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Channel: Histoire de la Bibliophilie
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Recherche désespérément un elzéviriomètre

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Dans « Le Bibliomane »(in Paris, ou Le Livre des cent-et-un. Paris, Ladvocat, 1831, t. I, p. 99-100), Théodore, alias l’auteur, Charles Nodier (1780-1844), est obsédé par les reliures en maroquin et la hauteur des marges de ses Elzévirs, pour lesquels il a imaginé un « elzéviriomètre » [avec deux « i »] :


« Théodore avait cessé d’écouter. Il venait de mettre la main sur un volume d’assez bonne apparence, auquel il s’était empressé d’appliquer son elzéviriomètre, c’est-à-dire, le demi-pied divisé presque à l’infini sur lequel il réglait le prix, hélas ! et le mérite intrinsèque de ses livres. Il le rapprocha dix fois du livre maudit, vérifia dix fois l’accablant calcul, murmura quelques mots que je n’entendis pas, changea de couleur encore une fois, et défaillit dans mes bras. […]

Je continuais à l’interroger. Il parut céder à un mouvement d’expansion. “ Voyez en moi, me dit-il, le plus malheureux des hommes ! Ce volume, c’est le Virgile de 1676, en grand papier, dont je pensais avoir l’exemplaire géant, et il l’emporte sur le mien d’un tiers de ligne en hauteur. Des esprits ennemis ou prévenus pourraient même y trouver la demi-ligne. Un tiers de ligne, grand Dieu ! ” –

Je fus foudroyé. Je compris que le délire le gagnait. »


Cet elzéviriomètre a bien existé.


En 1848, le libraire Joseph Techener (1802-1873) passa une annonce dans le Bulletin du bibliophile (N° 22-23-24, octobre-novembre-décembre 1848, p. 146) :



On doit à Maurice Leloir (1851-1940), illustrateur de Le Bibliomane (Paris, L. Conquet, 1893, p. 15), la seule représentation connue d’un elzéviriomètre :



Enfin, un elzéviriomètre semble avoir servi de marque page lors de la photocopie d’un exemplaire du Bulletin du bibliophile de 1847 :
























À l’heure des souvenirs

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Au lendemain de la fermeture du XXVe Salon international du livre ancien, je réalise que j’étais à la 2e Foire internationale du livre ancien … il y a 28 ans.

« Ce vendredi 21 juin 1985, nous étions de bonne heure quai de l’Horloge avec les plus passionnés, et avec un spécimen de notre N° I, avant la foule du samedi et du dimanche. Lundi, nous serons les quinze mille visiteurs de la 2 ème foire internationale du livre ancien.
En un lieu unique, sous les voûtes séculaires de la Conciergerie, quatre-vingt-dix libraires offraient à nos yeux et aux yeux de nos doigts, cinquante mille volumes ! Passionnantes rencontres, de libraires, d’amis, de livres parmi les plus prestigieux.
Un feuillet splendide de la Bible de Gutenberg imprimé sur peau de vélin. L’édition originale des œuvres d’Avicenne, en arabe, imprimée à Rome en 1593. Le plus beau livre sur la Corse, imprimé à Paris en 1821, illustré de quarante huit lithographies d’Engelmann. Un important ouvrage sur la Champagne aux armes de l’historien J.-A. de Thou, imprimé à Paris en 1572. Une impression rémoise de Nicolas Bacquenois datée de 1558.
Pas moins de sept heures d’émerveillement …. et quelques regrets :les transactions entre confrères la veille (2/3 des ventes), les prix de foires souvent déraisonnables, l’absence des Américains, la présence de sandwichs aux environs de midi (où se lavait-on les mains ?), l’inefficacité du stand de la presse. Mais quel spectacle !
Depuis, et malgré le calme estival, notre appel a été entendu. Aujourd’hui, nous sommes cent. Continuons !
Reims, le 15 septembre 1985
Docteur Jean-Paul Fontaine »
[« Éditorial » in Le Bibliophile rémois, numéro 2-année 1985]


Savador Miraglia, libraire à Lyon

Bernard Clavreuil, libraire à Paris

Auguste Bellanger (en blanc), libraire à Nantes

François Chamonal, libraire à Paris

Avec François Goulet (à droite), libraire à Reims



Avec François Goulet (à gauche), libraire à Reims







































































Bibliothèque Tandeau de Marsac

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Le chevalier Gabriel-Jacques-Jules Tandeau de Marsac (Saint-Léonard-de-Noblat, Haute-Vienne, 17 juillet 1786 – Royères, Haute-Vienne, 30 mars 1865)  épousa Marie-Geneviève-Pauline Noualhier, sa nièce, le 16 juin 1823 à Paris. De ce mariage sont issus : Henry-François en 1824, Gabriel-Jean-Amand [et non Armand] en 1825, Armand-Jules-François en 1826, une fille morte au berceau et Alexandre-Jean en 1831.

Gabriel-Jean-Amand Tandeau de Marsac est donc né à Paris le 14 juin 1825. Notaire à Paris, il épousa à Paris (VIIe), le 22 janvier 1867, Claire Bélurgey de Grandville, de seize ans sa cadette, fille du préfet de la Meuse. De ce mariage sont issus : des jumelles mortes à leur naissance en 1868, Henri-Joseph-Hippolyte-Paul en 1869, Amédée-Louis-Joseph-Gabriel en 1873 et Paul-Armand-Victor-Marie en 1877. Doyen du corps des notaires de Paris, il mourut le 6 juin 1896, après une courte maladie, en son domicile, 23 place Dauphine (Ier).



« Dès que les affaires lui laissaient un instant de répit, il quittait Paris pour venir passer quelques jours dans cette belle résidence de Brignac [propriété de la famille depuis 1824, à Royères] qu’il aimait tant et où il se trouvait si bien. Du haut de ce vert coteau, son regard embrassait presque toute la commune de Royère, qui lui devait tant et où sa sollicitude éclairée venait d’implanter une nouvelle et intéressante industrie. Il était demeuré membre du Conseil municipal de cette petite commune, qu’il avait jadis administrée, et il n’hésitait pas à faire deux cents lieues pour assister à une séance du Conseil. »

La bibliothèque de Tandeau de Marsac se composait de près de 12.000 volumes.
Parmi les manuscrits se trouvait l’ouvrage (n° 3) qui se vendra le plus cher de toute la bibliothèque, le samedi 1er mai 1897. S’il y avait peu d’incunables dans les imprimés, on rencontrait en revanche beaucoup d’excellents ouvrages du xvie siècle. La valeur de ces ouvrages était augmentée par de belles reliures aux armes ou des ex-libris recherchés. Tandeau de Marsac fut le fidèle client de Capé, puis de ses successeurs, Masson et Debonnelle. Les trois-quarts au moins des reliures de sa bibliothèque portent ces signatures. De loin en loin, on rencontre quelques Trautz. Dans la section belles-lettres, la plus nombreuse, Molière semblait bien être l’auteur préféré de Tandeau de Marsac. Comme beaucoup de bibliophiles, Tandeau de Marsac avait réuni un certain nombre de gravures, dans l’espoir d’augmenter la valeur de ses ouvrages.
Très attaché au Limousin que toute sa famille habitait, Tandeau de Marsac avait acheté 222 lots sur les 1.213 lots du catalogue de la vente de la bibliothèque régionaliste d’Auguste Bosvieux (1831-1871), archiviste de la Creuse, dispersée à Limoges le 26 décembre 1887. En outre, son frère, le chanoine Armand-Jules-François Tandeau de Marsac (1826-1895) lui avait légué sa bibliothèque personnelle, où se trouvait une foule de raretés locales.

Libraire-expert chargé de la vente, Charles Porquet fit six lots de la bibliothèque Tandeau de Marsac.

Le premier lot comprenait les ouvrages qui se trouvaient en grande partie au château de Brignac. C’est celui qui n’a pas eu les honneurs d’un catalogue. Le commissaire-priseur de Limoges s’est borné à lancer le prospectus suivant, suivi d’une désignation sommaire :

« Vente aux enchères publiques après décès de M. T. de M., par suite d’acceptation bénéficiaire, en vertu d’une ordonnance, de 5,000 volumes anciens et modernes en parfaite condition : archéologie, beaux-arts, littérature, histoire, histoire du Limousin, les jeudi 12, vendredi 13 et samedi 14 novembre 1896, à deux heures très précises, en la Salle des Ventes, rue Neuve-de-Paris, 12, Limoges. »

Dès l’ouverture des portes, la plus grande partie des amateurs de Limoges, du département et des départements voisins, se trouvaient réunis ; aux libraires de Limoges étaient venus se joindre quelques libraires de Paris, dont Gougy. La vente s’est élevée à une dizaine de mille francs environ. Un catalogue aurait probablement attiré un plus grand nombre d’amateurs, et les prix se seraient élevés en proportion.

Les livres vendus à Paris ont fait l’objet de cinq catalogues :



Catalogue de livres rares manuscrits et imprimés provenant de la bibliothèque de feu M. T. de M. Première partie (Paris, Ch. Porquet, 1897, in-8, 181 p., 773 lots).
Vente à l’hôtel Drouot en 6 vacations à partir du 26 avril 1897 : 126.758 fr.

3. Bréviaire à l’usage d’une confrérie parisienne. In-4 de 438 ff., hauteur 242 millim., largeur 170 millim., velours rouge, tr. dor.
Magnifique manuscrit sur vélin du XIVe ou du commencement du XVe siècle, orné de 60 grandes ou petites miniatures et d’une infinité de lettres initiales peintes. 13.900 fr.
23. La Sainte Bible. (Par les Pasteurs de Genève.) A Lyon, par Jean de Tournes, 1554, 3 tomes en un vol. in-fol., réglé, figg. sur bois, veau fauve, compart. et arabesques, feuillages, mosaïques de couleurs noire, verte et blanche, dos orné, doré et argenté, tr. ciselée et dorée. (Rel. du XVIe siècle.)
Superbe exemplaire orné d’une très riche et très élégante reliure portant sur les plats les trois croissants de Diane de Poitiers. 7.000 fr.
25. Liber Psalmorum cum Canticis et Hymnis, jussu Reginae Matris impressus. Parisiis, apud Abel Langelier, 1586, in-12, réglé, titre gr., figg., mar. ol., fil., compart., feuillages, tr. dor. (Rel. du xvie siècle)
Reliure en maroquin olive foncé couverte sur le dos et sur les plats de dorures représentant une suite régulière d’ovales formés par des feuillages. Ces ovales sont remplis alternativement par des D entrelacés, par des flammes de l’Ordre du Saint-Esprit et par des S barrés. Reliure faite pour Diane de France, fille légitimée de Henri II et mariée à Horace Farnèse, duc de Castro, puis à François de Montmorency, fils du connétable. 480 fr.
26. Le Pseaultier de David, contenant cent cinquante Pseaumes. A Paris, chez Iamet Mettayer, 1586, gr. in-4, réglé, mar. brun, fil., tr. dor.
Reliure exécutée pour le roi Henri III. Sur le dos du volume, les armes de France, la tête de mort et sa devise : Spes mea Deus. Sur les plats, les saintes femmes au pied de la croix. La reliure des plus belles, des plus riches et bien conservée, est entièrement couverte de dorure à petits fers, volutes, rinceaux, feuillages, marguerites, roses et pensées. 2.360 fr.
61. Heures à lusaige de Rōme tout au long sās riens requerir. (A la fin :) Ont este nouuellement Imprimees a Paris par Guillaume anabat Imprimeur demourant en la rue sainct Jehā de beaulvais a lēseigne des Conis pres les grandes escolles de decret : pour Gillet hardouyn libraire et pour Germain hardouyn, s. d. In-8 (Almanach de 1500 à 1520), v. brun, fil., dent., ornements, fers à froid, tr. dor.
Superbe exemplaire imprimé sur vélin, composé de 116 ff. et orné de 17 grandes figures et de 22 petites, toutes coloriées et rehaussées d’or et d’argent. Chaque page est entourée d’une très riche bordure représentant des ornements variés, des scènes de chasse, des sujets tirés de l’histoire du Vieux et du Nouveau Testament. Hauteur 247 millimètres. 3.005 fr.
151. Essais de Michel seigneur de Montaigne. Cinquiesme édition, augmentée d’un troisiesme liuvre et de six cens additions aux deux premiers. A Paris, Chez Abel l’Angelier, 1588, in-4, titre gr., réglé, mar. marb., fil. dos orné, tr. dor. (Rel. anc.)
Dernière édition publiée du vivant de l’auteur et la première où se trouve le troisième livre. On remarque sur les plats de ce volume le chiffre H.D. entouré d’un signe répété quatre fois et ayant la forme d’un S fermé, qui pourrait être celui de Henri d’Estrées. 1.000 fr.
383. Le fond du sac, ou Restant des Babioles de M. X***, Membre éveillé de l’Académie des Dormans (par F. Nogaret). A Venise (Paris, Cazin [sic]), chez Pantalon-Phébus, 1780, 2 tomes en un vol. in-18, front. et 9 vignettes de Durand, mar. rouge, dent., dos orné, doublé de mar. bleu, dent., gardes de tabis, tr. dor. (Lortic.)
Bel exemplaire contenant les dessins originaux du portrait et des 9 planches très finement exécutés à la plume, au crayon et à la sépia par le miniaturiste Durand. 1.200 fr.
412. Choix de Chansons mises en musique par M. de La Borde. A Paris, chez de Lormel, 1773, 4 vol. gr. in-8, v. gr., dent., tr. dor. (Derome.)
On a ajouté à l’exemplaire une lettre autographe signée : Delaborde, formant 3 pp. in-4, adressée « à M. de Voltaire, en son château de Ferney ». 1.500 fr.



Edition de T. Jolly (T I) et L. Billaine (T II). Reliure signée M. Godillot
Paris, Christie's, 29/04/2013, 6.875 €

453. Les Œuvres de Monsieur Molière. A Paris, chez Claude Barbin et Thomas Jolly, 1666, 2 vol. in-12, frontispices, mar. bleu jans., doublés de mar. rouge, dent., tr. dor. (Trautz-Bauzonnet.)
Edition précieuse, la première du Théâtre de Molière avec une pagination suivie. Hauteur : 147 millimètres. 1.025 fr.
[Le privilège est donné à Gabriel Quinet le 6 mars 1666. Il y a des exemplaires aux noms de Louis Billaine, d’Estienne Loyson, de Guillaume de Luyne, de Jean Ribou, de Claude Barbin, de Thomas Jolly, et peut-être encore d’autres libraires.]
454. Les Œuvres de Monsieur Molière. A Paris, chez Guillaume de Luyne et Claude Barbin, 1673, 8 vol. in-12, mar. rouge, fil., dos ornés, tr. dor. (Rel. anc.)
Ces 8 volumes sont une réunion factice des Œuvres de M. de Molière publiées par G. de Luyne, Claude Barbin et J. Ribou sous la date de 1673. On ne connaît jusqu’à présent que cinq exemplaires de ce très curieux recueil. 6.000 fr.
« Le privilège de 1666 expirait le 23 mars 1673, et d’un autre côté, Molière venait de mourir subitement en février de la même année. Il avait obtenu un nouveau privilège dès le 16 mars 1671 pour faire imprimer ses œuvres complètes. N’est-il pas naturel de supposer que les libraires associés pour l’exploitation du privilège de 1666, voulant profiter du regain de popularité qui se faisait autour de la tombe du grand comédien, aient jugé à propos d’exploiter leur privilège jusqu’au bout, et fait paraître à la hâte cette édition de 1673 » (A. Claudin in Cabinet de feu Mr A. Rochebilière, 1882)
Grand sujet d’orgueil de Tandeau de Marsac, ce Molière lui fut vendu vers 1878 par les libraires Gouin et Fontaine pour le prix de 20.000 fr., prix de faveur, car le baron J. de Rothschild était décidé à en donner 30.000 fr. Les deux libraires, associés pour la circonstance, l’avaient acheté 1.500 florins en Hollande.  



659. Discours sur l’histoire universelle à Monseigneur le Dauphin, pour expliquer la suite de la Religion et les changemens des Empires, par Mre Jacques Benigne Bossuet. A Paris, chez Sébastien Mabre-Cramoisy, 1681, in-4, mar. rouge, fil., dos orné, tr. dor. Edition originale. Superbe exemplaire tiré sur grand papier. Aux armes de Michel Le Tellier, Chancelier de France. 2.125 fr.  
Exemplaire vendu 6.400 fr. à la vente Turner (1878), puis marqué 8.000 fr. dans le catalogue Fontaine (1879). Le 6 mai 2011 (Paris, Alde), sur une estimation à 6.000/8.000 €, cet exemplaire a été adjugé 39.000 €.
661. Jac. Aug. Thuani Historiarum sui temporis. Parisiis, apud Abrosium et Hieronymum Drovart, 1604, 2 vol. in-8, front. gr., avec un joli portrait de Henri IV, vél. blanc, fil., tr. dor.
Très bel exemplaire tiré sur grand papier. Aux armes du roi Henri IV. 1.505 fr.
    


Catalogue de beaux et bons livres modernes avec illustrations et dessins originaux collections diverses grands ouvrages à figures livres imprimés sur peau vélin provenant de la bibliothèque de M. T. de M. Deuxième partie (Paris, Ch. Porquet, 1897, in-8, 60 p., 388 lots).
Vente à l’hôtel Drouot en 3 vacations à partir du 22 mars 1897 : 51.767,50 fr.

29. Beaumarchais. La Folle Journée, ou le Mariage de Figaro. De l’Imprimerie de la Société littéraire-typographique, et se trouve à Paris, chez Ruault, 1785, gr. in-8, réglé, figg., cart., tr.dor. Exemplaire tiré sur grand papier vélin, contenant les 5 figg. dess. par Saint-Quentin, gr. par Halbou, Liénard et Lingée, épreuves en double état avant et avec la lettre. 1.100 fr.
308. Redouté (P.-J.). Les Liliacées. Paris, l’auteur, an VIII, 1802-1816, 8 tomes en 4 vol. in-fol. max. pap. vélin, 588 planches coloriées, demi-rel. mar. vert, dos et coins, tête dor., non rognés. Exemplaire tiré sur grand papier. Sur le dos des volumes, le chiffre couronné de Napoléon Ier. 1.150 fr.
322. Saint-Pierre (Jacques-Bernardin-Henri de). Paul et Virginie. Paris, de l’Imprimerie de Monsieur, 1789, pet. in-12, mar. bleu, fil., doublé de tabis, dent. int., tr. dor. (Bozérian [sic].) Edition originale. Exemplaire tiré sur papier vélin, contenant les 4 figures dess. par Moreau et Vernet, épreuves avant la lettre. Portrait de Bernardin de Saint-Pierre, d’après Lafitte, ajouté. 1.200 fr.
376. Voltaire. Œuvres complètes. A Paris, chez Ant.-Aug. Renouard, 1819-1825, 66 vol. in-8, gr. pap. vélin, demi-rel. mar. violet, dos ornés, non rognés. (Hering.)
Avec la suite complète des 80 dessins originaux de Desenne exécutés à la sépia. 1.155 fr.


Catalogue de bons livres anciens et modernes provenant de la bibliothèque de M. T. de M. Troisième partie (Paris, Ch. Porquet, 1897, in-8, 93 p., 903 lots).
Vente à la salle Silvestre en 6 vacations à partir du 3 mars 1897 : 13.313,50 fr.

Catalogue de bons livres anciens et modernes manuscrits et imprimés relatifs au Limousin et provinces voisines provenant de la bibliothèque de M. T. de M. Quatrième partie (Paris, Ch. Porquet, 1897, in-8, 55 p., 512 lots).
Vente à la salle Silvestre en 3 vacations à partir du 8 avril 1897 : 7.000 fr.

Catalogue de vignettes anciennes et modernes dessins originaux portraits provenant de la bibliothèque de M. T. de M. Cinquième partie (Paris, Charles Porquet et Paul Roblin, 1897, in-8, 28 p., 186 lots).
Vente à l’hôtel Drouot le 26 mars 1897 : 9.864 fr.

Révélations sur les frères Garnier

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Dans « Portraits de libraires. Les frères Garnier », article signé « H.C. Libraire-expert au Tribunal de la Seine » [Honoré Champion (1846-1913)], paru dans le Bulletin de l’Association amicale professionnelle des commis-libraires français (Paris, A. Fleury, 1913), les légendes de leurs portraits en photographie ont été inversées.




Les légendes sont inversées

La révélation de cette erreur, qui n’a pas été corrigée dans l’Histoire de l’édition française (Paris, Promodis, 1985, t. III, p. 168), est venue de la vente récente [Paris, Millon & associés, Ugo Paolantonacci, expert, 7 décembre 2010] d’un portrait au crayon d’Auguste Garnier, réalisé par Diogène Maillart (1840-1926), d’après la photographie incriminée et fautivement attribuée à son frère Hippolyte, portant la dédicace « Monsieur Auguste Garnier hommage de l’auteur D Maillart », qui atteste l’identité du portraituré.



Auguste Garnier

Ce fut l’occasion de corriger également certaines dates qui n’avaient pas été vérifiées sur les actes authentiques.


Tous deux nés à Lingreville (Manche), Auguste-Désiré le 24 octobre 1812, François-Hippolyte le 14 mars 1815, les frères Garnier arrivèrent à Paris en 1828. Ils furent commis libraires pendant quelques années : Auguste à la librairie Saint-Jorre, boulevard Montmartre, Hippolyte à la librairie Delaroque, boulevard des Capucines.




Galerie d'Orléans au Palais Royal

Auguste s’établit dès 1833, avec son jeune frère Hippolyte, au Palais-Royal, dans la superbe galerie d’Orléans ou péristyle Montpensier, paradis des bibliophiles aujourd’hui démoli. Ils furent rejoints par leur frère aîné, Pierre-Auguste (Lingreville, 1807-Paris, 1899), qui avait débuté à la librairie Truchy, boulevard des Italiens. Ils obtinrent tous les trois leur brevet de libraire : Auguste le 9 mars 1835, Hippolyte le 22 février 1838 et Pierre le 28 mars 1838.

Pierre vécut avec ses frères, mais fit commerce de son côté. Il fut condamné en 1854 pour avoir été en possession de gravures obscènes et aurait fait un an de prison sans l’intervention de Jules Taschereau (1801-1874), ancien député et administrateur adjoint à la Bibliothèque nationale.

Le benjamin, Baptiste-Louis Garnier (Quettreville, 1822-Rio-de-Janeiro, 1893), les seconda jusqu’en 1844, quand il décida alors de se rendre à Rio-de-Janeiro, où il ouvrit une modeste librairie au 69 rue d’Ouvidor en 1846. Travailleur infatigable, il fut bientôt l’éditeur attitré des écrivains brésiliens qu’il faisait imprimer à Paris. On lui doit la création au Brésil du format in-8° et in-12 allongé, lancé en France par Calmann-Lévy. Deux ans avant sa mort, il refusa une offre d’achat de sa librairie, qui, à l’époque, atteignait six  millions de francs.


Après des débuts modestes, les affaires des frères Garnier se développèrent et ils furent bientôt acquéreurs des fonds Delloye, place de la Bourse, en 1846, Dubochet, rue Richelieu, en 1848 et Salva, rue de Lille, en 1849.

De 1845 à 1853, les deux frères occupèrent également le 10 de la rue Richelieu (Ier), voisin du Palais-Royal. Toujours les premiers au travail, Auguste organisait la librairie, Hippolyte spéculait en Bourse. Au milieu du mouvement révolutionnaire, quelques-unes de leurs publications atteignirent des chiffres de tirage inconnus jusqu’alors. Dans son Tableau de Paris (Paris, Paulin et Le Chevalier, 1853, t. II, p. 109), le journaliste Edmond Texier (1816-1887) se souvint du Palais-Royal :


« C’est dans le péristyle Montpensier que se trouve la librairie des frères Garnier, les éditeurs intrépides des brochures pamphlétiques [sic], du temps qu’il y en avait. Aussi voyait-on souvent, sous la dernière République, la foule se réunir devant leur étalage pour se procurer quelque nouvel ouvrage de Proudhon, quelque pamphlet d’un Chenu ou autre, et donner ainsi à cette extrémité de la galerie vitrée une apparence émeutière. »




1 rue de Lille

Tout en conservant leurs locaux du Palais-Royal, les frères Garnier s’installèrent en 1852 dans le quartier des antiquaires, à l’angle des rues des Saints-Pères et de Lille (VIIe), dans l’hôtel Pidoux, construit en 1640, dont il ne reste aujourd’hui du xviie siècle que le balcon de l’appartement au premier étage du 6 rue des Saints-Pères et la porte monumentale du 1 rue de Lille.


En 1854, les frères Garnier devinrent propriétaires de la « Bibliothèque latine-française » de Charles-Louis-Fleury Panckoucke (1780-1844), formée des principaux auteurs latins et composée de 211 volumes : cette collection avait acquis dans le monde savant une haute réputation, tant par la fidélité de la traduction et par l’exactitude du texte qui se trouve en regard, que par les notices et les notes savantes qui l’accompagnent.  


Après la publication de l’ouvrage du socialiste Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865) intitulé De la justice dans la Révolution et dans l’Église. Nouveaux principes de philosophie pratique (Paris, Garnier frères, 1858, 3 vol.), le gouvernement, convaincu que cette œuvre était un outrage à la religion, fit saisir les exemplaires de l’ouvrage et déféra l’auteur et l’éditeur à la justice. Aggravant le délit, l’auteur répondit par une Pétition au Sénat, qui fut saisie à son tour. Le 2 juin 1858, le tribunal condamna  l’auteur à trois ans de prison, 4.000 francs d’amende et la suppression de ses deux ouvrages, l’éditeur Auguste Garnier à un mois de prison et 1.000 francs d’amende, l’imprimeur P.-A. Bourdier, rue Mazarine, à quinze jours de prison et 1.000 francs d’amende, l’imprimeur Jules Bry « Aîné », boulevard Montparnasse, à quinze jours de prison et 200 francs d’amende. Député en 1848, Proudhon avait déjà été condamné en 1849 à trois ans de prison pour des articles contestant l’action de Louis-Napoléon Bonaparte. En 1850, Garnier avait déjà été condamné en appel à 2.000 francs d’amende pour avoir vendu Le Bon messager, almanach essentiellement politique et légitimiste, sans mention d’imprimeur. Le 28 juillet 1858, la cour d’appel confirma la condamnation de Proudhon, qui s’était exilé à Bruxelles, et éleva celle de Garnier à quatre mois de prison et 4.000 francs d’amende ; l’année suivante, la grâce d’Auguste fut accordée.


Les frères Garnier furent également acquéreurs des fonds Langlois-Leclercq, rue de la Harpe,  en 1859 et Perrotin, rue de la Fontaine-Molière,  en 1867.


Après l’incendie qui détruisit en 1868 la majeure partie des « Ateliers catholiques, rue d’Amboise, au Petit-Montrouge, barrière d’Enfer de Paris » de l’abbé Jacques-Paul Migne (1800-1875), les Garnier achetèrent en 1876 le fonds, la maison et les vastes terrains où ils firent construire un immeuble pour stocker leurs productions.

Profitant des transformations de Paris, ils achetèrent d’autres terrains et vieux immeubles, réalisant d’heureuses affaires dont témoigne Honoré Champion :


« Quand on parlait des frères Garnier, c’était toujours de leur or. On connaissait leur trésor : eux seuls semblaient l’ignorer. Et leurs immeubles, leurs titres étaient si nombreux qu’on en faisait des légendes. »


Auguste et Hippolyte Garnier « vécurent côte à côte, en chapeau haut de forme du matin jusqu’au soir, dans l’étroit bureau sans feu de la rue des Saints-Pères, aménagé entre les travées de leur magasin encombré de livres. » Auguste mourut célibataire, à Paris, le 24 mai 1887, des suites d’une longue maladie qui l’avait tenu alité depuis six mois.


Après la mort de François-Hippolyte Garnier, le 13 juillet 1911, le journaliste Émile Berr (1855-1923) écrivit, dans Le Figaro du 16 juillet :


« C’était le dernier des “ frères Garnier ”, une raison sociale depuis longtemps célèbre dans le monde de l’édition.

Les frères Garnier, venus très jeunes à Paris, installèrent leur première boutique de livres au Palais-Royal, il y a soixante-dix-huit ans ; et quelques années plus tard, allèrent s’établir libraires-éditeurs rue des Saints-Pères. C’est là que, depuis un demi-siècle, tout Paris les a connus.

On peut dire qu’ils furent, commercialement, au nombre des plus actifs collaborateurs du mouvement littéraire de cette période. On doit aux frères Garnier une précieuse collection, et justement populaire, des classiques français. Ils ont édité les classiques latins et grecs traduits par Panckoucke, les Causeries du lundi, et la plus grande partie de l’œuvre de Sainte-Beuve. Chateaubriand, Casanova, Tallemant des Réaux, Rabelais, Balzac, avec ses Contes drolatiques (illustrés par Gustave Doré) figurent sur leur catalogue. Et c’est par eux qu’a été édité l’Empire libéral, en quinze volumes, de M. Emile Ollivier.

Enfin, depuis soixante-treize ans, les frères Garnier ont été parmi les plus utiles propagateurs de notre langue à l’étranger, et notamment dans l’Amérique du Sud, où leur maison de Rio de Janeiro, fondée en 1838, n’a cessé de répandre les traductions espagnoles de nos meilleurs ouvrages.

François-Hippolyte Garnier était le seul survivant de cette grande maison. Il était célibataire et laisse une fortune considérable – dont une grande partie consiste en maisons de rapport, qu’il gérait lui-même – et à l’accroissement de laquelle sa sévère économie contribua presque autant que son labeur.

C’était un vieillard de haute taille, taciturne et doux, très simple, de mise négligée. Rue des Saints-Pères, il préférait à son bureau, pauvrement meublé, la petite table encombrée de paperasses et placée dans un coin de son magasin, sur laquelle on le voyait penché, des journées entières, la calotte enfoncée sur le crâne, et occupé à faire son courrier, à corriger des épreuves, ou à rédiger des baux. Des visiteurs le prenaient, en passant, pour le garçon de bureau. “ Monsieur Garnier ? – C’est moi, monsieur.” L’étranger, parfois, était accueilli avec bienveillance, d’autres fois se heurtait à un mutisme absolu et troublant. Les employés de Garnier l’excusaient : “ Il y a des semaines, disaient-ils, où il ne parle pas.” Ils ajoutaient : “ C’est un brave homme.”

François-Hippolyte Garnier avait, au surplus, depuis quelque temps, une excuse d’être un peu sauvage : ses contemporains étaient tous morts, et c’est au milieu de visages presque inconnus, tant ils étaient jeunes pour lui, que ce célèbre vieux garçon vient de s’éteindre, richissime et triste, à l’âge de quatre-vingt-dix-sept ans. »


L’œuvre des frères Garnier fut considérable.




Aguttes, 6/12/2012, 2.741 €

Les Chants et Chansons populaires de la France (Paris, H.-L. Delloye, éditeur, librairie de Garnier frères, Palais-Royal, galerie vitrée, péristyle Montpensier, 1843) parurent en 84 livraisons, mais aussi en 3 volumes cartonnés, recouverts de trois couvertures illustrées de vignettes. La couverture de la première série, imprimée en or, vert et noir, porte : « Chants et chansons populaires de la France. H.L. Delloye, éditeur, librairie Garnier frères, Paris. 1843. Chromolith. de Engelmann et Graf, Paris. » La couverture de la deuxième série, imprimée en noir, vert et or, est illustrée sur le premier plat de 4 vignettes et porte : « Chants et chansons populaires de la France. H.L. Delloye, éditeur, librairie Garnier frères. Paris. 1843. Chromolith. de Engelmann & Graf, Paris. » La couverture de la troisième série, tirée en bleu, noir et or, est ornée d’une vignette et porte : « Chants et chansons populaires de la France. H.L. Delloye, éditeur, librairie Garnier frères, Paris. 1844. » 


Les bibliophiles connaissent bien les Œuvres complètes de Buffon (Paris, Garnier frères, 1853-1856). Revues sur l’édition in-4° de l’Imprimerie royale et annotées par Pierre Flourens (1794-1867), secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, membre de l’Académie française et professeur au Muséum d’histoire naturelle, elles comptent 12 volumes grand in-8° jésus, illustrés de 161 planches, 800 sujets coloriés, gravés sur acier d’après les dessins originaux de Victor Adam (1801-1886), imprimés en caractères neufs, sur papier pâte vélin, par la typographie Jules Claye.


Ils connaissent aussi les ouvrages illustrés par Jean-Ignace-Isidore Gérard (1803-1847), dit Jean-Jacques Grandville :



Les Fleurs animées (2 vol.), texte par Alphonse Karr (1808-1890), Taxile Delord (1815-1877) et le comte Fœlix [pseudonyme de Louis-François Raban (1795-1870)]. Nouvelle édition avec planches très soigneusement retouchées pour la gravure et le coloris, par Édouard Maubert (1806-1879), peintre d’histoire naturelle, attaché au Jardin des plantes. Forment 2 volumes grand in-8° jésus, illustrés de 50 gravures coloriées et de nombreuses vignettes sur bois intercalées dans le texte. Les frères Garnier ayant acheté, en janvier 1866, l’édition des Fleurs animéesà Gabriel de Gonet (1818-1892), rue des Beaux-Arts, prétendirent empêcher les fabricants de mouchoirs de poche des sieurs Delarue, Lelièvre et fils, et Sueur, de copier les dessins sur leurs étoffes et gagnèrent leur procès en contrefaçon le 12 décembre 1867.



Autoportrait de Grandville (p. 189)

Les Métamorphoses du jour, 70 gravures coloriées, accompagnées d’un texte, par Albéric Second (1817-1887) et Taxile Delord, et précédées d’une notice sur Grandville, par Charles Blanc (1813-1882). Nouvelle édition, augmentée en 1869 d’un magnifique frontispice colorié, etc., et complétée pour le texte, par Jules Janin (1804-1874). Magnifique volume in-8° jésus. Les planches de 1869 se distinguent de celles de 1854 à plusieurs particularités : elles ne portent pas de nom d’imprimeur ; la plupart sont signées « JJ. Grandville » ; elles sont imprimées sur papier plus fort ; les légendes sont modifiées ou augmentées sur un grand nombre de planches.

Les Cent proverbes illustrés par Grandville, avec 50 gravures coloriées pour la première fois et un grand nombre de vignettes dans le texte.

Les Fables de La Fontaine, illustrées de 240 gravures, un sujet pour chaque fable, d’après les dessins de Grandville, formant un volume grand in-8° jésus, papier vélin des Vosges. Nouvelle édition augmentée d’un grand nombre de culs-de-lampe, faux-titres ornés, etc., par Grandville, magnifiquement imprimée par J. Claye.

Les Petites Misères de la vie humaine, illustrées de nombreuses vignettes dans le texte, et de 50 grands bois tirés à part. Texte par Old-Nick [pseudonyme de Paul-Émile Daurand-Forgues (1813-1883)]. Magnifique volume grand in-8° jésus, papier vélin des Vosges, imprimé par J. Claye. Cette nouvelle édition est en outre enrichie d’un beau portrait de Grandville, gravé sur acier.

Les Chansons de Béranger (2 vol.) contenant 53 gravures sur acier. Les Voyages de Gulliver dans des contrées lointaines, par Jonathan Swift, traduction nouvelle précédée d’une notice par Walter Scott. Les Aventures de Robinson Crusoe, par Daniel Defoe. Les Fables de Florian suivies de son théâtre.


