Château de Sassenage |
La vente de l’ancienne bibliothèque de Denis de Salvaing (1600-1683), qui eut lieu en 1897 à Grenoble [Isère], fut en réalité celle du marquis Raymond-Ismidon-Marie de Bérenger (1811-1875), conservée depuis deux siècles au château de Sassenage [Isère], porte orientale du Vercors.
Le château avait été bâti entre 1662 et 1669 par le baron Charles-Louis-Alphonse de Sassenage (1624-1679), marquis du Pont-en-Royans [Isère] – porte occidentale du Vercors -, seigneur d’Izeron [Isère] et de Montélier [Drôme], avec l’aide de son beau-père. Fils de Alphonse de Sassenage († 1660) et de Louise de Lattier, Charles-Louis-Alphonse de Sassenage avait épousé, à Vourey [Isère], le 14 septembre 1651, Christine de Salvaing (1634-1668), fille de Denis de Salvaing, seigneur de Boissieu [La Buissière, Isère], premier président de la Chambre des comptes du Dauphiné, à Grenoble, et d’Élisabeth Déageant (1609-1635), fille de l’influent Guichard Déageant (1574-1645), ancien premier président de ladite Chambre des comptes.
Au-dessus de la porte du château de Sassenage, la fée Mélusine se baigne dans une cuvette et tient de la main droite l’écu de Bérenger [« Gironné d’or et de gueules de huit pièces »] et de la gauche celui de Sassenage [« Burelé d’argent et d’azur de dix pièces au lion de gueules, armé, lampassé et couronné d’or »].
Blasons de Bérenger (à gauche) et de Sassenage (à droite) |
« Il est peu de grandes Maisons, qui remontant jusqu’à leur origine ne rencontrent vne fable : Celle de Sassenage y trouve Melusine. Le Roman en a été composé par Jean d’Arras l’an M.CCCLXXXIII. Il donne à cette famille Melusine pour tige & cette fable a fait tant d’impression sur la credulité des habitans de la Terre de Sassenage, qu’ils sont persuadez que leur Seigneur est du sang de Melusine & qu’elle a finy ses jours en ce lieu.
On y montre vne grote spacieuse dans le sein d’vn rocher où tombe impetueusement vne source qui fait vu ruisseau qui coule au milieu du Bourg. On voit deux cuves que la nature a formées auprés de cette grote. Elles presagent, dit-on, la fertilité ou la sterilité de chaque année, selon qu’elles se trouvent d’elles-mêmes plus ou moins pleines d’eau la veille de la Feste des Rois. I’en ay fait mention dans l’Histoire de Dauphiné. On y montre l’endroit où Melusine avoit coûtume de prendre le frais & le bain & vu peu plus haut la table où elle mangeoit, qu’on appelle la table de Melusine. La fontaine du château de Montelliez dans le Valentinois, qui est vne des Terres de cette Maison porte le nom de Melusine : On croit qu’elle s’y est quelques-fois montrée. On voit aussi dans l’épaisseur du mur du château contigu au fossé vne ouverture ronde qui le perce de haut en bas, dont on ne sçait pas l’vsage. On l’appelle aussi le Trou de Melusine, par où, dit-on, elle passe sa longue queuë de serpent quand elle se veut faire voir. Neanmoins la possession de cette Terre n’est entrée dans la Maison de Sassenage qu’à la fin du treziéme siecle. Les ames éclairées doutent souvent de la verité, les autres ne doutent pas même du mensonge pour peu qu’il ait soin de se rendre agreable. […]
Voici d’où la fable de Melusine a pris son origine, pour ce qui regarde la Maison de Sassenage. Le Roman donne pour mari à Melusine Raimondin Comte de Forests en Bretagne. Il ajoûte que la Maison de Sassenage est vne de celles qui en sont descenduës. La verité a donné naissance à la fable, il lui a suffy que cette Maison fût venuë des Comtes de Forests. Il n’a pas distingué les païs. Il a confondu les Provinces & attribué à Melusine Comtesse de Forests dans le païs des Armoriques la posterité des Comtes de Forests dans celui des Segusiens, de mêmes qu’il a confondu Raimond de Poitiers Prince d’Antioche & Melusine de Lesignen sa femme avec son Raimondin & Melusine sa Fée & la Maison de Lesignen de la Terre Sainte avec Lesignen de France. C’est ainsi qu’en vsent les faiseurs de Romans. » [sic]
(Nicolas Chorier. Histoire généalogique de la Maison de Sassenage, branche des anciens comtes de Lyon et de Forests. Lyon, Jean Thioly, 1672, p. 2-7)
Château de Vourey |
La bibliothèque du château de Sassenage provenait du château de Vourey [Isère], propriété de la Maison de Salvaing - du nom d’une terre située près du lac de Genève -, établie en Dauphiné vers l’an 1100.
