2 rue de la Lingerie Photographie Charles Marville, 1865 |
D’une famille de la moyenne bourgeoisie, originaire du village de Meilhac [prononcez « Mé-iak »], sur la commune de Hautefage [Corrèze], Henry Meilhac est né le 23 février 1830 à Paris [Ier], 2 rue de la Lingerie, fils de François Meilhac, né à Argentat [Corrèze] le 9 floréal An VI [28 avril 1798], artiste peintre, et de Christine-Aimée Billaux (° 1808), mariés à Versailles [Yvelines], le 3 janvier 1837. Lors de leur mariage, ces derniers reconnurent Henry pour leur enfant légitime, expliquant que c’était « pour des motifs faciles à deviner » que sa mère avait été alors appelée « Antoinette Chomé » dans l’acte de naissance.
[Henry Meilhac n’est pas né en 1831 – ce que confirme son acte de naissance qui figure dans son dossier de légionnaire -, comme l’ont prétendu les journaux contemporains de son décès, date erronée que même Le Petit Larousse illustré répète ! ; son père n’était pas libraire, contrairement à ce qu’a affirmé Jules Claretie, sur la base d’une homonymie, dans La Vie à Paris -1899-, Paris, Eugène Fasquelle, 1900, p. 360]
Son grand-père paternel, Jean Meilhac, né le 17 août 1764 au village de Meilhac, fut reçu docteur en médecine de la Faculté de Montpellier le 23 février 1789. Il exerça à Argentat et accueillit avec enthousiasme les idées nouvelles de la Révolution ; il fut commissaire du pouvoir exécutif près l’administration municipale. Le 2 brumaire An II [23 octobre 1793], il épousa, à Argentat, Jeanne Jourde, de dix ans sa cadette. A la Restauration, il partit pour Paris, avec une carriole et un cheval, emportant avec lui les livres les plus précieux de sa riche bibliothèque. Ces livres constituèrent le premier fonds de l’échoppe de libraire qu’il installa provisoirement entre les colonnades de l’École de médecine [VIe], puis, dès 1815, 11 rue du Cloître-Saint-Benoît [Ve, supprimée en 1855]. Ayant obtenu un brevet de libraire le 20 juin 1820, il déménagea au 10 rue du Cloître-Saint-Benoît, qui fut le rendez-vous des beaux esprits :
là se réunissaient le chimiste François-Vincent Raspail (1794-1878), le mathématicien Jacques-Frédéric Saigey (1797-1871) et autres savants de l’époque, dont Meilhac fut l’éditeur et l’ami, Louis Hachette (1800-1864), le fondateur de la librairie éponyme. En 1842, Meilhac acheta le fonds des ouvrages qu’avait laissés le naturaliste Thomas-Edward Bowdich (1791-1824), célèbre par ses voyages dans le nord-ouest de l’Afrique.
Installé au 14 rue du Cloître-Saint-Benoît, Meilhac annonça son désir de cesser le commerce dans le Feuilleton du Journal de la librairie du 4 octobre 1845. Il vendit une partie de ses livres les mardi 20 et mercredi 21 novembre 1849 : Catalogue de livres anciens et de quelques ouvrages modernes en nombre, provenant de la librairie de M. Meilhac. En 1853, à 89 ans, Meilhac démissionna et vendit son fonds, du 28 avril au 12 mai, en 13 vacations : Catalogue des livres relatifs aux sciences naturelles. Géologie, botanique, zoologie, médecine, et ouvrages divers, qui composaient la librairie de M. Meilhac (Paris, Delion, 1853, in-8, 104 p., 1.576 lots).
Après des études brillantes au collège Louis-le-Grand, Henry Meilhac réussit volontairement à ne pas entrer à l’École polytechnique et entra comme commis à la librairie de Louis Hachette, 12 rue Pierre Sarrazin [VIe], puis au ministère des Finances, qu’il quitta rapidement pour se consacrer au théâtre.
Le Journal pour rire, 20 novembre 1852 |
De 1852 à 1855, il donna dans Le Journal pour rire, sous le pseudonyme de « Talin », des articles humoristiques agrémentés de croquis, associé avec le dessinateur Abel Damourette (1812-1883).
En 1856, il débuta au théâtre du Palais-Royal par des comédies : Garde-toi, je me garde !, La Sarabande du cardinal et Satania, qui furent remarquées par plusieurs critiques. À propos de la première, Jules Janin (1804-1874) écrivit, dans le Journal des débats politiques et littéraires du 4 février 1856 :
« Il y avait dans cette salle, ordinairement si remplie, assez peu de monde, et ce monde-là paraissait peu disposé à s’amuser. Il y a comme cela des jours où le public boude, comme on dit, contre son propre plaisir […].
