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La Destruction des archives parisiennes par les communards : un crime contre l’humanité

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La grande façade de l'Hôtel de ville de Paris, après l'incendie

Pendant la Commune de Paris, le 23 mai 1871, les communards incendièrent volontairement de nombreux bâtiments publics, dont l’Hôtel de ville de Paris, à l’initiative de l’anarchiste Jean-Louis Pendy (1840-1917), menuisier originaire de Brest [Finistère] : le premier exemplaire de l’état civil et des registres paroissiaux de Paris fut alors anéanti, de même que la collection complète de la Bibliothèque historique de la ville de Paris. L’état civil parisien se trouvait dans une annexe de l’hôtel de ville, 4 avenue Victoria [IVe], qui fut incendiée en premier.


La salle des pas perdus du Palais de justice de Paris, après l'incendie

Le lendemain, les communards incendièrent le Palais de justice, sur ordre du militant blanquiste Théophile Ferré (1846-1871), clerc d’avoué né à Paris : le deuxième exemplaire de l’état civil et des registres paroissiaux disparut à son tour, à la fois pour Paris mais aussi pour toutes les communes du département de la Seine. Outre les bureaux de l’état civil, une grande partie du Palais fut détruite : la partie affectée au Tribunal de première instance, la Police correctionnelle, les Archives, le Parquet général, le Parquet du procureur de la République, les cabinets des juges d’instruction, les deux salles des Cours d’assises, une grande partie de la Cour de cassation, la Cour d’appel, la salle des pas-perdus et la Grand-chambre.


Les incendies de Paris pendant la Commune

Pendant ces journées de destructions de la Commune de Paris, de nombreux autres bâtiments parisiens furent incendiés, anéantissant en quelques heures des siècles d’histoire. Deux cent trente-huit édifices publics ou maisons particulières furent atteints par le feu : le palais des Tuileries, la Bibliothèque du Louvre, le Palais-Royal, le palais d’Orsay avec la Cour des comptes, la préfecture de police, le ministère des finances situé dans le Palais des Finances, le palais de la Légion d’honneur - entraînant la disparition de nombreux dossiers de titulaires de la Légion d’honneur -, la maison de Prosper Mérimée, rue de Lille - anéantissant une partie de ses livres et toute sa correspondance -, les Magasins généraux, la gare de Lyon, la cathédrale Notre-Dame - dont l’incendie fut éteint par les internes de l’Hôtel-Dieu. Les Archives nationalesfurent sauvées grâce à l’intervention du communard Louis-Guillaume Debock (1822-1891), ouvrier typographe originaire de Lille [Nord], qui s’opposa à leur incendie volontaire souhaité par d’autres communards.


Avant la destruction de l’Hôtel de ville de Paris et du Palais de justice, les Archives de Paris disposaient, pour la collection municipale, de 4.114 registres paroissiaux antérieurs à 1792, avec 81 registres de répertoires, 47 registres de publications de bans et 15 registres pour l’état civil des Protestants, ainsi que de 7.300 registres d’état civil contenus dans 1.002 cartons pour la période 1792-1859.


L’ensemble des pertes représente plus de huit millions de documents. La mémoire de la population parisienne depuis le XVIe siècle fut pratiquement anéantie, aussi bien la mémoire du peuple de Paris, que celle des plus grands moments de l’histoire de France, et notamment les naissances, baptêmes, mariages, décès et sépultures des plus grandes personnalités du pays.


« La destruction des registres de l’État-civil, déposés aux archives de la ville de Paris (avenue Victoria), et au greffe du tribunal civil de la Seine, n’est pas seulement une cause profonde de perturbation pour les familles, elle est encore infiniment affligeante au point de vue historique. C’était la collection la plus complète de ce genre qui existât en France ; elle remontait au règne de François Ier, et dans plus de cent cinquante mille registres était contenue la solution d’une infinité de questions : l’historien, le biographe, le généalogiste, le topographe, l’amateur d’autographes, y trouvaient une mine féconde et précieuse. M. Jal nous a appris tout le parti qu’on pouvait en tirer. Tout en versant des larmes sur les cendres de ces précieuses archives de la ville de Paris, ne pourrait-on pas songer à atténuer cette immense perte ? Chaque famille, en fouillant dans son chartrier, retrouvera certainement des extraits de ces registres, et pourra les mettre au jour : ensuite les rares travailleurs qui gravissaient les cent vingt-cinq marches du dépôt de l’avenue Victoria, songeront peut-être à nous faire profiter de leurs recherches. C’est ce qui m’a déterminé à donner à la Revue historique-nobiliaire, les notes que j’ai prises pendant plusieurs années dans les registres de l’état-civil ; d’autres viendront, et nous donneront des documents plus complets et plus intéressants. » [sic]

(Comte de Chastellux. « Notes prises aux archives de l’Etat-civil de Paris ». In Revue historique nobiliaire et biographique. Paris, J. B. Dumoulin, 1872, t. VII, p. 126)


« Les Archives de l’État civil de Paris ont été anéanties par le feu, au Palais de Justice et au dépôt de l’avenue Victoria, pendant ces jours sanglants de haine furieuse, de criminelles entreprises, d’actions folles et sauvages qui ont signalé les quelques jours du milieu du mois de mai 1871.

Il était tout naturel que les hommes qui voulaient abolir la famille missent dans leur programme d’incendiaires la disparition des actes qui établissaient les filiations de toutes les familles, généalogie certaine du peuple, de la bourgeoisie, de la noblesse, que ne pouvait fausser l’art complaisant des généalogistes indignes successeurs des d’Hozier. Il leur fallait brûler les preuves des mariages de leurs aïeux, de leurs pères, d’eux-mêmes et de leurs enfants. Ils ne voulaient plus de mariages, que leur importaient les registres des anciennes paroisses de Paris et ceux des municipalités où étaient inscrits les actes dont le recueil, pour chacun d’eux, composait l’histoire de sa… famille – quel mot mettre à la place de celui-là ? Ils savaient peut-être, non pas tous, mais les chefs dont ils étaient les instruments aveugles, violents et avinés, ils savaient qu’on allait perdre les actes constatant leur naissance, celles de leurs femmes, de leurs enfants et de leurs grands parents, et ils ne s’arrêtaient pas devant cette considération que ces naissances resteraient incertaines, sans preuves dans l’avenir.

Ce que respectent tous les gens sensés qui vivent en société n’est plus que cendre jetée au vent. […] Avec de l’argent et du temps, on reconstruira les maisons et les palais […] mais les registres brûlés, quel argent pourra les restituer, quel temps, si long qu’il soit, aidera à recueillir les éléments de leur recomposition ? […]

Si je prévoyais les révolutions, si je pensais qu’on pouvait revoir la terreur, je ne prévoyais pas qu’on s’attaquerait à d’innocents recueils de documents où le pauvre, le roturier, l’artiste, l’artisan, sont côte à côte avec le riche, le noble, le partisan, le ministre, le prince, où Contugi le charlatan coudoie un Condé dix fois vainqueur. » [sic]

(A. Jal. « Préface de la seconde édition ». In Dictionnaire critique de biographie et d’histoire. Paris, Henri Plon, 1872, 2eédition)





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