Plaque de marbre de la tombe de Charles de Salvaing, à Vourey |
Denis de Salvaing y naquit le 21 avril 1600, de Charles de Salvaing († 1615), seigneur de Boissieu, et de Charlotte d’Arces (1574-1653). Il commença ses études à Saint-Geoire-en-Valdaine [Isère], les continua au collège des Jésuites à Vienne [Isère], puis à Lyon, et les termina à Paris, en 1618, au collège de Clermont [lycée Louis-le-Grand], où il eut pour maîtres les pères jésuites Denis Pétau (1583-1652) et Nicolas Caussin (1583-1651).
De retour en Dauphiné à la fin de l’année 1619, il se fit recevoir docteur en droit en la Faculté de Valence [Drôme], le 15 avril 1621. Après quelques essais littéraires et poétiques, qui lui avaient conquis l’estime de Louis de Bourbon, comte de Soissons, gouverneur de la province, il voulut goûter du métier des armes, mais dut y renoncer. En 1629, il fut substitut du procureur général au Parlement de Grenoble, et en 1632 vibailli de Grésivaudan, ancien bailliage du Dauphiné. Le 21 mai de cette même année, il se maria à Grenoble avec Élisabeth Déageant.
Denis de Salvaing |
En 1633, Denis de Salvaing fit partie de l’ambassade du maréchal Charles de Créquy à Rome et, chargé de haranguer le pape Urbain VIII, il s’en acquitta d’une manière qui lui fit honneur, le 25 juillet. Après un séjour de quatre mois à Rome, qu’il employa à visiter les savants et les bibliothèques, il alla à Venise, par ordre du cardinal de Richelieu, pour prendre connaissance des difficultés qui existaient entre le pape et la république. En 1635, à son retour en France, il fut honoré d’un brevet de Conseiller d’État, mais eut la douleur de perdre son épouse, à Grenoble, le 8 novembre.
En 1639, son beau-père ayant donné sa démission de la charge de premier président de la Chambre des comptes du Dauphiné, il fut nommé pour lui succéder, et remplit cette charge pendant plusieurs années avec beaucoup de réputation. Veuf, il se remaria avec Élisabeth de Villers-la-Faye (1611-1673), veuve de Érard Bouton (1605-1636), seigneur de Saint-Léger, le 27 décembre 1640, à Mauvilly [Côte-d’Or].
La mort de sa seconde femme, dont il n’eut pas d’enfant, le 7 septembre 1673, au château de Vinay [Isère], le détermina à se démettre de sa charge en 1674 et à se retirer entièrement des affaires. Après sept mois de maladie, il mourut dans son château de Vourey, le 10 avril 1683, et fut inhumé le lendemain dans l’église Saint-Martin de Vourey [reconstruite au XIXe siècle].
Vulson de la Colombière. Recueil de plusieurs pièces et figures d'armoiries. Paris, Melchior Tavernier, 1639 Photographie BnF |
Il avait édité Publii Ovidii Nasonis, equitis romani, libellus in Ibin (Lugduni, Antonii Pillehotte, 1633), avait donné des poèmes latins et fait imprimer ses harangues ou ses oraisons funèbres ; il avait publié un savant Traité du plait seigneurial et de son usage en Dauphiné (Grenoble, Jean Nicolas, 1652) et un autre De l’usage des fiefs et autres droits seigneuriaux (Grenoble, François Féronce, 1664) ; il avait participé à la rédaction d’ouvrages qu’il avait laissé à d’autres le soin de signer – comme LaScience héroïque, traitant de la noblesse, de l’origine des armes, de leurs blasons, & symboles (Paris, Sébastien Cramoisy et Gabriel Cramoisy, 1644), par Marc de Vulson, sieur de la Colombière, et l’Histoire du chevalier Bayard (Grenoble, Jean Nicolas, 1650),dont Louis Videl reçut la paternité officielle.