Citons encore le Dictionnaire national (2 vol. in-4°) par Bescherelle aîné [Louis-Nicolas Bescherelle (1802-1883)], la Géographie universelle (6 vol. grand in-8°, 41 gravures sur acier, avec 1 atlas in-fol. composé de 72 cartes coloriées) par Victor-Adolphe Malte-Brun (1816-1889), les Œuvres complètes de Chateaubriand (12 vol. in-8°), les Galeries historiques de Versailles (10 vol. in-8°, avec un magnifique album in-4° contenant 100 gravures), l’Histoire des ducs de Bourgogne (12 vol. in-8° ornés de 104 gravures et d’un grand nombre de cartes) par le baron de Barante (1782-1866), Les Contes drolatiques (1 vol. in-8° illustré de 425 dessins de Gustave Doré), les Causeries du lundi par Charles-Augustin Sainte-Beuve (1804-1869), la Galerie de femmes célèbres tirée des Causeries du lundi (illustrée de 12 portraits gravés au burin d’après les dessins de M. G. Staal), l’Histoire de la Révolution de 1848 par Lamartine, les Mémoires de Beaumarchais dans l’affaire Goezman, les Œuvres de Rabelais, le Théâtre de Corneille, La Cabane de l’oncle Tom par Henriette Stowe (1811-1896), les Œuvres complètes de George Sand, les Œuvres de M. Flourens, dont l’Histoire de la découverte de la circulation du sang, les Œuvres de F. Lamennais, les Œuvres de Joseph Garnier, professeur d’économie politique à l’École impériale des ponts et chaussées, le Traité élémentaire pratique d’architecture ou Étude des cinq ordres d’après Jacques Barozzio de Vignole (1 vol. in-4° divisé en 72 planches) par Jean-Arnould Leveil (1806-1866), la Correspondance par Grimm, Diderot, Raynal, Meister, etc. par Maurice Tourneux (1849-1917), les Œuvres complètes de Molière, Les Historiettes de Tallemant des Réaux, les Chansons nationales et populaires de France (2 vol.), la Physiologie du blagueur (« pérystile [sic] Montpensier », 1841), etc.







Huet, le « savant des savants »

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Pierre-Daniel Huet, dont le père était magistrat, ex-calviniste converti à la foi catholique, est né à Caen (Calvados), au n° 142 de la rue Saint-Jean, devant l’église Saint-Jean, le 8 février 1630.



Localisation de la maison natale de Huet sur le plan de Caen en 1705


À la Révolution, Charlotte Corday habitera au n° 148, à l’emplacement du n° 114 aujourd’hui. Tout le quartier, comme 75% de la ville, sera détruit par les bombardements alliés en 1944, « une des attaques aériennes les plus inutiles de la guerre ».



Emplacement de la maison natale de Huet en 1944


Orphelin de père à trois ans, puis de mère à six ans, il fut recueillit par une de ses tantes. Après des études brillantes, il fit en 1650 son premier voyage à Paris, dans le but d’acheter des livres et de rencontrer des savants : Denis Pétau, Philippe Labbé, François Vavasseur, Gabriel Cossart, René Rapin, Jean Commire, Jacques Sirmond, Étienne Deschamps, Jean Garnier, les frères Pierre et Jacques Dupuy, François Guyet, Ismaël Boulliau, Pierre Lambécius et Gabriel Naudé.
En 1652, il accompagna le pasteur Samuel Bochart (1599-1667), invité par la reine Christine de Suède, et explora les trésors littéraires de ce pays. Intégré à l’Académie de Caen dès son retour deux ans plus tard, il fit sa licence en droit civil et canon à l’Université de Caen et devint sous-précepteur du Dauphin en 1670, pour seconder Bossuet. C’est alors qu’il entreprit et dirigea l’exécution des belles éditions des classiques latins « ad usum Delphini » : dix-huit titres parurent de 1674 à 1680.



Géomètre, physicien, antiquaire, hébraïsant, helléniste, latiniste et poète, il acquit la réputation d’être « de ces gens contre lesquels il n’est pas possible d’avoir raison ». Il entra à l’Académie française en 1674, fut ordonné prêtre en 1676 et nommé à l’évêché de Soissons (Aisne) en 1685. Rome n’envoyant pas les neuf bulles nécessaires, il permuta avec Fabien Brûlart de Sillery pour l’évêché d’Avranches (Manche) en 1689.




Dix ans plus tard, invoquant son état de santé et le « mauvais air » d’Avranches, il résigna et reçut en compensation l’abbaye Saint-Étienne de Fontenay, à Saint-André-sur-Orne (Calvados) ; il jouissait déjà, depuis 1679, de celle d’Aunay-sur-Odon (Calvados).




Il s’installa alors à Paris, chez les Jésuites, et se livra tout entier à l’étude. En 1712, il fut atteint d’une maladie qui l’affaiblit et altéra considérablement sa mémoire. Il mourut le 26 janvier 1721 et fut inhumé en l’église Saint-Paul-Saint-Louis, dans le quartier du Marais (IVe).

De toutes ses publications, son traité sur la traduction, De Interpretatione (1661), ses commentaires sur l’édition d’Origène, Origeniana (1668), son Traitté de la situation du Paradis terrestre (1691) et son traité sur les navigations attribuées à Salomon, De Navigationibus Salomonis (1698), sont considérés comme des chefs-d’œuvre par de nombreux critiques.

Huet possédait une des plus belles bibliothèques de son temps. Après avoir hésité longtemps sur le choix de sa destination future, il la légua, en 1692, à la maison professe des Jésuites de Paris (IVe), occupée aujourd’hui par le lycée Charlemagne, sous certaines conditions. Elle fut installée, de son vivant, dans une partie réservée de cette maison, où il se retira lui-même et vécut jusqu’en 1721.
Mais en 1763, quand les Jésuites furent bannis et leurs biens mis en vente, l’abbé Michel-Gabriel Piédoue de Charsigné (1705-1775), petit-neveu [et non neveu] et légataire universel de Huet, la réclama en justice, les principales clauses du legs se trouvant alors violées. Un arrêt du Conseil du Roi du 15 juillet 1763 fit droit à sa demande. L’impératrice de Russie fit offrir cinquante mille écus à l’abbé de Charsigné de la bibliothèque de son grand-oncle ; mais il préféra en faire hommage à Louis XV, qui se contenta de consigner une rente de 1.750 livres, au capital de 35.000 livres, en faveur du donateur, puis de ses héritiers. Cette rente a été acquittée jusqu’en 1792.
Parmi ces livres, au nombre de 8.271 volumes, « compris 200 volumes manuscrits » (Nicolas-Thomas Le Prince. Essai historique sur la bibliothèque du Roi. Paris, Cabinet historique, 1856, p. 91), ou 8.312 volumes, « non compris les manuscrits » (François-Amand de Gournay. Huet, évêque d’Avranches. Caen, Le Gost-Clérisse, 1854, p. 41), on  garda ceux qu’on n’avait pas, et les doubles de ceux qu’on avait déjà quand ils étaient plus beaux. Le reste fut échangé ou vendu, et c’est ainsi qu’on en trouve dans le commerce une certaine quantité.



Huet avait un Grolier qui passa chez l'Anglais Heber : Freculphi Episcopi Lexoviensis chronicorum (Coloniae, 1539, in-fol., v. fauve).



Notes manuscrites de Huet

La plupart de ces livres sont remarquables par la beauté des exemplaires, et précieux par les savantes notes que Huet y avait ajoutées de sa main. Il y a des volumes qui en sont couverts, notamment les chefs-d’œuvre de l’antiquité, si familière à l’illustre prélat. Ils sont presque tous en veau fauve ou brun et d’une grande simplicité de reliure. Il en prenait le plus grand soin et il avait des sacs de cuir faits exprès pour ceux qu’il emportait en voyage.


Tous les volumes, à très peu d’exceptions près, portent ses armes frappées sur les plats extérieurs :« D’azur, à 2 mouchetures d’hermines d’argent en chef, et 3 grillets [grelots] renversés d’or en pointe ».

Dans l’intérieur, on trouve les mêmes armoiries gravées sur un ex-libris, dont il existe au moins trois types, que les Jésuites y placèrent avec l’inscription suivante, qui rappelle la donation à ces religieux :




« Ex libris Bibliothecae quam Illus : trissimus Ecclesiae Princeps. D. PETRUS DANIEL HUETIUS. Episc. Abrincensis Domui Professae Paris. PP. Soc. Jesu Integrā vivens donavit An. 1692. »



« Ex Libris Bibliothecae quã Illustriss. Ecclesiae Princeps D. PETRVS DANIEL HVETIUS Episcopus Abrincensis Domui Professae Paris. PP. Soc. Iesu Integram Vivens Donavit. Anno. 1692 »



« Ex Libris Bibliothecae quam Illustrissimus Ecclesiae Princeps D. PETRUS DANIEL HUETIUS. Episcopus Abrincensis Domui Professae Paris. PP. Soc. Jesu integram vivens donavit Anno 1692 »



Au bas de chaque page de titre on voit en outre, sur une bande imprimée et rapportée, cette formule : « Ne extra hanc Bibliothecam efferatur. Ex obedientiâ. »

Il n’existe pas de catalogue imprimé de cette bibliothèque, mais toutes ses richesses furent comprises dans celui de la maison professe de la rue Saint-Antoine, que l’on dressa en 1763 pour la vente : Catalogue des livres de la bibliotheque de la maison professe des ci-devant soi-disans Jesuites (Paris, Pissot et Gogué, 1763, in-8, xx [i. e. xxiv]-[2]-448-59-[1 bl.] p., 7.252 lots), avec une table des auteurs.


« LeCatalogue que nous présentons au Public est composé de plusieurs Bibliotheques, parmi lesquelles celles de Menage & du fameux Huet tiennent le premier rang. Ces deux Sçavans sont trop connus pour qu’il soit nécessaire d’entrer dans quelque détail à leur sujet. La vaste littérature de l’Evêque d’Avranches doit faire juger du choix de sa collection. Menage, outre les livres qu’il avoit rassemblés, avoit acheté ceux de François Guyet. […] Plusieurs livres sont chargés de remarques, d’additions, ou de variantes, manuscrites, & particulierement les Auteurs Grecs & Latins : Nous avons eu soin de les annoncer. Une grande partie de ces Notes est de M. Huet : mais n’ayant pas assez de certitude pour assurer qu’elles sont toutes de lui ; nous avons été très réservés à le nommer. » [sic]

Les organisateurs de la vente agissaient au nom du Parlement, suite à l’ordonnance du 6 août 1762 décidant de la vente du mobilier des Jésuites. Celle-ci, initialement prévue « au mois de décembre [1763] », n’aura finalement lieu qu’en 1765, du 15 avril au 3 juillet. On avait retiré les livres ayant appartenu à Huet, quand ses héritiers en eurent obtenu la restitution.
La famille de Huet avait conservé une assez volumineuse collection de manuscrits. Un grand nombre furent achetés par la Bibliothèque impériale, en 1858. Les plus importants, comprenant les lettres adressées à Huet, sont tombés dans les mains de Libri, qui en a détaché de nombreuses pièces pour les vendre en détail et qui a cédé le reste, qui remplit trente volumes, à lord Ashburnham.   

De Lurde et De Ruble, trautzolâtres

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Le comte Alexandre-Louis-Thomas de Lurde naquit à Paris le 28 vendémiaire an IX [20 octobre 1800]. Après avoir achevé ses études, il commença son apprentissage diplomatique au secrétariat du général Jean Dessolles, président du Conseil, puis auprès de Étienne Pasquier, ministre des Affaires étrangères, dont la chute mit fin à sa carrière. Dévoué à l’idée monarchique, il partit alors en 1823 pour l’Espagne, au service du roi Ferdinand VII. Revenu en France, il ne put entrer dans l’armée française avec son grade de capitaine et démissionna en 1828. Chevalier de la Légion d’honneur en 1829, il fut nommé secrétaire de légation à Rio de Janeiro l’année suivante, chargé d’affaires au Portugal en 1832 et secrétaire de légation à Lisbonne en 1833. Devenu officier de la Légion d’honneur, il fut envoyé à Rome en 1836, reçut le titre de comte en 1838 et fut nommé premier secrétaire d’ambassade à Constantinople en 1839 ; considérant qu’il avait été injustement traité, il quitta Constantinople et rentra à Paris :


« Toute compensation lui fut refusée, et, durant plus d’une année, il vécut oublié, relégué dans la classe des secrétaires en disponibilité. Il demeura à Paris pendant cette longue période, plus occupé de ses études historiques que des démarches nécessaires pour obtenir du service. Une passion nouvelle, l’amour des livres, s’était emparée de lui depuis plusieurs années. A Rome il avait commencé à rechercher les belles et vieilles impressions des littératures française et italienne. Son séjour à Paris ouvrit un large cours à son goût pour les livres. Quelques ventes aux enchères lui fournirent l’occasion d’acquérir des éditions originales et de belles reliures. Ainsi débuta une passion qui devait absorber la fin de sa vie. » [sic]


En 1841, il obtint sa réintégration dans la carrière diplomatique : il fut envoyé à Naples, comme médiateur dans un différend entre l’Angleterre et les Deux-Siciles. En 1842, il devint ministre plénipotentiaire auprès de la république Argentine et reçut la croix de commandeur de la Légion d’honneur. Revenu à Paris en 1844, il fut nommé grand officier de la Légion d’honneur et attendit à Paris, 21 bis quai Voltaire (VIIe), la fin de la question Argentine. Après la révolution de 1848, il fut nommé chargé d’affaires en Hollande :


« A la Haye, le diplomate avait peu de travail, mais le bibliophile trouva de merveilleuses occupations. Les Pays-Bas sont la patrie des Elzevier. Le goût des beaux livres, qui y avait créé les meilleurs imprimeurs du dix-septième siècle, y avait attiré de l’étranger les plus rares et les plus beaux exemplaires de nos classiques. Plus tard, rentré dans la vie privée, M. de Lurde aimait à montrer les précieux volumes qu’il avait trouvés à la Haye, à Utrecht, surtout à Leyde, et rappelait en souriant que ces trésors étaient les seuls qu’il eût rapportés de ses campagnes diplomatiques, l’unique récompense d’une vie entièrement vouée au service de son pays. » [sic]  


En 1849, le gouvernement français envoya De Lurde à Berlin ; bientôt remplacé pour des raisons politiciennes, il fut profondément dégoûté de la carrière diplomatique et demanda une pension de retraite.

En 1852, il prit un petit appartement rue Caumartin (IXe) et s’y installa avec ses livres. Il était devenu le client des libraires Joseph Crozet (1808-1841), Joseph Techener (1802-1873) et Léon Techener (1832-1888), puis Laurent Potier (1806-1881). Il avait d’abord aimé les volumes à figures, les belles impressions du dix-huitième siècle, les exemplaires en grand papier du commencement du dix-neuvième. Rapidement, il avait adopté une spécialité plus délicate, les éditions originales.



Recueil général des Caquets de l'Acouchée [sic]
S. n. [Paris], 1623
Reliure de Trautz-Bauzonnet, 1848
(Ruble, 1899, n° 511)

Il n’acceptait que des exemplaires de conservation parfaite : tout volume taché, incomplet, court de marges, quelle que fut sa rareté, n’était pas admis dans sa bibliothèque. Aussi difficile pour les reliures, la plupart sorties des mains de Bauzonnet ou de son gendre et successeur Trautz. Plus d’une fois, il a sacrifié une reliure ancienne pour lui en substituer une exécutée par ses relieurs préférés. On compta à son décès : 15 reliures signées Bauzonnet, 140 signées Bauzonnet-Trautz et 268 signées Trautz-Bauzonnet.



La plupart portent sur le dos et aux angles des plats, souvent sur la doublure même, un chiffre composé de deux « A » et de deux « L » [Alexandre de Lurde].


« Il lisait ses livres, il comparait les diverses éditions de ses auteurs favoris. Peu d’hommes possédaient ses classiques comme lui, et personne peut-être les auteurs du seizième siècle. Il aimait principalement, outre les classiques, les vieux poëtes, Ronsard et la Pléiade, les anciens prosateurs, Rabelais, le Plutarque d’Amyot, Montaigne, et, quand il les avait relus en entier, il les relisait encore. Il avait peu de goût pour la littérature contemporaine. Nos poëtes, nos romanciers, nos critiques, nos historiens, toujours empressés à quitter les lettres pour la politique, n’étaient pour lui que des faiseurs de livres de circonstance ; il les lisait quelquefois, comme on lit des journaux, mais il ne gardait pas leurs ouvrages. » [sic]


Après la mort du chancelier Pasquier en  1862, puis de sa mère en 1864, il prit goût à la solitude, s’adonnant plus que jamais à celui des livres et à l’étude de l’histoire et des grands auteurs. Pendant le second siège de Paris, le 23 mai 1871, en sortant du cercle des Chemins de fer, au coin de la rue de la Michaudière, où il avait dîné, il fut blessé à la hanche par le tir d’un factionnaire. Dès lors, il ne quitta plus son appartement, où il expira le 4 janvier 1872, à 1 h. 10 du matin.  Célibataire, il avait légué sa bibliothèque à son neveu, le baron de Ruble.




Collège de Vaugirard

Descendant d’une vieille famille irlandaise venue s’installer en Gascogne, le baron Joseph-Étienne-Alphonse de Ruble était né à Toulouse (Haute-Garonne) le 6 janvier 1834. Ayant perdu sa mère à l’âge de sept ans, il eut droit à un précepteur ecclésiastique avant d’être envoyé en pension à Toulouse, puis dans l’institution célèbre de l’abbé Poiloup, à Vaugirard [ancien village, qui sera annexé à Paris en 1860, XVe arrondissement]. Ses études terminées, De Ruble revint à Toulouse pour y faire son droit et c’est alors que commença à se manifester chez lui l’amour des livres.
En 1855, il vint se fixer dans la capitale et se fit inscrire au barreau de Paris. Il devint le secrétaire de l’avocat et homme politique Jules Favre et fréquenta les Archives et le département des manuscrits de la Bibliothèque nationale. Parurent bientôt les trois premiers volumes de ses Commentaires et lettres de Blaise de Monluc maréchal de France (Paris, Vve Jules Renouard, 1864-1872, 5 vol.). En 1868, il épousa Jeanne-Blanche-Caroline Bajot de Conantre [sic], qui devint sa collaboratrice, partageait ses études et l’affranchissait des soucis de la vie matérielle. En dehors des voyages entrepris pour dépouiller les archives françaises et étrangères, il avait à Paris des journées bien réglées : après avoir passé une partie de la matinée et de l’après-midi à la Bibliothèque nationale ou aux Archives, il rentrait chez lui vers 16 heures, classait ses notes, puis faisait une courte apparition au cercle de l’Union.



La saison d’été, qu’il passait dans son château de Ruble, à Gimat (Tarn-et-Garonne), était réservée au travail de la rédaction : levé le plus souvent à 5 heures, il visitait ses fermes et ses chevaux d’élevage ; il déjeunait à 9 heures puis, après une courte promenade dans la cour du château, se retirait pour travailler dans sa bibliothèque ; à 16 heures il s’entretenait avec son régisseur, puis retournait à ses livres jusqu’à 19 heures ; après le dîner, il consacrait le reste de la soirée à sa famille, mais se couchait de bonne heure.



Après avoir voulu s’engager en 1870, il suivit sa belle-mère et la baronne au château de Connantre (Marne) [après de nombreux changements de propriétaires, le château, à l’abandon, fut détruit en 1967]. Pendant toute l’occupation, De Ruble recueillit les documents qui permirent la publication de L’Armée et l’Administration allemandes en Champagne (Paris, Hachette et Cie, 1872).
La même année 1872, il hérita de la bibliothèque de son oncle et témoigna sa reconnaissance en publiant, en 1873-1874 d’abord, dans le Bulletin du bibliophile, et en 1875, dans un volume tiré à 60 exemplaires, une Notice biographique sur le comte de Lurde, suivie du catalogue de sa bibliothèque.
Il compléta cette belle bibliothèque comme l’aurait complétée celui-là même qui la lui avait léguée, et il ne voulut pas connaître d’autres relieurs que Trautz.



Les reliures qu’il fit alors exécuter portent sur le dos et aux angles des plats un chiffre composé de deux « R » et de deux « C » [Ruble et Conantre]. Quand Trautz mourut en 1879, De Ruble ne fit presque plus relier, quelques fois par Lortic père ou Thibaron-Joly, mais il acheta dans les ventes des livres reliés par Trautz. Désigné pour préparer la collection de livres et de manuscrits qui devait figurer à l’Exposition universelle de 1878, il donna une Notice des principaux livres manuscrits et imprimés qui ont fait partie de l’exposition de l’art ancien au Trocadéro (Paris, Léon Techener, 1879, in-8, VIII-116 p.).
Membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres depuis 1896, le baron appartenait à de nombreuses Sociétés : Société des anciens textes français, Société des Bibliophiles françois, Société d’histoire diplomatique, Société de l’histoire de France, Société de l’histoire de Paris et de l’Ile-de-France, Société historique de Gascogne, Société archéologique de Tarn-et-Garonne, Société des Antiquaires du Centre.
La mort vint le chercher à son domicile, 43 rue Chambon (Ier), le samedi 15 janvier 1898, vers 15 heures 30, après une semaine de maladie.




Le Catalogue des livres rares et précieux composant le cabinet de feu M. le baron de Ruble (Paris, Em. Paul et fils et Guillemin, 1899, in-8, XVI-192 p., 688 lots) comprend les 244 articles de son propre cabinet avec les 444 articles du cabinet de son oncle. La vente eut lieu à l’hôtel Drouot, du lundi 29 mai au samedi 3 juin 1899.

8. Missel exécuté par Nicolas Jarry pour le cardinal de Richelieu. In-fol. de 75 f. à 2 col., mar. r. dos orné, fil. double encadrem. genre Du Seuil, tr. dor., aux armes du cardinal. Manuscrit sur vélin, daté 1639. 6.010 fr. Payé 2.320 fr. à la vente Lignerolles, 1894.
61. Essais de Messire Michel, seigneur de Montaigne. Bourdeaux, S. Millanges, 1580. In-8, mar. bleu, chiffres sur le dos et aux angles des plats, doublé de mar. orange, coins et grand milieu avec chiffre au centre composés d’une riche dorure à petits fers et au pointillé, tr. dor. (Trautz-Bauzonnet, 1851). Première et précieuse édition des deux premiers livres des Essais. Exemplaire réglé. 1.385 fr.
66. Les Essais de Michel de Montaigne. Paris, 1669, 3 vol. in-12, titres-front. gravés, mar. r. doublé de mar. r. dent. tr. dor. (Boyet). Exemplaire de Longepierre. 2.500 fr.



83. La Nef des Princes. Lyon, Guillaume Balsarin, 1502. In-4 goth. de 66 f. mal ch. sign. a-l par 6 f. fig. sur bois, mar. vert. dos orné, 3 fil. et comp. à la Du Seuil. dent. int. tr. dor. (Bauzonnet-Trautz). Première et rarissime édition. Exemplaire de la vente Crozet. 1.160 fr.



93. Le Livre du roy Modus. Chambéry, Anthoine Neyret, 1486. In-fol. goth. nombreuses fig. sur bois. mar. vert, chiffres sur le dos, fil. à fr. doublé de mar. r. large dent. à petits fers et au pointillé avec une bordure extérieure dite « aux oiseaux », dans laquelle se trouvent placées des bécasses présentées dans diverses postures, tr. dor. (Bauzonnet-Trautz). Exemplaire de la première édition provenant de la bibliothèque du duc de Luynes, dont il porte le timbre sur le premier f. On ne cite que 4 ou 5 exemplaires de ce rare volume : celui de Solar, incomplet du dernier f., a été vendu 5.000 fr. à la vente Potier (1870), celui du prince d’Essling 10.000 fr. à la vente Pichon (1869). 7.800 fr.
94. La Vénerie de Jaques du Fouilloux. Poitiers, Marnef et Bouchet frères, 1561. In-fol. fig. et musique notée, mar. r. jans. chiffres sur le dos, doublé de mar. bleu, bel et large encadrement formé d’un enroulement de branches de feuillage dans lequel courent des chasseurs, des chiens, des cerfs, des lièvres et des lapins, tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). Edition originale très rare entièrement imprimée en caractères italiques. 1.850 fr.
126. Le Rommant de la rose. Paris, Galliot du Pré, 1529. Petit in-8, lettres rondes, fig. sur bois, mar. r. dos orné avec chiffres, fil. riches comp. à petits fers et au pointillé composé d’ornements aux angles et d’un grand milieu avec une rose dans un médaillon au centre, doublé de mar. vert, larges dent. à petits fers et au pointillé, tr. dor. (Bauzonnet-Trautz). Exemplaire cité comme étant le plus grand connu (nombreux témoins), ayant appartenu au bibliographe Osmont, dont le nom se trouve au bas du titre. 1.440 fr.
132. Les Œuvres Maistre Guillaume Coquillart. Paris, Galliot du Pré, 1532. Pet. in-8, lettres rondes mar. r. dos orné, fil. et encadrem. genre Du Seuil composé de fil. droits et cintrés avec fleuron aux angles, doublé de mar. bleu, dent. dite « roulette Chamillart » [simple roulette à laquelle la marquise de Chamillart a laissé son nom] avec fleurons au pointillé aux angles, tr. dor. (Bauzonnet-Trautz). Première édition imprimée en lettres rondes. Un des plus grands exemplaires connus. 1.050 fr.
135. Le Vergier dhonneur. S. l., s. d. In-fol. goth. de 209 f. non ch. à 2 col. nombr. fig. sur bois mar. r. dos orné avec chiffres, 3 fil. dent. int. tr. dor. (Trautz-Bauzonnet, 1848). Rarissime édition imprimée à Paris à la fin du xve. Exemplaire anciennement recouvert d’une reliure en veau fauve au chiffre couronné de Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII ; ce chiffre a été découpé et fixé en guise d’ex-libris à l’intérieur du premier plat de la nouvelle reliure ! 1.100 fr.



141. Gringore [sic]. Les Fantaisies de Mère Sotte. S. d. [privilège du 27 octobre 1516]. In-4 goth. 110 f. [et non 111 comme Brunet l’indique] fig. sur bois, mar. r. dos orné à petits fers, 3 fil. dent. int. tr. dor. (Trautz-Bauzonnet, 1848). Un des ouvrages les plus rares de Gringore. On ne connaît que 3 ou 4 exemplaires de cette édition : celui-ci provient des bibliothèques Heber et du prince d’Essling et a été relié à nouveau depuis la vente de ce dernier amateur. 1.820 fr.



162.Étienne Dolet. Le Second Enfer. Troyes, Nicole [i.e. Nicolas] Paris, 1544. Pet. in-8 lettres rondes, mar. r. dos orné, fil. et comp. à la Du Seuil, doublé de mar. r. riches comp. à petits fers et au pointillé couvrant entièrement les plats intérieurs, chiffre dans un médaillon au centre, tr. dor. (Bauzonnet-Trautz). On connaît 3 éditions de ce livre publiées sous la même date ; on ne connaît qu’un seul exemplaire de chacune, abstraction faite d’un exemplaire de la première partie seulement de cette édition (B.n.F.). Cet exemplaire provient de la vente Crozet et a été relié depuis. 1.645 fr.
163. Le Miroir de treschrestienne princesse Marguerite de France, royne de Navarre. Paris, Antoine Augereau, 1533. In-8 mar. La Vallière avec incrustations de mar. brun et r. sur le dos et les plats, riche dorure composée de fil. et de marguerites alternant avec des rosaces, doublé de mar. bleu, bel encadrement formé de branches de feuillage et décoré de marguerites, tr. dor. étui en forme de livre en mar. brun, doublé de peau de chamois grenat, dent. int. tr. dor. (Thibaron-Joly). Exemplaire réglé, grand de marges ; reliure faite à l’imitation des reliures à mosaïque de Padeloup dites « à répétition ». 2.010 fr. Avait été adjugé 1.900 fr. à la vente Guy-Pellion, 1882.
164. Marguerites de la Marguerite des princesses. Lyon, Jean de Tournes, 1547. 2 tomes en 1 vol. in-8, fig. sur bois, car. ital. mar. r. chiffres sur le dos et aux angles des plats, doublé de mar. bleu, large dent. à petits fers et au pointillé avec chiffre aux angles, tr. dor. (Trautz-Bauzonnet, 1850). Exemplaire réglé, grand de marges (témoins) et le plus grand connu ; il provient des bibliothèques de Soleinne, Baudelocque et Clinchamp, et a été relié depuis. 1.500 fr.



216. Les Premières Œuvres de M. Régnier. Paris, Toussaint du Bray, 1608. In-4, mar. r. chiffres sur le dos et aux angles des plats, dent. int. tr. dor. (Trautz-Bauzonnet, 1850). Rarissime édition originale. Exemplaire réglé, provenant de la bibliothèque du général Tolosan (1805), le seul connu en dehors de celui de la B.n.F. et de celui de l’Arsenal. 4.400 fr. Un des livres les plus remarquables de la collection.
218. Les Satyres et autres Œuvres du sieur Régnier. Leiden, Jean et Daniel Elsevier, 1652. Pet. in-12, mar. r. dos orné à petits fers, 3 fil. doublé et gardes de pap. blanc et or, dent. int. tr. dor. (Padeloup). Exemplaire rare, mais court de marges, aux armes du comte d’Hoym. 1.520 fr.
226. Les Poésies de Malherbe. Paris, Claude Barbin, 1689. In-12, mar. r. doublé de mar. olive, dent. tr. dor. (Padeloup). Exemplaire de Longepierre, réglé ; il a appartenu ensuite à Bignon et Clinchamp, dont il porte l’ex-libris. 5.050 fr.



299. Airs nouveaux de la Cour. Escripts par N. Jarry. In-8, mar. citron, comp. de mosaïque avec chiffres et riche dorure sur le dos et les plats, doublé de mar. r. fil. et encadrem. à la Du Seuil avec un grand fleuron à petits fers et au pointillé aux angles, tr. dor. étui en forme de livre doublé de drap grenat, les plats en mar. brun jans. dent. int. tr. dor. (Trautz-Bauzonnet, 1854). Manuscrit sur vélin couvert d’une riche reliure à mosaïque considérée comme le chef-d’œuvre de Trautz. Acheté 565 fr. à la vente De Bure (1853). Avait été payé 14 livres et 19 sols à la vente du baron d’Heiss (1785). L’ancienne reliure qui recouvrait le volume à l’époque de la vente De Bure était en trop mauvais état pour être conservée, mais la doublure la représente exactement telle qu’elle avait été exécutée par Le Gascon. On joint la déclaration de Trautz. 17.050 fr.
314. Maistre Pierre Pathelin. Paris, Anthoine Bonnemere, 1533. In-16 de 124 f. non ch. lettres rondes, mar. orange, dos orné, comp. de fil. droits et cintrés, fleurons aux angles, doublé de mar. r. riche dorure à petits fers et au pointillé avec chiffre au centre et aux angles, tr. dor. (Trautz-Bauzonnet, 1851). Exemplaire réglé provenant de la vente Monmerqué. 1.505 fr.



314 bis. Maistre Pierre Pathelin. Paris, Jehan Trepperel, s. d. [entre 1502 et 1511]. Petit in-8, goth. de 44 f. non ch. à 26 lignes par page, signé a à e par 8 f. et f par 4 f. fig. sur bois, mar. r. dos orné fil. doublé de mar. r. dent. tr. dor. (Bauzonnet-Trautz). Si cet exemplaire est celui de la vente Soleinne, ce serait alors le seul cité par les bibliographes. 1.705 fr.
348 bis. P. Corneille. Remerciment [sic] au Roy. Paris, 1663. In-4 de 7 p., mar. r. jans. chiffres aux angles des plats, dent. int. tr. dor. (Trautz-Bauzonnet, 1859). Un des 2 exemplaires connus de l’édition (le second fait partie de la bibliothèque du baron J. de Rothschild). 1.595 fr.
351. Les Œuvres de Monsieur de Molière. Paris, Denys Thierry, Barbin, etc., 1682.  8 vol. pet. in-8, fig. de Brissart, mar. r. doublé de mar. olive, dent. int. tr. dor. (Rel. anc.). Première édition complète. Exemplaire de Longepierre, réglé, très grand de marges (témoins), qui serait tiré sur « grand papier fin ». 21.000 fr.
354. Les Précieuses ridicules. Paris, Charles de Sercy, 1660. In-12 de 4 f. prél. non ch. et 135 p. mar. r. chiffres sur le dos, fil. à fr. dent. int. tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). Édition originale extrêmement rare, premier état du premier tirage. 4.620 fr.
355. Sganarelle, ou le Cocu imaginaire. Paris, Jean Ribou, 1660. In-12 de 6 f. prél. non ch. et 60 p., la dernière non ch. pour le privilège, mar. r. chiffres sur le dos, fil. à fr. dent. int. tr. dor. (Trautz-Bauzonnet, 1853). Edition originale rarissime, publiée sans l’autorisation de l’auteur par un sieur de Neuf-Villenaine, et détruite, à l’exception de 8 ou 10 exemplaires, dont plus de la moitié sont en bibliothèques publiques. 4.000 fr.
383. Les Femmes sçavantes. Paris, Pierre Promé, 1672. In-12 de 2 f. prél. non ch. et 92 p., mar. r. jans. dent. int. tr. dor. (Lortic). Exemplaire de l’édition originale sous la date de 1672, qui passe pour être unique. L’un des petits fleurons qui composent l’ornement typographique, placé en tête de la p. 37, est tombé pendant la mise en pages. 1.080 fr.
386. Molière. Remerciment [sic] au Roy. Paris, Guillaume de Luynes et Gabriel Quinet, 1663. In-4 de 7 p., mar. r. jans., chiffres aux angles des plats, dent. int. tr. dor. (Trautz-Bauzonnet, 1858). Cet exemplaire et celui de Lignerolles sont les deux seuls connus jusqu’alors. 1.450 fr.   
431. La Vie très horrificque du grand Gargantua. Pantagruel, roy des Dipsodes. Lyon, François Juste, 1542. Deux parties en 1 vol. in-16, goth. fig. sur bois, mar. citron, dos orné avec chiffres, 3 fil. et encadrem. genre Du Seuil composé de fil. droits et cintrés, avec chiffres aux angles, doublé de mar. r. ornements aux angles et grand milieu avec chiffre, à petits fers et au pointillé, tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). On rencontre rarement ces deux parties réunies. 1.220 fr.



434. Rabelais. Œuvres, 1547. 3 parties en 1 vol. in-16 fig. sur bois, mar. bleu, chiffres sur le dos et aux angles des plats, dent. int. tr. dor. (Trautz-Bauzonnet, 1850). Edition originale de la première édition collective des trois premiers livres. 1.180 fr.



N° 440. Oeuvres de Maître François Rabelais
Amsterdam, Henry Bordesius, 1711, 6 t. en 5 vol. in-8
Reliure de Trautz-Bauzonnet, 1852


441.Œuvres de Maitre François Rabelais. Amsterdam, Jean-Frédéric Bernard, 1741. 3 vol. in-4, front. fleurons, culs-de-lampe, portrait, cartes et fig. par B. Picart, Du Bourg, etc., mar. r. dos orné, dent. tr. dor. (Rel. anc.). Exemplaire aux armes de la marquise de Pompadour. 4.260 fr.