Nous-même, dont le métier est d’écouter, nous écoutons distraits. Bon ! tout à coup un mot bien trouvé nous dit : Soyez attentif ! Bientôt une phrase en bel accent français, une ironie, une façon de tourner la pointe en l’air et de la laisser retomber en mille petites sagettes sur le nez de l’auditoire… Oh ! oh ! disons-nous, qu’est-ce ? Un nouveau venu, j’en suis sûr […]. J’entends une voix humaine et j’entrevois un écrivain à travers ces bourdes, ces saillies, ces velléités de comédie en sevrage ! A coup sûr l’homme est jeune qui a fait ces quatre premières scènes, et qui plus est il sait écrire. »
À propos de la deuxième, Jules Janin écrivit le 16 juin 1856 :
« L’auteur de ce joli petit pamphlet est un jeune homme, il est nouveau dans l’œuvre, il a nom M. de Meilhac ; il ne sait pas encore, et Dieu merci, le truc et le fion de son métier. Mais il a le bel esprit, et sur ce bel esprit il compte pour se faire pardonner son inexpérience. Avant peu vous verrez, s’il persiste à rester seul à sa tâche, que M. de Meilhac aura bien fait de n’admettre personne à l’aider. Il est de ceux qui marchent seuls, parce qu’ils savent où ils veulent aller. »
À propos de la troisième, Jules Janin écrivit le 27 octobre 1856 :
« Ici je voudrais dire un mot à un jeune homme d’un véritable esprit qui se désole et qui se lamente. Il a nom M. Meilhac […]. Hier encore Satania, sa pièce nouvelle, applaudie à outrance, elle a disparu trois jours après par l’ordre absolu et capricieux du parterre élégant, difficile, aristo du Palais-Royal.
Eh bien ! sans nier l’obstacle, au contraire, en reconnaissant tout ce que cette disgrâce a d’imprévu et de trop réel, M. Meilhac aurait tort de se décourager et de s’abandonner aux impressions mauvaises […].
Au contraire, ami (dirons-nous à M. Meilhac), relevez la tête et montrez-vous ce que vous êtes, un esprit courageux. En vain le parterre vous maltraite, en vain il dédaigne et rejette votre comédie, en vain il crie, il s’irrite, il vous blesse, il vous écrase… ; il ne prévaudra pas, soyez-en sûr, contre un esprit sincère, contre un talent réel, contre une énergique volonté à toucher le but. »
Meilhac composa ensuite de nombreuses pièces qui eurent du succès, soit seul, soit en collaboration : avec Arthur Delavigne (1831-1899), Eugène Cormon (1810-1903), William Busnach (1832-1907), Charles Nuitter (1828-1899), Émile de Najac (1828-1889), Jacques Redelsperger (1847-1930), Albert Millaud (1844-1892), Arnold Mortier (1843-1885), Philippe Gille (1831-1901), Jules Prevel (1835-1889), Henry Brougham Farnie (1836-1889), Louis Ganderax (1855-1940), Albert de Saint-Albin (1843-1901) et surtout Ludovic Halévy (1834-1908), rencontré en 1860.
Avec Offenbach à vélocipède |
Avec ce dernier, - couple qu’on baptisa « les Grévins du théâtre » -, il écrivit le livret des opéras bouffes de Jacques Offenbach (1819-1880), La Belle Hélène (1864), La Vie parisienne (1866), La Grande Duchesse de Gérolstein (1867), ainsi que le livret de l’opéra-comique Carmen (1875) ; les comédies Froufrou (1869) et Tricoche et Cacolet (1872) naquirent également de leur association.
Photographie BnF |
La liste de ses opéras bouffes, de ses opérettes, de ses livrets, de ses opéras comiques, de ses pièces en un acte, de ses comédies légères et de ses comédies de mœurs contient 89 titres, qui le classèrent parmi les premiers auteurs dramatiques de son temps.
La Vie parisienne, 2 mai 1863 |
À partir de 1863, il donna des articles à La Vie parisienne, hebdomadaire illustré, fondé cette année-là par Marcelin, pseudonyme du caricaturiste Émile Planat (1829-1887), et dirigé par lui.
Il fut nommé chevalier (1869), puis officier de la Légion d’honneur (1884) et fut élu à l’Académie française en 1888, successeur naturel d’Eugène Labiche (1815-1888).
« Meilhac ne quitte jamais le boulevard, il lui faut le bruit, le mouvement, le cri, la chanson, la poussière, les odeurs, l’air particulier de la ville, sa fausse verdure, son activité de vie enfin, c’est le condiment obligé de son œuvre. Aussi travaille-t-il surtout dehors, en voiture, au restaurant, où il dîne dans un coin réservé de la salle commune, seul presque toujours ; ou bien au Cirque, à l’Hippodrome, partout enfin où les yeux occupés laissent l’esprit libre. […]
Il a longtemps habité, pendant la belle saison, un restaurant du bois, pour entendre encore le bruit de la ville.