Après sa mort, sa bibliothèque fut transportée au château de Sassenage, où ses livres restèrent jusqu’à leur vente.
Le mariage de Christine de Salvaing avait été la seconde alliance de la Maison de Salvaing avec celle de Sassenage : quatre cents ans auparavant, Hugues de Sassenage avait épousé, en secondes noces, Aymonette de Salvaing, fille de Hugues de Salvaing, seigneur de Boissieu, et nièce de Guiffrey de Salvaing, grand maître de l’Ordre des Templiers.
Devenu veuf, Charles-Louis-Alphonse de Sassenage épousa, le 3 mars 1669, Claude de La Motte, dont naquit Ismidon-René de Sassenage (1672-1730) et Gabriel-Alphonse de Sassenage († 1706), fait prisonnier à la bataille d’Höchstadt [Allemagne] le 13 août 1704. Ce dernier laissa, de Catherine-Ferdinande d’Hostun [Drôme], Marie-Françoise-Camille de Sassenage (1705-1786) pour unique héritière, qui fut mariée, le 9 juin 1718, à Charles-François de Sassenage (1694-1762), son cousin germain. Leur fille Marie-Françoise de Sassenage (1735-1786) épousa, en l’église Notre-Dame de Versailles [Yvelines], le 2 juillet 1755, Raymond-Pierre de Bérenger (1733-1806), fils de Pierre de Bérenger (1691-1751), comte de Charmes [Charmes-sur-l’Herbasse, Drôme] et de Le Gua [Isère], décédé à Champlay [Yonne], le 24 juillet 1751, et d’Antoinette-Françoise Boucher d’Orsay (1706-1753).
Autoportrait de Raymond-Ismidon-Marie de Bérenger Coll. Château Sassenage |
L’arrière-petit-fils de Raymond-Pierre de Bérenger, Raymond-Ismidon-Marie de Bérenger est né à Paris le 22 octobre 1811. Il n’avait pas deux ans lorsqu’il perdit son père, Gabriel de Bérenger (1786-1813), colonel d’un régiment, tué à la bataille de Dresde [Allemagne], le 14 août 1813, âgé de 27 ans. Il eut alors pour tuteur son aïeul paternel, Raymond-Charles-Ismidon de Bérenger (1762-1828), ancien major en second du régiment du maréchal de Turenne, héritier par sa mère du château de Sassenage, de ceux de Tallard [Hautes-Alpes] et de Lesdiguières [Le Glaizil, Hautes-Alpes], et du domaine du Mollard [Saint-Marcellin, Isère].
Elevé avec les princes d’Orléans, Raymond-Ismidon-Marie de Bérenger leur conserva de vives sympathies, au point de solliciter et d’obtenir, dans le but de se rendre utile à leur cause, d’être nommé député au corps législatif pour le collège de Saint-Marcellin, le 1eraoût 1846 ; il vota, le temps que dura cette courte législation de moins de dix-huit mois, avec la majorité ministérielle. Là se borna sa carrière politique.
Rentré, en 1848, dans la vie privée, il s’adonna à ses deux passions, l’horticulture et la photographie, et se livra au goût des livres. Il augmenta bientôt de beaucoup la bibliothèque du château de Sassenage, déjà riche en raretés bibliographiques et formée exclusivement d’ouvrages venus de Salvaing de Boissieu. Il collectionna à la fois des livres sur le Dauphiné et des livres dus à des Dauphinois. Il fit partie de l’Académie delphinale, de la Société de Statistique de l’Isère, de la Société des Bibliophiles de Paris et de celle des Bibliophiles dauphinois, dont il fut le président. On lui doit un recueil de Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu (Paris, Comon, 1850, in-8).
Il forma aussi des collections d’estampes dauphinoises, d’autographes et de portraits dauphinois. Il apprit la photographie à Paris, auprès de Gustave Le Gray (1820-1884), photographe officiel de Napoléon III, fut membre de la Société française de photographie et reçut diverses médailles dans des concours.