464. Les Contes de la reine de Navarre. In-4, mar. grenat, chiffres dorés et fil. à fr. sur le dos et les plats, doublé de mar. bleu, large dent. à petits fers et au pointillé avec chiffres aux angles, tr. dor. (Bauzonnet-Trautz). Edition originale très rare sous le titre Histoires des amans fortunez : on n’en cite que 5 ou 6 exemplaires. 1.700 fr.
474. Contes des fées, par Ch. Perrault. Paris, Lamy, 1781. 2 parties en 1 vol. in-12, front. et vignettes, mar. r. dos orné, dent. doublé de tabis bleu, dent. tr. dor. (Derome le jeune). La plus complète et la plus belle des anciennes éditions des Contes de Perrault. Exemplaire sur grand papier de Hollande. Provient des bibliothèques Pixerécourt et Aimé Martin (vente de 1847) et est un des trois seuls connus réunissant la triple condition d’être imprimés sur papier de Hollande, d’être ornés de figures en plusieurs états et d’être reliés par Derome, avec son étiquette sur un feuillet de garde. 4.120 fr.



478. Cervantes. Don Quichotte. 1605. In-4, mar. r. chiffres sur le dos et aux angles des plats, dent. int. tr. dor. (Trautz-Bauzonnet, 1850). Précieuse et rarissime édition originale de la première partie de ce roman. 7.420 fr.



481. Segunda parte de Don Quixote (1615). In-4, mar. r. chiffres sur le dos et aux angles des plats, dent. int. tr. dor. Première et précieuse édition de la seconde partie, infiniment plus rare que la première, dit Salva. Le titre porte la mention manuscrite « Ce livre est à Daniel Dumonstier ». 2.550 fr.




L’ex-libris de De Ruble représente ses armes et son chiffre accolés à ceux de son oncle.   

Où sont les reliures à mosaïque de Trautz ?

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Le relieur Georges-Jacob Trautz (Pforzheim, Allemagne, 12 janvier 1808 – Paris VIe, 6 novembre 1879), « le grand prêtre du pastiche », fut l’élève, le gendre et le successeur de Laurent-Antoine Bauzonnet (Dole, Jura, 14 septembre 1795 – Paris VIe, 28 décembre 1882), « le grand maître des filets ».
Successeur lui-même de Jean-Georges Purgold (Darmstadt, 1784-Paris, 1829), dont il épousa la veuve, Anne-Thérèse Langlois (Paris, 1788-1861), le 11 septembre 1830 à Paris, Bauzonnet accueillit Trautz en 1833 comme doreur dans son atelier de la rue Honoré Chevalier (VIe).



Trautz avait appris la dorure dans l’atelier Kleinhans, rue Mazarine (VIe), dans lequel il était entré en arrivant à Paris en 1830. L’atelier de Bauzonnet fut déménagé rue du Four-Saint-Germain (rue du Four, VIe). Le 1er octobre 1840, Trautz épousa Alexandrine-Élisabeth-Estelle Purgold (Paris, 1818-1885), belle-fille de Bauzonnet, dont il devint dès lors l’associé : les reliures furent signées « Bauzonnet-Trautz ». Dès 1847, afin de rendre un hommage public au talent de son gendre, Bauzonnet voulut que les reliures fussent signées « Trautz-Bauzonnet ». En 1851, Bauzonnet quitta son atelier pour prendre sa retraite, et Trautz lui succéda.

Dans le Catalogue des livres rares et précieux composant la bibliothèque de M. le comte Octave de Behague (Paris, Ch. Porquet, 1880, première partie, p. XXII-XXIII), le libraire Charles Porquet publia la « Liste des reliures à mosaïque exécutées par M. Trautz-Bauzonnet (années 1838 à 1878) », communiquée par Ernest Quentin-Bauchart, qui l’avait reçue de Georges Trautz lui-même :

« 1° En 1838, pour la Bibliothèque royale. – La Nef des Folz, petit in-folio, reliure à la Grolier (xvie siècle).
2° En 1839, pour M. Armand Bertin. – Les Saints. Manuscrit, in-8°, genre Grolier, doublé de vélin, dentelles en couleurs.
3° En 1845, pour M. le baron J. Pichon. – Œuvres de Roger de Collerye (1536), compart. à losanges, imité de Padeloup, petit in-8° (xviiie siècle). Actuellement chez M. le baron J. de Rothschild.
4° En 1853, pour Monseigneur le duc d’Aumale. – Virgilius, Alde, (1505), sur vélin, in-8°, genre Grolier.
5° En 1853, pour M. de Clinchamp. – L’Eschole de Salerne, en vers burlesques (Leyde, les Elsevier, 1651), in-12 compart. à losanges, imité de Padeloup ; fait partie de la collection du comte de Béhague.
6° En 1855, pour M. Cigongne. – Œuvres de Coquillart (1532), pet. in-8°, genre Grolier, appartient aujourd’hui à Mgr le duc d’Aumale.
7° En 1855, pour M. le comte de Lurde. – Airs nouveaux de Cour, pet. in-8°, manuscrit signé Jarry, dorure Le Gascon, avec riches compart. (xviie siècle). Fait aujourd’hui partie de la bibliothèque du baron de Ruble.



8° En 1857, pour M. le comte de Lignerolle. – Simulacres de la mort (1538), in-8°, reliure à losanges noirs, avec tête de mort et autres attributs.
9° En 1858, pour M. le baron Salomon de Rothschild. – Un manuscrit allemand, sur vélin, in-folio, genre Grolier.
10° En 1869, pour E. Quentin-Bauchart. – Prières chrétiennes, manuscrit de la fin du xviie siècle sur vélin, in-12, compart. à losanges, imité de Padeloup.
11° En 1870, pour M. E. Paillet. – Office de la Vierge, manuscrit signé Jarry, dorure Le Gascon, avec tranche gravée et à fleurs.
12° En 1872, pour M. le baron de La Roche-Lacarelle. – Œuvres de Villon, (1532), pet. in-8°, compart. à losanges, imité de Padeloup.


13° En 1873, pour M. E. Quentin-Bauchart. – Œuvres de Louise Labé (1555), in-8°, riches compart. à mosaïque de maroquin vert, bleu, citron et rouge, avec dorures à petits fers couvrant entièrement le dos et les plats du volume. Appartient aujourd’hui au baron James de Rothschild.
14° En 1874, pour M. Caen, libraire. – Œuvres de Vauquelin de La Fresnaie (1612), in-8°, compart. à losanges, imité de Padeloup.
15° En 1874, pour M. le comte de Fresne. – Œuvres de Coquillart (1532), pet. in-8°, même reliure que le précédent.
16° En 1875, pour M. le baron James de Rothschild. – L’Adolescence Clémentine (1532) in-8°, compart. à la Grolier, citron et bleu.
17° En 1875, pour M. E. Quentin-Bauchart. – Œuvres de Villon (1537), pet. in-8°, compart. à la Grolier, citron et bleu comme le précédent.



18° En 1876, pour M. E. Paillet. – Les Caquets de l’Accouchée (1623), in-8°, fantaisie à losanges, imitée de Padeloup.
19° En 1877, pour M. le baron J. de Rothschild. – Les Blasons du corps féminin, in-16, compart. et entrelacs, genre Padeloup.
20° En 1877, pour M. le baron J. de Rothschild. – Manon Lescaut (1753), 2 vol. in-12, à losanges, imité de Padeloup.
21° En 1877, pour M. Colin. – Œuvres de Regnier, Leyde, les Elsevier, 1652, pet. in-12, genre Le Gascon.
22° En 1878, pour M. le baron J. de Rothschild. – Les Rymes de Pernette du Guillet (1545), pet. in-8°, sur le modèle de la Louise Labé, avec de légères modifications. » [sic]

Quentin-Bauchart publia une seconde fois cette même liste dans Mes livres (Paris, Librairie de la Bibliothèque nationale, 1881, p. XI-XIII).
Édouard Rahir, dans son article intitulé « Des reliures de Trautz-Bauzonnet à propos d’une vente récente », paru dans la Revue des livres anciens (Paris, Fontemoing et Cie, 1914, t. I, p. 145-152), mit cette liste à jour, et y ajouta une 23e reliure :

« N° 1. Nef des Folz. Bibliothèque nationale.
N° 2. Les Saints. De chez M. Armand Bertin a passé dans la famille Bapst.
N° 3. Les Œuvres de Roger de Collerye, 1536. Bibliothèque du baron James de Rothschild.
N° 4. Virgile. Alde, 1505. Bibliothèque de Chantilly.
N° 5. École de Salerne, Elzevier 1651. Vendu 16 100 francs chez le comte Octave de Béhague en 1880, puis 10 060 francs, chez le comte de Mosbourg et acheté 17 500 francs à la vente Robert Hoe, par M. Cortlandt F. Bishop.
N° 6. Œuvres de Coquillart, 1532. Biblioth. de Chantilly.
N° 7. Airs nouveaux de la Cour. Ms. de Jarry, s. d. Vendu 17 050 francs chez le baron de Ruble, acquis pour 28 750 francs à la vente Robert Hoe, par M. Cortlandt F. Bishop.
N° 8. Les Simulachres de la Mort, 1538. Acheté 8 500 francs chez le comte de Lignerolles par Lord Carnarvon. Aujourd’hui chez M. Mortimer L. Schiff.
N° 9. Manuscrit allemand. Chez la baronne Salomon de Rothschild.
N° 10. Prières chrétiennes. Manuscrit. Chez M. Pierre Quentin-Bauchart.
N° 11. Office de la Vierge. Ms. de Jarry. Acheté à la dispersion de la bibliothèque Paillet, 8 000 francs par M. Blacque, a été revendu 16 750 en avril 1909 à la vente H. W. Poor. Aujourd’hui en Amérique.
N° 12. Œuvres de Villon, 1532. Acheté 14 020 francs chez le baron de La Roche Lacarelle, revendu 19 000 francs à la vente Robert Hoe. Chez Geo D. Smith à New-York.
N° 13. Œuvres de Louise Labé, 1555. Bibliothèque du baron James de Rothschild.
N° 14. Œuvres de Vauquelin de La Fresnaie, 1612. Adjugé 2 852 francs en 1883 à la vente de M. Truel Saint-Evron ; acheté par M. Geo B. de Forest. Aujourd’hui dans la collection J.Pierpont Morgan.
N° 15. Œuvres de Coquillart, 1532. Acheté 9 000 francs chez le comte de Fresne. Vendu 10 000 francs à la vente Robert Hoe. Aujourd’hui en Amérique.
N° 16. L’Adolescence Clémentine, 1532. Bibliothèque du baron James de Rothschild.
N° 17. Œuvres de Villon, 1537. Adjugé 7 500 francs chez E. Quentin-Bauchart ; acheté par M. Geo. B. de Forest. Chez M. J. Pierpont Morgan.
N° 18. Les Caquets de l’Accouchée, 1623. Acheté à la dispersion de la bibliothèque Paillet, 8 000 francs par M. Müller ; vendu 8 500 francs chez M. Müller et acheté 18 500 fr. à la vente Robert Hoe par la librairie Morgand.
N° 19. Les Blasons du corps féminin, s. d. Bibliothèque du baron James de Rothschild.
N° 20. Manon Lescaut, 1753. Bibliothèque du baron James de Rothschild.
N° 21. Œuvres de Régnier, Elzevier, 1652. Adjugé 5 500 francs à la vente E. Colin en 1881 ; revendu 4 820 francs dans une vente anonyme en février 1891, acheté par M. Geo. B. de Forest. Aujourd’hui dans la collection Pierpont Morgan.
N° 22. Les Rymes de Pernette du Guillet, 1545. Bibliothèque du baron James de Rothschild.
N° 23. Heures de Rome. Paris, Simon Vostre, s. d. (calendrier de 1512 à 1530). Reliure exécutée en 1871 pour le comte Clément de Ris. Aujourd’hui chez M. L. de Montgermont.

Ce dernier ouvrage n’avait pas été mentionné sur la liste remise à M. Potier [i.e. Porquet] au moment de la vente Octave de Béhague ; cette liste n’indiquait pas non plus quelques volumes exécutés pour un bibliomane anglais M. Hankey, sur des livres d’un genre tout à fait spécial, volumes aujourd’hui cachés dans l’Enfer d’une grande bibliothèque américaine. » [sic]   

Pour l’érotomane Frédérick Hankey (Corfou, 1823-Paris, 1882), ancien officier des Gardes de S.M. la Reine d’Angleterre, qui vivait célibataire à Paris, rue Laffitte (IXe), Trautz avait accepté de se livrer à des mosaïquages spéciaux qui ne figurent pas dans le décompte de ses œuvres. Il signa en particulier une reliure dite « aux fleurs du mal » sur Le Meursius françois,ou Entretiens galans d’Aloysia (Cythère [Paris], s. n. [Valade], 1782, 2 t. en 1 vol. in-18, front. et 12 fig. h.-t. n. sign. [Elluin, d’après Borel]) : maroquin janséniste orange, dos à nerfs, titre doré, doublure de maroquin bleu ciel à bordure en dents de rat, décorée d’une composition érotique dorée de petits fers, têtes de faune et guirlandes florales arabesques, ornée de quatre phallus aux angles intérieurs et d’une vulve solaire au centre, mosaïqués de maroquin beige et rouge, gardes de moire bleu ciel, double filet sur les coupes, tranches dorées ; étui de maroquin noir, dos à nerfs, titre et chiffre FH dorés (Paris, Christie’s, 27 avril 2006, bibliothèque G. Nordmann : 38.400 €)     

L’Inavouable Fiasco de la vente Morante

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Don Joachim Gomez de la Cortina, né au Mexique le 6 septembre 1808, docteur en droit, fut successivement recteur de l’Université de Madrid, membre du Tribunal suprême de justice et sénateur. Entre-temps, en 1847, il reçut le titre de marquis de Morante.

Le marquis de Morante, dont on cherchera en vain le portrait, fut un des plus illustres bibliophiles espagnols. Depuis 1840, il était bien connu, à Paris, des libraires qui faisaient des catalogues et des ventes de livres anciens (Merlin, Tilliard, Crozet, Techener, Potier) et des relieurs (Thouvenin, Thompson, Bauzonnet, Duru, Capé). Le marquis avait en effet compris que le goût, la passion et la connaissance des beaux livres n’avaient jamais été portés aussi haut qu’en France. Les deux tiers de ses revenus, évalués à environ 125.000 francs, étaient sacrifiés pour les livres et leurs reliures. Il laissa la plus grande bibliothèque jamais possédée par un particulier, composée de plus de 120.000 volumes, dont la majorité était en latin.

Il catalogua lui-même ses livres dans un Catalogus librorum doctoris D. Joach. Gomez de la Cortina, march. de Morante, qui in aedibus suis exstant (Matriti, Eusebium Aguado, 1854-1862, 8 vol. in-8, 16.148 articles au total). Le corps principal du catalogue finit au tome VI, et il est suivi d’un grand supplément et d’un autre peu étendu à la fin du tome VIII.
Ce catalogue ne fut tiré qu’à 500 exemplaires, dont la plupart furent reliés en basane verte portant ses armes, destinés seulement aux amis et aux bibliothèques publiques.

Il est classé par ordre alphabétique des titres ou des noms d’auteurs ; les notes sont rédigées en espagnol, et non en latin, comme l’ont écrit tous ceux qui ne l’ont pas lu ; à côté de chaque article, on trouve l’indication du prix qu’il a coûté ; des notices biographiques d’auteurs du xvie siècle, sont intercalées dans les huit volumes. Un troisième supplément (tome IX), publié après la mort du marquis (Madrid, F. Lopez Vizcaino, 1870, in-8), n’est qu’une simple nomenclature des titres.









Les volumes, qu’il avait fait habiller par les plus habiles relieurs de Paris et de Londres, portaient ses armes, parfois accompagnées de son chiffre, formé des lettres J.G.C. (Joachim Gomez Cortina), redoublées et surmontées d’une couronne de marquis :



« Coupé d’un et parti de trois, ce qui fait huit quartiers : au 1, d’argent, à 3 fasces de gueules, à la bordure de sinople, chargée de 8 sautoirs d’argent, 3 en chef, 2 aux flancs et 3 en pointe ; au 2, de sinople, à une cotice et un filet d’argent en bande, accompagnés de 2 croix recercelées du même, 1 en chef et 1 en pointe ; au 3, de gueules, au pélican de sinople en sa piété, à la bordure componée de sinople et d’azur ; au 4, de même que le 2 ; au 5, de gueules, à 3 fleurs de lys d’or en fasce, en pointe une tour d’argent maçonnée de sable et donjonnée de même, en chef une cannette d’or, reposant sur une planchette de même ; au 6, de sinople, à 5 étoiles d’argent, 2, 1 et 2 ; au 7, de même que le 1 ; au 8 et dernier, coupé : au 1, d’azur, à 1 tour d’argent surmontée de 3 étoiles de même mises en fasce ; au 2, de sinople, au taureau d’argent. » Ces armes, surmontées d’une inscription imitée de celle de Grolier, « J. Gomez de la Cortina et amicorum », et accompagnées de la même devise que celle du bibliophile français A. R. Courbonne, « Fallitur hora legendo » [Lire fait oublier l’heure], constituaient un super ex-libris, dont il existe plusieurs types, l’inscription et la devise étant portées sur un ruban ou dans un anneau ovale.








Son ex-libris armorié en dérivait, ou portait ses armes surmontées d’une couronne de comte, avec l’inscription « Bibliotheca Cortiniana. » au-dessous et l’épigramme de John Owen, poète anglais du dix-septième siècle, « Egregios cumulare libros præclara supellex. » [Une collection de livres choisis est un beau meuble], comme devise sur les trois autres côtés.

Contrairement à l’inscription qu’on peut lire sur ses livres, le marquis n’a jamais voulu en prêter un seul. Sa bibliothèque, dans son hôtel de la rue Fuencarral, à Madrid, était composée de trois salles dallées de marbre, dont une avec une galerie circulaire. Le marquis, vêtu d’une simple veste de coutil et chaussé d’escarpins inusables, y était la plupart du temps, penché sur un livre, au haut d’une échelle peu solide. Il fut un des plus grands latinistes contemporains et on lui doit un Nuevo Diccionario latino-español etimológico [Dictionnaire étymologique latin et espagnol] (Leipzig, Brockhaus, 1867).
Le marquis de Morante s’éteignit le 13 juin 1868, après une chute de son échelle tremblante, au haut de laquelle il était assis. Il était célibataire.



Conformément à ses dernières volontés, sa dépouille mortelle, dans un magnifique sarcophage en bronze, fut déposée dans le panthéon de la chapelle de l’église de Salarzon, dont son père avait été le fondateur.

Il était naturel que sa bibliothèque, dont la plus grande partie a été acquise ou reliée en France, revienne à Paris pour être dispersée au feu des enchères. Les héritiers du marquis de Morante cédèrent la collection en bloc au libraire parisien Jean-Antoine Bachelin (1835-1896), époux Deflorenne. Bachelin dut attendre la fin de la guerre franco-prussienne de 1870 et de la Commune pour envisager une vente à Paris. Il chargea son confrère Édouard-Léon Scott de Martainville (1817-1879), qui avait inventé en 1857 le phonautographe [appareil enregistreur des sons d’où est dérivé vingt ans plus tard le phonographe], de sélectionner les livres et de préparer le catalogue de la vente :



Catalogue de la bibliothèque de feu M. le marquis de Morante (Paris, Bachelin-Deflorenne, 1872, 3 parties en 1 vol. in-8, XL-352 p., 1.909 lots ; VIII-206 p., 1.165 lots ; VII-[1 bl.]-339-[1 bl.] p., 2.265 lots).

La vente eut lieu à l’hôtel Drouot.



La première partie, en 10 vacations, du mercredi 21 février au samedi 2 mars 1872, fut la plus importante : 7 manuscrits (du xiiie au xve s.), 11 livres enluminés, 2 livres imprimés sur peau vélin, 4 exemplaires uniques ou seuls connus ; des éditions rarissimes ou non citées ; des premières impressions de quelques villes (Paris, Cambrai, Orange, Bâle, Cologne, etc.) ; des livres à figures, sur bois et sur cuivre ; des livres provenant de la bibliothèque des rois de France et princes du sang (François II, Louis-Philippe, Dauphin de France, etc.), des reines de France et princesses (Marguerite de Valois, Mademoiselle, etc.), des princes étrangers (Charles-Quint, etc.), des personnages (Calvin, Desportes, Richelieu, etc.) et des bibliophiles (Boutourlin, Cailhava, De Bure, Girardot de Préfond, Giraud, Hoym, Nodier, Peiresc, Pixerécourt, Peignot, Renouard, De Thou, etc.) célèbres ou distingués ; des livres avec signatures ou notes autographes ; des reliures riches ou curieuses (reliures « à la Grolier », Padeloup, Derome, Bozerian, Trautz-Bauzonnet, Capé, Schaefer, etc.). Ce fut pour la première fois en France que les amateurs trouvèrent dans cette collection de belles reliures exécutées en Espagne. Parmi les acheteurs : Bachelin, Ellis, Green, Techener, Potier, Tross, Rouquette, Fontaine.

La première partie de la vente a produit 118.253 francs, « dont le succès a dépassé toute attente », affirma Bachelin. En réalité, la vente fut un véritable fiasco. Les livres n’atteignirent que rarement les prix de réserve donnés par leur propriétaire. Pour beaucoup de livres, les enchères ne furent pas véritables : nombreux furent ceux rachetés par Bachelin ou ses agents.



100. Faii (Bartholomaei) Energumenicus. Lutetiae, apud Sebast. Nivellium, 1571, in-8, v. fauve à riches compart. dent. fil. tr. dor. Anc. rel. à la Grolier. 140 fr. à Ellis.



135. Mornay (Phil. de). De l’institution, usage et doctrine du Saint Sacrement de l’Eucharistie en l’Église ancienne. La Rochelle, Hierosme Haultin, 1598, in-8, mar. brun, à compart. dent. tr. dor. (Anc. rel.). Exemplaire de l’auteur Philippe de Mornay, dont les initiales en grec se trouvent sur les plats de la reliure ; sur le dos, les initiales de Philippe sont séparées par les initiales de Charlotte d’Arbalette, sa femme. 300 fr. à Ellis.



172. Elizade (Mich. de). Forma verae religionis quaerendae et inveniendae, liber unus. Neapoli, Hyac. Passerus, 1662, in-4, mar. orange, compart. fleurons, fil. tr. dor. (Anc. rel.). Rel. italienne dite « à l’éventail ». 60 fr.


204. Massae Gallesii (Antonii), civis romani, De exercitatione Jurisperitorum libri tres. Romae, apud Valer. et Aloys. Doricos fratres Brixienses, s. a. (ca 1545), in-4, mar. brun, compart. fil. tr. dor. (Rel. du temps). Exemplaire en grand papier fort, aux armes du pape Jules III. 185 fr. à Ellis.



228. Peckius (Petr.). Ad Regulas juris Canonici. Helmstadii, excudebat Jacobus Lucius, 1588, in-4, mar. rouge, larges dent. comp. fil. tr. dor. et ciselée. Rel. du temps à la Grolier. 40 fr.



233. Ciceronis (M.T.). De Philosophia. Parisiis, Sim. Colin., 1545, 2 vol. in-12, mar. brun à compart. mosaïque, fil. tr. dor. Rel. du temps à la Grolier. 55 fr.


301. Guevara (Ant. de). L’Orloge des princes. Paris, Arnoul l’Angelié, 1550, in-8, v. fauve, riches compart. mosaïque, fil. tr. dor. (Rel. anc.) Exemplaire réglé. Reliure du temps portant la date de 1555, avec dans le haut les initiales R. B. 235 fr. à Bachelin.

472 bis. Bocchii (Ach.). Symbolicarum quaestionum de universo genere quas serio ludebat, libri quinque. Bononiae, in aedibus novae Academiae Bocchianae, 1555, pet. in-4, fig. sur cuivre, mar. marron à riche compart. mosaïque, fil. tr. dor. et ciselée. Rel. du temps à l’imitation de celles de Grolier. Ex. réglé et en grand papier. Provient de la vente Lefèvre-Dallerange. 390 fr. à Bachelin.


518. Aedes Barberinae ad Quirinalem à comite Hieronymo Tetio Perusino descriptae. Romae, excudebat Mascardus, 1642, in-fol. mar. r., à riches compert mosaïque, fil. dent. dos orné, tr. dor. et ciselée. (Rel. anc.). Exemplaire en grand papier, aux armes de Jacques II, roi d’Angleterre, qui a passé depuis dans la bibliothèque de Colbert. Rel. romaine. 720 fr. à Potier.



622. Asconii Paediani expositio in IV Orationes M. T. Ciceronis contra C. Verrem. Venetiis, in aedibus Aldi et Andreae Asulani soceri, 1522, in-8 mar. brun à riche compart. tr. dor. Deux têtes de maure dans un écusson sur les plats. 75 fr.



658. Longolii (Chr.). Lucubrationes. – Orationes tres. – Epistolarum libri quatuor. Lugduni, apud Sebast. Gryphium, 1542, in-8, mar. brun à compart. dent. fil. tr. dor. (Emblème de Canevari sur les plats). Ex. de Canevarius. 380 fr. à Bachelin.



775. Horatii (Q. H. F.). Opera. Lugduni, apud haeredes Seb. Gryphii, 1559, in-16, mar. à riches comp. mosaïque, fil. tr. dor. Ex. réglé dans une reliure dans le goût de celles de Maioli. 100 fr. à Voisin.


783. Horatii (Q. H. F.). Opera omnia. Basileae, apud Ludov. Regem, 1615, in-fol. mar. br. semé de croix croisetées, de fleurs de lis d’or. (Anc. rel.). Ex. aux armes de Henri de Lorraine. Front. gravé de Math. Merian. 200 fr. à Potier.



836. Ovidii (P. O. N.). Heroidum Epistole, atque Auli Sabini responsiones. Parrhisiis, Bern. Aubririus, 1517. – Auli Persii familiaris explanatio. Impressum est hoc opus in nobilissimo Parrhisiorum Gymnasio, 1516. In-4, semi-goth. v. fauve, racc. à riche compart. blasons sur les plats, fil. tr. dor. et ciselée avec le nom de Pignolet sur cette tranche. Reliure du temps contenant au milieu des plats l’écusson écartelé de France et d’Angleterre avec une vierge au-dessus, et sur les côtés les armoiries du roi de France, de Bretagne, d’Autriche, d’Angleterre, du Dauphin et de Valentine de Milan. 460 fr. à Voisin.



932. Ausonii (Decii), Burdigalensis, Opuscula varia. Lugduni, apud Seb. Gryphium, 1537, in-8, v. à comp. fleurons, tr. dor. Ex. du Dauphin François II, fils de François Ier. Provient de la vente Lefèvre-Dallerange. 51 fr.



949. In Testamenti Novi majorem partem. Basileae, 1542, in-8, v. à compartiments, dent. à froid. (Anc. rel.). 82 fr.


1.142. Sarbievii (Mathiae-Casimiri). Lyricorum libri IV. Lutetiae Parisiorum, J. Henault, 1657. In-16, mar. r., riches compart. petits fers, fil. tr. dor. (Eve). 100 fr. à Bachelin.



1.218. Terentius. Castigationes plurimorum ex Terentio locorum. Lugduni, apud Seb. Gryphium, 1534, in-8, v. fauve à riche compart. fil.dent.tr. dor. Rel. genre Grolier. 43 fr.


1.269. Boccaccio. Il Corbaccio.Parigi, Morello, 1569, in-8, mar. br. à riches compartiments, dent. (Rel. du temps). Rel. à la Grolier. Ex. de Ballesdens. 240 fr. à Techener.



1.384. Apophthegmes, c’est-à-dire, promptz, subtilz et sententieux ditz de plusieurs roys. Paris, Ruelle, 1551, in-16, v. f. riches compart. fil. tr. dor. Rel. du seizième siècle dans le goût des Maioli. 42 fr.



1.442. Pontani (J. Jov.). Opera. Venetiis, Aldus, 1513, in-8, v. fauve, à riches compartiments, dent. fil. tr. dor. Ex. réglé dans une reliure à la Grolier. 80 fr.



1.580. C. Sallustii de Conjuratione Catilinae. Venetiis, 1546, pet. in-fol., fig. sur bois, mar. brun, fil. dent. tr. dor. Reliure exécutée pour Th. Maioli dont le nom et la devise se trouvent sur les plats. 350 fr. à Bachelin.

1.581. Sallustius (C. Crispus) ex museo Johannis Isaci Pontani. Amstelodami (à la Sphère), apud Joan. Janssonium, 1627, in-16, mar. rouge, fil. compart. dent. tr.dor. milieu mosaïque. (Le Gascon). Sur les plats, chiffres de L. Habert de Montmort, conseiller d’État, mort en 1679. 150 fr. à Potier.


1.608. Valerius Maximus nuper editus. Venetiis, in aedibus haeredum Aldi et Andr. Soceri, 1534, in-8, mar. brun, compart. fil. tr. dor. Reliure seizième genre Grolier. 265 fr. à Potier.


1.630. Suetonius. C. Suetonius Tranquillus, et in eum commentarius, exhibente Joanne Schildio. Lugd. Batav., ex offic. Fr. Hackii, 1651, in-8, mar. orange, larges dent. fil. tr. dor. Anc. rel. à petits fers. 30 fr.


1.774. Kircheri (Ath.), Soc. Jesu, Diatribe de prodigiosis Crucibus. Romae, 1661, in-8, mar. rouge, à riches compart. petits fers, dent. tr. dor. 17 fr.



1.779. Jovii (P.). Elogia veris clarorum virorum imaginibus apposita. Venetiis, apud Michaelem Tramezenium, 1546, pet. in-fol. mince, mar. vert, à riches comp., dent. fil. tr. dor. Rel. du temps aux chiffres de Cosme de Médicis, duc de Florence. 200 fr. à Chossonnery.



1.785. Plutarque. Les Vies des hommes illustres.Lausanne, François Le Preux, 1575, 2 vol. in-fol., mar. r. fil. ornem. tr. dor. Reliure datée de 1579, aux armes, peintes en miniature, des ducs de Bourgogne, avec la devise « Sans vous ne puis X Bourgogne X ». 150 fr. à Bachelin.


1.790. Eunapius Sardianus, de Vitis philosophorum et sophistarum. Antverpiae, Ch. Plantinus, 1568, in-8, v. fauve, à riches comp. dent. coins et milieu dorés, fil. tr. dor. Rel. du temps. 50 fr.
                       


Le plus gros acheteur fut le libraire londonien Frederick-Startridge Ellis (1830-1901), qui acheta 113 lots pour le British Museum ; sur les 94 livres qui atteignirent 200 francs, 16 furent achetés par Ellis ; son collègue français Tross le complimenta à plusieurs reprises pendant la vente : « Monsieur, vous êtes la providence de la vente. » Quatre livres seulement dépassèrent 1.000 francs :

967. Tory (Geoffroy). Gotofredi Torini, Biturici, in filiam charissimam, virguncularum elegantissimam, Epithalamia et Dialogi. Impressum Parrhisiis e regione scholae Decretorum, 1523 (1524 n.s.), in-4 cart. Exemplaire unique. C’est dans ce poème qu’on trouve pour la première et unique fois la première forme de la marque de Tory, le Pot cassé, avec la petite image dans le haut représentant l’âme de sa fille, sous la figure d’ange entouré de rayons. 1.450 fr. à Bachelin.
1.459. Collection de classiques français, imprimée par Didot pour léducation de Monseigneur le dauphin, 22 vol. in-4, mar. vert, avec dent. fil. tr. dor. (Riche rel. de Derome). Précieux exemplaire d’une collection qui est introuvable complète et en pareille condition. Tous les volumes portent les armes de la Maison d’Orléans. 1.250 fr. à Bachelin.
1.529. Gesta nobilis viri Dom. Symonis comitis de Monteforti. Pet. in-fol. mar. noir, jans. (Schaefer). Manuscrit du quinzième siècle sur vélin. 1.350 fr. à Didot.  
1.719. Chronica regni Aragonum. Manuscrit sur peau de vélin du quinzième siècle, in-fol., rel. du temps à compart. ferm. 1.950 fr. à Bachelin.

Au cours de la deuxième partie, qui se déroula en 6 vacations, du lundi 20 mai au samedi 25 mai 1872, et de la troisième partie, en 12 vacations, qui a eu lieu du lundi 20 janvier au samedi 1er février 1873, les prix atteints par les livres furent également très bas et une grande partie fut rachetée par Bachelin.


Peu de temps après les trois ventes de 1872-1873, Bachelin publia des catalogues de livres anciens à vendre, provenant principalement de la bibliothèque Morante. Le dernier de ces catalogues contenaient 2.556 articles, dont les 2/3 environ avaient été rachetés dans les trois ventes ; la plupart réapparurent dans le catalogue de Bachelin en 1875, mais ne trouvèrent toujours pas d’acheteurs et furent finalement mis en vente à la salle Silvestre en avril 1875. Une grande quantité de livres restèrent invendus et 6.230 lots, dont les 2/3 provenaient de la bibliothèque Morante, furent remis en vente dans la même salle, en quatre ventes, en 1878 et 1879.






Henri-Louis Habert de Montmor, homme de science

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La famille Habert, originaire de l’Artois, était honorablement connue à Paris dès le début du seizième siècle : Philippe Habert, procureur, clerc du greffe criminel du Parlement de Paris, seigneur du Mesnil-Saint-Denis (Yvelines), épousa en 1519 Radegonde Hodon, fille d’Antoine Hodon, secrétaire du Roi, et de Jacquette Budé, sœur de Guillaume Budé (1467-1540), le célèbre helléniste du Collège de France.



En 1592, Montmort [sic], sur la commune de Les Essarts-le-Roi (Yvelines), est érigé en fief par Charles d’Angennes, seigneur d’Auffargis (Yvelines), en faveur du fils de Philippe Habert, Louis Habert (1530-1622), seigneur du Mesnil-Saint-Denis, qui fit construire un manoir, à l’emplacement de la ferme qui existe aujourd’hui. En dépit de l’ancienne orthographe du nom, « Montmor » [en latin « Mon-morius »], sur lequel parut un curieux poème où l’auteur joue sur la triple étymologie du mot (« mons mortis », « mons moris », « mons mori »), sans en oublier la terminaison dorée (« or »), on devrait donc l’écrire aujourd’hui avec un « t » final, « Montmort », ce que fit La Chenaye-Desbois dans son Dictionnaire de la noblesse (Paris, Antoine Boudet, 1774, t. VII, p. 604-606).  

Chacun des membres de la famille Habert a laissé une œuvre d’art toujours visible aujourd’hui :



Louis (1530-1622), trésorier de l’extraordinaire des guerres, le château du Mesnil-Saint-Denis (Yvelines), construit en 1589, agrandi et modifié au xviie siècle ;



son fils Jean (v. 1570-1639), dit « le Riche », trésorier de l’épargne, l’hôtel de Montmort à Paris, 79 rue du Temple (IIIe), construit en 1623, agrandi et modifié au xviiie siècle ;



le fils de ce dernier, Henri-Louis (1603-1679), le tableau de Philippe de Champaigne représentant ses sept enfants en 1649 (Musée des Beaux-Arts, Reims, Marne) ;



l’arrière-petit-fils de Jean, Louis (1645-1695), évêque de Perpignan (Pyrénées-Orientales), son tombeau dans la cathédrale.