Aujourd’hui, il va jusqu’à Saint-Germain : il occupe, au pavillon Henri IV, l’appartement où M. Thiers a rendu l’âme ; la terrasse est son boulevard d’été. Bien que des amis de choix partagent son court exil, il vient souvent dîner à Paris, presque toujours en voiture ; il exècre le chemin de fer et son exactitude brutale. Il rentre coucher à Saint-Germain pour travailler au réveil.
Au fond, Meilhac a horreur de la vie des champs, il est de ceux qui prennent froid à la vue d’un pot de fleurs sur leur fenêtre. »
(Adrien Chabot. « Henry Meilhac ». In Revue illustrée. Paris, Ludovic Baschet, 1888, t. V, p.223-224)
Henry Meilhac au billard |
Meilhac a changé trois fois de domicile, avec son billard légendaire – qu’il vendit en septembre 1896, pour agrandir sa bibliothèque - et ses livres.
10 cité de Trévise [deuxième immeuble à partir de la gauche] |
Il a longtemps occupé un entresol 10 cité de Trévise [IXe], devant la fontaine. L’âge et la fortune l’ont conduit 30 rue Drouot [IXe], dans un logement plus vaste : là, pendant neuf ans, il a complété sa superbe collection de livres. Le nombre de ces derniers augmentant toujours, il a dû se transporter 10 place de la Madeleine [VIIIe], à l’angle du boulevard du même nom, au 2eétage, dans un immeuble de six étages construit en 1815, dont le 5eétait occupé par le « grenier » de Jules Simon (1814-1896) et le rez-de-chaussée par un bar. Au numéro 8 voisin se trouvaient la Pharmacie Virenque et les corsets de Madame Léoty.
[Le domicile de Meilhac et de Simon est bien le n° 10 place de la Madeleine – ce que confirment leurs actes de décès -, et non le n° 7, comme l’a prétendu le marquis de Rochegude dans ses Promenades dans toutes les rues de Paris par arrondissements (Paris, Hachette et Cie, 1910, VIIIeArrondissement, p. 11-12)]
Angle sud-est de la place de la Madeleine, avant 1903 |
Angle sud-est de la place de la Madeleine, après 1903 |
Statue de Jules Simon, devant les premier et deuxième étages du 10 et du 8 place de la Madeleine (après 1903) |
De G à D : deuxième étage des 10 et 8 place de la Madeleine (avril 2018) |
De son appartement, à l’angle sud-est de la place, il avait vue sur l’entrée de l’église de la Madeleine et sur la fontaine de Davioud, qui sera remplacée en 1903 par la statue de Simon : celle-ci fut transférée en 1933 place du Guatémala [VIIIe], à l’arrière de l’église Saint-Augustin.
Intérieur du restaurant Durand (1911) |
Pendant trente années, Meilhac prit ses repas au restaurant Durand, 2 place de la Madeleine, fondé en 1836.
Les abords du restaurant Durand au moment de la sortie du général Boulanger, à 1 h. du matin, le 28 janvier 1889 Dessin de Louis Tynaire (1861-1942). In Le Monde illustré, 2 février 1889 |
Célèbre par la visite du général Georges Boulanger (1837-1891), il ferma en 1914, après la reconstruction de l'immeuble en 1900.
Henry Meilhac chez lui, place de la Madeleine Photographie par Paul Cardon (1858-1941), dit "Dornac", v. 1890 |
« Le cabinet de travail de Meilhac est situé au point le plus bruyant de Paris ; de sa fenêtre, il peut voir passer la ville, on pourrait dire le monde.
La pièce, vaste, tendue de drap rouge, est entourée de bibliothèques d’ébène, bourrées d’éditions rares. Il a, entre autres, soigneusement enfermées dans un coffret d’émail, les premières éditions de Molière et la collection de lithographies de Gavarni avec annotations et le bon à tirer.
La petite table de marqueterie sur laquelle pose sa main, dans le portrait de Delaunay, est une amie de jeunesse. Sur elle, Meilhac a écrit toutes ses pièces, au mépris du grand bureau Louis XIV, qui reste encombré de manuscrits et de livres dans un désordre pittoresque.
Il écrit sur de grandes feuilles de papier blanc non rayé, toujours avec des plumes d’oie ; son écriture est franche, nette, très lisible ; un peu dans la forme des écritures du dix-huitième siècle.
Il n’est jamais entré chez lui, ni plume métallique, ni timbre-poste, ni une lampe à huile. Il s’éclaire constamment avec un candélabre à cinq bougies. Le papier à lettre, dont il fait grand usage, porte en jarretière autour du chiffre : Lente dies, celeriter anni.
