Aujourd’hui dans le département du Gard, deux baronnies, Aubais, canton de Sommières, et Le Caylar, canton de Vauvert, passèrent en 1591 dans la famille Baschi, par le mariage de Marguerite du Faur avec Balthazar de Baschi (1571-1598), trisaïeul de Charles de Baschi.
Charles de Baschi, par Jean-Baptiste Perronneau (1746) Coll. priv. |
Charles de Baschi naquit le 20 mars 1686 au château de Beauvoisin, canton de Vauvert, bâti sur une hauteur, d’où on pouvait apercevoir les Alpes et les Pyrénées. Sa famille, originaire de l’Ombrie, région du centre de l’Italie, et alliée aux Médicis, aux Farnèse et aux Borromée, était l’une des plus anciennes du Languedoc. Son père huguenot fut le premier de sa lignée qui revint à la foi catholique. Après une brillante éducation, au collège de Toulouse, puis au collège de Clermont, à Paris, il entra aux mousquetaires dès l’âge de 18 ans et fit la campagne de 1705 en Flandre.
Mais la passion des livres lui fit rapidement donner sa démission et revenir dans son château d’Aubais. Il épousa en 1708 Diane de Rozel (1683-1765), dame de Cors et Beaumont, d’une ancienne famille de robe originaire de Nîmes, et partagea désormais sa vie entre sa famille et ses livres.
A partir de cette époque, Charles de Baschi ne cessa d’acheter des livres et de les accumuler dans sa vaste demeure. Il fut obligé d’entreprendre de grandes réparations et travaux d’agrandissement, qui durèrent sept ans, pour loger plus commodément son immense bibliothèque. Il déclara alors :
« Je suis né avec un goût décidé pour la littérature, et dès l’âge de sept ans, et depuis cinquante ans, je ramasse des livres, surtout des historiens, sur lesquels roulent mes plus grandes recherches, de manière que j’ai actuellement une bibliothèque de plus de vingt mille volumes. »
Voyages et Conquestes du capitaine Ferdinand Courtois (Paris, Abel l'Angelier, 1588) Ader, 13 mars 2012, 6.800 € |
La bibliothèque n’était pas seulement pourvue d’un grand nombre de volumes concernant l’histoire, les sciences et les belles-lettres, mais encore de beaucoup d’éditions rares et choisies, de reliures magnifiques, et d’une infinité de manuscrits curieux sur la géographie, l’histoire de France, et l’histoire du Languedoc en particulier ; on peut s’assurer de ce que pouvait être ce dépôt par les nombreux emprunts que lui fit la Bibliothèque historique du Père Lelong.
Par lettres patentes du mois de mai 1724, la terre d’Aubais fut érigée en marquisat en faveur de Charles de Baschi. Ce marquisat était formé de cinq paroisses ou clochers : Aubais, Gavernes, Junas, Mauressargues et Saint-Nazaire.
Le marquis d’Aubais a beaucoup écrit, mais peu publié, et aucun ouvrage ne porte son nom.
Ce mécène a fourni de nombreux documents aux Vaissète, Montfaucon, Ménard, Moréri, pour la publication de leurs grands ouvrages historiques.
Joseph Vaissète écrit dans la « Préface » de son Histoire générale de Languedoc (Paris, J. Vincent, 1730, t. I, p. xvj) :
« Outre les différentes archives de la province, entr’autres celles des Etats où nous avons travaillé, nous avons tiré encore divers secours de plusieurs manuscrits de la bibliothèque de M. de Croissi évêque de Montpellier, & sur-tout de celle de M. le marquis d’Aubays. Ce dernier qui n’est pas moins distingué par son goût pour les lettres, que par sa politesse, a recueilli un très-grand nombre de mémoires & de volumes manuscrits sur le Languedoc, qu’il conserve dans la riche bibliotheque qu’il a formée dans son château d’Aubays, situé entre Nismes & Montpellier. Il a acquis entr’autres ceux qui avoient appartenu autrefois à M. de Rignac, conseiller en la cour des aydes de Montpellier, & s’est fait un plaisir de nous les communiquer. » [sic]
Il a collaboré avec Léon Ménard aux Pièces fugitives, pour servir à l’histoire de France (Paris, Chaubert et Hérissant, 1759, 3 vol. in-4), où on peut lire, à propos du château d’Aubais (t. I, partie seconde, « Mélanges », p. 141) :
« On connoît la hardiesse de son escalier, la rampe dont il est décoré, qui a été faite avec beaucoup de goût par un habile artiste, nommé Ravisé, natif de la Fleche. On connoît aussi la bibliotheque de ce château, très-riche en historiens & en géographes, & dont le vaisseau a été construit avec art, pour en rendre l’usage commode & aisé. On sçait enfin que les curieux, même les étrangers, sont très-empressés à venir voir ce château. »
À l’origine de sa bibliothèque, Charles de Baschi se contentait d’imprimer sur la page de titre de ses livres, avec un timbre humide, à l’encre rouge, un ovale contenant un écusson à ses armes, surmonté d’une couronne de comte, avec l’inscription « Bibliotheca Albassiana ».
