manuel, il n’a paru que le prospectus. On ne connaît aussi que le Prospectus de mise en souscription de reliures à bordures typographiques, inventées par Lesné en 1835. Il dédia à sa fille un poème intitulé Esther, ou l’Éducation paternelle, poème en six chants, dédié aux demoiselles à marier (Paris, Lesné, 1839), daté du 26 novembre 1831, par L.R.F. [Lesné Relieur Français], suivi de Lycas et Stilla. Idylle, avant de publier sa dernière poésie, À la gloire immortelle des inventeurs de l’imprimerie (Paris, l’Auteur, s.d. [1840]).

Les travaux de Mathurin Lesné intéressèrent encore les amateurs, longtemps après sa mort. Luigi Odorici (1809-1882), professeur de littérature à Modène, exilé politique en France en 1831, s’était retiré à Dinan, où il devint conservateur de la bibliothèque et du musée qu’il créa en 1845. Il publia une troisième édition, avec des notes, de La Reliure, poème didactique en six chants  (Dinan, J.-B. Huart, 1853, in-8, 106 p.) : « Désirant que ce petit volume intitulé La Reliure fut rarissime, je n’en ai fait imprimer que 5 exemplaires, pour l’offrir aux personnes qui me sont chères » [lettre à Claude de Barthélemy, inspecteur général de la préfecture des Côtes-du-Nord, 20 novembre 1853]. Le Docteur Joachim-Agathon-Adjutor Rattel, ancien médecin de l’Institution nationale des sourds-muets et de la Clinique nationale des maladies de l’oreille, publia, d’après le manuscrit original laissé par Lesné, un Petit Manuel du relieur, à l’usage des sourds-muets (Paris, Dispensaire du Louvre, 1896).

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