Deux tableaux dans la pièce, un portrait de femme, tout un drame, et un Diaz argenté, souvenir du Petit Duc. […]
Meilhac n’observe en rien les principes de M. de Buffon ; il n’a pas comme lui, en écrivant, le respect de ses manchettes ; en pantoufles, à peine vêtu, il travaille en tordant nerveusement le bouton d’or de sa manche, ou la patte de sa chemise, s’interrompant souvent pour courir au téléphone ou caresser un chat couché sur la cheminée, au pied de la pendule silencieuse.
A partir de quatre heures, le travail cesse, la porte s’ouvre, le whist et le billard commencent. Du haut de la cheminée de la salle, Molière, de son doux œil de bronze, semble contempler son confrère et sourire aux carambolages qu’il manque.
La soirée s’achève au théâtre, toujours dans une avant-scène, ou chez des amis sévèrement triés ; personne n’est moins banal que lui. » (Ibid., p. 224-225)
Meilhac achetait souvent des livres en se rendant aux Variétés ou au Palais-Royal, chez Fontaine, chez Morgand ou chez Conquet.
Il avait été un des premiers à courir après les Rétif de la Bretonne et avait revendu son fameux Rétif complet au vicomte François-Joseph Toustain de Richebourg (1780-1868), fils du censeur royal et ami de Rétif. Il se sépara aussi de sa collection de toutes les pièces originales de Molière, placées dans un somptueux coffret, surmonté d’un petit buste de Molière : le coffret était resté en place, mais vide.
Son ex-libris circulaire [45 mm], gravé par Stern, présente ses initiales « H M » superposées, entourées d’un ceinturon portant la légende « • LENTE • DIES • CELERITER • ANNI • » [L’heure est lente, les années passent vite].
Membre de la Société des Amis des livres à partir de 1888, il fut l’auteur de l’une des onze notices de Paris qui crie. Petits métiers (Paris, Amis des livres, 1890, pet. in-4, 30 dessins en couleurs de Pierre Vidal, tir. 120 ex.), publié par les soins de Eugène Paillet (1829-1901).
Henry Meilhac mourut, célibataire, le mardi 6 juillet 1897, en son domicile de la place de la Madeleine :
« Depuis quelques mois, il ne quittait plus que rarement son appartement. MM. Weill et Dieulafoy, ses médecins, le lui avaient interdit, bien que le malade dût en souffrir dans ses vieilles habitudes d’activité. Après avoir eu, au mois de novembre, une attaque d’urémie, des soins empressés l’avaient pour une fois mis hors de péril, mais un long repos était indispensable.
M. Henri Meilhac s’y résigna, et cette docilité eut d’heureux résultats ; déjà l’on escomptait sa guérison prochaine : le malade avait pu faire quelques sorties et notamment assister, en qualité de directeur de l’Académie française, au service funèbre du duc d’Aumale ; car, malgré sa faiblesse, il avait tenu à rendre hommage à son illustre collègue.
Quelques jours après, M. Henri Meilhac était de nouveau frappé par une attaque d’apoplexie, avec aphasie et paralysie du côté droit. Un traitement énergique, auquel il se soumit sans résistance, parut triompher encore de la maladie. M. Henri Meilhac se rétablit avec une rapidité extraordinaire ; il fit quelques promenades au Bois et décida de partir pour Saint-Germain, où une villa avait été louée pour lui par M. Ganderax.
Dimanche, après un repas très léger pris d’un excellent appétit, le malade, dont la bonne humeur s’était accrue au reçu d’une dépêche de Mme Réjane disant : “ Grand succès pour Froufrou. Heureuse d’en faire part à mon cher patron, que je suis enchantée de savoir convalescent ”, décida de faire une courte promenade en voiture. Mais, au moment de partir, un frisson subit le saisit. Il dut s’aliter aussitôt.
Le docteur Weill appelé, se montra tout de suite très inquiet. La nuit fut, en effet, fort mauvaise, car le mal faisait des progrès rapides. Lundi, le docteur Dieulafoy fut appelé à son tour en consultation ; mais les moyens énergiques employés pour soutenir le malade furent inutiles, l’état de H. Meilhac s’aggravait toujours ; il fallut enfin perdre tout espoir, le malade s’affaiblissait de plus en plus ; à onze heures du soir [le mardi], il rendait le dernier soupir, sans paraître souffrir, sans avoir repris connaissance. » (Le Monde artiste illustré, 11 juillet 1897, p. 437-438)
Après la messe en l’église de la Madeleine, l’inhumation fut faite au cimetière Montmartre [21e division].
En 1900, sa sépulture fut ornée d’une statue de pleureuse, œuvre du sculpteur Albert Batholomé (1848-1928).
De G à D : Ganderax et Meilhac (1889) |
Henry Meilhac avait institué Louis Ganderax son légataire universel : il hérita donc de la fortune du maître, de ses droits d’auteur et de sa bibliothèque.