Henri-Louis Habert, seigneur de Montmort, conseiller au Parlement de Paris le 11 septembre 1625, maître des Requêtes le 6 avril 1632, dont on disait qu’il « aime les lettres, s’explique avec peine, est lent, timide, et peu appliqué à sa charge », occupa dignement le 35e fauteuil, dit « de Cuvier », de l’Académie française, de 1634 à sa mort, arrivée le 21 janvier 1679. Il était cousin de Philippe Habert (1605-1637), militaire et poète, qui était au 11e fauteuil, et de Germain Habert (1614-1654), abbé de Cérisy-la-Forêt (Manche), qui était au 12e.



Médaille : avers, buste à droite de H.L. Habert de Montmor ; revers, buste à droite
de Marie de Buade, à côté d'elle son fils Henri-Jean, en regard ses trois autres fils,
Balthasar, Louis et Jean-Paul.


Il avait épousé, le 29 mars 1637, Henriette-Marie de Buade de Frontenac (v. 1618-1676), sœur du futur gouverneur de la Nouvelle-France, qui lui donnera quinze enfants, la plupart morts en bas-âge. La perte de plusieurs de ses enfants, la banqueroute frauduleuse de son fils aîné en 1669 et la disparition de sa femme en 1676 furent la cause de sa « mélancolie mortelle ». Il décéda le 21 janvier 1679 et fut inhumé le surlendemain en l’église Saint-Nicolas-des-Champs, dans la chapelle de Saint-Joseph.

Ami et admirateur de Descartes, il fut un protecteur éclairé des sciences et des lettres. Ses goûts, qui étaient littéraires au début – il fréquenta l’hôtel de Rambouillet et participa à La Guirlande de Julie–, devinrent peu à peu scientifiques. Une fois par semaine, une assemblée de savants se tenait chez lui, où on traitait des matières de physique, préfiguration de l’Académie royale des sciences. Bien que rival de Descartes, mort à Stockholm en 1650, le célèbre philosophe Pierre Gassendi (1592-1655) vécut chez Montmort à partir de 1653 et y mourut. Montmort lui fit ériger un mausolée, aujourd’hui disparu, en l’église de Saint-Nicolas-des-Champs, dans la chapelle de sa famille, et se chargea, avec François Henri (1615-1686), avocat au Parlement de Paris et patrice de Lyon, de rassembler tous ses ouvrages qui furent édités sous le titre Petri Gassendi Diniensis ecclesiae praepositi (Lyon, L. Anisson, 1658, 6 vol. in-fol.) ; il orna cette édition d’un avis aux lecteurs en latin de quatre pages, le seul ouvrage de lui qui ait été imprimé, à part quelques vers et épigrammes conservés dans les recueils du temps.  



C’est à l’hôtel de Montmort que Molière lut  en 1664 son Tartuffe alors interdit et que Jean-Baptiste Denis (1635-1704), médecin de la Faculté de médecine de Reims, réalisa les premières expériences de transfusion sanguine d’un animal vers l’homme en 1667. Cartésien fidèle, Montmort sera de ceux qui, le 25 juin 1667, menèrent le corps de Descartes, retour de Suède, à l’église Sainte-Geneviève.  

Montmort possédait un cabinet de curiosités et une bibliothèque, dont l’un des plus beaux livres était une édition in-folio de Ronsard datée de 1609, conservée aujourd’hui à Chantilly, dans la collection Lovenjoul : elle a appartenu à Sainte-Beuve, qui en fit don à Victor Hugo. Celui-ci en utilisa les marges, comme album, où il priait ses amis d’écrire quelques vers : c’est ainsi qu’on peut y lire des poèmes autographes de Sainte-Beuve, Fontaney, Lamartine, Alfred de Vigny, Alexandre Dumas, et de Victor Hugo lui-même.

De Paris, le vendredi 30 janvier 1654, Gui Patin avait écrit à Charles Spon :

« J’ai aujourd’hui dîné avec M. Gassendi chez M. H. de Montmor, maître des requêtes, qui m’en envoya hier prier. Il m’a fait voir ses livres, qui sont beaux et en grand nombre : il m’a fait promettre que je l’irois voir une fois la semaine, mais je n’ai pas promis que ce seroit à dîner ; on perd trop de temps en telles cérémonies. Je dîne céans à mon aise en un bon quart d’heure. Il dit qu’il veut venir voir mes livres ; je pense qu’il prétend aussi que je serai son médecin, mais je ne sais si nous nous accorderons bien, car il aime la chimie, il n’est pas encore détrompé tout-à-fait de l’antimoine, qui est ici fort déchu et décrié ; sa femme même, qui est d’un esprit curieux, versatur in ea hæresi. Elle est aussi pour la poudre des jésuites[le quinquina], de laquelle je n’ai vu dans Paris aucun bon effet. […]
M. de la Tercerie, qui mourut ici l’an passé, et qui étoit médecin de madame la duchesse d’Orléans, avoit une assez belle bibliothèque que les libraires vouloient acheter. Enfin, M. H. de Montmor, duquel je vous ai parlé ci-devant, l’a achetée. Il y avoit là-dedans de forts bons livres ; tout ce que j’en ai vu est bien choisi. » [sic] 

Sa bibliothèque avait été commencée par son cousin du Berry, Isaac Habert, fils d’un valet de chambre du roi, chanoine et théologal de l’Eglise de Paris, puis évêque de Vabres (Aveyron) en 1645, mort en 1668, qui avait reçu de sa tante Suzanne Habert, morte en 1633, un grand nombre d’ouvrages manuscrits.



(Esmerian, vol. II, 1972)

Montmort avait fait revêtir sa collection elzévirienne d’une reliure attribuée d’abord à Le Gascon, puis à Macé Ruette (1584-1638), relieur ordinaire du Roi : en maroquin rouge, décorée sur les plats d’un double filet d’encadrement poussé très près des bords et de la charnière, avec petit quadrilobe central mosaïqué de maroquin noir portant les lettres entrelacées H L H M et quatre fermesses dorées [ou : à petit quadrilobe central mosaïqué de maroquin olive portant des petits fers dorés] et entouré de quatre compositions de petits fers filigranés dorés disposés en bouquet, le tout inscrit dans un encadrement intérieur quadrilobé composé de deux filets dorés et marqué aux angles d’un fer filigrané doré, à type de vase de fleurs ou de gerbe ; dos à cinq nerfs marqués d’un filet pointillé doré, les entrenerfs ornés d’un fer central filigrané et encadrés d’un double filet doré, le titre doré dans le 2e entrenerf ; tranches dorées ; tranchefiles simples bicolores ; coupes marquées d’un filet pointillé doré ; chasses décorées d’une roulette à motif végétal ; contregardes et gardes en papier marbré.


Marolles. Tableaux du Temple des Muses
(Paris, Sommaville, Langlois, 1655, in-fol.)
Drouot, 17 décembre 2007, 25.000 €

D’autres livres furent reliés en maroquin rouge, avec ses armes au centre des plats : « D’azur, au chevron d’or, accompagné de 3 anilles ou fers de moulin d’argent2 en chef, 1 en pointe. »



Tourville. Exercice en général de toutes les manoeuvres qui se font à la mer.
(Brest, R. Malassis, s. d.)
Drouot, 17 juin 2010

La bibliothèque fut vendue à partir de 1682, dont des manuscrits latins anciens achetés par Colbert.


La Science et la Patience du comte de Lignerolles

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Lignerolles appartenait à une famille de la noblesse chartraine qui posséda longtemps Le Thieulin (Eure-et-Loir), où se trouve le château de Lignerolles. Depuis la Révolution, cette famille habitait la petite ville de Brou (Eure-et-Loir), rue de la Chevalerie, sur la paroisse Saint-Lubin, où le comte Raoul-Léonor L’Homme Dieu du Tranchant de Lignerolles était né le 15 septembre 1816, fils de Marie-Pierre-Jean-François L’Homme Dieu, seigneur du Tranchant et de Lignerolles, et de sa seconde épouse Agathe-Hippolyte d’Orival de Criel.



Ses armes étaient « d’azur, au chevron d’or, accompagné en chef de deux étoiles du même et en pointe d’un agneau pascal d’argent ».

Il fut reçu chevalier de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem de Malte par bulle délivrée à Rome le 7 août 1840. Auditeur au Conseil d’État, il entra à la Société des Bibliophiles françois le 28 mai 1851, remplaçant Jean-Louis-Antoine Coste (1784-1851), ancien conseiller à la Cour d’appel de Lyon, qui avait possédé la bibliothèque la plus complète sur sa ville natale.


Au cours d’un demi-siècle, le comte de Lignerolles était arrivé à composer l’une des bibliothèques les plus remarquables qui aient été formées à Paris dans la seconde moitié du xixe siècle, malgré des ressources limitées : mais, heureux célibataire, il avait beaucoup de patience et possédait particulièrement bien la science bibliographique. Il assistait à toutes les ventes publiques, le soir à la salle Silvestre, fouillait toutes les boutiques de libraires, Potier, Claudin, France, Techener et Bachelin, et les boîtes des quais.



Tout le monde connaissait bien sa barbe blanche et sa redingote noire, ornée de poches profondes.

En 1869 eut lieu un événement unique dans les annales de la bibliophilie. À la vente du baron Jérôme Pichon (1812-1896), Lignerolles et le baron Jean-Joseph de La Roche-Lacarelle (1816-1887) ne pouvant posséder le même volume qu’ils convoitaient tous les deux, un Recueil de pièces joyeuses dans son ancienne reliure en maroquin vert, se le partagèrent par traité, avec faculté de le voir et de l’avoir de temps à autre, comme des parents divorcés ont et voient leur enfant à dates fixes ; le survivant, qui fut le comte de Lignerolles, devait en rester le propriétaire :


« Entre les soussignés, M. le baron de La Roche-Lacarelle et M. le comte de Lignerolles, il a été convenu ce qui suit :

Le recueil de 18 pièces gothiques inscrit sous le n° 485 du Catalogue J. Pichon et qui a été acheté moyennant la somme de 3,900 francs, plus 10 p. 100 de frais, en tout 4,290 francs, reste et restera indivis entre les deux acquéreurs jusqu’à la mort de l’un des deux.

Chacun des deux acquéreurs payera la moitié du prix d’acquisition, et jouira alternativement, pendant six mois chaque année, de la possession dudit ouvrage.

Fait double, approuvé et signé par les deux parties. »


Lignerolles était très amoureux de ses livres, et très discret sur leur présence chez lui. Peu de gens connaissaient d’ailleurs son adresse, rue de Clichy, rue d’Alger, puis rue François Ier de 1872 à 1893. Seuls, de rares privilégiés, dont le baron Pichon et Quentin-Bauchart, ont vu quelques-uns de ses livres avant leur dispersion. En outre, le bibliomane offrait des gants à ses visiteurs qui, ainsi gantés, devaient se contenter de regarder, sans toucher l’ouvrage qu’il leur présentait !

Dans ses Estampes et livres (Paris, L. Conquet, 1892), Henri Beraldi raconte que Ernest Quentin-Bauchart (1830-1909) avait un jour déjeuné chez le comte Raoul de Lignerolles :


« après ce déjeuner, ayant cherché un endroit retiré – pourquoi ne pas dire le mot ? Les cabinets, parbleu ! – s’était trouvé face à face avec un Molière de Bret à figures avant la lettre, avec des eaux-fortes ! Ceci mit le sceau au prestige du bibliophile. Un pareil livre en pareil lieu ! Qu’étaient donc les livres réservés aux honneurs du salon ? Et dès lors l’opinion générale se résuma en ce mot : Lignerolles a tout ... »


Le « Molière de Bret » est en effet une belle édition, recherchée par les amateurs, des Œuvres de Moliere, avec des remarques grammaticales ; des avertissemens et des observations sur chaque piéce [sic]. Par M. Bret (Paris, Compagnie des libraires associés, 1773, 6 vol. in-8, 33 gravures d’après Moreau « le jeune »), pour laquelle l’auteur dramatique Antoine Bret (1717-1792) avait suivi l’édition imprimée par Pierre Prault (Paris, s.n. [David l’aîné], 1734, 6 vol. in-4, gravures d’après François Boucher).


Lignerolles recherchait surtout les éditions originales des écrivains des xvie etxviie siècles : les exemplaires devaient être irréprochables, dans des reliures en maroquin ancien ou de Trautz, le seul relieur moderne qui trouvait grâce devant lui. Deux écrivains seulement du xixe siècle trouvèrent grâce devant lui : Chateaubriand, représenté par son seul roman d’Atala, et Béranger. Lignerolles n’a jamais eu d’ex-libris, mais certains de ses livres portent une note brève sur la garde, écrite au crayon, avec un « V » (Vu) ou un « Coll. » (Collationné), à l’angle de cette même garde.

Chaque année, il séjournait pendant plusieurs semaines, avant l’hiver, dans sa ferme de Graville-Sainte-Honorine (commune absorbée par Le Havre, Seine-Maritime, en 1923). En 1892, il y fut atteint d’une congestion et dut rentrer à Paris, 66 rue François Ier (VIIIe),où il s’éteignit le 13 février 1893.





Le libraire Charles Porquet (1823-1902), quai Voltaire, a été chargé de la vente de sa bibliothèque à Drouot et de la rédaction du catalogue. Les principaux acheteurs furent Morgand, Porquet et Lortic, le fils, mais aussi Durel, Techener, Rondeau, Champion, Belin, Claudin, Fontaine, Briquet, Leleu, Gruel, la Bibliothèque nationale, le prince Bonaparte, etc.


Dans le catalogue de la première vente, Catalogue des livres rares et précieux manuscrits et imprimés composant la bibliothèque de feu M. le comte de Lignerolles (Paris, Charles Porquet, 1894, in-8, [4]-IV-153-[1 bl.] p., 675 lots), qui eut lieu du 29 janvier au 3 février 1894, on trouve 35 manuscrits, tous les livres de Théologie et ceux des Sciences et des Arts. La classe des Livres d’Heures est particulièrement riche : on remarque la plupart des éditions de Simon Vostre, de Philippe Pigouchet, de Thielman Kerver, d’Antoine Vérard, etc., en exemplaires parfaits. Il y a toutes les éditions originales de Bossuet en maroquin de l’époque. Montaigne, La Rochefoucauld, La Bruyère, etc. Les plus précieux parmi les livres de chasse et de cuisine sont présents. Des exemplaires de provenances illustres : royales (François Ier, Henri III, Henri IV, Louis XIII et Anne d’Autriche, etc.), amateurs (Maioli, De Thou, Fresnoy, Longepierre, Chamillart, etc.), auteurs (un Montaigne de 1588, dans sa reliure primitive en vélin blanc, avec un long envoi autographe). Des reliures de Padeloup pour le comte d’Hoym, de Le Gascon pour le chancelier Séguier, une des 22 reliures à mosaïques composées par Trautz-Bauzonnet, etc.




39. Liber Psalmorum. Parisiis, Ex officina Simonis Colinaei, 1541. In-16, réglé, mar. rouge, mosaïque de mar. vert et citron, compart. et arabesques, dorure à petits fers et au pointillé couvrant le dos et les plats du vol. doublé de mar. citron, large dent., gardes de pap. doré, tr. dor. Provient de la bibliothèque du comte d’Hoym (n° 93). 2.500 fr. à Morgand.



87. Les Homélies du bréviaire, avec les leçons des Festes des Saints. Paris, Pierre Rocolet, 1640. 2 vol. in-8, mar. rouge, compart. et arabesques, tr. dor. (Le Gascon). Aux armes et au chiffre du chancelier Séguier. 10.000 fr. à Morgand.

105. L’Office de la semaine sainte. Paris, impr. Jac. Colombat, 1732. In-8, fig., mar. rouge, fil., dent., compart. et arabesques, dorure au pointillé couvrant le dos et les plats du volume, tr. dor. Aux armes et au chiffre du roi Louis XVI. Avec, sur le feuillet de garde, un envoi autographe du Roi à sa cousine, la Princesse de Lamballe, un billet autographe de la reine Marie-Antoinette et quelques mots de Marie-Thérèse, dite Madame Première. On joint une lettre autographe de la Reine, portant quelques lignes de la main du Roi. Coté 2.000 fr. en 1858 dans un catalogue du libraire Potier. 30.000 fr. à Morgand.



121. Homélies ou Sermons de S. Jean Chrysostome. Paris, André Pralard, 1693. 3 vol. in-8, réglés, mar. bleu, mosaïque de mar. rouge et citron, compart. et arabesques, dorure à petits fers couvrant entièrement le dos et les plats des volumes, gardes de pap. doré, tr. dor. (Padeloup). Un des chefs-d’œuvre de Padeloup. 8.550 fr. à Porquet.



187. Traicté de la très saincte communion. Paris, Thomas Brumen, 1583. In-16, réglé, mar. brun, fil., compart. et arabesques, tr. dor. Rel. exécutée pour le roi Henri III. Sur le dos, les armes de France, la tête de mort et la devise du Roi ; sur les plats le même médaillon, les Saintes Femmes au pied de la Croix. 405 fr. à Belin.



281. De l’Imitation de Jésus-Christ. Paris, Charles Savreux, 1663. Gr. in-8, front. et fig. grav. par A. Bosse et K. Audran, mar. rouge, fil., tr. dor. Aux armes et au chiffre de Henriette de France, femme de Charles Ier, roi d’Angleterre. Avec une lettre autographe d’Henriette à Mazarin. Adjugé 700 fr. à la vente Debure. 6.000 fr.



444. Ioannis Lodovici vivis Valentini, de Concordia & discordia in humano genere. Antverpiae, apud Michaelem Hillenium, 1529. Pet. in-8, v. fauve à compart., tr. dor. Exemplaire de Maioli avec son nom et sa devise. Provient des bibliothèques de Paris et du prince Radziwill. 2.700 fr. à Porquet.

448. Essais de Michel seigneur de Montaigne. Paris, Abel L’Angelier, s. d. [1588]. In-4, vél. blanc, étui de maroquin rouge. Avec un envoi autographe de Montaigne. 8.000 fr. à Rondeau.



585. Livre singulier et utile, touchant l’art et practique de géométrie. – Raison darchitecture antique, extraicte de Victruve. Paris, Simon de Colines, 1542. 2 parties en 1 vol. pet. in-4, réglé, fig. sur bois, mar. noir, compart. et arabesques, coins dorés, dos orné, tr. ciselée et dorée. Aux armes du roi François Ier. Dos refait. 5.160 fr.


670. La Lumière. Par le sieur de La Chambre. Paris, P. Rocolet, 1657. In-4, front. gr., mar. rouge, fil., larges dent., coins et milieux dorure à petits fers, dos orné, tr. dor. (Boyet). Ex. de dédicace au cardinal Mazarin, portant sur les plats ses emblèmes, des flammes et des étoiles. 850 fr.à Morgand. 


La seconde vente, Catalogue des livres rares et précieux manuscrits et imprimés composant la bibliothèque de feu M. le comte de Lignerolles (Paris, Charles Porquet, 1894, in-8, XII-319-[1 bl.] p., 1.485 lots numérotés de 676 à 2.160), qui eut lieu du 5 au 17 mars 1894, fut réservée aux Belles-Lettres. Parmi les provenances : un Catulle de Grolier en maroquin rouge, un maroquin noir où s’étale l’emblème de Demetrius Canevarius (Apollon sur son char gravissant le Parnasse), un maroquin bleu avec les insignes de Longepierre, l’édition originale des Amours de Psyché et Cupidon de La Fontaine aux armes du comte d’Hoym, plusieurs volumes en maroquin doublé de Boyet ayant à l’intérieur les armes de madame de Chamillart ; l’édition originale de L’École des femmes de Molière (1663) aux armes d’Anne d’Autriche. Des éditions anciennes de Rabelais (Pantagruel, Lyon, François Juste, 1534), plusieurs éditions précieuses de Marot (celle de 1545, dite du Rocher, en maroquin doublé, avec les armes du Dauphin au bas du dos). Le « grand siècle », époque de prédilection de Lignerolles : la collection complète des pièces de théâtre de Molière en éditions originales, toutes les éditions collectives, y compris celle de 1673 aux armes de Colbert. Des livres à figures, qui ne jouissaient pas des faveurs de Lignerolles : Les Baisers de Dorat, les Chansons de Laborde, les Contes de La Fontaine (un exemplaire aux armes du fermier général Millin du Perreux), etc. Les numéros 934 (Les Souspirs d’Olivier de Magny. Paris, V. Sertenas, 1557), 935 (Les Odes d’Olivier de Magny. Paris, A. Wechel, 1559), 1.657 (Britannicus. Paris, Barbin, 1670), 1.658 (Bérénice. Paris, Barbin, 1671), 1.661 (Iphigénie. Paris, Barbin, 1675), dans des reliures en mar. rouge ou bleu de Trautz-Bauzonnet, ont été volés, probablement lors de l’exposition le dimanche 28 janvier 1894.


733. Oraisons funèbres de Bossuet. Paris, Ch. Lahure, 1863. In-fol., pap. de Hollande, mar. brun doublé de mar. rouge, large dent. dorée à petits fers, tr. dor. (Hardy-Mennil, relieur ; Marius Michel, doreur). Exemplaire unique imprimé pour Pierre-Antoine Berryer (1790-1868), avocat, royaliste de conviction, qui plaida pour les ouvriers typographes. On joint une feuille volante sur laquelle Lignerolles a écrit : « Le 20 mars 1869, j’ai acheté ce volume de Bossuet en l’honneur de Berryer, en l’honneur de l’opinion politique à laquelle il est resté fidèle, en l’honneur des ouvriers typographes qui le lui ont offert. Ce livre est pour Berryer et pour son temps un monument national et tout français. ». 1.500 fr. à Champion.

792. Catullis. Tibullus. Propertius. (à la fin : ) Venetiis in aedibus Aldi et Andreae soceri mense martio. MDXV.In-8, mar. rouge, fil., compart. arabesques et coins dorés, tr. dor. Exemplaire de Grolier. Adjugé 935 fr. à la vente Libri en 1847. Acheté 2.500 fr. par Lignerolles à la vente Hebbelinck, à Londres, en 1856. 10.000 fr.



799. La Métamorphose d’Ovide figurée. Lyon, Jean de Tournes, 1557. Pet. in-8, fig. sur bois, mar. rouge, fil., tr. dor. (Boyet). Edition originale, chef-d’œuvre du graveur Bernard Salomon, dit le Petit Bernard. 178 fig. sur bois entourés d’ornements variés. 3.700 fr.


830. V. ampliss. Chtistophori Thuani tumulus. Lutetiae, Apud Mamertum Patissonium, 1583. – V. C. Ioannis Thuani […] Tumulus. Lutetiae, Apud Mamertum Patissonium, 1580. 2 parties en un vol. in-4, portrait gravé par Léonard Gaultier, mar. brun, fil., semis de larmes sur les plats et sur le dos du volume, tr. dor. À la louange de Christophe de Thou et de son fils. Grand papier. Rel. aux armes de J-A de Thou. Acquis par Lignerolles à la vente Gosford, en mai 1882, au prix de 3.500 fr. 1.980 fr.

857. Le Résolu en mariage. Paris, Anthoine Vérard, s. d. [v. 1500]. In-8, 32 fig. sur bois, mar. brun jans., doublé de vél. blanc, tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). Ex. imprimé sur vélin et le seul connu. De la bibliothèque de La Roche-Lacarelle. 2.800 fr.

858. Les Œuvres de maistre Françoys Villon. Paris, Galliot du Pré, 1532. Pet. in-8, lettres rondes, mar. rouge, fil., dos orné, doublé de mar. rouge, dent., tr. dor. (Boyet). Ex. de J. J. De Bure. 2.000 fr.

873. Les Fortunes & Adversitez de feu noble homme Jehan Regnier escuyer. Paris, 1526. In-8, caract. goth., figures sur bois, mar. vert, fil. à froid, doublé de mar. rouge, riches compart., semis des chiffres M. J. P., tr. dor. (Bauzonnet). Volume dont on ne connaît que deux ou trois ex., provenant de la bibliothèque du baron Pichon. 2.500 fr.

889. Les Œuvres de maistre Roger de Collerye. Paris, 1536. Pet. in-8, lettres rondes, mar. rouge jans., doublé de mar. rouge, guirlande de fleurs, dorue à petits fers, tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). On n’en connaît qu’un deuxième ex. complet, celui du baron J. de Rothschild (Cat. t. I n° 517). 2.980 fr.

901. Les Œuvres de Clément Marot. Lyon, à l’enseigne du Rocher, 1545. 2 tomes en 1 vol. in-8, réglé, mar. bleu, fil., dos orné, doublé de mar. rouge, dent., tr. dor. (Du Seuil).Ex. relié pour Louis, dauphin, fils de Louis XIV, dont les armes se trouvent au bas du dos du volume. Des bibliothèques de La Vallière, Coulon, Bruyère-Chalabre, Richard Heber et J.-Ch. Brunet. 4.000 fr.

920. Rymes de gentile, et vertueuuse dame D. Pernette du Guillet Lyonnoise. Lyon, Jean de Tournes, 1545. Pet. in-8, mar. rouge jans., doublé de mar. rouge, dent. (Trautz-Bauzonnet). 6.310 fr.

929. Euvres de Louize Labé Lionnoize. Lyon, Jean de Tournes, 1555. In-8, v. ant., fil., coins fleurdelisés (Rel. du seizième siècle). Première édition. 3.000 fr. à Morgand.

930. Euvres de Louize Labé Lionnoize. Lyon, Jean de Tournes, 1556. In-8, mar. citron, fil., dent. de roses et de feuillages, semis de pensées, roses et marguerites couvrant le dos et les plats du volume, doublé de mar. bleu, dent., guirlande de fleurs, tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). Seconde édition. 2.030 fr. à Porquet.

974. Elégies de Ian Doublet Dieppoys. Paris, Charles Langelier, 1559. In-4, mar. bleu, fil., milieux et coins à feuillage, dorure à petits fers, dos orné, tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). Ex. de La Roche-Lacarelle. 1.920 fr. à Morgand.

1.005. Recueil de quelques vers amoureux. Paris, veuve Mamert Patisson, 1602. In-8, réglé, vél. blanc, fil., semis de fleurs de lis sur le dos et sur les plats, tr. dor. Aux armes et au chiffre de Henri IV. Adjugé 71 fr. à la vente Nodier en 1844. 7.450 fr. à Porquet.

1.006. Le Grand Ciel empyrée de Claude de Kaerlec. Paris, Félix le Mangnier, 1585. In-4 réglé, portraits de Henri III et de Louise de Lorraine, vél. blanc, fil., arabesques de feuillages, milieux représentant des têtes d’anges surmontées d’un soleil levant, aux angles du vol. le chiffre du Roi et de la Reine surmonté de la couronne royale, tr. dor. 3.200 fr. à Morgand.

1.045. Les Œuvres du sieur de Saint-Amant. Paris, impr. Robert Estienne pour François Pommera et Toussaint Quinet, 1629. In-4, réglé, mar. rouge, fil., dent., coins et milieux, dorure à petits fers et au pointillé, dos orné, tr. dor. (Le Gascon). 2.020 fr. à Porquet.

1.073. Poésies de Mme et de Melle Deshoulieres. Paris, Villette père, 1732. 2 vol. in-8, mar. rouge, dent., dos ornés, doublés de mar. vert, dent. gardes de tabis, tr. dor. (Padeloup). Aux armes de Brancas, duc de Lauraguais,  et de Diane Adélaïde de Mailly, sa femme. 4.000 fr. à Morgand.

1.093. Les Baisers, précédés du mois de mai. La Haye, et se trouve à Paris, Lambert et Delalain, 1770. In-8, mar. rouge, fil., dos orné, dent. int., gardes de pap. dor., tr. dor. (Rel. anc.). 2.560 fr.

1.303. Fables choisies, mises en vers, par J. de La Fontaine. Paris, Desaint, Saillant et Durand, 1755-1759. 4 vol. gr. in-fol., mar. rouge, fil., coins dorés, tr. dor. Grand papier de Hollande. Epreuves de premier tirage. Aux armes du duc d’Aumont. 6.000 fr

1.304. Fables nouvelles [par Dorat]. La Haye, et se trouve à Paris chez Delalain, 1773. 2 tomes en 1 vol. gr. in-8, mar. rouge, fil., dos orné, tr. dor. (Rel. anc.). 3.050 fr.

1.307. Contes et Nouvelles en vers de M. de la Fontaine. Paris, Claude Barbin, 1665. – Deuxiesme partie des Contes et Nouvelles en vers de M. de la Fontaine. Paris, Louis Billaine, 1646 [i.e. 1666]. 2 tomes en 1 vol. pet. in-12, mar. citron, fil., dos orné, dent. int., tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). Edition originale des deux premiers livres. 3.060 fr. 


1.325. La Pucelle d’Orléans. Poeme heroi-comique en XVIII chants.Londres, 1756. In-18, mar. rouge, mosaïque de mar. vert et citron, compart. et arabesques de feuillages, dorure au pointillé, doublé de mar. rouge, dent., dos orné, tr. dor. (Rel. anc.).

Porte à l’intérieur les armes de Angrand de Fonspertuis, fermier général. Front. et 29 dessins libres inédits, exécutés à la sépia et coloriés. 2.080 fr.

1.357. Choix de chansons mises en musique par M. de la Borde. Paris, Delormel, 1773. 4 tomes en 2 vol. gr. in-8, mar. rouge, fil., dos orné, tr. dor. (Rel. anc.). 4.620 fr. à Morgand.

1.358.Œuvres complètes de P.-J. de Béranger. Paris, Perrotin, 1847. 2 vol. – Musique des chansons de P.-J. de Béranger. Paris, Perrotin, 1847. – Dernières chansons de Béranger de 1834 à 1851. Paris, Perrotin, 1860. – Ma biographie, ouvrage posthume. Paris, Perrotin, 1858. Ensemble 5 vol. in-8, fig., brochés. Ex. contenant la suite des figures épreuves en double état :avant la lettre sur papier de Chine et eaux-fortes, pour les quatre volumes. 5.000 fr. à Conquet.




1.415. L’Amoureux Passetemps. Lyon, Benoist Rigaud, 1570. In-16, mar. citron, dent. de fleurs, semis de marguerites, de tulipes et de pensées couvrant le dos et les plats, dent. int., tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). 685 fr. à Porquet.

1.472. La Nef des folles. Paris, Geoffroy de Marnef, s. d. [v. 1500]. In-4 goth., fig. sur bois ; mar. bleu, fers à froid, doublé de mar. rouge, riches compart., tr. dor. Chiffre et armes sur les plats. Imprimé sur vélin. Des bibliothèques de Pichon et de La Roche-Lacarelle. 3.200 fr. à Morgand.

1.568. Le Théatre de P. Corneille. Paris, Guillaume Cavelier, 1706, 5 vol. – Poëmes dramatiques de Th. Corneille. Paris, Guillaume Cavelier, 1706, 5 vol. Ensemble 10 vol. in-12, réglés, mar. vert, larges dent., dos ornés, doublés de mar. rouge, dent. int., tr. dor. (Boyet). Aux armes de Madame de Chamillart à l’intérieur. De la bibliothèque de J.-Ch. Brunet. 3.630 fr.



1.575. Les Sentimens de l’Académie françoise sur la tragi-comédie du Cid. Paris, Jean Camusat, 1638. In-8, mar. rouge, compart. de fil., dos orné, tr. dor. Grand papier. Avec les armes du cardinal de Richelieu sur le dos et sur les plats. 5.000 fr.

1.584. Les Œuvres de Monsieur Molière. Paris, Claude Barbin, 1673. 7 vol. in-12, mar. rouge, fil., tr. marb. Réunion factice dont on ne connaît que 5 exemplaires (BnF, incomplet du t. V, Aumale, Villeneuve, Tandeau de Marsac, Lignerolles). Aux armes de J.-B. Colbert sur les plats et son chiffre couronné sur les dos. 16.200 fr.

1.585. Les Œuvres de Monsieur de Molière. Paris, Denys Thierry et Claude Barbin, 1674. 7 vol. in-12, mar. rouge, fil., dos ornés, tr. dor. (Rel. anc.). 5.600 fr.

1.587.Œuvres de Molière (par M. Bret). Paris, Compagnie des libraires associés, 1773. 7 vol.in-8, demi-rel. mar. ch. rouge. Très bel ex. non rogné. 22.100 fr.

1.649.Œuvres de Racine. Paris, Pierre Trabouillet, 1687. 2 vol. in-12, front. de C. Le Brun, fig. de Chauveau, mar. rouge, fil., dos ornés, tr. dor. Aux armes de J.-B. Colbert. 3.500 fr.

1.666. Esther. Paris, Denys Thierry, 1689. Athalie. Paris, Denys Thierry, 1692. Ensemble 2 pièces en 1 vol. in-12, réglé, mar. vert, large dent., dos orné, doublé de mar. rouge, dent., tr. dor. Editions originales. Aux armes du duc de Montmorency-Luxembourg. De la bibliothèque de Nodier. 6.020 fr.

1.753. Les Amours de Psiché et de Cupidon. Paris, Claude Barbin, 1669. In-8, mar. rouge, fil., dos orné, tr. dor. (Du Seuil). Edition originale, aux armes d’Hoym. 3.500 fr. à Morgand.

1.762. Le Temple de Gnide, par Montesquieu. Paris, Didot jeune, l’An III [1794]. Gr. in-8, fig., mar. rouge, fil., coins dorés, dos orné, doublé de mar. rouge, large dent., tr. dor. (Petit). Ex. unique imprimé sur vélin, contenant les dessins originaux d’Eisen, les deux dessins de Le Barbier, la suite du frontispice et des 9 fig. gr. par Le Mire, épreuves avant la lettre sauf la première qui est avec la lettre, la suite du frontispice et des 10 fig. peintes à la gouache. 14.000 fr. à Porquet.

1.881. Heptameron françois. Berne, nouvelle Société typographique, 1780. 3 vol. in-8, mar. rouge, large dent., dos ornés, doublés de tabis, tr. dor. (Derome). 8.320 fr.

1.912. Histoires ou Contes du temps passé [par Charles Perrault]. Paris, Claude Barbin, 1697. In-12, mar. rouge jans., doublé de mar. rouge, tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). 5.000 fr.     



1.929. Le Décameron de Jean Boccace.Londres, 1757-1761. 5 vol. in-8, mar. rouge, larges dent., dos ornés, doubles de tabis, tr. dor. (Derome). 5 frontispices, 1 portrait, 110 figures et 97 culs-de-lampe. Armoiries sur les plats. 6.960 fr.

2.124. Les Œuvres diverses du sieur de Balzac. Paris, P. Rocolet, 1644. In-4, portr., réglé, mar. rouge, mosaïque de mar. vert, dent., compart. et arabesques, dorure à petits fers et au pointillé couvrant le dos et les plats, tr. dor. Aux armes et aux chiffres couronnés d’Anne d’Autriche, reine de France. 6.000 fr.