Lucie de Bérenger, par Ernest Hébert (1817-1908) Coll. Château Sassenage |
Raymond-Ismidon-Marie de Bérenger fut marié à Paris, le 12 avril 1853, avec Constance-Marie-Lucie du Bouexic de Guichen.
Pendant la guerre de 1870, il ne voulut point quitter la capitale, où, durant le siège, il remplit ses devoirs de citoyen et de garde national ; c’est là qu’il aurait contracté le germe de la maladie qui devait l’emporter. Dans les derniers temps, il fut élu conseiller municipal à Sassenage. Il est décédé à Paris [VIIIe], 49 rue Jean Goujon, le 13 décembre 1875.
La vente de la bibliothèque du château de Sassenage eut lieu du lundi 13 au samedi 18 décembre 1897, à Grenoble, Salle des ventes, 15 rue de Bonne :
Catalogue d’une importante bibliothèque composée d’ouvrages anciens, rares et précieux– Ancienne bibliothèque de D. de Salvaing de Boissieu, Conseiller du roi en tous ses Conseils, Premier président en la Chambre des Comptes de Dauphiné, 1600-1683 (Grenoble, Librairie dauphinoise, H. Falque et Félix Perrin, 1897, in-8, [5]-[1 bl.]-[11]-[1 bl.]-232-X-[16] p., avec 1 fig. et 9 pl. h.-t., 1.443 + 6 doubles [bis] = 1.449 lots), dont Théologie [121 lots = 8,35 %], Jurisprudence [144 lots = 9,93 %], Sciences et Arts [176 lots = 12,14 %], Belles-Lettres [260 lots = 17,94 %], Histoire [675 lots = 46,58 %], Mélanges [25 lots = 1,72 %], Supplément [48 lots = 3,31 %]. Le total a atteint environ 50.000 francs.
« Le noyau primitif de cette collection remonte, en effet, à Charles de Salvaing, père du célèbre premier président de la Chambre des comptes du Dauphiné, gentilhomme adonné à la profession des armes, mais qui, chose rare pour l’époque, consacrait ses loisirs à l’étude spéciale des auteurs grecs, dont il recherchait avec avidité les manuscrits et les éditions imprimées, encore très rares alors. L’on sait qu’il connaissait parfaitement la langue d’Homère, qu’il avait couvert d’annotations les marges d’un exemplaire d’Aristophane et avait même entrepris de traduire le poète Lycophron, encore incompris de nos jours. Sous de tels auspices, il n’est point surprenant que son fils se soit adonné aux choses de l’esprit et ait considérablement augmenté la collection de livres, qu’à la mort de son père, il trouva réunie dans le château de Vourey.
Amateur éclairé et bibliophile distingué, Denys de Salvaing de Boissieu eut occasion d’accroître sa bibliothèque d’ouvrages les plus rares provenant des collections de Jean de Bellièvre et d’Ennemond Rabot, l’un et l’autre premier président au Parlement de Grenoble, ainsi que de celles de Jean-Antoine Lescurre et de Claude Expilly, savants jurisconsultes dauphinois. Ses relations, d’autre part, avec les savants et les écrivains contemporains les plus renommés, son vaste savoir et sa profonde érudition qui en avaient fait l’arbitre du goût littéraire dans sa province, lui valurent de nombreux dons d’auteurs. Ces hommages, qui vinrent s’ajouter aux importantes acquisitions qu’une fortune de grand seigneur lui permettait, ne tardèrent pas à faire de sa bibliothèque la plus riche de la région.
En savant qui tient plus à la substance de l’ouvrage qu’à son enveloppe, le collectionneur se contenta de reliures assez modestes ; ses livres sont simplement reliés en veau fauve ou brun, ou encore en vélin blanc. Cependant son faible, bien connu, pour l’illustration de sa race s’affirma ici par l’apposition de ses prétentieuses armoiries sur les plats de ses livres, et par de somptueux ex libris de dimensions et de dessins variant suivant le format des volumes. »
(Catalogue, p. [9]-[10])
Ex-libris Photographie BnF |
Le plus ancien des trois ex-libris [268 x 212 mm] de Denis de Salvaing est celui dit « au chevalier ». Cette planche a été gravée pour La Science héroïque, par Marc de Vulson de la Colombière. Le frontispice, les planches et les nombreux blasons de cet ouvrage ne sont pas signés ; mais il est dédié au marquis de Rosmadec, et à la fin du livre se trouve une Généalogie succinte de la Maison de Rosmadec, dont le titre est orné de son blason signé « I. Picart f. ». Il est donc probable que Jean Picart a gravé toutes les figures de La Science héroïque et par conséquent celle de l’ex-libris du président de Boissieu.