Cette bibliothèque fut vendue en 1922 par Ganderax, qui n’y avait apporté aucune modification, du mardi 25 au samedi 29 avril, en 5 vacations, dans une des salles des Galeries Georges Petit, 10 rue de Sèze [IXe] : Bibliothèque de feu Henry Meilhac, de l’Académie française ([Paris], Lair-Dubreuil et Jules Meynial, [1922], in-8, [4]-148-[1]-[1 bl.]-[1]-[1 bl.] p., 787 + 2 doubles [bis] + 1 triple [ter] = 790 lots), dont Livres anciens [173 lots = 21,89 %], Romantiques [270 lots = 34,17 %] et Livres modernes [347 lots = 43,92 %].
« On va vendre la bibliothèque de Meilhac ; ce qui m’étonne, ce n’est pas qu’on la vende, c’est qu’il y reste des livres ! Le bon Meilhac était l’homme le plus obligeant de la terre, et pareil à plus d’un de ses héros, il ne savait rien refuser aux jeunes femmes ; il en recevait une foule, dans son appartement de la place de la Madeleine, et il était rare qu’une de ces jolies visiteuses n’empruntât pas plusieurs bouquins. Vous connaissez la phrase : “ Je vous le rendrai, car, moi, je rends les livres ! ” Meilhac souriait, il savait par expérience qu’on rend parfois l’argent emprunté, mais qu’on ne restitue jamais les volumes prêtés.
L’auteur de Ma Camaradeétait trop heureux de voir évoluer autour de lui ces frivoles créatures, ses modèles favoris, les bergères des Folies, dont il fut le Watteau, et il leur pardonnait leurs larcins. De là vient sans doute que cette bibliothèque ne comprenne que 700 numéros, mais ce sont des numéros de choix, qui nous révèlent un Meilhac bibliophile : des éditions originales pour la plupart. »
(Pierre Veber. « Les Livres de Meilhac ». In Le Gaulois, 9 avril 1922)
Photographie Librairie Camille Sourget |
7. Beaumarchais. La Folle Journée ou le Mariage de Figaro. Imprimerie de la Société typographique et Paris, Ruault, 1785, in-8, 5 fig. de Saint-Quentin, mar. r., 3 fil., dos orné, dent. int., tr. dor. sur bro. (Chambolle-Duru). 1.200 fr.
9. Boccace. Le Decameron. Londres (Paris), 1757-1761, 5 vol. in-8, 5 front., portr., 110 fig. et 97 culs-de-lampe, mar. vert, 3 fil., dos orné de pointillé croisé, dent. int., tr. dor. (Rel. anc.). 18.400 fr.
11. Bon Genre. Observations sur les modes et les usages de Paris pour servir d’explication aux 115 caricatures publiées sous le titre de Bon Genre depuis le commencement du dix-neuvième siècle. Paris, (La Mésangère), 1822, in-fol., 115 pl. grav. et coloriées à la main, demi-veau brun, non rogné (Bauzonnet). De la bibliothèque de P. Desq. 7.100 fr.
Photographie Librairie Camille Sourget |
22. Choderlos de Laclos. Les Liaisons dangereuses. Londres, 1796, 2 vol. in-8, 2 front. et 13 fig., veau granit, dent., dos orné, dent. int., tr. dor. (Rel. anc.). Pap. vélin. 4.000 fr.
24. Constant. Adolphe. Paris, Treuttel et Würtz, Londres, Colburn, 1816, in-12, dos et coins mar. vert, tête dor., non rog. (David). Grand pap. 720 fr.
38. Dorat. Les Baisers. La Haye, Paris, Lambert et Delalain, 1770, in-8, mar. r., 3 fil., dos orné, doublé de mar. bleu, large dent., tr. dor., étui (Thibaron-Joly). 2.800 fr.
46. Fénelon. Les Aventures de Télémaque. Imprimerie de Monsieur, 1785, 2 vol. in-4, mar. vert, fil., fleurons d’angles, dos ornés à petits fers, dent. int., tr. dor. (Rel. anc.). 3.450 fr.
50. Galerie dramatique par Joly (Petite). Paris, Martinet, 11 vol. in-8, 1.637 pl., dos et coins veau fauve, dos ornés, non rog. (Champs). 2.450 fr.
53. Goya. Les Caprices. (Madrid, 1799), 80 pl., in-4, mar. grenat, 3 fil., dos orné, dent. int., tr. dor., sur bro. (Chambolle-Duru). 5.200 fr.
58. Histoire du vieux et du nouveau Testament. Anvers, Mortier, 1700, 2 vol. in-fol., mar. r. à long grain, petite grecque et dent. de lotus, dos orné à petits fers et de mosaïque de mar. vert, doub. et gardes de moire vert d’eau, tr. dor. (Bozerian). Grand pap., avant les clous. 3.550 fr.