   

Salle n° 2 pendant la vente (par E. Grenier)

La troisième vente, Catalogue des livres rares et précieux manuscrits et imprimés composant la bibliothèque de feu M. le comte de Lignerolles (Paris, Charles Porquet, 1894, in-8, XI-[1 bl.]-277-[1 bl.] p., 1.126 lots numérotés de 2.161 à 3.286), eut lieu du 16 au 26 avril 1894, fut réservée à l’Histoire et à la Géographie. Des reliures aux armes de Charles IX, de Henri III, de Henri IV, de Marie de Médicis, de Louis XII et Anne d’Autriche, etc. Des exemplaires provenant des bibliothèques du comte d’Hoym, de Longepierre, de Jacques-Auguste de Thou, etc. Des reliures de Boyet, de Padeloup, de Derome, etc. Surtout, des exemplaires souvent uniques d’écrits imprimés sur François Ier et les événements de son règne. Le n° 3.217 (La Devise des armes des chevaliers de la Table ronde. Paris, s. d. [v. 1530]), dans une reliure en maroquin de Bauzonnet a disparu.


2.161. Cosmographiae introductio. S. l. [Saint-Dié], s. n. [Gautier Lud], 1507. In-4, mar. rouge jans., dent. int., tr. dor. 1.600 fr. au prince Bonaparte.

2.219. Mundus novus. S. l. n. d. [v. 1502]. In-4 goth., mar. rouge jans., dent. int., tr. dor. Relation du voyage execute par Vespuce en 1501. 3.000 fr. à Techener.

2.277. Discours sur l’histoire universelle [par Bossuet]. Paris, S. Mabre-Cramoisy, 1691. In-12, réglé, mar. rouge, fil., dos fleurdelisé, doublé de mar. rouge, dent. tr. dor. Aux armes de la duchesse de Bourgogne. 4.600 fr. à Morgand.

2.440. L’Histoire de Thucydide athénien. Paris, Michel de Vascosan, 1559. In-fol., mar. brun, fil., coins de feuillages, semis de fleurs de lis couvrant le dos et les plats, fers à froid. Aux armes et au chiffre de Henri III, roi de France. 2.000 fr. à Porquet.

2.490. Les Chroniques de France. Paris, Pasquier Bonhomme, 1476. 3 vol. in-fol. goth., mar. rouge jans., dent. int., tr. dor. Première edition et premier livre français connu imprimé à Paris avec date. 2.450 fr. à Porquet.

2.579. Journal de Henri III. La Haye, et se trouve à Paris chez la veuve de Pierre Gandouin, 1744, 5 vol. – Journal du règne de Henri IV. La Haye, frères Vaillant, 1741, 4 vol. Ensemble 9 vol. pet. in-8, portr., mar. rouge, fil., tr. dor. Rel. dite « à l’oiseau » par Derome. 5.500 fr. à Morgand.




2.655. Lentrée de la royne en sa ville & cité de Paris. Paris, 1531. Pet. in-4, mar. rouge jans., doublé de mar. bleu, fil., larges dent., tr. dor. (Cuzin). Marque de Tory. 3.000 fr.


Aux trois catalogues in-8, il faut joindre le Catalogue de la bibliothèque de feu M. le comte de Lignerolles. Table alphabétique générale et liste des prix d’adjudication (Paris, 1895, in-8, 123 p.) et un Catalogue des livres rares et précieux manuscrits et imprimés composant la bibliothèque de feu M. le comte de Lignerolles. Album (Paris, Charles Porquet, 1894, in-fol., 168 pl.).




Les planches de l’album, dont la première est un portrait de Lignerolles, ne sont pas numérotées mais portent un renvoi aux articles du catalogue.


Une quatrième vente de doubles eut lieu du 4 au 16 mars 1895 : Catalogue des livres rares et précieux manuscrits et imprimés composant la bibliothèque de feu M. le comte de Lignerolles (Paris, Charles Porquet, 1895, in-8, VIII-272 p., 2.010 lots).


Les quatre ventes ont produit  1.121.282 francs. Le comte avait refusé une offre de deux millions de francs pour la bibliothèque en bloc.Le total se monte à 1.136.407 francs si on y ajoute le produit de la vente d’une collection faite à Drouot les mardi 16 et mercredi 17 janvier 1894 : Catalogue d’estampes anciennes Portraits des xviexviie et xviiie siècles provenant de la bibliothèque de feu M. le comte de Lignerolles (Paris, Ch. Porquet et Jules Bouillon, 1894, in-8, [3]-[1 bl.]-42 p., 388 lots). 





Gants blancs et livres anciens

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Chez Nicolas Fouquet (1615-1680), surintendant général des finances de Louis XIV, aucun visiteur n’était autorisé à manipuler un ouvrage sans avoir enfilé une paire de gants blancs. Dans la salle servant de dépôt aux richesses bibliographiques du banquier parisien Rougemont de Lowemberg (1758-1839), on voyait une pile de gants blancs qu’on offrait aux visiteurs qui désiraient toucher les reliures et les tranches peintes de cette collection.



Gants de coton blanc à la Bibliothèque
(Auxerre, 6 juin 2013 - photo blog Histoire du Livre)

Le port de gants est encore obligatoire aujourd’hui pour consulter les livres et papiers anciens de certaines collections d’archives et de bibliothèques, alors qu’il a été démontré que les gants de coton blanc ne protègent pas les livres et le papier contre la transpiration et la saleté, et qu’ils augmentent la probabilité d’endommager physiquement les collections (In International preservation news, n° 37, décembre 2005, p. 10-16).

Une manipulation quotidienne ne provoquant pas de détérioration chimique du papier, se laver les mains est une alternative raisonnable et efficace au port de gants.

Il est vrai néanmoins que les gants protègent les reliures contre les griffures d’ongle un peu long.

 



L’Épigramme de Pons de Verdun

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De nombreux biographes le prénomment Robert, sans raison connue, et le font naître en 1749, à cause d’un distique intitulé « Sur mon âge » qu’il a publié dans Les Loisirs ou Contes et poésies diverses (Paris, Brasseur aîné, 1807, in-8, p. 103) :


« J’ai vu le jour en mil sept cent quarante-neuf ;

Si je ne suis pas vieux, las ! je ne suis pas neuf. »


En réalité, Philippe-Laurent Pons est né le 17 février 1759, à Verdun, et fut baptisé le lendemain en l’église Saint-Pierre-l’Angelé, la première et la plus ancienne du diocèse, située dans la ville haute, vers le milieu de la rue Saint-Pierre, à droite, quand on montait du Pont Neuf à la Citadelle, qui fut détruite en 1793 :


« L’an mil Sept cent Cinquante neuf Le dix Sept feuvrier est né en cette Paroisse et Le Lendemain dix huit a été baptisé par nous Pretre Curé Soussigné Le fils du sr Laurent Pons, Marchand Confiseur et de marie anne Pierson son Epouse, au quel on a imposé Le nom de Philippe Laurent. Le parrain a été Le sr Philippe françois Dupaix apoticaire, et La marraine Elizabeth Pierson sa femme, oncle et tante a L’enfant qui ont signé avec nous, tous demeurans en cette ville. » [sic]


Son père, Laurent Pons, était donc marchand confiseur dans cette ville où, un jour de 1220, un apothicaire avait inventé la fameuse dragée qui, depuis 1750, était fabriquée lisse et satinée.


Comme beaucoup d’autres à cette époque, Pons céda à la manie d’utiliser une particule dite « de courtoisie », c’est-à-dire dépourvue de valeur nobiliaire et réservée à un usage mondain : il était « de Verdun », comme Arouet était « de Voltaire », Jean le Rond « d’Alembert », Caron « de Beaumarchais » et Fabre « d’Églantine ».


Il partit faire son droit à Paris. Il logeait alors dans un petit hôtel pour étudiants, rue des Anglais, aujourd’hui dans le Ve arrondissement, près de la place Maubert. Il établit des relations d’amitié avec deux poètes qui habitaient avec lui, Jean-François Collin d’Harleville (1755-1806) et François Andrieux (1759-1833), qui devinrent avocats comme lui, mais firent une carrière d’auteurs dramatiques et furent élus à l’Académie française en 1803.




Il publia en 1778 un recueil in-12 d’épigrammes, de réflexions morales, de contes et autres pièces, réédité en 1780, en 1781 et en 1783. L’édition « la plus complète » est intitulée Les Loisirs ou Contes et poésies diverses (Paris, Brasseur aîné, 1807, in-8, 198 p.). On y trouve, à la page 9, la fameuse épigramme, souvent transcrite de façon erronée, dont le titre est « Le Bibliomane » :




Dès avant la Révolution, différentes publications firent de fréquents emprunts aux textes du poète verdunois. Dans le Journal de Paris du 12 janvier 1779, il eut la surprise de lire, sous le nom de Voltaire, une pièce de vers dont il était l’auteur, adressée à Madame la comtesse de Boufflers, en réponse à ceux qu’elle avait envoyés au philosophe sur le bruit qui courut à Paris qu’il était mort. Il la réclama dans le Journal du 7 février suivant et la publia dans son Recueil de contes et poésies en vers (Londres, s.n., 1783, in-12). Elle ne figure pas dans l’édition « la plus complète » de 1807.


Avocat au Parlement de Paris à partir de 1780, les plaidoyers de Pons n’ont pas laissé de souvenir impérissable. D’évidence, cet homme sérieux et bon préférait la poésie. Pierre Larousse prétend qu’Antoine Rivarol (1753-1801) l’avait surnommé « la providence des almanachs ». En réalité, le brillant polémiste qualifiait ainsi l’opportuniste chevalier Michel de Cubières (1752-1820), dans Le Petit Almanach de nos grands hommes, pour 1788 (s.l., s.n., in-12). Mais il est vrai que Pons fournissait annuellement de nombreuses pièces de vers à l’Almanach des Muses. Fondé en 1765 par le publiciste Claude-Sixte Sautreau de Marsy (1740-1815), qui en sera le directeur jusqu’en 1793, et publié chez le libraire Nicolas-Augustin Delalain (1735-1806) jusqu’en 1794, cet almanach paraîtra jusqu’en 1833. Le recueil intitulé Pièces échappées aux XVI premiers almanachs des Muses (Paris, veuve Duchesne, 1781, in-12) renferme aussi des vers et des épigrammes de Pons de Verdun.




Enthousiasmé par la Révolution, Pons fut nommé juge au tribunal du Ier arrondissement de Paris. En 1792 il remplit les fonctions d’accusateur public près le tribunal de la capitale, avant d’être élu, le 4 septembre, député à la Convention nationale par le département de la Meuse. Deux jours avant son élection, la ville de Verdun avait ouvert ses portes à l’armée prussienne qui l’assiégeait depuis le 29 août, et des femmes avaient voulu offrir des fleurs et des dragées au roi de Prusse. En 1794, douze des quatorze « vierges [sic] de Verdun », âgées de vingt-deux à soixante-neuf ans, déclarées complices d’avoir livré la place aux ennemis, seront condamnées à mort. Pons fut accusé d’être l’instigateur de cette condamnation alors qu’il avait déclaré que les habitants de Verdun n’avaient pas démérité de la patrie et que son nom n’avait jamais figuré dans les actes du procès. Malgré cela, Chateaubriand, l’ancien émigré enrôlé dans l’armée des princes, répétera cette calomnie dans ses Mémoires d’outre-tombe (Paris, Eugène et Victor Penaud frères, 1849, 12 vol. in-8, t. III, p. 111) :


« L’instigateur du massacre des jeunes filles de Verdun, fut le poétereau régicide, Pons de Verdun, acharné contre sa ville natale. Ce que l’Almanach des Muses a fourni d’agents de la Terreur est incroyable ; la vanité des médiocrités en souffrance produisit autant de révolutionnaires que l’orgueil blessé des culs-de-jatte et des avortons : révolte analogue des infirmités de l’esprit et de celles du corps. Pons attacha à ses épigrammes émoussées la pointe d’un poignard. Fidèle apparemment aux traditions de la Grèce, le poète ne voulait offrir à ses dieux que le sang des vierges : car la Convention décréta, sur son rapport, qu’aucune femme enceinte ne pouvait être mise en jugement. »


Dans le procès du roi Louis XVI, au mois de décembre 1792, Pons se prononça pour la peine de mort : « Louis a été accusé par la nation entière d’avoir conspiré contre la liberté ; vous l’avez déclaré convaincu de cet attentat, ma conscience me dit d’ouvrir le code pénal et de prononcer la peine de mort. » En 1793, il dénonça Jean-Baptiste Marino (1767-1794), agent du comité de sûreté générale à Lyon, qui se servait de sa position pour obtenir des avantages en nature et en argent. L’année suivante, il fit voter qu’aucune femme accusée de crimes entraînant la peine capitale ne pourrait subir le jugement si elle était reconnue enceinte. En 1795, rappelant la générosité du général vendéen Charles-Melchior-Artus de Bonchamps (1760-1793) qui avait obtenu la grâce de soldats républicains prisonniers à Saint-Florent-le-Vieil en 1793, il sauva sa veuve condamnée à la peine de mort par la commission militaire de Nantes. De 1795 à 1799, Pons siégea au Conseil des Cinq Cents, qui avait l’initiative des projets de loi. Un jour de 1798, pendant qu’on y discutait sur les malversations reprochées à Ange-Etienne-Xavier Poisson de La Chabeaussière (1752-1820) dans l’administration du Théâtre des Arts, ou Opéra, Pons composa et fit circuler la pièce suivante :


« Sous ses ordres, quand l’Opéra

                                                   De faillir essuya la honte,

                                                   Habilement il s’en tira

                                                   En évitant de rendre compte.

                                                   N’ayant volé qu’un peu d’argent,

                                                   Il n’eut qu’un peu d’ignominie ;

                                                   Petit poisson deviendra grand,

                                                   Pourvu que Dieu lui prête vie. »


L’affaire ayant été portée devant les tribunaux, La Chabeaussière, dont les premiers essais poétiques étaient parus dans l’Almanach des Muses, fut acquitté.

Pons était membre du « Portique Républicain », ou « Institut libre », société littéraire qui excluait les membres de l’Académie française et qui fut fondée en 1798 par les chevaliers Antoine-Pierre-Augustin de Piis (1755-1832) et Michel de Cubières, auteurs, eux aussi, de quelques pièces publiées dans l’Almanach des Muses.


Rallié à Bonaparte après le coup d’État du 18 brumaire, Pons devint commissaire près le Tribunal d’appel du département de la Seine. C’est alors qu’il publia un Portrait du général Suwarow. Dialogue sur le congrès de Rastadt (Paris, Dabin, an VIII, in-8). Il fut nommé substitut du procureur général près la Cour de cassation en 1801, reçut la décoration de la Légion d’honneur en 1804 et assura les fonctions d’avocat général près la même cour de 1810 à 1815. Pons avait le projet de publier une Bibliothèquedes livres singuliers, c’est-à-dire d’ouvrages intéressant les bibliophiles, en théologie, en droit, en sciences et arts, en littérature et en histoire. Celle concernant les livres de droit se trouve p. 246-335 des Questions illustres ou Bibliothèque des livres singuliers en droit (Paris, Tardieu Denesle, 1813, in-12), par l’ancien avocat et ex-juge au Tribunal du département de la Seine Julien-Michel Dufour de Saint-Pathus (1757-1828), dont plusieurs articles ont en outre été faits sur des exemplaires faisant partie de la bibliothèque de Pons :


« Ce livre et la majeure partie de ceux dont je donne l’analyse m’ont été communiqués par M. Pons de Verdun, avocat général à la Cour de Cassation, dont la bibliothèque est peut-être la plus riche en livres singuliers. » [p. 3]


Banni comme régicide, Pons dut s’exiler à Bruxelles en 1816 et ne fut autorisé à rentrer en France qu’en 1819. Sa bibliothèque fut vendue par le libraire Jacques-Simon Merlin (1765-1835), avec celle de Blanchon : Catalogue des livres de la bibliothèque de M. B. P. (Paris, Merlin, 1817, in-8).


Pendant son séjour à l’étranger, il fournit plusieurs contes en vers à L’Esprit des Journaux. Ce périodique, créé à Liège en 1772, puis publié sous la double adresse de Paris et de Liège entre 1782 et 1793, fut cédé à Charles-Auguste Weissenbruch (1744-1826) qui l’a continué à Bruxelles jusqu’en avril 1818.


Dans Le Savant, comédie-vaudeville en deux actes représentée pour la première fois au Théâtre du Gymnase le 22 février 1832, le savant professeur Reynolds, s’extasiant sur une édition de Pétrone imprimée par Robert Estienne, chante un couplet qui rappelle l’épigramme de Pons de Verdun (acte II, scène IV) :


« Avec tous les fragments nouveaux...

                                               Grand Dieu ! Quelle joie est la mienne !

                                               Que ces caractères sont beaux !

                                               Et c’est la bonne édition...

                                               Voici, page soixante-seize,

                                               Ces deux fautes d’impression

                                               Qui ne sont pas dans la mauvaise. »


L’auteur était le librettiste Eugène Scribe (1791-1861), de l’Académie française, qui vota contre l’admission de Victor Hugo. Dans ses Petits Mémoires de l’Opéra (Paris, Librairie Nouvelle, 1857, in-12, p. 283-284), Charles de Boigne (1808-1896) l’accuse, à juste titre, de plagiat : « La bibliothèque de M. Scribe n’est point un ramassis de livres achetés, empilés au hasard : les livres de M. Scribe lui ont rapporté mieux que quelques heures d’agréable loisir. » Le baron de Boigne, qui fut l’un des fondateurs du Jockey-Club, dut faire la grimace quand son club s’installa rue Scribe en 1863 !


Pons publia encore des pièces de vers intitulées Le Filleul et le Parrain ou la Question physiologique (Paris, Pollet, 1836, in-8). Il mourut à Paris le 16 mai 1844.


C’est ainsi que Pons de Verdun, qui « aurait laissé intacte la réputation d’un littérateur aimable, s’il n’avait pas eu la malheureuse fantaisie de devenir un personnage politique », dut à une seule épigramme d’être entré dans l’Histoire de la Bibliomanie.


le Bibliomane
Livres et Gravures
2, Avenue Trudaine - Paris (IX)








Le Baron Sosthène de La Roche Lacarelle, " souverain pontife de la trautzolâtrie "

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La maison de La Roche a donné son nom à plusieurs terres et fiefs en Bourgogne, en Bresse et en Beaujolais.

Elle portait « Ecartelé, aux 1 et 4 d’argent, à 3 fasces de gueules ; aux 2 et 3 d’or, au chevron d’azur, accompagné de 3 croisettes du même, 2 et 1 ». Couronne de comte. Supports : deux lions tenant chacun une épée d’argent. Cimier : un soleil. Devise : « Sublimi feriam sidera vertice » [J’irai toucher de la tête les astres].







Joseph de La Roche, troisième fils de Claude [II] de La Roche, dit « M. de Poncié », et de Marie-Anne de Phélines, a formé la branche des seigneurs de Nully et de La Carelle, barons de La Roche.






Seigneur de Nully, La Carelle, La Serve et autres lieux, Joseph de La Roche naquit le 27 novembre 1691, au château de Poncié, sur la commune de Fleurie (Rhône), et mourut au château de La Carelle, à Ouroux (Rhône), le 13 juin 1765.


Château de La Carelle


Il entra comme officier au régiment d’Agénais, et y fut nommé lieutenant en premier en 1721. La même année il prêta foi et hommage entre les mains du duc d’Orléans, sire et baron de Beaujolais, pour sa terre et seigneurie de La Carelle, dont il était propriétaire depuis 1719, et fut ensuite nommé capitaine des chasses de ce prince. Il signait « Delaroche nully » et ne fut lamais désigné que sous le nom de « de La Roche de Nully ». Il avait épousé, le 14 juin 1720, Benoîte Bertucat, fille de Philibert Bertucat et de Avoye Chambaux. De ce mariage sont provenus, en particulier :

-          David, dont l’article suit ;

-          Claude-Antoine, né le 27 septembre 1723, au château de La Carelle. Il servit d’abord dans le régiment de Quercy, puis fut nommé successivement lieutenant au régiment de Berry, cavalerie, en 1745, capitaine en second au régiment des volontaires bretons, en 1747, capitaine-commandant d’une compagnie de son nom au même régiment, la même année. Il fut blessé au bras au siège de Bergen op Zoom [Pays-Bas] en 1747. Il épousa en 1753 Antoinette Targe, fille de Pierre Targe, seigneur d’Urbain, garde-de-la-porte du Roi, et de Christine de Butty. Parmi leurs enfants, Antoinette-Françoise fut mariée en 1790 à son cousin-germain, Jean-Marie de La Roche ;

-          Claude-François, dit « le chevalier de Nully », né le 30 mars 1734, capitaine au régiment de la Vieille-Marine en 1773, décédé sans postérité ;

-          Marie-Claudine, épouse en 1754 de Pierre Targe, veuf de Christine de Butty.


David de La Roche, seigneur de Nully, né au château de La Carelle le 25 avril 1721, servit d’abord dans le régiment de Quercy, puis fut nommé lieutenant au régiment de Berry, cavalerie, en 1743, et enfin capitaine au régiment des hussards de Rougrave, en 1747. Il fut créé chevalier de Saint-Louis, après avoir reçu plusieurs blessures, notamment à la bataille de Fontenoy [Belgique] en 1745.



Il passa en l’île de Saint-Domingue [Haïti], où il épousa, en 1752, Marie-Louise de Nadal, fille mineure de feu Louis de Nadal, commandant du quartier de Maribaroux [Haïti], et de Jeanne-Françoise Bocquet. Il mourut le 6 février 1782, laissant de son mariage Henri-Jean et Jean-Marie. Il n’a pas davantage que son père porté le surnom de « Lacarelle » et ne l’a transmis à aucun de ses deux enfants.


Henri-Jean de La Roche, baron de Montcel, seigneur de La Peyrouse et autres lieux, né à Saint-Domingue le 10 septembre 1753, entra dans la deuxième compagnie des mousquetaires de la garde du Roi, en 1770, fut breveté capitaine de cavalerie à la réforme de ce corps, et reçu chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis en 1814. Il avait été, en 1791, l’un des otages qui s’offrirent pour Louis XVI, et il fut reçu la même année membre de l’ordre et archiconfrérie du Saint-Sépulcre de Jérusalem. Il a épousé en 1799, à Lyon, Geneviève-Françoise-Jeanne Tircuy de Corcelles, fille de François-Joseph Tircuy de Corcelles, ancien capitaine au régiment de Chartres, et de Thérèse-Geneviève Gayot de Mascrany. De ce mariage est issu Isidore-Henri-Paul-Timothée, né le 6 février 1802, élevé à l’école royale militaire de Saint-Cyr, puis nommé officier au corps royal d’état-major en 1822.


Jean-Marie de La Roche, baron de La Roche et de Vial, seigneur de La Carelle, de Surrat, des Gervais et autres lieux, né à Saint-Domingue le 16 octobre 1754, entra au service comme mousquetaire de la garde du Roi, en la deuxième compagnie, en 1770 ; il fut nommé à la réforme du corps, en 1776, officier au régiment du Cap-Français [Haïti] ; fit en cette qualité les guerres d’Amérique ; fut reçu chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, en 1792, et fut breveté chef d’escadron, en 1814. Il avait été, lui aussi, l’un des otages qui s’offrirent, en 1791, pour Louis XVI et sa famille. En 1803, il a été nommé membre du conseil général du département du Rhône. Il a épousé, avec dispense, à Villefranche-sur-Saône (Rhône), le 13 février 1790, Antoinette-Françoise de La Roche, sa cousine-germaine, fille de Claude-Antoine de La Roche et de Antoinette Targe, qui lui apporta en dot la terre noble de La Carelle, dont elle était la seule héritière, par son père. De ce mariage est issu Antoine-Louis-Ferdinand :


« Antoine Louis ferdinand fils Legitime de Sr jean marie De la roche de la Carelle Et De delle Antoinette françoise de la roche Lacarelle, Est né d’hier Et a ete Baptisé le jourd’huy douze juillet mil Sept Cent quatrevingt onze Le Parain a ete Sr claude Antoine de la roche de la Carelle Son grand pere Et La maraine delle marie Louise nadal de la roche Sa grand mere, representés par Sr isaac marie De la roche poncié chevalier de St Louis, Et delle Anne adelaïde gaillard Buyron qui ont Signé avec nous. » [sic]


C’est dans cet acte que Jean-Marie de La Roche s’attribue pour la première fois le surnom de « Lacarelle » et signe « Jean marie de La Roche de la Carelle ». En marge de l’acte original, de la collection communale, est écrit :


« En Vertu du Jugement Rendu par le Tribunal de Villefranche le 16 Mars 1855, le présent acte de naissance doit être Rectifié ainsi, Antoine Louis ferdinand, fils légitime de Monsieur le Baron Jean Marie De La Roche Lacarelle, et de Dame antoinette françoise Delaroche Lacarelle ; Ouroux le 26 mars 1855 » [sic]


Cette mention a été volontairement grattée sur le registre des baptêmes-mariages-sépultures de la collection départementale.







Antoine-Louis-Ferdinand de La Roche, né au château de La Carelle le 11 juillet 1791 et décédé au château de Sassangy (Saône-et-Loire) le 20 octobre 1866, fut maire d’Ouroux en 1812, entra en la deuxième compagnie des mousquetaires de la garde du Roi en 1814, avec brevet de lieutenant de cavalerie, fit partie, en 1815, pendant l’interrègne, du corps des volontaires royaux, organisés à Lyon sous le nom de chasseurs de Henri IV, par le chevalier de Landine du Saint-Esprit, commissaire extraordinaire du Roi, et fut membre du conseil d’arrondissement de Villefranche-sur-Saône en 1816. Chevalier de l’ordre royal de la Légion d’honneur dès 1815, il a été reçu chevalier honoraire de l’ordre de Malte en 1818.



Il a épousé, le 10 juin 1813 à Juliénas (Rhône), Jeanne-Claudine-Marie-Thérèse Colabeau de Juliénas, née à Rome en 1793 et décédée à Sassangy le 4 août 1868, fille de Jacques-Marie-Alexandre Colabeau de Juliénas, baron de Châtillon, ancien officier aux gardes françaises, et de Marie-Aimée-Joséphine Mignot de Bussy. De ce mariage est issu Jean-Joseph-Sosthène, fils unique, né au château de Juliénas, le 28 juillet 1816 :


« Ce Jourd’hui Vingt neuf Juillet mil huit cent Seize a onze heures du matin, pardevant moi Jean Gravier fils, adjoint, faisant fonction d’officier de l’état civil de La commune de Juliénas, canton de Beaujeu, département du Rhône, est comparu Mre antoine Louis ferdinand De Laroche Lacarelle chevalier, ancien mousquetaire de La garde du Roi, Lieutenant de Cavalerie, chevalier de L’ordre Royal de La Légion d’honneur +, demeurant au château de Lacarelle, commune de St. antoine d’Ouroux, Lequel m’a présenté un enfant du Sexe masculin né hier a deux heures après midi, de Lui déclarant et de dame Madame Jeanne claudine marie Thérese colabeau De Juliénas sa femme, auquel il a déclaré vouloir donner Les prénoms de Jean Joseph Sosthène. Les dites déclarations et présentations faites en présence de Mre Jean Marie De Laroche Lacarelle, chevalier, Baron de Vial ancien mousquetaire de La garde du Roi, chef d’escadron, chevalier de l’ordre Royal et militaire de St. Louis, agé de soixante deux ans et de Mre Jean philibert De Lachapelle, prêtre ancien Vicaire général, Baron de St. Sens, agé de soixante ans et a le père de L’enfant ainsi que Les dits témoins Signés avec moi le présent acte duquel lecture leur a été faite.    

+ âgé de vingt cinq ans. » [sic]


Antoine-Louis-Ferdinand de La Roche signe « Ferd. De La Roche Lacarelle ». Jean-Marie de La Roche signe « de la Roche lacarelle ».


Le château de Juliénas était situé à peu de distance du bourg. Il se composait d’immenses corps de bâtiments, divisés en deux parties : les dépendances et les logements des domestiques, puis l’habitation du maître. Une petite chapelle n’était plus utilisée. Le château a été construit par un propriétaire de vignobles : tout ce qui était nécessaire et qui pouvait servir à la fabrication des vins, cuvier et caves, avait été l’objet d’un soin particulier.


À la révolution de 1830, Ferdinand de La Roche Lacarelle abandonna les affaires publiques, et se livra dès lors aux recherches sur son pays. Grand amateur d’art, il était connu par ses collections de tableaux anciens, sa collection de 666 autographes vendue en 1846 et son importante bibliothèque.





En outre, son Histoire du Beaujolais et des sires de Beaujeu, suivie de l’Armorial de la province (Lyon, Louis Perrin, 1853, 2 vol. in-8, 200 ex.) fait toujours autorité aujourd’hui.

En 1858, le baron Ferdinand de La Roche Lacarelle se plaignit que son nom ait été usurpé par Jean-Marie Durieu de Lacarelle, maire de la commune de Saint-Étienne-Lavarennne (Rhône), et l’assigna par-devant le tribunal civil de Villefranche, en suppression du nom de Lacarelle. Le jugement, du 17 mars 1859, rendu au profit du baron, fut réformé par un arrêt de la cour de Lyon du 30 novembre 1859, confirmé par la cour de cassation le 15 janvier 1861.

De son côté, la baronne Antoinette-Françoise de La Roche Lacarelle, mère de Ferdinand, avertie par les conclusions de l’avocat général du 30 novembre 1859 [« Une seule personne serait fondée à contester à des tiers l’usurpation de la Carelle ; ce serait madame Antoinette-Françoise de la Roche, née de la Carelle, mère du demandeur ; mais elle n’est pas en cause. »], introduisit une instance contre Durieu, en usurpation du nom de Lacarelle. Le tribunal civil de Villefranche, par un jugement rendu le 29 mars 1860, maintint la baronne de La Roche dans son droit au nom de Lacarelle, fit défense au sieur Durieu de continuer à ajouter le nom de Lacarelle au sien ou de le prendre isolément, et ordonna que ce surnom serait biffé dans tous les actes de l’état civil où il avait été ajouté. Un arrêt de la cour de Lyon, du 6 juillet 1860, a confirmé ce jugement.


Partageant son temps entre les plaisirs du sport équestre et de la chasse, et les satisfactions intellectuelles, Sosthène de La Roche Lacarelle, « Elevé dans le culte des choses du passé par son père, savant modeste et laborieux à qui l’on doit d’importants travaux sur le Beaujolais, il eut de bonne heure la passion des livres. Il s’y adonna avec l’ardeur un peu fiévreuse qui était un des traits dominants de son caractère et réunit, en quelques années, une bibliothèque exclusivement composée de raretés et rappelant, par certains côtés, le cabinet de Charles Nodier, qu’il avait pris pour modèle. Une grave maladie des yeux [cataracte], contre laquelle la science paraissait impuissante, l’arrêta brusquement, en 1858, et dans un moment de découragement, cette première collection fut vendue en bloc au savant libraire Potier, qui l’annonça dans un catalogue, à prix marqués, de format elzévirien que possèdent aujourd’hui tous les bibliophiles. » (Ernest Quentin-Bauchart. « Préface ». In Catalogue des livres […] composant la bibliothèque de feu M. le baron S. de La Roche Lacarelle. Paris, Ch. Porquet, 1888) :





Catalogue d’une collection de livres rares et précieux. Ouvrages sur la Chasse, Anciens Poëtes français, – Romans, Contes et Facéties, Voyages dans la Terre-Sainte et en Amérique, Vieilles Chroniques françaises, etc. A vendre à la librairie de L. Potier (Paris, L. Potier, 1859, in-16, vij-[1 bl.]-216 p. [p. 209-213 chiffrées 109-113], 674 numéros).

Les ouvrages provenaient des bibliothèques du prince d’Essling, Nodier, De Bure, Audenet, Pixerécourt, Parison, Méon, Ballesdens, A. Martin, A.-A. Renouard, Clinchamp, marquis d’O, Scherer, Coulon, roi Louis-Philippe, Hoym, Soubise, A. Bertin, Chateaugiron, etc. Les reliures étaient dues à Derome, Boyet, Padeloup, Le Gascon, Duseuil, Simier, Bozerian, Bradel, Thouvenin, Bauzonnet, Bauzonnet-Trautz, Trautz-Bauzonnet, Capé, Duru, Hardy, Niedrée, Petit, Koehler, Bruyère, Thompson, Muller, Lebrun, Purgold, Lortic, Chaumont, Closs, Bisiaux, Hering,  etc. Certaines portaient les armes ou les chiffres de Rochechouart, Philippe de Béthune, duc de Savoie, duchesse de Berry, marquis de Coislin, prince de Conti, Montazet, Fouquet, De Thou, J.-B. Colbert, etc.

Les quatre ouvrages les plus chers :

18. (Ars Moriendi). In-fol. mar. rouge, tr. dor. Ancienne reliure aux armes du cardinal Barberini. 1.500 fr. Manuscrit sur vélin, exécuté vers le milieu du xve siècle, à Naples, où Maggio était professeur. Le principal ornement du volume consiste en 11 belles miniatures en grisaille, de la grandeur des pages, et tout à fait identiques aux gravures de l’édition xylographique de l’Ars moriendi.

59. Phebus des deduitz de la chasse des bestes sauuaiges et des oyseaulx de proye. Paris, Jehan Treperel, s. d., in-fol. goth. à 2 col., réglé, mar. vert, tr. dor. (Duru). 1.000 fr. Édition fort rare, dont un très bel exemplaire a été vendu en 1853 le prix énorme de 1.740 fr.

314. Fier a bras. Lyon, Guillaume le Roy, s.d., in-fol. goth. fig. sur bois, mar. r. à compart. tr. dor. (Bauzonnet-Trautz). 1.000 fr. Édition de la plus grande rareté et qui doit avoir été imprimé vers 1480. Cet exemplaire, le seul connu jusqu’à présent, provient de la bibliothèque de M. Coste.

379. Libro del muy efforçado y invincible cavallero de la fortuna. Valence, Juan Vinao, 1519. In-fol. goth. à 2 col. fig. sur bois, mar. rouge, fil. tr. dor. (Duru). 1.000 fr. Superbe exemplaire d’une édition rare et précieuse que n’a point connue Antonio.


« Le mal dont souffrait M. de Lacarelle avait résisté aux traitements les plus énergiques et sa vue, de plus en plus menacée, lui permettait à peine de se conduire, quand l’idée lui fut suggérée d’aller consulter le célèbre oculiste berlinois de Graeff [Albrecht von Graefe (1828-1870)]. Il entreprit le voyage, et l’opération fut exécutée avec tant de bonheur qu’il put, après quelques mois de repos, reprendre ses habitudes et retourner à ses chers livres. Il s’appliqua dès lors, avec la même fougue qu’à ses débuts, à reconstituer sa bibliothèque, et son goût s’étant porté plus particulièrement sur les vieilles reliures, il en rechercha, on sait avec quel succès, les plus intéressants spécimens. » (E. Quentin-Bauchart. In Catalogue, op. cit.)


« Lorsque M. de Lacarelle achetait un livre de haute valeur, il lui arrivait assez souvent, pour ne pas débourser entièrement le prix en deniers comptants, – car il n’avait pas une très grande fortune et elle était subordonnée au rendement très variable de ses vignes et de ses fermages, – de solder le libraire partie en argent et partie en livres moins importants de sa collection. Le commerçant acceptait volontiers ces échanges partiels qui lui permettaient, en faisant un premier bénéfice raisonnable sur le prix de son volume, d’espérer encore la multiplication de petits bénéfices sur les livres repris.




