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Les Ex-Libris d’Aglaüs Bouvenne, monogrammophile

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Aglaüs-Ernest Bouvenne [selon l’État-Civil – reconstitué – de Paris], et non pas Ernest-Gustave, dit « Aglaüs », Bouvenne [selon le témoignage de Maurice Tourneux (1849-1917)], est né à Paris, dans l’ancien IIe arrondissement [IXe], le 5 février 1829. Lui-même signait ses œuvres Ernest-Aglaüs, au début, puis Aglaüs Bouvenne.

Il suivit quelque temps les cours du Conservatoire de musique, puis passa dans l’atelier de l’artiste peintre Narcisse Diaz de la Peña (1807-1876), de l’École de Barbizon.



Peu après, il entra à l’imprimerie lithographique de Joseph Lemercier (1803-1887), installée dans un ancien jeu de paume, rue de Seine

                                                                                   
 


















[le sculpteur Antonin Moine (1796-1849) avait reproduit les traits de Joseph Lemercier dans l’une des figures de tritons qui décorent la fontaine des mers et la fontaine des fleuves de la place de la Concorde, inaugurées en 1840].


Il passa 31 ans à l’imprimerie Lemercier, chargé de surveiller les tirages des planches de tout genre qui s’y exécutaient. Le 8 octobre 1853, il épousa Adelphine-Bénédictine Decamps.

À ses rares heures de loisir il maniait volontiers le crayon lithographique ou la pointe de l’aquafortiste, et il reproduisait à petit nombre, pour sa satisfaction propre, diverses compositions de Delacroix ou de Corot ; le dimanche, il courait les quais dont les boîtes regorgeaient de brochures alors dédaignées. Il se forma ainsi une précieuse petite bibliothèque d’art et d’archéologie, et un petit musée de reliures armoriées que l’on rencontrait parfois encore à vil prix, ou qu’il échangeait contre d’autres curiosités.  


Membre des Sociétés archéologiques de Laon et de Soissons, puis de la Société française d’archéologie, il donna d’abord quelques contributions aux recherches archéologiques :


- Notice historique et archéologique sur le château et la ville de Château-Thierry (Paris, Parmentier, 1858), avec P.-J. Delbarre, membre de l’Institut des provinces et des Sociétés archéologiques de Laon et de Soissons.

- articles dans la Revue de l’art chrétien, recueil mensuel d’archéologie religieuse dirigé par l’abbé Jules Corblet (1819-1886), de la Société impériale des Antiquaires de France : « Piscine de l’église d’Ahun (Creuse) » (4e année, 1860, t. IV), 



« Ruines de l’église Saint-Hippolyte à Paris » (5e année, 1861, t. V), « La Lanterne des Morts de Felletin » (8e année, 1864, t. VIII), « Sainte-Wilgeforte » (10e année, 1866, t. X), « Poisson en cristal de roche, provenant des Catacombes » (12e année, 1868, t. XII).





Il ne négligeait pas de prendre un peu partout l’empreinte ou le dessin de monogrammes dont il tira les matériaux pour Les Monogrammes historiques d’après les monuments originaux (Paris, Académies des bibliophiles, 1870), qu’il dédia « A mon père 1798-1864 », tiré à 500 exemplaires sur vergé, 10 sur Chine et 2 sur chamois : quelques erreurs d’interprétation y ont été signalées (L’Intermédiaire des chercheurs et curieux, LXIIe volume, 10 décembre 1910, col. 841-842). 


Les Monogrammes historiques : bandeau (p. I)



À l’occasion de cette édition, Bouvenne composa et grava un monogramme qu’il utilisa pour ses en-têtes de lettres.   


Le 8 avril 1872, il fonda avec Alexis Martin (1834-1904), historiographe et poète, la Société des Éclectiques, dont le nombre des membres n’excéda pas 25, qui avait pour but de venir en aide aux artistes en difficulté et qui poursuivit ses activités jusqu’en 1902.


Dîner du 14 mai 1894 : eau-forte du Dr Paul Gachet, dit Paul van Ryssel
Les dîners avaient lieu le 1er dimanche de chaque mois dans différents restaurants (Deluc, rue de Seine ; Lafitte, rue Taranne ; Deshays, rue de Saint-Mandé), ou parfois, au printemps et en été, dans les jardins et bosquets de la banlieue, souvent immortalisés par une gravure de l’un des membres, parmi lesquels il y avait


Dîner du 5 octobre 1874 : eau-forte du Dr Paul Gachet, dit Paul van Ryssel

le Docteur Paul Gachet (1828-1905), le sculpteur Emile Guillemin (1841-1907), le journaliste écrivain Ernest d’Hervilly (1838-1911), Charles Asselineau (1820-1874), l’illustrateur Félix Régamey (1844-1907), le graveur Alphonse Leroy (1820-1902), Achille Ricourt (1797-1879), directeur de L’Artiste, l’artiste peintre Eva Gonzalès (1849-1883), l’artiste peintre et graveur Edmond Morin (1824-1882), l’archéologue et lithographe Charles Fichot (1817-1904), l’historien de l’art Maurice Tourneux (1849-1917), etc.

La Société des Eclectiques a publié deux ouvrages : Almanach fantaisiste pour 1882 (Paris, A. Lemerre, s. d. [1881], petit in-8, 195 ex.) et Almanach du vieux Paris pour 1884 (Paris, A. Lemerre, s. d. [1883], petit in-8, 195 ex.).   