Photographie Librairie Le Feu follet |
62. Imbert. Le Jugement de Pâris, poëme en IV. chants. Amsterdam, 1772, in-8, titre et 4 fig. par Moreau, mar. bleu, fil., dos orné, dent. int., tr. dor. (Chambolle-Duru). Grand papier.
65. La Bruyère. Les Caractères de Théophraste, traduits du grec. 9eédition. Paris, Estienne Michallet, 1696, in-12, mar. r. jans., dent. int., tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). 620 fr.
68. La Borde. Choix de chansons. Paris, De Lormel, 1773, 4 tomes en 2 vol. in-8, 4 front., portr., 109 fig., mar. bleu, dent., dos orné, doublé de mar. fauve, dent., tr. dor. (Cuzin). 12.000 fr.
70. La Fayette. La Princesse de Clèves. Paris, Claude Barbin, 1678, 4 parties en 2 vol. in-12, mar. vert, comp. de fil. à la Duseuil, dos orné, dent. int., tr. dor. (Capé). Ex. de Bancel. 2.820 fr.
72. La Fontaine. Œuvres complettes. Paris, Lefèvre, 1814, 6 vol. in-8, mar. bleu à long grain, comp. de fil. et dent., dos ornés, dent. int., tr. dor. (Thouvenin). Un des 30 ex. sur gd. pap. vélin, fig. de Moreau avant la lettre. 2.800 fr.
Le Rat de ville et le Rat des champs |
74. La Fontaine. Fables choisies. Paris, Desaint et Saillant, 1755-1759, 4 vol. in-fol., front. et 275 fig. par Oudry, mar. gris bleu, 3 fil., dos orné, dent. int., tr. dor. (Derome le père). Premier tirage sur grand papier dit « Royal », tiré à 50 ex. 15.500 fr.
Les Lunettes |
75. La Fontaine. Contes et nouvelles en vers. Amsterdam, 1762, 2 vol. in-8, mar. r., fil. et pointillé, milieux dor., mosaïque de mar. bleu aux angles et aux milieux avec orn. dor., dos orn., dent. int., tr. dor. (Thibaron). Éd. des Fermiers généraux. 3.100 fr.
76. La Fontaine. Contes et nouvelles en vers. Paris, Didot, 1795, 2 vol. in-4, grand pap. vélin, mar. r., 3 fil., dos orn., dent. int., têtes dor., non rog. (Meyer). 4.000 fr.
78. La Rochefoucauld. Réflexions ou sentences et maximes morales. Paris, Claude Barbin, 1665, in-12, front., mar. brun, 3 fil. à froid, dent. int., tr. dor. (Dumergue). 785 fr.
81. Le Sage. Histoire de Gil Blas de Santillane. Dernière édition. Paris, Libraires associés, 1747, 4 vol. in-12, 32 fig., mar. r., 3 fil., dos orné, dent. int., tr. dor. (Chambolle-Duru). 560 fr.
86. Longus. Les Amours pastorales de Daphnis et Chloé. S. l. (Paris, Quillau), 1718, in-8, mar. r., fil., dos orné, dent.int., doublures et gardes de soie bleue, tr. dor. (Rel. anc.). 4.000 fr.
89. Marguerite de Navarre. Les Nouvelles de. Berne, Nouvelle Société typographique, 1780, 3 vol. in-8, mar. vert, 3 fil., fleur d’angles, dos orn., dent. int., non rog. (Thibaron-Joly). Ex-libris Saint-Geniès. 1.800 fr.
100. Molière. Les Œuvres. Paris Étienne Loyson et Charles de Sercy, 1666, 2 vol. in-12, 2 front., mar. r. jans., doublé de mar. bleu, fil. et dent., fleurons d’angles, tr. dor. (Motte). 3.480 fr.
101. Molière. Œuvres. Paris, Denys Thierry et Claude Barbin, 1674-1675, 7 vol. in-12, mar. r., comp. de fil. à la Duseuil, dos orné, dent. int., tr. dor. (Capé). 3.450 fr.
102. Molière. Œuvres. Paris, 1734, 6 vol. in-4, portr., fleuron, 33 fig., 198 vign. et culs-de-lampe, mar. r., 3 fil., dos orné, dent. int., tr. dor. (Capé-Masson Debonnelle). 4.900 fr.
103. Molière. Œuvres, avec des remarques grammaticales, des avertissements et des observations sur chaque pièce, par Bret. Paris, Compagnie des libraires associés, 1773, 6 vol. in-8, portr. et fig., mar. vert, 3 fil., dos orné, dent. int., tr. dor. (Derome). Figures de Moreau le Jeune avant la lettre. De la vente Gosford (1882, 7.800 fr.). 40.500 fr.