L’ex libris du baron [de forme ovale, orné d’une guirlande de feuillage en dorure, sur papier de couleur approprié au maroquin de la reliure, porte « EX  LIBRIS  DE  LA  ROCHE  LACARELLE. »] restait sur la plupart des volumes cédés par lui et s’en allait de par le monde des bibliophiles, aider à propager l’opinion que le baron “ spéculait ”. Il serait toutefois inexact de prétendre que de telles opérations fussent toujours extrêmement lucratives pour le commerçant. Le baron était d’une grande habileté pour défendre pied à pied ses intérêts, et les libraires avec lesquels il était en relation tenaient tant à lui faire plaisir qu’ils sacrifiaient quelquefois une partie de leurs bénéfices pour lui être agréables.

Un autre motif pour lequel certains volumes sont sortis un jour ou l’autre de sa collection, c’est qu’il ne voulait y admettre définitivement que des exemplaires parfaits en tous points. » (Jules Le Petit. « Le Baron de La Roche-Lacarelle et sa bibliothèque ». In Le Livre, bibliographie rétrospective. Paris, Quantin, 1888, p. 120)       


Le baron voulut récupérer les volumes restés invendus chez Potier, persuada certains de ses amis de lui céder des ouvrages qu’il avait convoités et suivit de nouveau les grandes ventes de livres :  on le vit aux ventes des bibliothèques de Félix Solar (1860), de Léopold Double (1863), du prince Sigismond Radziwill (1866), de  Nicolas Yemeniz (1867), de Jacques-Charles Brunet (1868), du baron Jérôme Pichon (1869), de Charles-Augustin Sainte-Beuve (1870), de Laurent Potier (1870), de Eléonor Huillard (1870), de Louis Lebeuf de Montgermont (1876), de Ambroise-Firmin Didot (1877), de Robert Samuel Turner (1878), du comte Octave de Béhague (1880),  de Ernest Quentin-Bauchart (1881), du marquis Charles-Alexandre de Ganay (1881) et de Étienne-Marie Bancel (1882).

Insensible aux attraits de la couverture et de la vignette romantique, le baron professait un « souverain dédain » pour les livres du xixe siècle. Des relieurs modernes, il n’en connaissait qu’un : « l’aimable, mais intransigeant Lacarelle, le souverain-pontife de la trautzolâtrie, le chef d’orchestre des concerts d’imprécations contre tout ce qui n’était pas Trautz. » (Henri Beraldi. La Reliure du xixe siècle. Paris, L. Conquet, 1896, t. III, p. 35-36)


Entre-temps, la bibliothèque de son père fut mise en vente à partir du 20 novembre 1867 : théologie, équitation, beaux-arts, belles-lettres, fabulistes, histoire de France, provinces du Lyonnais, du Beaujolais, du Forez, des Dombes, de la Bourgogne, de la Franche-Comté, de la Savoie, art héraldique, armoriaux, nobiliaires et biographie constituaient le Catalogue de la bibliothèque de feu M. le baron de La Roche-Lacarelle (Paris, Bachelin-Deflorenne, 1867, in-8, 103 p., 1.182 lots).


On pouvait également rencontrer Sosthène de La Roche Lacarelle rue Guénégaud, chez Anatole Claudin (1833-1906), dont il appréciait l’érudition.



Son ami Potier s’étant retiré des affaires, il fréquentait presque tous les après-midi, dans le passage des Panoramas, la librairie d’Auguste Fontaine (1813-1882), dont tout Paris connaissait la bonhommie et l’exubérance, et dont le baron disait : « le père Fontaine est un peu hurluberlu, mais c’est un bon homme ; on s’entend toujours très bien avec lui ».  La Roche Lacarelle fut un des éminents bibliophiles qui guidèrent et conseillèrent Damascène Morgand (1840-1898), alors premier commis chez Fontaine. Un autre ancien premier commis de la même librairie, le bibliographe Jules Le Petit (1845-1915), racontait :


« Pendant la période de 1872 à 1883, quand on pénétrait à l’entresol du magasin de M. Auguste Fontaine, de trois heures à six heures environ de l’après-midi, on pouvait souvent apercevoir, du plus loin qu’on regardait, une longue silhouette humaine se détachant en profil sombre sur une fenêtre bien éclairée, et deux grands bras élevant vers le ciel comme en holocauste, un objet de petite dimension, que des doigts maigres semblaient caresser fiévreusement : c’était le baron de Lacarelle qui vérifiait un livre et en auscultait les feuillets. Sa vue, restée faible, surtout lorsque le jour commençait à baisser, – puisqu’on était quelquefois obligé de le reconduire chez lui quand il s’était attardé à la maison jusqu’au crépuscule, – redevenait excellente, comme l’est aussi celle des myopes, pour découvrir, en plein jour, les défauts les plus insignifiants.

D’autres fois, ceux qui venaient aux mêmes heures visiter les nombreuses bibliothèques installées dans cet entresol du passage des Panoramas, où se sont conclues tant de belles et importantes acquisitions de livres, voyaient en arrivant un homme enfoncé dans un fauteuil, devant des vitrines remplies de livres aux riches reliures, tournant et retournant dans ses mains, du côté des tranches et ensuite du côté des plats, un volume ordinairement recouvert de maroquin, puis pinçant fortement et à plusieurs reprises, entre le pouce et l’index, en haut, en bas et au milieu, le dos du susdit volume : c’était le baron de Lacarelle qui jugeait de la qualité d’une reliure. Il s’assurait que l’endossage en était solidement fait, que les morsétaient soignés, que les coiffesétaient bien droites, pas trop hautes, les plats d’épaisseur bien proportionnée au format, la tranche-fil [sic] bien attachée, les filets bien poussés, la dorure de bon goût, le titre du dos bien mis, bien droit, en caractères bien proportionnés, etc. Et, en l’observant un peu, on pouvait se rendre compte du résultat de son examen, à la manière dont il replaçait le livre : s’il le rejetait avec une sorte de dédain sur la vitrine ou sur la table, la reliure ne lui plaisait évidemment pas ; au contraire, s’il le replaçait avec un soin méticuleux, paraissant craindre d’en froisser l’habit délicat, à coup sûr le travail du relieur avait son approbation. Alors, tout en causant, il prenait et reprenait instinctivement le volume, le regardait cent fois, caressant la reliure avec une volupté inconsciente, “ promenant sur le dos et les plats une paume attendrie ”, suivant l’expression spirituelle d’Anatole France, et souvent, – lorsque c’était un livre important qu’il ne possédait pas, – finissant par l’acquérir, après avoir déployé à ces fins une tactique des plus habiles et un esprit d’une finesse remarquable. » (J. Le Petit, op. cit., p. 121-122)


A partir de 1883, ne supportant plus le climat de Paris, le baron quitta la capitale. Il séjournait, en automne et en hiver, à Cannes, à Nice, à Amélie-les-Bains ou à Florence, et revenait passer le printemps et l’été en Bourgogne, dans son château de Sassangy. Ses livres y avaient été déménagés, et il achetait encore, par intermédiaire, quelques ouvrages dans les ventes parisiennes ; mais l’absence des amis bibliophiles précipita vraisemblablement la mort de ce célibataire endurci, que certains ont marié à Angélique-Vivantine-Élise Brunet-Denon (1814-1894), en réalité épouse de son cousin Isidore-Henri-Paul-Timothée de La Roche Nully (° 1802) :


« L’an mil huit cent quatre-vingt-Sept, et le vingt Avril, à quatre heures du soir, Pardevant nous François Gambut, Maire et officier de l’état civil de la commune de Sassangy, Canton de Buxy, Saône-et-Loire, ont comparu Pierre Vallot, propriétaire-régisseur, âgé de quarante-quatre ans, et Jean-Claude Joblot, propriétaire fermier, âgé de quarante-cinq ans, tous deux domiciliés à Sassangy, et voisins du défunt, lesquels nous ont déclaré que Jean-Joseph Sosthène, baron de La Roche Lacarelle, propriétaire rentier, âgé de soixante-dix ans, né à Juliénas, Rhône, domicilié à Sassangy célibataire fils du baron Ferdinand de La Roche Lacarelle et de Thérèse de Calabeau de Juliénas tous deux décédés à Sassangy, est décédé, à son domicile, ce matin, présent mois, à deux heures. Après nous être assuré du décès, nous avons dressé le présent acte, que nous avons signé avec les deux comparants, après lecture faite. » [sic]  






Ses héritiers chargèrent le libraire Charles Porquet (1823-1902), quai Voltaire, de présenter sa bibliothèque aux enchères publiques : le Catalogue des livres rares et précieux, manuscrits et imprimés, composant la bibliothèque de feu M. le baron S. de La Roche Lacarelle (Paris, Charles Porquet, 1888, in-8, [XI]-XV-190 p., 540 lots), avec un portrait à l’eau-forte du baron, signé par Eugène Abot (1836-1894), fut complété par une Table alphabétique des noms d’auteurs & liste des prix (Paris, Porquet, 1888, in-8).








Un autre catalogue a été tiré sur papier vergé de Hollande de format in-4. Outre le portrait tiré sur Whatman teinté, 61 planches ornent la nomenclature des livres : 35 planches en noir, dont deux doubles, et 5 planches en couleur, dont une double,  reproduisent les principales reliures ; 21 planches donnent les bois de certains livres de la période gothique.


La vente, qui eut lieu du 30 avril au 5 mai 1888, produisit 545.587 francs. Les trois premières vacations ont été un peu hésitantes, mais les trois dernières ont présenté la plus vive animation. La lutte principale s’est concentrée entre les libraires des passages, quelques libraires des quais et les grands amateurs : Lignerolles, Quentin-Bauchart, Beraldi, Mosbourg, Fresne, Biencourt, Laigle, Paillet, Ruble, Villeneuve, Parran, Lebarbier de Tinan, Bocher, Broglie, etc.

Cette vente montra encore une fois combien pouvait se modifier le goût des bibliophiles. On se disputait les premières éditions de certains ouvrages, dans les années précédentes. Cette fois, ce furent les reliures anciennes qui obtinrent un plein succès : il est vrai que leur étonnante conservation justifia des prix exceptionnels. Les exemplaires aux insignes de Longepierre, qui s’étaient vendus à des prix très élevés quelques années auparavant, ne jouirent plus de la même faveur. Les classiques ont été négligés : le Racine de 1687, 2 vol. in-12, dans une reliure de Trautz, ne provoqua aucun enthousiasme à 305 fr. ; le Corneille de 1664-1666, 4 vol. in-8, malgré la reliure de Trautz, n’atteignit que 399 fr. ; le Molière de 1674-1675, 7 vol. in-12 reliés par le même, fut abandonné à 531 fr. ; le Molière de 1682, 8 vol. in-12, maroquin ancien à la Duseuil, ne tenta personne au-dessus de 805 fr.

Le fameux exemplaire du comte d’Hoym, M. Tullii Ciceronis (Elzevier, 1642, petit in-12), dans un maroquin bleu doublé de maroquin citron de Padeloup, fut adjugé 4 000 fr. à Porquet (n° 72). Du même amateur célèbre, les Essais de Michel de Montaigne (Paris, Abel L’Angelier, 1588, 5eédition, in-4), dans un maroquin citron de Padeloup, fut payé 4 900 fr. à Durel (n° 73). Le Trésor de la Cité des Dames (Paris, 1536, petit in-8) de Christine de Pisan, maroquin bleu doublé de maroquin orange signé « Trautz-Bauzonnet », 3 055 fr. (n° 83). Dans un maroquin vert du même relieur, La Chasse royale, de Charles IX, (Paris, 1625, petit in-8), 1 000 fr. (n° 104). Le Rommant de la rose (Paris, Galliot du Pré, 1529, petit in-8, fig. sur bois), dans un maroquin bleu de Padeloup, 2 550 fr. (n° 138). Les Œuvres de feu maistre Alain Chartier (Paris, 1529, petit in-8, fig. sur bois), dans un maroquin rouge de Derome le Jeune, 1 305 fr. (n° 140). Le Recueil des Œuvres de feu Bonaventure des Périers (Lyon, Jean de Tournes, 1544, in-8, réglé), dans un maroquin rouge doublé de même par Boyet, 3 500 fr. (n° 181). L’exemplaire de Madame de Chamillart des Œuvres diverses du sieur Boileau Despréaux (Paris, 1701, 2 vol. in-12 réglés), reliure ancienne en maroquin citron doublé de maroquin rouge, 4 200 fr. à Morgand (n° 239). L’un des plus anciens livres de voyages connus, Le Livre appelé Mandeville (Lyon, Barthélemy Buyer, 1480, petit in-folio gothique) dans un maroquin rouge de Thibaron-Joly, 4 100 fr. à Porquet (n° 459).


Vingt-six articles furent vendus plus de 5.000 francs :


3. La Sainte Bible, traduite par Le Maistre de Saci. Paris, G. Desprez, 1711, 8 vol. petit in-12 réglés, mar. r., compart., tr. dor. (Padeloup) 5.450 fr. à Morgand. Provient des bibliothèques de J.-J. De Bure et J.-Ch. Brunet (vendu 2.700 fr.)

19. Horae Beatae Mariae Virginis. Manuscrit sur vélin, fin xve-début xvie, in-16 de 209 f. et 4 f. bl., miniatures, bordures, lettres ornées, mar. ch. noir, orné d’une belle garniture historiée en argent avec fermoirs. 22.250 fr. à Paillet. Le plus gros prix de la vente. Provient des bibliothèques de J.-J. De Bure et Ambroise Firmin Didot (20.800 fr.)

21. Heures de Nostre Dame a lusaige de Rome escrites au dict lieu l’an 1549, par M. Franç. Wydon et dediees a messire Claude Durfé, chevalier de l’ordre du Roy tres chrestien et son ambassadeur au S. Siège apostolique. Pet. in-fol. mar. rouge, fil., tr.dor. (Rel. anc.) 5.405 fr. à Morgand. Manuscrit de 85 f. sur vélin, orné de 25 miniatures. Provient de la bibliothèque du duc de La Vallière.

22. Les Offices de la Toussaint. Paris, Guill. Cavelier, 1720, in-12, réglé, mar. citron, riches compartiments à mosaïque de mar. vert et rouge sur le dos et sur les plats, dorure en plein à petits fers, doublé de mar. rouge, dent. intér., tr. dor. (Padeloup) 18.600 fr. à Morgand. Œuvre la plus parfaite de Padeloup. Provient des bibliothèques de Pixerécourt (50 fr.) et du baron J. Pichon (1.799 fr.).







26. Les Sainctes Prières de l’ame chrestienne escrites et gravées après le naturel de la plume, par P. Moreau, maistre écrivain juré. Paris, Jean Henault, 1649, petit in-8 fig., texte gravé entouré de jolis encadrements variés, mar. rouge, compart., fermoirs en argent, tr. dor. (Le Gascon) 7.150 fr. à Morgand. Reliure à compartiments et arabesques, dorure en plein à petits fers et au pointillé. Provient des ventes Duriez, Nodier (70 fr.) et J.-Ch. Brunet (2.125 fr.).

27. Livre de prières. Nic. Jarry scribebat anno 1649-1650-1651, in-16, mar. rouge, riches compart., double de mar. rouge, tr. dor. (Le Gascon) 9.800 fr. à Labitte. Manuscrit de 66 f. exécuté sur vélin, probablement pour Marie-Anne d’Orléans, duchesse de Montpensier (la Grande Mademoiselle). Reliure ornée, sur les plats extérieurs, de riches compartiments et arabesques, dorure en plein à petits fers et au pointillé, et à l’intérieur de fleurs de lis sans nombre, alternant avec un chiffre formé d’un M et d’un A.








29. Prières de la messe écrites par Rousselet. Paris, 1725, in-8, mar. citron, compart. en mosaïque de mar. noir et rouge, dorure à petits fers et au pointillé, doublé de mar. noir, larges dentelles, dos orné, gardes de pap. doré, tr. dor. (Padeloup) 10.000 fr. à Labitte. Manuscrit au chiffre couronné de Marie Leczinska. Provient des ventes de la duchesse de Berry (1.210 fr.) et de Bancel (3.500 fr.). Vendu 280.000 € le 2 décembre 2004 (Paris, Sotheby’s).

36. Les Lettres de Saint Augustin. Paris, J.-B. Coignard, 1701, 6 vol. in-8, réglés, m. citr., double de m. r., dent. intér., tr. dor. 9.000 fr. à Morgand. Aux armes et aux chiffres de Madame de Chamillart. Provient de la bibliothèque du baron Pichon (5.025 fr.).








67. Giordano Bruno Nolano de gl’Heroici furori dialogi X. Parigi, Antonio Baio, 1585, pet. in-8, mar. citr., mosaïque de mar. noir et rouge, bordée de filets, milieu doré au pointillé sur le dos et sur les plats, doublé de mar. rouge, large dentelle, gardes de pap. doré, tr. dor. (Padeloup) 6.000 fr. à Durel. Provient des bibliothèques Girardot de Préfond et Mac Carthy.

68. Spaccio de la bestia trionfante proposto da Gioue effetuato dal conseglo revelato da mercutio. Stampato in Parigi (Londres, J. Charlewood), 1584. – La Cena de le ceneri descritta in cinque dialogi per quattro interlocutori con tre considerationi circa doi suggetti, 1584. Ensemble deux parties en 1 vol. pet. in-8, mar. citron, mosaïque de mar. noir et rouge, bordée de filets, milieu doré au pointillé sur le dos et sur les plats, doublé de mar. bleu, large dentelle, gardes de pap. doré, tr. dor. (Padeloup) 8.100 fr. à Durel. Provient de la bibliothèque de Girardot de Préfond.






75. Les Essais de Michel seigneur de Montaigne. Amsterdam, Antoine Michiels (Bruxelles, François Foppens), 1659, 3 vol. in-12, front. gr., mar. bleu, fil., tr. dor. 5.150 fr. à Porquet. Exemplaire de Longepierre.







86. La Description de l’isle d’Utopie […] par Thomas Morus […] (traduit par Jean Le Blond). Paris, Charles L’Angelier, 1550, pet. in-8, fig. sur bois, réglé, mar. bleu, fil., compart., coins et milieu, dorure à petits fers, dos orné, tr. dor. (Macé Ruette) 9.100 fr. à Morgand. Aux chiffres couronnés de Louis XIII et de la reine Anne d’Autriche.

93. Recueil d’estampes représentant les troubles, guerres, massacres, survenus en France à l’occasion de la réforme de la religion, depuis la mort de Henri II (1559) jusqu’en 1572, avec l’explication. Petit in-fol. obl. mar. vert, riches compart., volutes et rinceaux de feuillages, dorure en plein à petits fers sur le dos et sur les plats, tr. dor. (un des Ève) 12.000 fr. à Morgand. Aux armes de J.-A. De Thou. La plus belle reliure de la vente. Contient 32 estampes numérotées gravées par Fr. Hogenberg, d’après les tableaux de la Ligue de Périssin et Tortoret. Acquis à la vente Soubise par Renouard.








99. L’Instruction du Roy en l’exercice de monter à cheval, par messire Ant. de Pluvinel. Paris, Michel Nivelle, 1625, in-fol., fig., mar. vert, fil., dos orné, tr. dor. (Padeloup) 5.850 fr. à Morgand. Quarante planches avant la lettre, deux lettres autographes et d’autres planches ajoutées. De la vente du baron Pichon (5.000 fr.). Le plus bel exemplaire connu de ce livre fort rare.

109. Joachimi Perionii dialogorum de linguae gallicae origine eiusque cum graeca cognatione libri quatuor. Parisiis, Sebast. Nivellium, 1554, in-8, mar. brun, compart. et arabesques sur le dos et sur les plats (Rel. du xvie s.) 7.710 fr. à Paillet. Aux armes du roi Henri II et son chiffre, celui de Diane de Poitiers, ainsi que le triple croissant.







128. Q. Horatii Flacci Opera. Londini, Johannes Pine, 1733-1737, 2 vol. gr. in-8, mar. rouge à mosaïque de mar. bleu, vert et citron, couvrant entièrement le dos et les plats des volumes, doublés de tabis, tr. dor. (Derome) 7.520 fr. à Durel.






142. Les Œuvres de maistre Francoys Villon. On les vend au premier pillier, à la grand salle du palays, pour Galiot Du Pré, 1532, pet. in-8, lettres rondes, mar. orange à mosaïque de mar. bleu et rouge, doublé de mar. bleu, larges dentelles, tr. dor. (Trautz-Bauzonnet) 14.020 fr. à Belin. Exemplaire très grand de marges.

145. Le Resolu en mariage. Paris, Anthoine Vérard, s. d., in-8, caract. goth., fig., mar. brun, jans., tr. dor. 5.005 fr. à Morgand. Seul exemplaire imprimé sur vélin connu de cette première édition, non citée par Brunet. Orné de 32 fig. sur bois colorées. Composé par Jehan Le Febvre de Thérouane.




253. Contes et nouvelles en vers, par M. de La Fontaine. Amsterdam (Paris, Barbou), 1762, 2 vol. in-8 réglés, portr. gravés par Ficquet, fig. d’Eisen et culs-de-lampe de Choffard, mar. rouge, larges dentelles, dos ornés, doublés de tabis, tr. dor. (élève de Padeloup) 15.500 fr. à Beraldi. Aux armes de la Pompadour, en mosaïque sur fond de mar. vert. Provient des bibliothèques de Nodier (244 fr.) et Quentin-Bauchart.

265. Choix de chansons mises en musique, par M. La Borde. Paris, de Lormel, 1773, 4 vol. gr. in-8, titre gr., 4 front. et 100 fig. par Moreau, Le Bouteux et Le Barbier, gr. par Moreau, Masquelier, Née, etc., mar. violet, fil., dos ornés, doublés de tabis, tr. dor. (Derome) 8.800 fr. à Rouquette. Provient de la bibliothèque de Quentin-Bauchart.

311. Les Amours pastorales de Daphnis et Chloé. S. l. (Paris, Quillau), 1718, pet. in-8, fig. gravées par Audran, d’après les dessins de Philippe, duc d’Orléans, mar. citron à compart. de couleurs, réglé, gardes de pap. doré, tr. dor. Dans un étui de mar. rouge. (Padeloup) 6.700 fr. à Morgand. Provient des bibliothèques d’Ourches, Chateaugiron et J.-Ch. Brunet (6.000 fr.).







312. Les Amours pastorales de Daphnis et Chloé, fig. gravées aux dépens du feu duc d’Orléans, régent de France. Paris, imprimé pour les curieux, 1757, in-4, texte encadré, mar. r., fil., larges dentelles à petits fers, dos orné, doublé de tabis, tr. dor. (Dubuisson) 7.000 fr. à Parran. Aux armes de la Pompadour, en mosaïque sur fond de mar. vert. Provient de la bibliothèque de Quentin-Bauchart.

318. Saint Graal. Paris, Philippe le Noir, 1523, 2 tomes en 1 vol. petit in-fol., fig. sur bois, mar. vert, dentelle, milieu doré à petits fers, tr. dor. (Rel. anc.) 5.050 fr. à Morgand. A appartenu à Louis XIV. Reliure ornée sur le dos et sur les plats d’un semé de L couronnés. Provient de la vente Didot (7.000 fr.).

338. Les Avantures de Télémaque. Paris, Florentin Delaulne, 1717, 2 vol. in-12, mar. bleu, fil., tr. dor. (Paseloup) 5.050 fr. à Morgand. Exemplaire de Longepierre. Provient des bibliothèques Parison (1.700 fr.) et J.-Ch. Brunet (2.500 fr.).

472. C. Crispi Sallustii de Conivratione Catilinae eiusdem de bello Jugurthino. Venetiis, in aedibus Aldi, 1509, in-8, mar. brun, fil., compart., coins dorés, initiales peintes en or et en couleur, tr. dor. 7.000 fr. à Morgand. Exemplaire de Grolier.







510. Recueil des portraits et éloges en vers et en prose (de personnages du temps, par Mademoiselle de Montpensier et autres). Paris, Ch. de Sercy et Cl. Barbin, 1659, in-8, front. gr. par Chauveau, mar. r., dos et coins fleurdelisés, tr. dor. (Rel. anc.) 15.080 fr. au comte de Mosbourg. Aux armes de la Grande Mademoiselle. Provient de la vente Turner (14.000 fr.).

       






Le Cardinal de Lorraine et ses livres

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Nicolas Boucher. La Conjonction des lettres et des armes des deux tres illustres princes lorrains
Charles cardinal de Lorraine archevesque & duc de Rheims, & François duc de Guyse
Reims, Jean de Foigny, 1579 


Le cardinal Charles de Lorraine (1524-1574), figure marquante du xvie siècle et archevêque de Reims de 1538 à 1574, joua un rôle prépondérant dans la vie politique et religieuse de son époque, et fut perçu par ses contemporains comme un grand mécène.
L’exposition patrimoniale présentée à la Bibliothèque Carnegie de Reims, du 12 septembre au 28 novembre 2013, propose de mettre en lumière les plus belles œuvres, reliures et enluminures ayant appartenu à ce bibliophile et à certains membres de sa famille, comme l’abbesse Renée de Lorraine, la reine Marie Stuart ou le duc Claude de Guise.
De nombreux documents originaux sont ainsi présentés, issus des collections de la Bibliothèque Carnegie, mais aussi d’autres institutions, comme la Bibliothèque nationale de France, le Musée des beaux-arts de Nancy, la Bibliothèque historique de la ville de Paris et la Bibliothèque municipale de Saint-Germain-en-Laye.





Un colloque international se tiendra du 7 au 9 novembre 2013, à la Médiathèque Jean Falala de Reims, sur  « Le Cardinal de Lorraine, Reims et l’Europe ».
Le 7 novembre, à 16 h. 50, Isabelle de Conihout, conservateur en chef à la Bibliothèque Mazarine, fera une conférence sur « Le Cardinal de Lorraine et ses livres ».

Les Geoffroy, apothicaires parisiens

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La dynastie des Geoffroy, apothicaires à Paris, remonte au xvie siècle.




Étienne [I] Geoffroy (1586-1673), fils de Baptiste Geoffroy reçu maître apothicaire en 1584 et grand-père de Matthieu-François, fut reçu maître en 1611, devint échevin de Paris en 1636, consul en 1642 et juge en 1656. Il s’installa rue du Bourg-Tibourg (IVe), « près le cimetière Saint-Jean »,






où son fils Étienne [II], reçu maître en 1638, lui succédera.





Ses armoiries étaient « d’azur, au nom de Jésus d’or, accompagné de trois globes du même. »  







N’ayant laissé que des expertises dans l’affaire des poisons entre 1679 et 1682, Matthieu-François Geoffroy (Paris, 20 mai 1644-26 octobre 1708), reçu maître en 1666, échevin en 1685 et premier consul en 1694, a néanmoins joué un rôle important dans la famille. Ses relations étaient nombreuses dans le monde du commerce, dans la société des savants et celle des artistes. Son officine de la rue du Bourg-Tibourg fut citée comme l’une des plus importantes de Paris, par le Dr. Martin Lister (1638-1712) :

« The Apothecaries Shops are neat enough, if they were but as well stored with Medicines ; and some are very finely adorned, and have an Air of greatness, as that of Monsieur Geofferie, who has been Provost des Merchands, in the Rue Burtebur, where the Entry to the Basse Cour is a Port-cochier, with Vasa’s of Copper in the Niches of the Windows ; within are Rooms adorned with huge Vasa’s and Mortors of Brass, as well for sight, as for use. The Drugs and Compositions are kept in Cabinets disposed round the Room. Also Laboratories backwards in great perfection and neatness. » [sic] (A journey to Paris in the year 1698. London, Jacob Tonson, 1699, p. 238-239)
[Les boutiques d’apothicaires seraient assez propres, si elles étaient aussi bien garnies de drogues ; et il y en a de fort ornées, et qui ont un air de grandeur, telle que celle de Monsieur Geoffroy, qui a été prévôt des marchands (il fut échevin et non prévôt des marchands), dans la rue du Bourg-Tibourg, où l’entrée de la basse-cour est une porte cochère, avec des vases de cuivre  dans les niches des fenêtres ;  à l’intérieur sont des pièces ornées d’énormes vases et de mortiers de bronze, autant pour le spectacle, que pour l’usage. Les drogues et les préparations sont dans des armoires rangées autour de la pièce. En arrière sont des laboratoires parfaitement montés et propres.]

Surtout, des conférences se tenaient chez lui où Jean-Dominique Cassini (1625-1712) apportait ses planisphères, Jean Truchet (1657-1729), en religion le Père Sébastien, ses machines, Louis Joblot (1645-1723) ses pierres d’aimant, Joseph du Verney (1648-1730) faisait des dissections et Guillaume Homberg (1652-1715) des opérations de chimie, et où se rendaient plusieurs autres savants fameux. Par son mariage avec la fille de Jean Devaux (1611-1695), chirurgien célèbre, il était en rapport avec le monde médical.






Ses armoiries étaient « d’azur, à la tour d’or surmontée de trois donjons ». On lui connaît deux ex-libris, dessinés par Sébastien le Clerc et gravés par Claude Duflos, fils d’un chirurgien, qui portent ses armoiries, la devise « Turris fortissima Deus » [Dieu est une tour très forte] et la légende« Matthæus Franciscus Geoffroy Pharmacopoeorum Parisiensium antiquior Præfectus, Ædilis & Consul » :





l’un avec deux petits génies représentant la Pharmacie, à gauche, tenant une balance, et la Médecine, à droite, tenant le bâton d’Esculape ;





l’autre avec un piédouche portant une draperie sur laquelle se déroule la légende.

Matthieu-François Geoffroy eut deux fils, tous deux membres de l’Académie royale des sciences et de la Société royale de Londres.






L’aîné, Étienne-François Geoffroy (Paris, 13 février 1672-6 janvier 1731), reçu maître apothicaire en 1694, puis docteur en médecine en 1704, devint professeur en médecine au Collège royal (1709), professeur de chimie au Jardin royal (1707) et doyen de la Faculté de médecine de Paris en 1726. Décédé rue des Singes [rue des Guillemites, IVe], où il habitait depuis 1719, il fut l’auteur « Des différents rapports observés en chimie entre différentes substances » (in Histoire de l’Académie royale des sciences. Année M. DCCXVIII. Paris, Imprimerie royale, 1741, p. 202-212) et d’un Tractatus de materia medica [Traité de matière médicale] (Paris, Desaint et Saillant, 1741, 3 vol. in-8).







Sa bibliothèque fut vendue à partir du 4 juillet 1731 : Catalogus librorum viri Cl. D. Stephani Francisci Geoffroy, doctoris medici, antiqui facultatis Parisiensis decani, Regii in Medicina & Chymia Professoris, Regia Scientiarum Academiæ Parisiensis necnon Societatis Londinensis Socii (Paris, Gabriel Martin, 1731, in-8, [8]-153-[2]-[1 bl.] p., 2.146 lots [23 numéros doublés]).
Spécialisée dans les Sciences et Arts (1.632 lots), surtout médecine (1.092 lots) et histoire naturelle (343 lots), cette bibliothèque contenait aussi des livres dans les domaines de l’Histoire (246 lots) et des Belles-Lettres (161 lots), très peu dans ceux de la Théologie (39 lots) et de la Jurisprudence (11 lots), des estampes (33 lots) et « Un Droguier, en deux grandes Armoires de bois de noyer, dont les portes contiennent 800. pots de verre ; & dont les tablettes & tiroirs sont remplis de differentes pieces concernant l’Histoire Naturelle, d’un Herbier, et de differens Animaux renfermez dans des tubes de verre scellez hermetiquement. Un Squelette humain, renfermé dans une boëtte vitrée. Plusieurs Microscopes de differentes grandeurs. » [sic] (p. 253).







Le fils cadet, Claude-Joseph Geoffroy (Paris, 8 août 1685-9 mars 1752), fut reçu en 1703 et succéda à son père, dans l’officine de la rue de Bourg-Tibourg, en 1708. Il publia de 1707 à 1751 de nombreux mémoires dans l’Histoire de l’Académie royale des sciences, et devint échevin de Paris en 1731. De son second mariage, il eut un fils, Claude-François Geoffroy (Paris, v. 1728-18 juin 1753), qui continua les traditions pharmaceutiques de la famille : il fut reçu maître en 1748, mais mourut prématurément, sans successeur.





La vente de leur bibliothèque se déroula rue du Bourg-Tibourg, du mardi 5 au samedi 9 février 1754, avec un Catalogue des livres et estampes de défunts Mrs. Geoffroy [père et fils], de l’Académie Royale des Sciences (Paris, Gabriel Martin, 1754, in-12, [2]-120-18-[2] p., 1.608 lots de livres [15 numéros doublés, 1 triplé] et 69 lots d’estampes).
Le domaine des Sciences et des Arts dominait (944 lots), avec la médecine (495 lots) et l’histoire naturelle (283 lots), suivit par ceux de l’Histoire (294 lots), des Belles-Lettres (284 lots), de la Théologie (52 lots) et de la Jurisprudence (18 lots). La vente des livres rapporta 14.294 liv. 16, celle des estampes 5.790 liv. 19.






Cette vente avait précédé celle du cabinet de curiosités d’histoire naturelle de Claude-Joseph Geoffroy, dont le Catalogue raisonné des minéraux, coquilles, et autres curiosités naturelles, contenues dans le Cabinet de feu M. Geoffroy de l’Académie Royale des Sciences (Paris, H. L. Guérin et L. Fr. Delatour, 1753, in-12, viij-94 p., 597 lots) fut publié par son neveu, Étienne-Louis Geoffroy ((1725-1810).
    



  

Quand Léon Conquet renversait l’idole du vieux bouquin

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L’auteur dramatique Henri Meilhac (1831-1897), de l’Académie française, déclara, un jour de la fin du xixe siècle :

« Pour que notre âme soit en fête,
Pour avoir un bonheur complet,
Que faut-il ? Faire la conquête
D’un livre édité par Conquet. »


Antoine-Léon Conquet était né à Espalion, chef-lieu de canton du département de l’Aveyron), à 32 km. au nord-est de Rodez :

« L’an mil huit cent quarante huit, le quatorze avril, à une heure du soir, dans la salle de la mairie, pardevant nous Jean Joseph françois Temple, Maire et officier de l’état civil de la mairie d’Espalion, canton d’Espalion, département de l’aveyron, est comparu le Sieur étienne Conquet, âgé de trente huit ans, marchand tailleur, domicilié à Espalion, lequel nous a représenté un Enfant du sexe masculin, né ce Jourd’hui à quatre heures du matin, dans sa maison d’habitation à Espalion, de lui déclarant et de marguerite Burguière, son épouse, âgée de trente un ans, auquel il a déclaré vouloir donner les prénoms d’antoine Léon ; les dites déclarations et présentations faites en présence du Sieur pierre antoine Rouquette, âgé de quarante deux ans, traiteur et de mathieu Bessière, âgé de trente sept ans, maçon, domiciliés à Espalion, lesquels après lecture faite du présent ont signé avec nous et le déclarant. » [sic]

Il débuta en 1862, à 14 ans, chez un photographe, puis travailla chez son cousin libraire, Pierre-Jean Rouquette (1833-1912), passage Choiseul, éditeur de Henry Cohen et de Georges Vicaire. Il entra en 1870 chez son autre cousin libraire, Antoine Garrousse (° 1821), 15 boulevard de Bonne Nouvelle (Xe), en face le théâtre du Gymnase, près de la porte Saint-Denis. Après s’être engagé, comme volontaire, dans la Légion bretonne, lors de la guerre franco-allemande, ce fut chez Garrousse qu’il porta les bibliophiles vers les romantiques, les illustrés du xixe siècle et les éditions originales des écrivains contemporains, aidé par une jeunesse qui ne savait pas lire le grec.