In La Science héroïque, p. 440 |
Elle forme, page 440, le verso de celle du duc de Bourbon dans La Science héroïque, et a été tirée spécialement pour servir d’ex-libris au président de Boissieu.
« 78426. Ex-libris. Aymon de Salvaing, seigneur de Boissieu, surnommé le Chevalier-Hardy, 1505. Magnifique pièce héraldique gravée au XVIIesiècle, représentant Aymon de Salvaing à cheval, armé de pied en cap, brandissant son épée, avec l’aigle à deux têtes sur le cimier de son casque et sur sa cuirasse, ses armoiries sur un drap bordé de fleurs de lis pendant à la tête du cheval et sur une couverture tombante couvrant son corps ; une lance brisée à terre et un guidon fleurdelisé. Un des plus beaux ex-libris connus. In-fol. ; le cadre des filets de la gravure, non compris l’inscription gravée rapportée ci-dessus, mesure 249 millim. de hauteur sur 212 millim. de largeur. 50 fr.
Cet ex-libris remarquable provient de la bibliothèque de Salvaing de Boissieu, président au Parlement de Dauphiné, formée dès le commencement du XVIIesiècle et qui a été dispersée il y a quelques mois à Grenoble. Cette pièce de grand format n’a été collée que sur quelques volumes. Il n’en existe pas plus que 20 à 25 épreuves ; la plupart des volumes auxquels ce magnifique ex-libris a été ajouté ayant été acquis par des amateurs, sont entrés dans des collections locales, de sorte qu’on peut être certain que cette pièce sera toujours recherchée et conservera, outre sa valeur artistique, le mérite d’une rareté bien déterminée. » [sic]
(A. Claudin. Archives du bibliophile, janvier 1898, p. 58)
Nous nous trouvons donc en présence d’une pièce qui a servi comme ex-libris et qui n’avait pas été gravée pour cette destination.
Le deuxième ex-libris [85 x 77 mm] de Denis de Salvaing présente un écu portant « D’or à l’aigle éployée de sable, becquée, membrée et diadémée de gueules ; à la bordure d’azur, semée de fleurs de lis d’or ». Casque taré de front et lambrequins. Cimier : l’aigle éployée issante, chaque bec tenant une banderole, celle de dextre portant : A SALVAIN LE PLVS GORGIAS [hardi] ; celle de senestre : QVE NE FAIROIS IE POVR ELLE. Supports : deux aigles regardantes tenant chacune dans leur bec une bannière, celle de dextre aux armes de l’écu, celle de senestre « De gueules à la croix d’or » [Allinges, Haute-Savoie, origine prétendue des Salvaing]. Le tout posé sur un carrelage de quatre rangs de carreaux portant alternativement : d’argent à l’aigle éployée de sable, et d’azur à une fleur de lis d’argent. Cette gravure n’a pas été retrouvée dans les livres du président de Boissieu : sa qualité d’ex-libris peut donc être contestée.
Le troisième ex-libris [131 x 160 mm] de Denis de Salvaing reproduit à peu près les mêmes armes que le précédent : les lambrequins sont plus abondants ; la banderole de dextre porte A SALVAING LE PLVS GORGIAS ; les bannières sont toutes deux d’or à la croix de gueules ; les aigles reposent chacune sur un rocher isolé. Entre ces rochers et un peu au-dessous est la signature L. Spirinx [né à Anvers le 2 mars 1596].
« 78426 bis. Autre ex-libris de Salvaing de Boissieu pour le format in-4, totalement diff. du premier. Cartouche des armoiries de Salvaing soutenu par deux aigles, cimier ornementé. Au-dessus l’aigle à deux têtes, des serres desquels s’echappent des banderolles portant ces devises : Salvaing le plus gorgias. – Que ne fairois-je pour elle. Pièce en travers très finement gravée au XVIIe siècle par L. Spirinx. Hauteur : 125 millim. sur 158 de largeur. Cette pièce est peut-être plus rare encore que la précédente, car elle ne s’est rencontrée que sur douze à quinze volumes de la même bibliothèque, en partie recueillis par des amateurs locaux. 30 fr. » [sic]
(A. Claudin. Archives du bibliophile, janvier 1898, p. 58)
Le relieur de Denis de Salvaing utilisait trois fers à dorer à ses armes.