108. Montaigne. Essais. Bourdeaux, P. S. Millanges, 1580, 2 vol. in-8, vélin, tr. rouge. Court de marges. 4.700 fr.
109. Montaigne. Les Essais. Paris, Michel Sonnius, 1595, in-4, mar. brun jans., dent. int., tr. dor. (Chambolle-Duru). Ex. avant le carton. 3.500 fr.
116. Ovide. Les Métamorphoses en latin et en françois. Paris, Barrois, 1767-1771, 4 vol. in-4, mar. bleu, fil., dos orn., dent. int., tr. dor. (Chambolle-Duru). 3.250 fr.
117. Pascal. Les Provinciales. Cologne, Pierre de la Vallée, 1657, in-4, mar. olive jans., dent. int., tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). Lettres et pièces ajoutées. Ex. de J. H. Basse. 1.005 fr.
Photographie BnF |
126. Pigal, Pajou et Arago. Anciens proverbes. Paris, Noël et Dauty, in-4, 66 feuilles de texte explicatif et 66 pl. lith. et coloriées, toile, tr. jasp. 390 fr.
127. Plaisirs de l’Isle enchantée (Les). Paris, Imprimerie royale, 1673, 9 pl. – Relation de la feste de Versailles du 18 juillet 1668. Paris, Impr. royale, 1679, 5 pl. – Les Divertissemens de Versailles donnez par le Roy à toute sa cour au retour de la conqueste de la Franche-Comté en 1674. Paris, Impr. royale, 1676, 6 pl. Ensemble en 1 vol. in-4, mar. r., 3 fil., comp. de fil. à la Duseuil, chiffre aux angles, dos orn., dent. int., tr. dor. (Rel. anc.). Aux armes de Louis XIV. 2.700 fr.
129. Prévost. Mémoires et avantures d’un homme de qualité qui s’est retiré du monde. Amsterdam, Aux dépens de la Compagnie, 1731, 7 tomes en 4 vol. in-12, mar. bleu jans., doublé de mar. brun, large dent., tr. dor. (Thibaron-Joly). Le tome VII contient l’édition originale de Manon Lescaut. 1.700 fr.
131. Prévost. Histoire de Manon Lescaut et du chevalier Des Grieux. Paris, Didot, 1797, 2 vol. in-18, mar. r., 3 fil., dos orn., doubl. mar. bleu, fil. et large dent., tr. dor., étui (Cuzin). 1 des 100 sur grand papier. 2.600 fr.
136. Racine. Œuvres complètes. Paris, Agasse, 1807, 7 vol. in-8, mar. r. à long grain, comp. de fil. et dent., dos orn., dent. int., tr. dor. (Bozerian Jeune). Au chiffre de Caroline-Ferdinande-Louise de Bourbon, duchesse de Berry. 2.500 fr.
138. Regnard. Œuvres. Paris, Pierre Ribou, 1708, 2 vol. in-12, front., fig., mar. r., milieux dorés, doublé de mar. bleu, large dent., tr. dor. (Thibaron). 755 fr.
141. et 142. Rétif de la Bretonne. Le Paysan perverti. La Haie, Esprit, 1776, 4 vol. in-12. – La Paysanne pervertie. La Haie et Paris, Veuve Duchesne, 1784, 4 vol. in-12. Mar. rouge, 3 fil., dos orn., dent. int., tr. dor. (David). 2.500 fr.
161. Térence. Les Comédies. Paris, Jombert, 1771, 3 vol. in-8, front. et 6 fig. de Cochin, mar. r., fil., dos orné, dent. int., tr. dor. (Rel. anc.). Aux armes de Calabre. Grand pap. 3.850 fr.
166. Vernet (Horace). Incroyables et merveilleuses. (Paris, v. 1820). 33 pl. grav. par Gatine et coloriées, in-fol., demi-mar. vert (Rel. anc.). 2.000 fr.
169. Voltaire. Œuvres complètes. (Kehl), Société typographique, 1785-1789, 70 vol. in-8, front. par Moreau, portr., 93 fig. et 12 portr. par Moreau, mar. vert, fil., dos orné, dent. int., tr. dor. (Rel. anc.). 3.920 fr.
171. Voltaire. Romans et contes. Bouillon, Société typographique, 1778, 3 vol. in-8, veau marbr., dent., dos orn., dent. int., tr. dor. (Rel. anc.). Avant les numéros. 3.500 fr.
172. Voltaire. Zadig ou la destinée. Paris, Amis des livres, 1893, in-4, ill. couleurs, debr., couv. 1 des 115 ex. 2.000 fr.
173. Watteau. Figures de différents caractères de paysages. Paris, Audran, s. d. (v. 1735), 2 tomes en 1 vol. in-fol., veau marbré, dent., dos orné, tr. marbrée (Rel. anc.). 14.500 fr.