5, rue Drouot
Il succéda à Garrousse en 1874, et, en 1880, il émigra à son adresse définitive, 5 rue Drouot (IXe).

En peu de temps, et en opposition au magasin de Damascène Morgand, 55 passage des Panoramas (IIe), où se tenaient les assises du livre ancien, celui de Conquet devint le quartier général où se réunissaient, vers 17 heures, les fortes têtes de la bibliophilie nouvelle :





« C’est qu’il était singulièrement captivant, cet homme, petit, rond, de manières si ouvertes et si avenantes, l’œil vif sous des sourcils prononcés, à la chevelure, prématurément argentée, relevée et rejetée en arrière, qui venait si franchement au-devant de vous, s’offrant en quelque sorte. » (Pierre Dauze. « Léon Conquet ». In Revue biblio-iconographique. Paris, 1898, p. 9)

Conquet fut le premier libraire détaillant qui ait entrepris, au xixe siècle, l’édition de luxe proprement dite, et devint, après Rouquette, le libraire de la Société des « Amis des livres », présidée par Eugène Paillet.
Parmi les 80 éditions réalisées :

Mon oncle Benjamin, par Claude Tillier (1881, 2 vol. in-8, couv. illustr., 700 ex.), 1 portrait frontispice et 42 dessins de Sahib gravés sur bois par Prunaire, préface par Charles Monselet ; il a été tiré en outre, pour Conquet, 1 exemplaire sur papier du Japon contenant les fumés [épreuves d’essai] en bistre et en noir et un croquis à la plume de Sahib.
Estampes de Moreau le jeune pour le Monument du costume, gravées par Dubouchet (1881, gr. in-8, texte gravé tiré à 370 ex., estampes tirées à 490 ex.), portrait de Moreau le jeune par Cochin et 24 estampes hors-texte, notice par Philippe Burty.
Le Lion amoureux, par Frédéric Soulié (1882, in-18 carré, couv. impr., 500 ex.), 19 vignettes dessinées par Sahib [la 19e est celle du prospectus qui n’est pas reproduite dans le volume] et gravées au burin sur acier par Nargeot, notice historique et littéraire par Ludovic Halévy.
Estampes de Freudeberg pour le Monument du costume, gravées par Dubouchet (1883, gr. in-8, texte gravé tiré à 370 ex., estampes tirées à 490 ex.), portrait de Freudeberg gravé d’après Mind et 12 estampes hors-texte, notice par John Grand-Carteret.
Mademoiselle de MaupinDouble amour–, par Théophile Gautier (1883, 2 vol. in-8, couv. impr., 500 ex.), 1 couverture frontispice et 17 compositions de Gustave Toudouze gravées à l’eau-forte par Champollion, notice bibliographique par Charles de Lovenjoul.
La Chartreuse de Parme, par Stendhal (1883, 2 vol. in-8, couv. impr., 500 ex.), 32 eaux-fortes par V. Foulquier [la 32e vignette est celle qui se trouve dans le prospectus et qui ne figure pas dans l’ouvrage], préface par Francisque Sarcey.
Sous bois, par André Theuriet (1883, in-8, couv. illustr., 500 ex.), 78 compositions de H. Giacomelli gravées sur bois par Berveiller, Froment, Méaulle et Rouget, préface par Jules Claretie.
Le Rouge et le Noir, par Stendhal (1884, 3 vol. in-8, couv. impr., 500 ex.), 80 eaux-fortes par H. Dubouchet, préface par Léon Chapron.
Marie ou le Mouchoir bleu, par Etienne Béquet (1884, in-18, couv. impr., 1.200 ex.), 6 compositions de De Sta gravées par Abot, notice littéraire par Adolphe Racot.

« Un jeune libraire, L. Conquet, a commencé de publier quelques livres illustrés, qu’on s’arrache dès leur apparition ; et c’est justice, car ces volumes sont établis avec beaucoup d’intelligence, de goût et d’art. Ce sont presque toujours des réimpressions de luxe des plus intéressants ouvrages de nos auteurs modernes ou même contemporains. L’éditeur a compris que les collections de volumes du même format, ornés de la même façon, par les mêmes artistes ou les mêmes procédés, devenaient d’une monotonie désespérante. Il s’est attaché à varier le genre de ses livres, l’impression et les illustrations. » (Jules Le Petit. L’Art d’aimer les livres et de les connaître. Paris, chez l’Auteur, 1884, p. 89)

Le Violon de faïence, par Champfleury (1885, pet. in-8, couv. illustr., 500 ex.), 34 eaux-fortes par Jules Adeline [en réalité : 2 eaux-fortes h-t, 31 dans le texte et 2 sur la couv., dont celle du plat r° ne se trouve pas dans l’ouvrage], avant-propos par l’auteur.
Les Œillets de Kerlaz, par André Theuriet (1885, in-18, couv. impr., 1.100 ex.), édition originale, 4 eaux-fortes par Rudaux, 8 en-têtes et culs-de-lampe de Giacomelli gravés par T. de Mare.
Fromont jeune et Risler aîné, mœurs parisiennes, par Alphonse Daudet (1885, 2 vol. in-8, couv. impr., 500 ex.), 12 compositions de Emile Bayard gravées à l’eau-forte par J. Massard, notice littéraire par Gustave Geffroy.
La Défense de Tarascon, par Alphonse Daudet (1886, in-18, couv. illustr., 300 ex. H.C.), 16 aquarelles d’après Draner ; il a été tiré en outre un exemplaire spécial pour Paul Bellon, acquéreur des dessins originaux.





La Canne de M. MicheletPromenades et Souvenirs–, par Jules Claretie (1886, pet. in-8, couv. impr., 1.000 ex.), 12 compositions de P. Jazet gravées à l’eau-forte par H. Toussaint, préface par Alfred Mézières, de l’Académie française.
Trois coups de foudre, par Ludovic Halévy (1886, in-16, couv. impr., 1.000 ex.), 10 dessins de Kauffmann gravés par T. de Mare, édition originale.
Militona, par Théophile Gautier (1887, in-8, couv. impr., 500 ex.), 1 portrait et 10 compositions de Adrien Moreau gravés par A. Lamotte.
Émaux et Camées, par Théophile Gautier (1887, in-16, couv. illustr., 700 ex.), 112 dessins de Gustave Fraipont, préface par Maxime du Camp, de l’Académie française.
Nouvelles, par Alfred de Musset (1887, in-8, couv. impr., 500 ex.), 1 portrait gravé par Burney d’après une miniature de Marie Moulin et 15 compositions de F. Flameng et O. Cortazzo gravées à l’eau-forte par Mordant et Lucas.
Bouddha, par Jules Claretie (1888, in-18, couv. impr., 400 ex.), 1 frontispice et 10 vignettes de Robaudi gravés par A. Nargeot.
Mémoires du comte de Grammont, par Antoine Hamilton (1888, gr. in-8, couv. impr., 700ex.), 1 portrait et 33 compositions de C. Delort gravés au burin et à l’eau-forte par L. Boisson [les 200 premiers exemplaires sont illustrés en outre d’un fleuron de couverture et d’un portrait sur le titre], préface par H. Gausseron.
Ruy Blas, drame en cinq actes, par Victor Hugo (1889, gr. in-8, couv. impr., 500 ex.), 1 portrait et 15 compositions de Adrien Moreau gravés à l’eau-forte par Champollion ; il a été tiré en outre, pour Conquet, 1 exemplaire sur grand papier vélin et 1 exemplaire sur papier du Japon, avec les eaux-fortes en 3 états.





La Princesse de Clèves, par Madame de La Fayette (1889, in-8, couv. impr., 500 ex.), 1 portrait et 12 compositions de Jules Garnier gravés par A. Lamotte, préface par Anatole France ; il a été tiré en outre 1 exemplaire unique sur papier de Hollande contenant les dessins originaux et les épreuves d’artistes, et, pour Conquet, 1 exemplaire sur grand papier vélin avec les figures en 3 états.
Le Manteau de Joseph Olénine, par le vicomte E.-M. de Vogüé, de l’Académie française (1889, in-18, couv. impr., 100 ex., 200 ex. H.C.), portrait gravé par A. Lamotte ; il a été tiré en outre 8 ex. H.C. sur papier vélin blanc avec le portrait en 3 états.

« Depuis dix ans qu’il édite avec un savoir-faire remarquable et une délicatesse de sentiment d’art rare chez un faiseur de livres, Conquet nous a présenté, tirés à petit nombre, une vingtaine de vrais ouvrages de bibliophiles, auxquels rien ne manque sous le double rapport de la beauté et de la perfection de la forme. On ne peut y blâmer ni la bonne entente de l’imposition du texte, ni la richesse du papier, ni l’ordonnance des caractères de choix, ni même le nombre et le fini des gravures dues aux maîtres aquafortistes et burinistes de ce temps et toutes exécutées d’après des habiles compositions signées des premiers peintres de l’heure présente. – Nous ne trouverons donc rien à reprendre dans le bagage éditorial de l’ardent libraire de la rue Drouot ; il mérite à plus d’un titre de voir rougir sa boutonnière pour ne pas envier le ruban pourpre de ses confrères, car il a mis au jour des éditions impeccables, polies, affinées et d’un attrait indiscutable pour tous les amoureux du livre ; seulement il faut bien le dire, et ce serait notre grief, Conquet est resté obstinément traditionnaire ; dans l’art des jardins bibliographiques il n’a pas dépassé Le Nôtre ; c’est-à-dire qu’il s’est montré ami de l’alignement, du bien peigné, du ratissage et du correct à outrance sans ouvrir de nouvelles perspectives sur aucun des points du domaine livresque. – Il nous a dotés de vingt beaux ouvrages que nous avons tous, par sincère sympathie, revêtus de nos privilèges ; mais, au milieu de ces vingt volumes irréprochables comme la froide beauté vertueuse, il ne nous a pas encore permis d’applaudir à un seul livreORIGINAL, à un beau fils naturel de l’art et de la fantaisie, très irrespectueux du passé. » (O. Uzanne. « Les Libraires de bibliophiles ». In Le Livre moderne. Paris, Quantin, 1890, t. I, p. 89-90)

« Notre article sur le libraire-éditeur Conquet nous a attiré lettres et bavardages. L’opinion de nos correspondants et interlocuteurs semble être que nous avons été trop bienveillant pour Conquet, alors que celui-ci se montre en général si peu tolérant pour tout ce qui ne porte pas son estampille, et si féroce, paraît-il, – ceci nous importe peu, – pour le fondateur des Bibliophiles contemporains.
Nous répondrons aux uns et aux autres que les commérages de boutique sont trop au rez-de-chaussée pour notre jugement, que nous plaçons très au-dessus du niveau des concierges. Nous n’avons pas à apprécier la nature d’esprit ni la façon d’être de M. Conquet, mais à montrer le libraire et l’éditeur, ce que nous avons fait sans parti pris ; quant aux on dit et aux on répète, ces choses-là ne montent pas à nos assises, et nous n’en tiendrons, qu’on le sache bien, jamais compte dans nos futurs jugements bibliographiques et bibliopolesques. » (Ibid., p. 168)  






Reliure de Louis Dezé (1857-1930)
 
L’Abbé Tigrane candidat à la Papauté, par Ferdinand Fabre (1890, in-8, couv. impr., 501 ex., dont 1 ex. unique sur Hollande avec les dessins originaux et les épreuves d’artiste de Rudaux), 1 portrait d’après J.-P. Laurens et 20 eaux-fortes originales par E. Rudaux.

« Puisque je parle de Ferdinand Fabre, je ne puis guère me dispenser d’annoncer que le libraire Conquet vient d’éditer l’Abbé Tigrane, avec illustrations de E. Rudaux. – Les Conquettistes trouvent que « ça manque de femmes » dans l’illustration, mais en dehors de cette question qui vise un livre moins émoustillant que l’Élixir Godineau, les avis sont partagés sur l’interprétation. Je serais moi-même très partagé, si j’avais pu juger de cette dernière Conquetinade, dont je n’ai pas encore vu l’expression d’art, car je suis tenu à une absolue réserve vis-à-vis du libraire de la rue Drouot ; j’en ai dit au début trop de bien pour de parti pris en dire du mal et assez de mal depuis pour espérer jamais en redire du bien. Je pense que cet éditeur comprend le livre froid, le livre opportuniste, et comme je préfère le pire au médiocre, la droite ou la gauche au centre prudent, je subis toujours un peu d’humeur à la vue de l’imperturbabilité de ces belles gravures de prix Montyon qui décorent les livres de l’éditeur des Snobs-Bibliophiles. » (In Le Livre moderne. Paris, Quantin, 1890, t. II, p. 375)




Reliure de Champs
Hernani, drame en cinq actes, par Victor Hugo (1890, gr. in-8, couv. impr., 500 ex.), 1 portrait d’après Devéria et 15 compositions de Michelena gravés à l’eau-forte par Boisson ; il a été tiré en outre, pour Conquet, 1 exemplaire sur papier du Japon et 1 exemplaire sur papier vélin avec les eaux-fortes en 3 états.




Reliure de Meunier
Thérèse & Marianne, souvenirs de jeunesse, par Jules Michelet (1891, in-16, couv. impr., 400 ex.), 11 eaux-fortes originales par V. Foulquier ; il a été tiré en outre, pour Conquet, 8 ex. H.C. en grand papier vélin avec 3 états des gravures.


Vieille idylle, par Louis Morin (1891, in-16, couv. illustr., 300 ex. H.C.), 12 pointes sèches et 20 ornements typographiques par l’auteur ; il a été tiré en outre, pour Conquet, 10 exemplaires sur grand papier vélin blanc.

« Enfin, avant de clore ces hâtives notations bibliographiques, nous aurons un vif plaisir à admirer tout haut un délicieux petit livre de format in-16, intitulé Vieille idylle, texte et dessins de Louis Morin, dont nous avons déjà souventes fois vanté l’exquis talent si éminemment personnel.
Ce livre de Louis Morin a été publié par Conquet pour être en partie offert en cadeau à sa clientèle. Il est illustré de douze pointes sèches et de vingt ornements typographiques par l’auteur. Les pointes sèches sont des bijoux, d’adorables petites planches d’une saveur délicieuse, et nous voudrions pouvoir applaudir ici longuement et bruyamment à tout le mérite de ce joli petit livre en analysant le si curieux tempérament d’artiste de Morin. Mais nous y reviendrons, d’autant mieux que, dans cette même livraison, nos abonnés pourront admirer une piquante estampe en taille-douce dudit Morin : Les lecteurs à travers les âges.
Ah ! si Conquet nous offrait souvent des petits livres de ce goût-là, au lieu de ses confections de vignettes dues au burin polaire de Boisson et Cie, ce serait plaisir que de l’encourager … Mais tant qu’il fera des aciereries [sic] de keepsake, il nous sera difficile d’apporter quelque considération pour ses livres en congélation d’art. » ((In Le Livre moderne. Paris, Quantin, 1891, t. III, p. 51)





Dessin original gouaché de D. Vierge pour la couverture


L’Espagnole, par Emile Bergerat (1891, in-16, couv. illustr., 500 ex.), frontispice et 19 illustrations de Daniel Vierge gravées sur bois par Clément Bellenger.
Mémoires de Madame de Staal(Mademoiselle Delaunay) (1891, in-8, couv. impr., 600 ex.), 1 portrait et 30 compositions de C. Delort gravés au burin et à l’eau-forte par L. Boisson, préface par R. Vallery-Radot ; il a été tiré en outre 1 exemplaire unique sur papier de Hollande contenant les 30 dessins originaux de Delort, les eaux-fortes pures, les épreuves intermédiaires tirées par le graveur, les épreuves d’artiste des planches terminées et les épreuves des planches avec les noms des artistes.

« Quelques-uns de ces éphèbes bibliophiles, à mon arrivée à Bibliopolis, m’ont parlé avec des grâces de dilettantes d’une nouvelle édition des mémoires de Madame de Staël [sic], née Delaunay, avec illustrations de C. Delort, récemment éditée par le Keepsake-maker bien connu, jouxte l’Hôtel des Ventes, sous le nom du petit Conquet. – Vite, sans plus tarder, j’ai fait quérir cet ouvrage, et confortablement à l’aise, sous la lampe, auprès du feu, en situation de béate indulgence, je me suis apprêté à déguster comme une friandise ce succédané de Rouge et Noir et de la Chartreuse de Parme, jadis remis en lumière par le même impresario de la Burinomanie. […]
Donc je conseille aux jeunes bibliophiles d’être un peu plus sourds à ce qu’on leur distille dans l’oreille et un peu plus clairvoyants pour ce qu’ils sont invités à acquérir. – Qu’ils regardent et ne se laissent pas imposer des livres si discutables, des ouvrages aussi médiocres, dont la beauté non plus que les défauts n’ont d’outrance, mais dont le discrédit deviendra complet le jour où les amateurs seront tous mus par un sentiment d’art élevé qui leur fera comprendre que rien n’est aussi laid que le plat ou le banal et qu’un beau livre est constitué par des éléments de beauté souvent singuliers et hétérogènes, mais qui révèlent toujours de mille manières vivantes et parlantes à l’œil l’originalité et la recherche du publicateur.
Sur les ouvrages de M. Conquet, le regard du bibliophile patine sans rencontrer rien de passionnant ou de curieux, car il y gèle au-dessous de zéro. C’est propre, c’est net, c’est d’une mesquine correction de Snob, bien blanchi et empesé. Mais quant à être de l’art… Des petits navets, mes amis ! » (Ibid., p. 250 et 252)

« Que les directeurs [Société des Amis des livres] de ce volume [Lorenzaccio,d’Alfred de Musset] s’efforcent de ne pas faire du médiocre ; il leur est aisé d’atteindre le genre Conquet, propre, mou, creux, sans aucune expression digne de satisfaire les gens esthètes ; qu’ils s’appliquent, au contraire, à atteindre aux belles régions de l’art original, même au prix d’imperfections, et qu’ils choisissent un maître en dehors des mièvres illustrateurs qui ont fourré, – Daniel Vierge excepté, – des images de keapsake ou de Paroissien dans les éditions anémiques du petit grand homme de libraire de la rue Drouot. » (In Le Livre moderne. Paris, Quantin, 1891, t. IV, p. 371)





Reliure de Meunier
Exemplaire de Lucien Gougy

Le Myosotis, petits contes et petits vers, par Hégésippe Moreau (1893, gr. in-8, couv. illustr., 500 ex.), 134 compositions de Robaudi gravées sur bois par Clément Bellenger, préface par André Theuriet ; il a été tiré en outre, pour Conquet, 8 exemplaires sur papier vélin blanc, avec les tirages à part sur Chine, et 1 exemplaire sur papier vélin blanc avec des dessins originaux de Robaudi et des épreuves de graveur de Bellenger.





Reliure de Marius Michel

Le Petit Chien de la marquise, par Théophile Gautier (1893, in-16, couv. illustr., 500 ex.), 21 dessins de Louis Morin, préface par Maurice Tourneux.
Mariette, par Ludovic Halévy (1893, in-8, couv. illustr., 400 ex.), 40 compositions de Henry Somm.






Le Bibliomane, par Charles Nodier (1894, in-16, couv. illustr. [datée 1893], 500 ex.), 24 compositions de Maurice Leloir gravées sur bois par F. Noël, préface par R. Vallery-Radot ; il a été tiré en outre, pour Conquet, quelques exemplaires sur papier vélin blanc, de format in-8, dont 1 renfermant les fumés des gravure et orné d’une aquarelle originale de Leloir sur le faux-titre.





Reliure de Ruban

PastelsDix portraits de femmes–, par Paul Bourget (1895, gr. in-8, 200 ex.), 11 aquarelles de Robaudi et 35 de Giraldon.





Reliure de Chambolle-Duru

L’Aristénète français, par Félix Nogaret (1897, 2 vol. in-16, 150 ex.), 50 compositions de Durand gravées à l’eau-forte par Champollion.







Reliure de Meunier
Œuvres, par François Villon (1897, in-8, couv. illustr., 350 ex.), 90 illustrations de Albert Robida et 99 illustrations dans le texte en deux teintes, préface par Jules de Marthold.     

Parallèlement, Conquet publia également Jules Brivois : Bibliographie de l’œuvre de P.-J. Béranger (1876, 650 ex.), Bibliographie des ouvrages illustrés du xixe siècle, principalement des livres à gravures sur bois (1883, 900 ex.) et Essai de bibliographie des œuvres de M. Alphonse Daudet (1895, 220 ex.) ; Érastène Ramiro : Catalogue descriptif et analytique de l’œuvre gravé de Félicien Rops (1887, 550 ex.) ; et Henri Beraldi : Les Graveurs du xixe siècle (1885-1892, 12 vol. in-8), Estampes et livres  (1892, in-4, 1 front. et 38 pl., 390 ex.) et La Reliure du xixe siècle (1895-1897, 4 vol. in-8, pl., 295 ex.).

Dans l’arrière-salle de son magasin, Conquet s’était formé une bibliothèque personnelle composée, pour la plus grande partie, d’un choix de livres qu’il avait édités, en condition exceptionnelle, enrichis d’aquarelles, de dessins originaux, d’états particuliers, d’illustrations et d’autographes, revêtus de reliures somptueuses par Cuzin, Marius Michel, Mercier, etc.





In Le Livre, bibliographie rétrospective, 1889, p. 152

« Il avait, dans le fond de son magasin de la rue Drouot, si connu des bibliophiles, une bibliothèque composée des seuls ouvrages qu’il eût publiés, exemplaires de choix, avec états spéciaux, des gravures, autographes des auteurs et des artistes, volumes admirables, revêtus de reliures exquises par les maîtres relieurs de ce temps : Champs, Carayon, Chambolle, Duru, Cuzin, Marius-Michel. » (Jules Claretie. La Vie à Paris. 1898. Paris, Bibliothèque Charpentier, 1899, p. 138)






Sur le premier feuillet de garde de chacun de ses livres, Conquet avait collé son ex-libris, eau-forte de Champollion d’après un dessin de Giacomelli, représentant un moineau sur un tas de livres, dont le premier porte les initiales entrelacées « LC », supporté par un cartouche sur lequel est la devise « J’ouvre l’œil ».





4, rue Drouot

Le 17 décembre 1897, à 14 heures, Léopold Carteret, âgé alors de 25 ans, déclara, à la mairie voisine du IXe arrondissement de Paris, le décès de son ami Conquet, arrivé en son domicile, 4 rue Drouot [en face de sa librairie], à 5 heures. Malade depuis deux ans, paralysé et ne s’exprimant plus qu’avec une difficulté extrême, il avait succombé à une hémorragie cérébrale, âgé seulement de 49 ans. Le 20 décembre suivant, malgré la coïncidence de ses obsèques avec celles d’Alphonse Daudet, une foule considérable envahit l’église Notre-Dame-de-Lorette, avant de se retrouver en grande partie à Versailles, où il fut inhumé.

Un libraire parisien aurait offert 100.000 francs pour la bibliothèque : cette proposition ne put être acceptée, le défunt, dans ses dernières volontés, ayant formellement affirmé vouloir que ses livres soient soumis au feu des enchères. La vente, qui eut lieu à l’Hôtel Drouot du 28 au 30 mars 1898, procura 150.000 francs : Catalogue des livres modernes composant la bibliothèque particulière de feu M. L. Conquet, éditeur, libraire de la Société des Amis des Livres (Paris, A. Durel, 1898, in-4, 114 p., 447 lots).
Parmi les prix supérieurs à 1.000 francs :

Éditions Conquet.

15. Gautier (Théop.). Mademoiselle Maupin, mar. v. de Cuzin, sur Japon, eaux-fortes en 3 états et 1 aquarelle de Toudouze : 2.020 fr.
22. Theuriet (André). Sous-Bois, mar. bl. de Chambolle-Duru, sur Chine, avec les fumés, 2 aquarelles originales de Giacomelli et let. Aut. des auteur et artiste : 1.700 fr.
54. Halevy (Lud.). Trois Coups de Foudre, mar. or. de Marius Michel, sur Japon, eaux-fortes en 3 états, 69 aquar. orig. de divers, let. aut. : 1.550 fr.
77. Hamilton. Mémoires du Comte de Grammont, mar. r. de Cuzin, sur Japon, eaux-fortes en 3 états avec 1 aquar. orig. de Delort : 1.900 fr.
109. Mémoires de Madame de Staal, mar. bl. de Mercier, sur Japon, eaux-fortes en 3 états : 1.100 fr.
151. Bourget (Paul). Albums pour Pastels, 18 croquis originaux, 4 croq. refusés, 383 epr. fig. et port. et nomb. let. aut. des auteurs et artistes : 1.050 fr.
153. Nodier (Ch.). Le Dernier Chapitre de mon Roman, exemplaire unique tiré sur placage de sycomore, veau fauve de Mercier doublé : 2.350 fr.
197. Dumas fils (Alex.). Théâtre, etc., P. C. Lévy et Conquet, 1890-1894, d. rel. de Champs, sur pap. de Hollande, 3 états des gravures, 9 aquar. orig. de Robaudi, autog. des auteurs et artistes : 1.200 fr.

Publications des Amis des Livres.

204. Mérimée. Chronique du règne de Charles IX, P., Amis des Livres, 1876, mar. bl. de Cuzin : 1.905 fr.
211. Boufflers. Aline, reine de Golconde, P., Amis des Livres, 1887, mar. bl. doublé de Cuzin : 1.380 fr.
215. Voltaire. Zadig, P., Amis des Livres, 1893, mar. v. doublé de Mercier : 2.300 fr.

Livres illustrés du xixe siècle.

255. Chants et Chansons populaires de la France, Delloye et Garnier frères, 1843, d. rel. de Mercier, avec toutes les couv. des livr. et vol. : 1.900 fr
277. Droz (Gust.). Monsieur, Madame et Bébé, P., Havard, 1878, mar. bl. doublé de Marius Michel, sur pap. de Chine : 1.900 fr.
279. Dumas fils (Alex.). Les Trois Mousquetaires, P., C.-Lévy, 1894, sur Japon avec les fumés sur Chine et 1 aquar. orig. de Maurice Leloir : 3.520 fr.
281. Dumas fils (Alex.). La Dame aux Camélias, P., M.-Lévy frères, 1872, en ff. s. pap. de Hollande avec 30 aquar. orig. de divers : 1.135 fr.
305. Goncourt (E. et J. de). Germinie Lacerteux, P., pour Paul Gallimard, 1890, suites de Raffaelli (eaux-fortes) et de Jeanniot ajoutées : 1.105 fr.
367 bis. Musset (A. de). Lorenzaccio, P., impr. pour M. Paul Hebert, 1897, avec 32 aquar. de Robaudi : 1.130 fr.
424. Theuriet. La Vie Rustique, P., Launette, 1888, mar. doublé de Marius Michel, sur pap. de Chine, avec tous les fumés : 5.600 fr.


(Coll. B. Hugonnard-Roche)

« Il n’aura pas vu, le pauvre Conquet, ses derniers livres, livres hier parus, et qu’il préparait de ses mains mourantes, Daphnis et Chloé, une chose charmante, et les Dimanches parisiens de Louis Morin, un chef-d’œuvre plein d’eaux-fortes originales de Lepère. Il n’aura pas eu non plus cette dernière joie que M. Henri Boucher, ministre du Commerce, allait lui faire en accomplissant un acte de justice : Conquet allait, en effet, être nommé chevalier de la Légion d’honneur, pour avoir supérieurement représenté la librairie française à l’Exposition de Bruxelles. » (Jules Claretie, Ibid., p. 138-139)
    

   


LE COLPORTEUR DU LIVRE: Le code du manuscrit Voynich enfin décrypté

À la recherche de la bibliothèque de Longepierre

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Hilaire-Bernard de Requeleyne, baron de Longepierre et seigneur de La Villeneuve, naquit à Dijon le 18 octobre 1659, place Saint-Michel, dans l’hôtel de ses parents, Michel de Requeleyne, maître des comptes, et Oudette de Mouhy. Il fut baptisé le lendemain :

« Hilaire Bernard fils De Mr  Maistre Michel Derequelaine Conseiller du Roy et Maistre ordinaire en sa chambre des Comptes à Dijon et Dame-Dame oudette Demouy fut Baptisé le mardi Dixneufvieme jour D’octobre 1659. Ses parrin et marrine Me Hilaire Bernard Demouhy Conseiller du Roy et trésorier de France en la généralité de Bourgogne et Bresse et Damoiselle Guyette Canabolin feme de Me Benigne Demouhy Baron de longepierre. » [sic]    

La famille de Requeleyne était de vieille souche bourguignonne. Les seigneuries de Longepierre et de La Villeneuve s’étendaient sur les territoires des villages de mêmes noms, dans le département actuel de Saône-et-Loire.

Les armoiries des Requeleyne étaient « d’azur à une toison d’or suspendue à une nuée d’argent surmontée de deux étoiles d’or ».



Élève du collège des Jésuites, dit le Collège des Godrans [aujourd’hui Bibliothèque municipale], Longepierre eut de bonne heure une passion pour l’étude des auteurs grecs et latins ; en outre, son père l’engagea à cultiver la poésie française.
Il devint auteur à l’âge de 25 ans, en publiant, anonymement, Les Poésies d’Anacréon et de Sapho traduites de grec en vers françois (Paris, Pierre Emery, 1684), puis continua de donner plusieurs traductions de poètes grecs et même quelques ouvrages de son fonds : des trois tragédies qu’il donna au théâtre, on cite surtout Médée (Paris, Aubouyn, Emery, Clouzier, s.d. [1694]), la seule qui fut imprimée, la même année que sa représentation, et qui fut signalée avec éloge par Voltaire.





Aeschyli Tragoediae VII. Genève, Henri Estienne, 1557, in-4.


Mais ce fut l’amour des livres qui contribua plus à sa notoriété que ses médiocres pièces de théâtre :

« Sa noblesse était son seul mérite ; si toutefois c’en est un. Il savait un peu de grec et de latin, s’admirait beaucoup lui-même à défaut des autres, rimait des traductions françaises plates et verbeuses, amplifiait des tragédies antiques, et faisait un tout fort vain, fort sot et fort ennuyeux. On était tenté de s’endormir dès qu’il ouvrait la bouche. » (Mémoires du cardinal Dubois. Paris, Mame et Delaunay-Vallée, 1829, t. III, p. 128)


Longepierre, par François de Troy
Paris, Hôtel Drouot, vente A. Degeuser, 13 mai 1898 : 6.000 fr.


Dans sa Bibliothèque des auteurs de Bourgogne (Dijon, Marteret, 1742, t. I, p. 414), le chanoine Philibert Papillon dit de Longepierre :

« Il a été successivement Précepteur de M. le Comte de Toulouse, & de M. le Duc de Chartres, depuis Duc d’Orléans & Régent du Royaume ; ensuite Secretaire des Commandemens de M. le Duc de Berry, & enfin Gentil’homme Ordinaire de M. le Duc d’Orléans. » [sic]

Papillon n’a pas été bien instruit à cet égard : ce fut en qualité d’homme de lettres que Longepierre fut placé auprès de Louis-Alexandre de Bourbon (1678-1737), comte de Toulouse, – d’où il fut chassé pour avoir entêté le comte d’épouser mademoiselle d’Armagnac –, puis auprès de Louis d’Orléans (1703-1752), duc de Chartres et fils du futur Régent. Après la mort du duc de Berry, Longepierre continua de faire sa cour au duc d’Orléans, mais ne fut point son Gentilhomme ordinaire, si on en croit les états de la maison de ce prince.

Le duc de Saint-Simon a parlé plusieurs fois, de façon malveillante, du baron de Longepierre, tout dévoué au duc de Noailles, rival du duc de Saint-Simon dans la faveur du Régent :

« Le bel esprit, les vers, le dos des livres lui [duc de Noailles] servirent à raccrocher Longepierre, rat de cour, pédant, à qui un homme comme le duc de Noailles tournait la tête, et qui se trouva heureux qu’il eût oublié, ou voulu oublier, qu’il avait eu, malgré ses soins et ses services, une charge chez madame la duchesse de Berry. Longepierre se fourrait où il pouvait à l’ombre du grec et des pièces de théâtre. Il était fort bien avec madame la duchesse d’Orléans et avec M. du Maine. Noailles voulait tirer d’eux par lui, et par lui être vanté à eux ; la voie était fort sourde et immédiate, et il eu sut tirer parti, parce que Longepierre avait plus d’esprit que d’honneur, et qu’il voulait faire fortune. C’est ce qui le jeta dans la suite à l’abbé Dubois, qui en fit le même usage que Noailles, et à l’égard des mêmes personnes, et qui, pour cela, pardonna sans peine à ce poëte, orateur, géomètre et musicien, pédant d’ailleurs fort maussade, d’avoir emporté sur lui une charge qu’il ne pouvait déjà plus regretter. » [sic] (Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon sur le siècle de Louis XIV et la Régence. Paris, Garnier frères, 1853, t. XXIII, chap. CCCXCIII, p. 86-87)      

En 1703, Longepierre épousa Marie-Élisabeth Raince († 3 novembre 1721), fille d’un secrétaire du Roi, qui lui apporta plus de 200.000 livres, mais ne lui donnera pas d’enfant.
À son mariage, il y avait chez lui, faubourg Saint-Honoré :

« Douze cent volumes de livres qui sont en deux tablettes du grand cabinet et dans douze tablettes garnies de drap vert à clouds d’or avec des rideaux d’étoffe de la même couleur, et tous ces livres vallant sept à huit mille livres. » [sic]






Horace. Opera. Leyde, ex officina Elzeviriana, 1628, in-16
Paris, Christie's, 8 novembre 2004 : 4.935 €


Les ouvrages qui ont appartenu à Longepierre étaient presque tous reliés en maroquin rouge ou bleu, généralement doublé de maroquin de même couleur ou vert, ornés de l’emblème de l’Ordre de la Toison d’or [toison d’un bélier suspendue par le milieu du ventre], et sortaient des mains de Luc-Antoine Boyet, de Antoine-Michel Padeloup « le jeune » et parfois de Augustin Duseuil, relieur du duc et de la duchesse de Berry.





Tournefort. Relation d'un voyage du Levant. Paris, Impr. royale, 1717, in-4

Les simples « veau brun » sont parfois timbrés de son fer, ou portent sa signature ou son ex-libris sur papier.







Ce n’est pas à cause du succès de sa tragédie de Médée qu’il avait pris comme signe distinctif une toison d’or suspendue par le milieu du ventre, – Médée était la femme de Jason, qui avait conduit l’expédition des Argonautes pour conquérir la Toison d’or du Jardin des Hespérides –, mais parce qu’elle figure tout simplement dans ses armes.

Longepierre mourut à Paris le 30 mars 1721 : il avait légué ses livres à Louis-Antoine de Noailles (1651-1729), archevêque de Paris puis cardinal, avec lequel il était lié d’amitié.