« Dans l’assistance qui a suivi les vacations avec un intérêt soutenu, on remarquait : MM. de Terrebasse, Couturier de Royas, de Bouffier, Lanthelme, bibliophiles dauphinois ; M. Baudrier, de Lyon ; M. Masson, d’Amiens ; M. Claudin, le savant libraire bibliographe, M. Edouard Rahir, chef actuel de la grande maison Morgand ; M. Robson, libraire de Londres ; M. Maignien, bibliothécaire de Grenoble ; M. Pilot de Thorey, attaché aux archives de l’Isère, à qui l’on doit la partie savante de la rédaction du catalogue. […]
Les livres, à part quelques rares exceptions, étaient tous dans leurs anciennes et primitives reliures. Ceux qui portaient frappées sur les plats les armes de Salvaing de Boissieu étaient relativement en petit nombre, une centaine environ. Malheureusement ces volumes étaient presque tous des ouvrages latins de peu d’intérêt. Il faut faire exception pour les généalogies, livres de prédilection de Denis Salvaing de Boissieu, qui étaient pour la plupart admirablement reliées en veau fauve, avec l’écusson doré de leur possesseur. Par une singulière anomalie, les prix obtenus pour ces beaux livres ont été des plus médiocres. Le grand ex-libris gravé, représentant un chevalier armé, sur un cheval carapaçonné, avec, au-dessous, cette légende :
AYMON DE SALVAING SEIGNEVR DE BOISSIEV
Surnommé le cheuallier hardy, 1505
était encore plus rare que les reliures armoriées ; il s’est vendu couramment de 20 à 25 francs. »
(Léon Galle. « La Bibliothèque dauphinoise du château de Sassenage ». In Revue du Lyonnais. Lyon, Imprimerie Rougin-Musand, 1898, t. XXV, 5esérie, p. 52-64)
Catalogue, pl. II |
8. Les Exposicions des Euvangilles en romant. Chambéry, Anthoine Neyret, 1484, pet. in-fol. goth., 50 fig. sur bois, rel. anc. en velours vieil or. Premier livre imprimé à Chambéry avec date. 5.850 fr. à Rahir.
9. Le grant vita xpi translate de latin en francoys. [à la fin du tome 2 :] Cy finist le tresbel et prouffitable liure des meditations sur la vie de iesuchrist, prins sur les quatre euangelistes, Et compose par venerable père Ludoulphe, religieux de lordre des chartreux. Paris, Anthoine Vérard, [v. 1500], 4 part. en 2 vol. in-fol. goth. à 2 col., fig., ais en bois couverts de v. gaufré, traces de fermoirs (Rel. anc. en mauvais état). 790 fr.
Catalogue, pl. III |
15. Incipit Missale ad usum ecclesiæ cathedralis sci appolinaris Valentinensis. Manuscrit sur vélin du XVe, in-fol. goth. à 2 col., ais en bois couverts de v. gaufré, fermoirs (Rel. anc. en mauvais état). 1.200 fr.
71. Le Plan de la sacrée chambre de Jésus-Christ et de la Vierge, sa mère. Grenoble, A. Galle, 1669, in-12, v. br., dos orné. 21 fr.
Catalogue, pl. IV |
200. [Decisiones Guidonis Papæ]. Cet ouvrage de Guy Pape n’a ni titre, ni faux titre. [à la fin :] Hoc opus decisionū excellentissimi parlemēti Jalph. fuit gracionopoli, per Stephanū foreti deo fauente ante ecclesiam sancte clare impressum et finitū die penultima mens’ aprilis. Anno dni MM° cccc lxxxx. Grenoble, 1490, pet. in-fol., vél. bl. Premier livre imprimé à Grenoble. Ex. de Claude Expilly. 1.775 fr. à Couturier de Royas.