179. Balzac. Les Cent Contes drolatiques colligez ès abbaïes de Touraine. Paris, Charles Gosselin, 1832 et 1833, 2 vol. in-8, couv. impr. avec encadr. rouge sur papier quadrillé. – Paris, Éd. Werdet, 1837, in-8, couv. jaune [non citée par Vicaire]. Ensemble 3 vol. in-8, mar. grenat, 6 fil., dos orn., 6 fil. int., tr. dor. sur bro., couv. cons. (Chambolle-Duru). 1.800 fr.
180. Balzac. Les Contes drolatiques. 5e ed. Paris, Société générale de librairie, 1855, in-8, fig., mar. vert, fil. gras et maigre, comp. de 5 fil., dos orn., dent. int., tr. dor. sur bro. (Cuzin). 1er tirage sur papier de Chine à quelques ex. 7.000 fr.
211. Chénier (André). Poésies. Paris, Baudouin, 1820, in-12, cuir de Russie, fil. gras et maigre, dent. à froid, dos orn., dent. int., tr. dor. (Lefebvre). Des bibliothèques Nodier, Pixerécourt, A. Martin et G. Bolle où Meilhac l’a payé 50 fr. en mai 1849. 6.800 fr.
242. Gautier (Théophile). Mademoiselle de Maupin. Paris, Renduel, 1835-1836, 2 vol. in-8, mar. r. jans., dent. int., tr. dor. (Reymann). Édition originale. 1.900 fr.
308. Mérimée. Carmen. Paris, Michel Lévy, 1846, in-8, mar. orange jans., dent. int., tête dor., non rog., couv. cons. (Canape rel., Domont dor.). Édition originale. La couv. porte 1847. Ex. de J. Noilly. 5.600 fr.
362. Stendhal. Le Rouge et le Noir. Paris, Levavasseur, 1831, 2 vol. in-8, vign. sur les titres, dos et coins veau rouge, dos ornés, têtes jasp., tr. ébarb. (Rel. romantique). Édition originale. 2.030 fr.
364. Stendhal. La Chartreuse de Parme. Paris, Ambroise Dupont, 1839, 2 vol. in-8, demi-veau fauve, dos ornés, tr. marbr. (Rel. romantique). Édition originale. 3.000 fr.
Photographies Librairie Camille Sourget |
388. Caricature (La). Journal fondé et dirigé par Ch. Philipon. Paris, Aubert, 1831-1835, 10 vol. in-fol., 524 pl. coloriées ou en noir, demi-toile r., non rog., couv. cons. 6.000 fr.
390. Daumier (H.). Les Cent Robert Macaire. Paris, Aubert, 100 lith. montées sur onglets, in-fol., dos et coins mar. rouge. 2.200 fr.
L'Atelier du lithographe |
440. Gavarni. Œuvre composée de 5.000 pièces de divers tirages. Ensemble 25 vol. demi-rel. (Petit) et le reste en feuilles. Provenant en partie de Édouard Bocher. 19.100 fr.
473. Baudelaire (Charles). Quinze histoires d’Edgar Poë. Ill. de Louis Legrand. Paris, Amis des livres, 1897, in-4, mar. vert à long grain, dos et coins, non rog., couv. cons. (Paul Vié). 1 des 50 ex. des membres titulaires. 2.500 fr.
555. Flaubert. Salammbô. Paris, Michel Lévy, 1863, in-8, dos et coins mar. rouge, dos orn., tête dor., non rog. (Raparlier). Éd. originale sur pap. de Holl. Envoi de l’auteur à Meilhac. 2.050 fr.
556. Flaubert. L’Éducation sentimentale. Paris, Michel Lévy, 1870, 2 vol. in-8, dos et coins mar. brun, têtes dor., non rog. (Raparlier). Édition originale sur papier de Hollande, avec sur le faux titre du tome I cet envoi autographe : « mauvais titre ? Le véritable titre aurait dû être “ Les Fruits secs ” ? Je soumets cette observation au confrère Meilhac qui s’entend aussi bien à nommer les œuvres qu’à les faire. son tout dévoué G. Flaubert. ». 2.750 fr.
681. Maupassant. La Maison Tellier. Paris, Victor Havard, 1881, in-12, mar. r., 3 fil., dos orn., dent. int., doublé de mar. vert, comp. de fil. et fleurons d’angles, gardes de soie, broch., tr. dor. sur broch. (Marius Michel). Éd. originale. 1 des 25 sur pap. de Hollande. 3.000 fr.
688. Maupassant. Monsieur Parent. Manuscrit autographe signé, de 41 feuillets écrits recto, in-4, vélin, fil. et fleurons dor. 6.700 fr.
La vente s’est terminée sur un total de 465.152 francs.