Ce timbre humide fut bientôt remplacé par un ex-libris qu’il fit graver par Gérard Scotin : un Bacchus et une Bacchante, tenant par les mains un écusson piriforme de gueules, contenant l’écu d’argent à la fasce de sable, armes des Baschi ; un casque fermé, de profil, entouré de lambrequins, supporte une couronne comtale, de laquelle surgit un autre Bacchus tenant à la main droite une bouteille, et à la gauche une coupe. Cet ex-libris datant d’avant 1724, la mention « Charles de Bachi Marquis d’Aubaïs » a donc été ajoutée postérieurement.
Un autre ex-libris plus petit fut gravé par le même artiste, en tout semblable au premier, mais avec cette seule différence que l’écu est ovale et que la couronne est de marquis, porte les armes de deux vieilles familles qui s’étaient éteintes dans la famille de Baschi : Ecartelé, aux 1er et 4e : D’or, à l’ours dressé de sable, armé et lampassé de gueules, qui est de Bozène ; aux 2e et 3e : D’azur, à deux jumelles d’or, accompagnées de six besans d’argent, trois en chef et trois en pointe, qui est du Faur ; sur le tout : D’argent, à la fasce de sable, qui est de Baschi. Contrairement à ce qu’a écrit Prosper Falgairolle, archiviste de la ville de Vauvert, dans son article sur « Les Ex-Libris du marquis d’Aubais » (Arch. Soc. fr. coll. ex-libris, avril 1902, n° 4, p. 55-59), cet ex-libris est postérieur à 1724.
Après 1724, époque de l’érection de la baronnie en marquisat, un autre ex-libris est gravé, non signé, surmonté d’une couronne de marquis et portant « Charles de Baschi Marquis d’Aubaïs » : Ecartelé, au 1er : D’or, à six fleurs de lis d’azur, qui est de Farnèse ; au 2e : D’or, à l’ours dressé de sable, armé et lampassé de gueules, qui est de Bermond ; au 3e : parti D’argent, au chef de sable, l’écu bordé de gueules, qui est de Pelet, parti Fascé d’or et de gueules de six pièces, qui est de Languissel ; au 4e : D’azur, à deux jumelles d’or, accompagnées de six besans d’argent, trois en chef et trois en pointe, qui est du Faur ; sur le tout : D’argent, à la fasce de sable, qui est de Baschi.
Le marquis d’Aubais mourut dans son château le 5 mars 1777.
Sa fille Jacqueline-Marie, mariée en 1741 au comte Alexandre-François-Joseph d’Urre, hérita du marquisat d’Aubais. Quelques-uns des livres manuscrits furent vendus aux enchères du 18 au 20 juin 1777 : Notice des principaux livres faisant partie de la bibliothèque de feu M. le marquis d’Aubais (Paris, Saugrain le jeune, 1777, in-8, 24 p.).
Sollicitée de tous côtés par les érudits, la comtesse d’Urre vendit peu à peu la collection de son père. L’antiquaire et botaniste nîmois Jean-François Séguier (1703-1784), qui en avait dressé une liste détaillée, envoyée aux riches acquéreurs, écrivit le 31 décembre 1778 au baron d’Orbessan, ancien président au Parlement de Toulouse :
« La belle bibliothèque qu’avoit le marquis d’Aubaïs, à quelques lieues de notre ville, nous a été enlevée cette année ; c’étoit ma ressource, j’y allois souvent. Un libraire de Grenoble l’a achetée 40 mille livres et l’a fait voiturer chez lui ; je la regrette infiniment. »
Le 1er avril 1792, environ 1.500 hommes armés, pour la plupart des gardes nationaux, investirent le château et l’incendièrent : on ne put sauver que peu de livres qui y étaient encore. Après la Révolution, devant l’énorme dépense nécessaire pour faire réparer le château, le comte d’Urre le mit en vente.