Bouvenne orienta ses recherches vers l’art moderne et publia :


Catalogue de l’œuvre gravé et lithographié de R. P. Bonington (Paris, J. Baur, 1873), avec un portrait gravé par Alfred-Alexandre Delauney et plusieurs fac-similés ;





Victor Hugo, ses portraits et ses charges (Paris, J. Baur, 1879), Catalogue de l’œuvre lithographié et gravé de A. de Lemud (Paris, J. Baur, 1881),




Notes et souvenirs sur Charles Meryon (Paris, Charavay frères, 1883, 335 ex.), Théodore Chassériau, souvenirs et indiscrétions (Paris, A. Detaille, s. d. [1884], 115 ex.), premier livre consacré à l’artiste, Le Peintre Émile Garbet (Paris, E. Sagot, 1890),



« Catalogue des pièces gravées de Rodolphe Bresdin » (L’Estampe moderne, 1895-1896).


L’un des premiers, Bouvenne s’avisa de détacher des plats intérieurs des livres qui passèrent par ses mains ces vignettes auxquelles nul alors n’attachait quelque valeur et il se constitua ainsi une collection de plus de 3.600 ex-libris. Cette collection a puissamment aidé Auguste Poulet-Malassis (1825-1878) pour Les Ex-Libris français depuis leur origine jusqu’à nos jours (Paris, P. Rouquette, 1874). Il fut à l’origine de la Société française des Collectionneurs d’ex-libris, fondée le 30 avril 1893, après celles de Londres (1891) et de Berlin (1892).



Félix Bracquemond (1833-1914) lui grava son ex-libris en 1875.




Il a gravé des ex-libris pour lui-même, en 1896, pour ses amis, pour quelques femmes artistes ou lettrées, et pour deux des maîtres qu’il révérait le plus, Victor Hugo et Théophile Gautier, bien que ni l’un ni l’autre ne fussent bibliophiles.

La plupart des 33 ex-libris gravés par Bouvenne portent les monogrammes de leurs possesseurs :



Charles Asselineau,



Arthur Benoît (1828-1898)[daté 1883], Paul Beuve [d’après un dessin d’Alfred Le Petit (1841-1910)],



Édouard Castillon [daté 1882],




Louis Chanut [la banderole porte « Ex-libris [chat] U [grec] »],



François Coppée (1842-1908),



Paul Cordier,



Jules Cousin (1830-1899),



Louis Delatre (1815-1893),



Alexis Martin (1834-1904) [daté 1868],




la Comtesse de Noé [belle-sœur du caricaturiste Cham ; daté 1888],




Alice Ozy (1820-1893) [daté 1884], Léon Sapin (1839-1905) [signé « Aglaüs Bouvenne sc. à l’ami L. Sapin »],



Maurice Tourneux [daté 1871],



Octave Uzanne (1851-1931) [daté 1882], L. West [daté 1876], etc.

 

Pour Jules Husson, dit « Champfleury » (1821-1889), Bouvenne grava 3 ex-libris, dont l’inspiration est la même.



Le premier est anonyme et sans signature : paysage au fond duquel on distingue la cathédrale et la silhouette de la ville de Laon ; un champ fleuri occupe le premier plan et un miroir portant le mot « veritas », pour symboliser le réalisme de l’auteur, est posé au bord d’un chemin, sur lequel on lit « fais ce que dois » ;



un second état de cette même pièce porte le nom du graveur et, à la place de la devise effacée, les mots « Ex libris Champfleury ».




Le deuxième porte, après la signature de Bouvenne, la date de 1874 ; le champ fleuri a poussé, comme la célébrité de celui qu’il représente ; il occupe la plus grande partie du sujet et la cathédrale s’efface à l’horizon.


Dans le troisième, le champ occupe tout l’ex-libris, les fleurs sont largement épanouies et la cathédrale a complètement disparu ; l’indication « Ex libris Champfleury » ne traîne plus dans la poussière du chemin, elle est montée dans le ciel. 




L’ex-libris de Théophile Gautier (1811-1872) porte un monogramme au-dessus d’un grand scarabée égyptien fourni par LeRoman de la momie. Daté de l’année de la mort de l’écrivain, il ne figure que sur un petit nombre de ses livres.




Celui de Victor Hugo (1802-1885) montre Notre-Dame de Paris dans la nuit ayant, en avant, le monogramme Hugo, et sur le sillon d’un éclair, l’inscription « Ex libris Victor Hugo ». Il inspira à Auguste Vacquerie (1819-1895), dont le frère Charles épousa Léopoldine, fille du poète,  le vers fameux « Les tours de Notre-Dame étaient l’H de son nom » (Mes premières années de Paris. Paris, Michel Lévy frères, 1872, livre I, III, « À Paul M. », p. 12). Cet ex-libris, qui porte la date de 1870, n’a probablement jamais servi. 




Celui de Mario Proth, attribué par la plupart des auteurs à Bouvenne, a été composé et gravé par Félix Bracquemond.


Les exigences de la vie matérielle avaient contraint Bouvenne à se défaire de ses livres armoriés et de quelques autres raretés le 22 janvier 1876 : Catalogue de la bibliothèque de M. Aglaüs Bouvenne (Paris, A. Voisin, 1875, in-8, 28 p.). D’autres livres joints à ceux d’un bibliophile anonyme furent vendus du 25 au 28 novembre 1891 : Catalogue de la bibliothèque de M. Aglaüs Bouvenne (Paris, Léon Sapin, 1891, in-8, 104 p., 900 lots).

Aglaüs Bouvenne décéda à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) le 12 décembre 1903, à l’âge de 74 ans. 


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