Photographie BnF |
244. Le songe du Vergier qui parle de la disputacion du clerc & du cheualier. Lyon, Jacques Maillet, 1491, pet. in-fol. goth. à 2 col., v. gaufré à compart. quadrillé (Rel. anc.). 280 fr.
Photographies BnF |
307. Le Jeu des eschez moralise. Paris, Anthoine Vérart [sic], 1504, pet. in-fol. goth. à 2 col., 4 grandes fig. sur bois, v. gaufré (Rel. anc. en mauvais état). 1.060 fr.
Photographie BnF |
437. L’Instruction du Roy en l’exercice de monter à cheval. Par Messire Antoine de Pluvinel. Grandes fig. par Crispian de Pas le Jeune. Paris, Michel Nivelle, 1625, in-fol., v. éc., fil., dos orn. 850 fr.
Catalogue, pl. V |
444. Grammatica græca Constantini Lascaris. Mediolani [Milan], 1476, in-4, v. br. (Rel. anc. en mauvais état). Premier livre imprimé en grec. 1.049 fr. à Rahir.
Catalogue, pl. VI |
492. Hesiodi Ascræi opera et dies. Venetiis, Barth. Zanetti Casterzagensis, 1537, in-4, texte encadré de fil., v. La Vallière, dos à nerfs plats à compartiments géométriques avec fleurons, tr. dor. (Rel. anc.).
534. Pontani opera. Venetiis, in aedibus Aldi, 1513, in-8, v. br., compart. avec filets, arabesques et fleurons or, tr. dor. Rel. pour Grolier. 1er plat détaché. Sur le second plat se lit « Grolierii et amicorum ». Au bas du titre se trouve un ex dono de Grolier à Laurent Rabot, conseiller au Parlement de Grenoble : « Jo. Grolerius copiarum gallicarum quaestor Laurentio Raboto D. D. » [cet exemplaire n’est pas celui de Le Roux de Lincy. Recherches sur Jean Grolier. Paris, L. Potier, 1866, p. 264, n° 250] 1.120 fr.
557. Les Vigilles de la mort du roi Charles Septiesme. Paris, Robert Bouchier, s. d. [v. 1505], in-fol. goth. à 2 col., fig. sur bois, bas. jaune (Rel. anc. en mauvais état). 321 fr.
559. Le Grand Tombeau du monde, ou jugement final. Lyon, Jean Pillehotte, 1606, in-8, mar. v. jans., dent. int., tr. dor. (Niedrée). 60 fr.
564. Recueil des œuvres poétiques du sieur David Rigaud. Lyon, Claude La Rivière, 1653, in-8, vél. bl. fatigué et mouillé. 52 fr.
582. La Pastorale de la constance de Philin et Margoton. Grenoble, Edouard Raban, 1635, in-4, cart. demi-vél. bl., court de marges. 120 fr.
Catalogue, pl. VII |
605. Aristophanis comœdiæ novem. Florentiæ, per heredes Ph. Juntæ, 1525, gr. in-4, v. br., dos à nerfs plats, encadrements fleuronnés or. aux armes d’une famille inconnue, tr. dor. (Rel. anc.). 48 fr.
Photographie BnF |
624. La tresioyeuse plaisante & recratiue hystoire composee par le loyal seruiteur des faiz gestes triumphes et prouesses du bon cheualier sans paour et sans reprouche le gentil seigneur de Bayart. Paris, Galliot du Pré, 1527, in-4 goth., mar. r., fil., fleurons, dos orn., tr. dor. (Bauzonnet). 1.040 fr.
629. La Plaisante, et Ioyeuse histoyre du grand Geant Gargantua. Valence, Claude La Ville, 1547, in-16, fig. sur bois. – Second livre de Pantagruel, roi des Dipsodes. Valence, Claude La Ville, 1547, in-16, fig. sur bois. – Tiers livre des faictz et dictz héroïques du noble Pantagruel. Valence, Claude La Ville, 1547, in-16, fig. sur bois. Trois part. en 1 vol., v. br., dos orn., tr. marb. 160 fr.
746. Histoire de l’antiquité et saincteté de la cité de Vienne. Vienne, Jean Poyet, 1623, in-8, vél. bl. 16 fr.
756. La Vie de saint Estienne, evesque de Dye, tirée de Surius et d’un manuscrit. Grenoble, J. Verdier, s. d. [1688], in-12, v. br., dos orn. (Rel. anc. fatiguée et mouillée). 182 fr.
788. Relation de cérémonies et apparat de l’eglise de S. Pierre, en la canonization de S. François de Sales, evesque de Genève. Paris, Léonard, 1665, in-4, br. 22 fr.
790. Les Vies de IV. des premières mères de l’ordre de la visitation Sainte Marie – Les Vies de VIII. vénérables veves religieuses de l’ordre de la visitation Sainte Marie. Annessy, Jacques Clerc, 1659, 4 vol. in-4, vél. bl. 48 fr.
794. La Vie de Messire Jean Antoine Le Vachet. Paris, Antoine Vuarin, 1692, in-12, portr., mar. r., dos orn., fil., compart. et fleur. dorés, tr. dor. 80 fr.
816. La Vie de Marguerite de Bourgogne, femme de Guy VIII, comte dauphin, fondatrice du monastère des Hayes. Grenoble, A. Galle, 1670, pet. in-4, v. marb., dos orn. Mouill. 86 fr.
862. Lucan suetoine & saluste en frāçoys. Paris, Anthoine Vérard, 1500, in-fol. goth. à 2 col., 2 fig. sur bois, ais en bois recouverts de v. br. 651 fr.
Catalogue, pl. IX |
867. Herodiani histor. lib. VIII. Lyon, Veuve Ant. de Harsy, 1611, in-8, mar. br., dos orn., dent., fleur., rosaces et éventails (Rel. anc.). Aux armes du cardinal Melchior de Polignac, abbé d’Auchai.
904. Le premier [second, tiers] volume de enguerran de monstrellet. Ensuyuant froissart nagueres imprime a paris des cronicques de France. Paris, Anthoine Vérard, [v. 1500], 3 tomes en 2 vol. in-fol. goth. à 2 col., ais en bois recouverts de v. gaufrés, traces de fermoir (Rel. anc.). 421 fr.
1.013. Histoire de Bresse et de Bugey. Lyon, Jean Antoine Huguetan & Marc Ant. Ravaud, 1650, 4 part. en 1 vol. in-fol., fig., v. f. aux armes de Salvaing de Boissieu. 328 fr.
1.061. Discours mémorable de la prise du chasteau d’Allières. Lyon, B. Rigaud, 1577, pet. in-8, cart. 162 fr.
Photographie Université de Liège |
1.277. Boccace des nobles maleureux. Imprime nouuellement a paris. [à la fin :] Cy finist le neufuiesme & dernier liure de Jehan boccace des nobles hōmes et fēmes infortunez translate de latī en frācois. Paris, āthoine verad [sic], 1494, gr. in-fol. goth. à 2 col., ais en bois couverts de v. gaufré, traces de fermoirs (Rel. anc. en mauvais état). 740 fr. à Rahir.
Photographie BnF |
1.278. Le liure de Iehan bocasse de la louenge et vertu des nobles et cleres dames trāslate & īprime nouuellemēt a paris. Paris, Anthoine Vérard, 1493, in-fol. goth., 80 fig. sur bois, v. gauf. (Rel. anc. en mauvais état). 1.103 fr. à Rahir.
1.308. Histoire de Humbert II. dauphin de Viennois. Grenoble, J. Verdier, s. d. [1688], in-12, v. br., dos orn. (Rel. anc. en mauvais état). 100 fr.
1.321. Discovrs de la vie et faits héroiqves de Monsievr de la Vallette Admiral de France, Gouuerneur & Lieutenant general pour le Roy en ProUence. Metz, Domenge Brecquin, 1624, in-4, v. marb., dos orn. Aux armes de H. J. N. de Caumont, duc de La Force, avec chiffre du même sur le dos. 80 fr.
Lucie du Bouexic de Guichen mourut à Paris [VIIIe], le 6 décembre 1894. Son fils, Raymond-Pierre-Ismidon de Sassenage (1872-1945), dernier marquis de Sassenage, épousa à Paris [XVIIe], le 26 juin 1922, Pierrette-Élisa Baudin (1894-1971) qui, n’ayant pas eu d’enfant, légua le domaine à la Fondation de France.