Huit ans après Longepierre, le cardinal mourut à son tour : il avait fait son légataire universel son neveu Adrien-Maurice de Noailles (1678-1766), comte d’Ayen et duc de Noailles, maréchal de France, qui reçut la bibliothèque.


La vente d’une partie de ses livres, le 11 juillet 1740, se fit à prix marqués : le Catalogue des livres de la bibliothèque de M***. (Paris, Gandouin et Piget, 1740, in-8, [2]-178 p., 2.412 lots) ne contient pas la bibliothèque de Longepierre.

À la Révolution, l’hôtel de Noailles, rue Saint-Honoré, presque en face de Saint-Roch, fut pillé. Les livres ont-ils été pris ou détruits en partie ? Ils ne figurent pas non plus dans le Catalogue abrégé des livres de la bibliothèque de Noailles, dont la vente se fera rue des Pères n° 29, le 22 vendémiaire an IV [14 octobre 1795]. C’est pourtant à cette époque que le révérend Clayton-Mordaunt Cracherode (1730-1799) put en choisir et transporter à Londres quelques exemplaires pour sa bibliothèque d’environ 4.500 volumes, qu’il légua au British Museum.





Guarini. Il Pastor fido. Paris, Cramoisy, 1650, in-4.
Paris, 19 novembre 2012 : 4.000 €


Depuis qu’ils sont en circulation, les livres à la Toison d’or ont été recherchés par les bibliophiles les plus difficiles : baron Jérôme Pichon, comte de Sauvage, baronne James de Rothschild, vicomte de Savigny, marquise de l’Aigle, duc d’Aumale, Jean-Charles Motteley, Damascène Morgand, Ambroise Firmin Didot, Guyot de Villeneuve, Louis de Montgermont, comte de Lurde, baron de Ruble, Roch de Tollon, Adolphe Bordes, La Roche Lacarelle, Félix Solar, Félicie Dosne, Eugène Dutuit, José-Maria de Heredia, Pixerécourt, etc.





Junii Juvenalis et auli Persii Flacci Satyrae.
Lyon et Rotterdam, Hackius, 1664, in-8


« Les reliures de la bibliothèque de Longepierre, remarquables par les insignes de la Toison-d’Or dont elles sont décorées, jouissent du même crédit auprès des amateurs que celles qui annoncent les livres de Groslier, du président de Thou, du comte d’Hoym, etc. Elles sont, en général, d’une grande perfection dans leur simplicité, et, cette bibliothèque, d’un choix admirable, ne paraissant pas avoir été jamais fort étendue, elles se présentent très rarement dans les ventes. » [sic] (Charles Nodier. Bibliothèque de M. G. de Pixerécourt. Paris, 1839, p. 1) 

À la vente Parison, en 1856, le Télémaque (Paris, F. Delaulne, 1717, 2 vol. in-12, maroquin bleu) de Longepierre, qui n’avait coûté que 30 francs au défunt, fut l’objet d’une lutte acharnée entre un riche financier et Jacques-Charles Brunet : ce dernier finit par l’emporter pour 1.785 francs, prix considéré comme un caprice extravagant à l’époque.





Florus. [Histoire romaine]. Lugd. Batav., apud Elzevirios, 1638, in-12.
Librairie Amélie Sourget, cat. n° 2, automne 2013 : 7.500 € 


Des Elzévirs de la bibliothèque de Longepierre, que collectionnait Motteley, brûlèrent dans l’incendie de la Bibliothèque du Louvre en 1871.




Parison, le roi des bouquineurs

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Jean-Pierre-Agnès Parison est né à Nantes, rue du Chapeau-Rouge, le 3 novembre 1771 :


Nantes au XVIIIe siècle
« Le quatre de novembre mille sept cent soixante onze a été baptisé par moy vicaire soussigné jean pierre agnes né Dhier fils De jean parison, procureur sur une habitation de Lamerique et De jeanne martin Desbarres son epouse Demeurant rue Du chapeau rouge, ont ete parrein pierre Le fort oncle De Lenfant et marreine agnës Dubreuïl veuve De Messire françois philippe galbaud seigneur Dufort conseiller Du roy et maistre orDinaire en sa chambre Des comptes De bretagne Lesquels ont signé avec nous Le pere absent «  (Nantes, paroisse Saint-Nicolas)

Six mois avant sa naissance, son père, colon à l’île de Saint-Domingue [Haïti], avait quitté la Bretagne pour retourner en Amérique. Avant l’âge de cinq ans, il eut le malheur de perdre sa mère.







Fils unique, le jeune Parison fut confié aux soins de son oncle et parrain qui, en 1781, l’envoya au collège de Juilly (Seine-et-Marne), qui avait été fondé par les Oratoriens et qui abritait le tombeau du cardinal Pierre de Bérulle (1575-1629). Il perdit son père en 1788, mort en mer alors qu’il revenait en France, qui avait liquidé ses affaires à Saint-Domingue : les désastres de l’île et les remboursements faits en assignats réduisirent considérablement par la suite  l’assez belle fortune initiale. À sa sortie du collège, en 1789, il vint habiter Paris, à l’hôtel du Languedoc, rue de Grenelle-Saint-Honoré [partie sud de la rue Jean-Jacques Rousseau, Ier], dans le petit appartement du 4eétage qu’avait occupé Jean-Jacques Rousseau de 1749 à 1756.
Au bout de quelques mois, il abandonna des études de médecine pour celles des beaux-arts, et entra comme élève dans l’atelier du célèbre peintre David. Mais, appelé sous les armes en 1793, il dut rejoindre le 47e régiment d’infanterie, dans le département du Nord, fut gravement blessé dans le bois l’Evêque, près de Landrecies, le 9 germinal an II [29 mars 1794]. Transporté à Paris, il se rétablit de sa blessure et se livra uniquement aux études littéraires, se composant une bibliothèque où dominaient les auteurs classiques grecs et latins. Dirigé par son ami Chardon de La Rochette, il devint un bon helléniste et un critique plein de sagacité.
Correcteur d’épreuves minutieux, le très savant Parison n’a jamais pu se résoudre à écrire un livre ; il était le premier à engager les autres à en composer, et même, pour les décider à publier ceux qu’ils avaient en portefeuille, il a consenti plus d’une fois à en être l’éditeur. Resté célibataire, il consacra une grande partie de sa vie au culte de l’amitié.

« M. Parison, à qui nous avons déjà eu occasion, dans le Catalogue des Livres imprimés sur Vélin, et dans la Notice sur Colard Mansion, de témoigner notre reconnoissance, pour les divers renseignemens qu’il a bien voulu nous donner, vient de nous communiquer encore une des nombreuses pièces manuscrites dont il a enrichi sa bibliothèque, qu’il a formée avec autant de goût que de connoissance. » ([J. Van Praet]. Recherches sur Louis de Bruges, seigneur de la Gruthuyse. Paris, De Bure frères, 1831, p. 88-89)      

Par amitié pour Jacques-Charles Brunet, il s’est imposé la révision des épreuves de toutes les feuilles de la 1èreédition du Manuel du libraire :

« Je nommerai sur-tout M. Parison, littérateur très-instruit, qui cultive dans le silence du cabinet les lettres grecques et latines, et qui fait son délassement de l’étude de l’histoire littéraire. Il a bien voulu revoir toutes les épreuves de mon Dictionnaire, et me faire de judicieuses observations, dont je me suis empressé de faire usage. C’est à lui que je suis redevable de la connaissance de M. Chardon de la Rochette, son savant ami, qui, à sa considération, m’a fourni une note très-curieuse sur les premières éditions d’Eschyle. » (J.-C. Brunet. Manuel du libraire et de l’amateur de livres. Paris, Brunet et Leblanc, 1810, t. I, p. xiij)

Il s’est également chargé de revoir les trois autres éditions du même ouvrage et celles des Nouvelles recherches, complément provisoire de la 3eédition :

« Il est surtout une dette que la reconnaissance et l’amitié me font un devoir bien doux d’avouer publiquement ; je veux parler du service essentiel qu’a consenti à me rendre de nouveau un littérateur aussi instruit que modeste, en se chargeant de lire une épreuve de chacune des feuilles des trois premiers volumes de cette seconde édition, de même qu’il l’avait déjà bien voulu faire pour la première. On voit qu’il s’agit de M. Parison, à qui d’autres personnes que moi sont également redevables d’une complaisance aussi obligeante. » (J.-C. Brunet. Manuel du libraire et de l’amateur de livres. Paris, Brunet, 2eéd., 1814, t. I, p. viij)

« Pour suppléer à mon insuffisance j’ai eu encore une fois recours à l’inépuisable complaisance d’un ami qui a bien voulu me seconder dans la lecture de toutes les épreuves de ces trois volumes :la coopération de M. Parison à cette partie de mon travail est sans contredit la meilleure garantie que je puisse offrir au lecteur. » (J.-C. Brunet. Nouvelles recherches bibliographiques, pour servir de Supplément au Manuel du libraire et de l’amateur de livres. Paris, Silvestre, 1834, t. I, p. xj)

Parison méritait bien cette mention particulière. C’était l’ami le plus cher de Brunet, son conseiller le plus sévère, comme l’un des plus intelligents ; aussi voulut-il, en toutes les occasions, lui en témoigner sa reconnaissance. Dès 1850, dans son premier testament, il lui léguait un diamant de 5.000 francs. En 1853, il changeait ce premier legs en une rente annuelle de 1.000 francs sur l’Etat, et la somme de 2.000 francs, une fois payée. En 1856, Brunet acquittait sa dette à l’amitié en consacrant une notice détaillée, en tête du catalogue de la vente de ses livres, à celui qu’il venait de perdre, le 16 septembre 1855, et accompagner au cimetière du Montparnasse.  

Parison commença à former sa bibliothèque en 1789. Pendant quelques années, il n’acheta que les plus beaux exemplaires des meilleures éditions des bons ouvrages. Puis, peu favorisé des dons de la fortune, – son revenu annuel atteignait à peine 4.000 francs, sur lequel il avait à prélever un loyer de 1.000 fr. et les gages d’une servante –, il fut forcé de restreindre ses acquisitions et prit l’habitude d’aller chaque jour visiter les étalages des bouquinistes, où il eut plusieurs fois le bonheur de mettre la main sur des curiosités bibliographiques.





Quai des Grands-Augustins en 1858

Son royaume s’étendait depuis le pont Saint-Michel, près duquel était sa résidence, jusqu’au pont Royal ; là il donnait ses audiences fortuites à ses amis : Chardon de la Rochette, Van Praet, Dibdin, Alexandre Barbier, Boulard, Héber, Bruun-Neergard, Quatremère, etc.

On trouvait dans sa bibliothèque les bonnes éditions des auteurs classiques grecs et latins, un certain nombre de livres annotés par des savants, l’exemplaire de Montaigne de J. Caesaris commentarii (Anvers, Plantin, 1570, in-8), des exemplaires ayant appartenu à Pierre-Daniel Huet (1630-1721), évêque d’Avranches, auquel Parison avait voué une sorte de culte, de précieuses reliures recommandées par les noms de Grolier, de Maioli, les armes de Henri II, Henri III, Henri IV, Marie de Médicis, J.-A. de Thou, du connétable de Montmorency, du cardinal de Richelieu, du comte d’Hoym, de madame Chamillart, de Longepierre, de madame de Pompadour, d’autres reliures de Le Gascon, de Duseuil, de Boyet, de Padeloup, de Derome, de Bradel l’aîné et de Bauzonnet-Trautz, plusieurs livres rares imprimés en Chine, etc.


La bibliothèque fut vendue, en 20 vacations, du 25 février au 18 mars 1856, en son domicile du 7 quai des Augustins (VIe) : Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. Parison, homme de lettres (Paris, Henri Labitte, 1856, in-8, [8]-XVI-262 p., 2.694 lots + 7 manuscrits de la main de Parison + 34 articles omis). La Théologie embrasse 270 numéros, la Jurisprudence 37, les Sciences et Arts 280, les Belles-Lettres 1.013 et l’Histoire 1.094.




Ex-libris manuscrit

4. Biblia sacra ad septuagenta interpretum fidem diligentissime translata. Basileae, 1526, in-4, mar. noir. Ex. aux armes de Henri II, dont on voit le chiffre et celui de Diane de Poitiers entrelacés, tant sur le plat du livre que sur la tranche. On y remarque encore les arcs, le carquois et le croissant. Les deux écussons des armes de France sont en mar. citron ; un seul est doré. Assez mal conservée : 220 fr. (achetée 3 fr. en 1820 sur le pont Notre-Dame).
14. Psalterium Davidicum, cum aliquot canticis ecclesiasticis. Parisiis, 1555, in-16, mar. n. à compart., tr. dor. et gaufrée. Les armes de Montmorency, les lettres A et M qui se voient sur le titre et sur la couv. indiquent que ce livre de prières a été imprimé pour le connétable Anne de Montmorency : 250 fr. (acheté 65 c. en 1827 sur le quai de l’Ecole).
15. Liber psalmorum, cum aliquot canticis ecclesiasticis. Parisiis, G. Chaudière, 1582, lavé, réglé, mar. Ex. à la reliure de Henri III, avec les fleurs de lis, la tête de mort, la devise « spes mea Deus » et les reposoirs sur les plats : 159 fr. (acheté 1 fr. 25 c. chez un fripier au Marais en 1850).
23. Paraphrase des psaumes de David (en vers français), par Antoine Godeau. Paris, J. Camusat, 1648, in-4, mar. rouge, doublé de mar. dent. et compart. à petits fers. Magnifique rel. de Le Gascon : 180 fr. (acheté 2 fr. sur le quai de l’Ecole).
38. Novum Jesu Christi Testamentum vulgatae editionis. Parisiis, typogr. regia, 1649, 2 vol. in-12, mar. bleu double de mar. rouge, dent., lavé, réglé. Superbe exemplaire : 86 fr. (acheté 12 fr.).
83. L’Office de la semaine-sainte, à l’usage de la maison du roy. Paris, J. Collombat, 1726, pet. in-12, mar. Charmante rel. à petits fers, aux armes de Louis XV : 60 fr. (acheté 1 fr. 25 c. sur le Pont-Neuf en 1847).
103. Philonis Judaei opera, gr. et lat., notis et observat. Illustravit Th. Mangey. Londini, 1742, 2 vol. in-fol., v. fauve, fil. Ex. de Villoison : 260 fr. (acheté 111 fr. à la vente Clavier en 1818).
161. Elévations à Dieu sur tous les mystères de la religion chrétienne, ouvrage posthume de messire J. Bénigne Bossuet. Paris, J. Mariette, 1727, 2 vol. in-12, mar. rouge. Anc. rel., bel ex. : 160 fr. (acheté 6 fr.). 
176. Les Provinciales, par Blaise Pascal. Cologne, 1685, in-12, mar. rouge, doublé de mar. r., dent. Ex. aux armes de madame de Chamillart : 350 fr. (acheté 10 fr. à l’étalage de Dabin en 1828).
177. Les Provinciales, par Blaise Pascal, avec les notes de G. Wendrock (Nicole). Cologne, 1700, 2 vol. in-12, lavés, réglés, mar. bleu doublé de mar. rouge, dent. Aux armes de madame de Chamillart : 355 fr. (ex. donné à Parison).
240. Explication des maximes des saints sur la vie intérieure, par messire Fr. de Salignac Fénelon, archevêque duc de Cambray. Paris, Auboin, 1697, in-12, mar. r. fil. Ex. aux armes de Godet Desmarais, évêque de Chartres, chargé de notes de la main de ce prélat, l’un des examinateurs du livre de Fénelon, avec Bossuet et le cardinal de Noailles : 240 fr. (acheté 1 fr. en 1811).
371. Boethii consolatio philosophiae libri quinque cum notis variorum. Lugduni Batavorum, 1671, in-8, mar. bleu, fil. Très bel ex. relié par Derome : 93 fr. (acheté 15 fr. 60 c. en 1799).
462. Plinii historiae libri XXXVII, ex editione J. Dalechampii. Francof., 1608, gr. in-8, mar. r. Ex. de De Thou : 100 fr. (acheté 5 fr. sur le quai Voltaire en 1820).
525. Gemini elementae astronomiae, gr. et lat. Lugd. Batav., 1603, pet.in-8, mar. rouge, fil. Aux armes de De Thou : 80 fr. (acheté 10 fr.).
535. Flavii Vegetii, Frontini et aliorum libri de re militari, à Fr. Modio emendati. Coloniae, 1580, in-8, mar. br. À la reliure de Henri III, les fleurs de lys, la tête de mort, la devise « Spes mea Deus » et les reposoirs sur les plats : 68 fr.
575. Cento giuochi liberali e d’ingegno, novellamente da Ringhieri ritrovati, ed in dieci libri descritti. Bologna, 1551, in-4, vél. Ce livre a appartenu à Montaigne, dont on voit la signature au bas du frontispice : 89 fr. (acheté 1 fr. 50 c.). Aujourd’hui à la B.n.F.
638. Glossarium ad scriptores mediae et infimae graecitatis, auctore Dufresne Du Cange. Lugd., 1688, 2 tomes en 1 vol. in-fol., v. f. Bel ex. : 93 fr. (acheté 30 fr.).
687. Dictionnaire étymologique de la langue française, par Ménage. Paris, 1750, 2 vol. in-fol., v. fauve, tr. d., Padeloup : 220 fr. (acheté 60 fr.).

744. Recueil de diverses oraisons funèbres, harangues, discourse et autres pièces d’éloquence. Lille, 1695, 4 vol. in-12, mar. rouge. Ancienne rel. : 251 fr. (acheté 16 fr.).
763. Poëtae graeci principes heroïci carminis, et alii nonnulli. Excudebat Henricus Stephanus, 1566, in-fol., lavé, réglé, mar. vert, compart. et dorures à petits fers. Magnifique ex. : 641 fr. (acheté 122 fr. à la vente Firmin Didot).
764. Florilegium diversorum epigrammatum in septem libros. Venundantur Badiae, 1531, pet. in-8, rel. en carton. Ex. avec la signature de Montaigne : 69 fr. (acheté 1 fr.). Aujourd’hui à la B.n.F.
776. Sapphus poëtriae Lesbiae fragmenta et elogia, gr. et lat., curâ Ch. Wolfii. Londini, 1733. = Poëtriarum octo Erinnae, Corinnae, etc., fragmenta et elogia, gr. et lat., curâ Wolfii. Hamburgi, 1734. = Mulierum graecarum quae oratione prosâ usae sunt fragmenta, gr. et lat., curâ Wolfii. Gottingae, 1739. Ensemble 3 vol. in-4, mar. rouge. Magnifique ex. en grand papier : 522 fr. (acheté 151 fr. à la vente Maucune en 1799).
793. Eudociae Augustae Homero-Centones. Manuscrit in-8, mar. rouge, tr. gaufrée. Manuscrit grec sur papier exécuté en 1550 par Vergèce ; le titre est en lettres d’or : 805 fr. (acheté 50 fr. , provient de Brotier).






871. P. Virgilii Maronis opera (ex recensione Danielis Heinsii). Lugd. Batav., ex officinâ Elzevirianâ, 1636, pet. in-12, mar. bleu doublé de mar. citron, dent. int. Un des ex. les plus grands connus (hauteur 128 mm.) : 600 fr. (acheté 40 fr. en 1792).
884. Horatius Flaccus, accedunt Rutgersii lectiones Venusinae. Traj. Batav., 1699, pet. in-12, mar. rouge, fil., lavé, réglé. Rel. de Padeloup : 160 fr. (acheté 12 fr. à la vente Crozat en 1813).
958.ΠΑΝΟΠΛΙΑ omnium illiberalium mechanicarum aut sedentiarum artium genera continens, accesserunt imagines omnium artificum, per Hartman Schopperum. Francof. ad Moenum, 1568 (impensis Sigism. Feyrabendii), pet. in-8, fig. en bois, par Jost Amman de Zurich, mar. vert, compart., petits fers. Première édition. Cet ex. a accompagné dans ses voyages J. Dupuis qui en avait fait son album, sur lequel se sont inscrits un grand nombre de savants et d’hommes distingués : 1.000 fr. (acheté 6 fr. dans la cour Saint-Martin chez un bouquiniste, par By, accoucheur, et cédé à Parison en 1804 en échange de quelques livres estimés 9 fr.).







1.008. Les Faitz et Dictz de feu de boñe mémoire maistre Jehan Molinet, contenant plusieurs beaulx traictés, oraisons et champs royaulx, comme l’on pourra facillement trouver par la table qui s’ensuyt. On les vend à Paris, en la rue Saint-Jacques, à l’enseigne de la Fleur de Lys d’or, chez Jehan Petit, 1537, in-8, goth., mar. bleu, fil., Bauzonnet-Trautz : 131 fr. (acheté 48 fr.).
1.028.Œuvres poétiques de Mellin de Saint-Gelais. Lyon, De Harsy, 1574, in-8, v. br. Avec le commentaire manuscrit en marges de La Monnoye : 460 fr. (acheté 5 fr. 65 c. à la vente Laujon en août 1811).        
1.059. La Religion, poëme par M. Racine. Paris, Coignard, 1742, pet. in-12, v. marbré à compart. fil. tr. dor. Chef-d’œuvre de reliure simple et élégante (les plats représentent un parterre de jardin) : 52 fr. (acheté 2 fr. 75 c. sur le pont Saint-Michel).


1.153. Plauti comoediae. Amstelod., Jansson, 1629, in-24, mar. rouge, fil. Ex. aux armes du cardinal de Richelieu : 108 fr. (acheté 2 fr. 50 c.).






1.185. Le Misantrope, comédie de J.-B. P. de Molière. Paris, J. Ribou, 1667, in-12, fig., mar. bleu de Bauzonnet-Trautz. Première édition : 63 fr. (acheté 25 c. puis relié).
1.208. Heliodori Æthiopicorum libri X, gr. et lat., emendavit J. Bourdelotius. Lutetiae, 1619, in-8. Mar. rouge, rel. à petits fers par Le Gascon. Ex. d’une conservation parfaite : 370 fr. (acheté 10 fr. chez Blondel, place Saint-Germain-l’Auxerrois).
1.214. Narrationes amatoriae fragmentum è graeco (Achillis Tatii) in latinum conversum, Annibale Cruccio interprete. Lugd., 1544, in-8, mar. bleu, réglé. Avec le nom de Maioli sur le plat (en mauvais état) : 85 fr. (acheté 30 c.).





1.232. Suite du quatrième livre de l’Odyssée d’Homère, ou les Avantures de Télémaque, fils d’Ulysse, par Fénelon. Paris, Cl. Barbin, 1699, v. j., 208 p. Edition originale : 55 fr. (acheté 2 fr.).
1.233. Les Aventures de Télémaque, par Fénelon. Paris, Flor. Delaulne, 1717, 2 vol. in-12, fig. et portrait, mar. bleu, fil. Ex. de Longepierre : 1.700 fr. (acheté 30 fr. chez Passart, au Louvre, en 1802).
1.402. Petronii satyricon, cum fragmento, accedit diversorum poëtarum in Priapum lusus, cum notis variorum, curante Hadrianide. Amstelod., 1699-71, 3 parties en 1 vol. in-8, mar. rouge, fil., Derome : 89 fr. (acheté 36 fr.).
1.421.Adagia, sive proverbia Graecorum, gr. et lat., edita ab Andreo Schotto. Antverp., Plantin, 1612, in-4, mar. rouge. Aux armes de De Thou : 161 fr. (acheté 12 fr. chez Blondel en 1804).

1.529.Plutarchi opera, gr. et lat. ; cum notis G. Xilandri. Francof., 1599, 2 vol. in-fol., mar. rouge. Aux armes de De Thou : 335 fr. (acheté 42 fr. à la vente Le Blond en 1802).
1.715. Eusebii, Socratis, Hermiae, Theodoreti et Evagrii historiae ecclesiasticae, gr. et lat. ; Henr. Valesius notis illustravit, et G. Reading novas elucidationes adjecit. Cantabrigiae, typis academicis, 1720, 3 vol. in-fol., v. m., fil., grand papier : 120 fr. (acheté 48 fr. en 1802).
1.773. Histoire de l’abbaye de Port-Royal. Cologne, 1752, 6 vol. in-12, v. fauve, tr. dor. Rel. de Padeloup : 152 fr. (acheté 40 fr. en 1849).
1.842. Fragmenta vetustissimorum autorum, summo studio ac diligentiâ nunc recognita, Myrsilli, Lesbii, Archilochi, Berosi, Manethonis … Basileae, 1530, in-4, mar. rouge. Très bel ex. aux armes de De Thou : 88 fr. (acheté 1 fr. 50 c.).
1.858. Herodoti historiae, gr. et lat., cum Wesselingii et aliorum notis. Amstelod., 1763, gr. in-fol., mar. rouge. Rel. Derome : 151 fr. (acheté 92 fr. à la vente Maucune en 1799).
1.874. Diodori Siculi bibliotheca historica, gr. et lat. ; notas adjecit Pet. Wesselingius. Amst., 1746, 2 vol. in-fol., mar. rouge. Rel. par Derome : 205 fr. (acheté 100 fr. à la vente Maucune en 1799).
1.905.Crispi Sallustii bellum catilinarium, item bellum jugurthinum. Parisiis, Colinoeus, 1543, in-8, mar. bleu, fil. Aux armes du comte d’Hoym : 176 fr. (acheté 80 fr. à la vente De Bure jeune en 1849).
1.908. J. Caesaris commentarii, novis emendationibus illustrati. Antverpiae, ex officina Plantiniana, 1570, pet. in-8, bas. Ce volume a appartenu à Montaigne. Son nom, les nombreuses notes marginales, ainsi que le beau jugement sur César et Pompée que l’auteur des Essais a consigné à la fin, sont entièrement de sa main. Quelques notes des marges ont été atteintes par le couteau du relieur : adjugé 1.550 fr. à Techener pour le duc d’Aumale (acheté 90 c. en décembre 1832 sur le quai de la Monnaie). Aujourd’hui au Musée Condé, château de Chantilly.
2.142. Histoire des rois de Sicile et de Naples des maisons d’Anjou, par Des Noulis. Paris, 1707, in-4, mar. rouge doublé de mar. bleu par Duseuil. Ex. de Guyon de Sardière : 95 fr. (acheté 3 fr.).
2.168.Vita Mariae Stuartae, Scotiae reginae, scriptore G. Conaeo. Romae, 1624, in-12, joli portrait de Marie Stuart, v. fauve. Armes de De Thou : 46 fr. (acheté 1 fr.).
2.245. L’Antiquité expliquée et représentée en figures, par Bernard de Montfaucon, avec le supplément. Paris, 1719-24, 15 vol. in-fol. = Les Monuments de la monarchie française (par le même). Paris, 1729, 5 vol. in-fol. = Les 20 vol. en grand papier et reliés uniformément en veau fauve : 585 fr. (acheté 10.000 fr. en assignats, représentant alors 950 fr., en mai 1796).
2.343. Le imagini con tutti i riversi trovati, e le vite de gli imperatori tratte dalle medaglie et dalle historie de gli antichi (dal cavaliere Antonio Zantani). Enea vico Parmigiano in Venezia, 1548, in-4, fig., mar. rouge à compartiments. On lit sur l’un des plats « Portio mea, Domine, sit in terra viventium » et sur l’autre « Grolierii et amicorum », que Grolier a encore écrits de sa main à la fin du volume : 1.800 fr. (acheté 7 fr.). Passera à Yemeniz.
2.434. Dictionnaire historique et critique de Bayle. Rotterdam, 1720, 4 vol. in-fol., mar. rouge. Aux armes de la marquise de Pompadour : 319 fr. (acheté 200 fr. en 1797).

À côté de ces succès plutôt brillants, furent constatés des revers fâcheux : les bonnes éditions anciennes des classiques avaient beaucoup perdu de leur valeur ; les Variorum, les beaux in-fol. imprimés en Hollande avaient perdu depuis une génération de 60 à 80 %, et les livres de ce genre qui avaient coûté 25.000 fr. à Parison, ont à peine produit 10.000 fr.  
Du 25 au 29 mars 1856, suivit la vente sur Catalogue de la collection des lettres autographes, manuscrits, documents historiques, estampes anciennes, etc., du cabinet de feu M. Parison, homme de lettres (Paris, Laverdet, 1856, in-8, 98 p., 786 numéros).
      

Jacques-Charles Brunet, notre maître à tous

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Son père, Thomas Brunet (Morigny, Manche, 13 mai 1744-Paris, 26 mai 1824), était fils de cultivateur. Venu chercher fortune à Paris, il devint, le 1er août 1773, apprenti chez Jacques-François Valade, alors libraire rue Saint-Jacques (Ve), et fut reçu libraire le 21 mars 1777.



Il s’installa rue Mauconseil (Ier), à côté de la Comédie italienne, épousa Élisabeth Crozat, qui lui donnera un fils et une fille, et se mit bientôt à éditer des pièces de théâtre. En 1785, il déménagea sa librairie rue de Marivaux (IIe), place du Théâtre italien,


puis rue du Coq-Honoré (Ier) en 1797, enfin rue Gît-le-Cœur (VIe) :


N° 18, près le quai des Augustins, en 1800 ;


puis N° 4 en 1807, siège actuel du Syndicat de la librairie ancienne et moderne (S.L.A.M.) ;


enfin N° 10, vis-à-vis la rue de l’Hirondelle, en 1817.    

Jacques-Charles Brunet est donc né à Paris, le 2 novembre 1780. Les évènements qui suivirent la Révolution interrompirent ses études. Aimant beaucoup les livres, mais n’ayant guère de goût pour le commerce, il se livra uniquement à l’étude de la bibliographie. Il n’avait alors que 17 ans quand il rédigea le catalogue de la vente des livres de Armand-Thomas Hue de Miromesnil, ancien garde des Sceaux (1798).





À 22 ans, il publia, anonymement, un supplément au Dictionnaire bibliographique, historique, et critique des livres rares, précieux, singuliers, curieux, estimés, et recherchés de André-Charles Cailleau (Paris, Delalain fils, et Gènes, Fantin, Gravier et Cie, 1802-An X, in-8, t. IV) : Brunet n’avouera la paternité de cet ouvrage que huit ans plus tard, dans la préface de la première édition de son Manuel. Il vivait alors chez son père et lui tenait lieu de commis, mais ne recevait pas d’appointements : « Je ne possédais alors que quelques livres et une somme de quinze cents francs environ, produit des honoraires reçus du supplément à Cailleau »






Ce fut à l’âge de 30 ans qu’il fit paraître son Manuel du libraire et de l’amateur de livres (Paris, Brunet et Leblanc, 1810, 3 vol. in-8), qui contient un dictionnaire bibliographique, dans lequel sont indiqués les livres les plus précieux et les ouvrages les plus utiles, anciens et modernes, avec des notes sur les différentes éditions, des remarques sur les contrefaçons, des détails pour collationner les livres et les prix des éditions les plus rares, suivi d’une table méthodique en forme de catalogue raisonné :






« Les deux premiers volumes de ce Manuel contiennent un Dictionnaire, dans lequel on trouvera indiqués les livres anciens qui sont à la fois rares et précieux, et un grand nombre d’ouvrages modernes, qui, par leur mérite bien reconnu, leur singularité, la beauté de leur exécution, les gravures dont ils sont ornés, ou pour quelques autres particularités, peuvent figurer parmi les livres précieux.
Ce n’est donc pas une Bibliographie générale que j’ai voulu faire, mais un Dictionnaire composé de livres choisis. D’après cela, je me suis vu en droit d’écarter de mon ouvrage une foule de livres anciens qui, malgré leur rareté, ne sont recherchés que de très peu d’amateurs, et qui ne peuvent tenir leur place dans les Bibliothèques, ni comme ouvrages utiles, ni même comme objets de curiosité. » (t. I, p. vij)
« Le 3e volume contient une Table méthodique en forme de Catalogue raisonné, dans laquelle tous les ouvrages indiqués dans le Dictionnaire et de plus 3 à 4000 ouvrages utiles, mais d’un prix ordinaire, qui n’ont pas dû faire partie du Dictionnaire, sont classés selon l’ordre adopté dans le système bibliographique le plus généralement suivi en France ; […]
Comme j’ai placé, à la fin de chaque article du Dictionnaire, le numéro sous lequel le même article est rangé dans la Table méthodique, on pourra facilement voir quelle place tel ou tel ouvrage occupe dans le système bibliographique ; […]
A cette espèce de Catalogue, j’ai joint une Table des auteurs qui y sont cités, et dont il n’a pas été fait mention dans le Dictionnaire. » (t. I, p. xj-xij)

Brunet continua à rédiger des catalogues de vente de livres – Ourches(1811), Crozat (1812), Molini (1813), Jourdan (1813), Agasse (1814), Lapeyrière (1814) –, tandis qu’il travaillait à la seconde édition





de son Manuel (Paris, Brunet, 1814, 4 vol. in-8, 2.000 ex.), augmentée de plus de quatre mille articles et d’un grand nombre de notes, pour laquelle son ami Jean-Pierre Parison (1771-1855) s’était chargé « de lire une épreuve de chacune des feuilles des trois premiers volumes de cette seconde édition, de même qu’il avait déjà bien voulu le faire pour la première. » (t. I, p. viij)
« Une circonstance qui, peut-être, plus qu’aucune autre, contribuera à donner à mon livre un nouveau degré d’intérêt, c’est la communication que j’ai eue d’un manuscrit de feu M. Magné de Marolles [Gervais-François Magné de Marolles (1727-1795), auteur de plusieurs opuscules bibliographiques], intitulé Manuel bibliographique : cet ouvrage, écrit il y a au moins une trentaine d’années, ne pourrait guère être imprimé aujourd’hui en entier ; mais il contient un assez grand nombre de notes curieuses que j’ai fait passer dans mon Dictionnaire, où elles sont distinguées par le nom de l’auteur, ou seulement par la lettre M. » (t. I, p. ix)








En 1818, Brunet reçut la visite du bibliographe anglais Thomas-Frognall Dibdin (1776-1847) :

« Ce bibliographe distingué, plutôt que libraire, demeure Rue Gît-Le-Cœur, à peu de distance [de Renouard]. Il demeure avec son père qui surveille les affaires intérieures du magasin. La Rue Gît-Le-Cœur est une vilaine rue, très petite, écourtée, comme qui dirait un exemplaire trop rogné. C’est là néanmoins que demeure Jacq. Ch. Brunet, Fils ; un auteur, qui vivra dans le monde bibliographique jusqu’au temps le plus reculé. […] Vous montez au premier : l’entrée est obscure, et semble conduire à une cellule du monastère de La Trappe. […] La porte s’ouvre, et le fils est là, entouré, et presque emprisonné par ses livres et par ses papiers. Sa plume en main : ses lunettes sur son nez : et il est incessamment occupé à transcrire ou à confectionner un précieux petit morceau d’élucidation bibliographique ; puis levant les yeux, il vous reçoit, paraissant encore tout agité du Dieu de la composition. […]
A notre première entrevue nous avons causé beaucoup et sur des sujets variés : précédemment nous avions eu ensemble un commerce de lettres obligeantes, et elles m’avaient procuré l’avantage de recevoir, comme présent de l’auteur, un exemplaire de sa dernière [i.e. seconde ; dite faussement « première » dans la 2eédition de 1829 du livre de Dibdin] édition en grand papier, dont il n’a été tiré que vingt exemplaires. […]

Il me dit, et j’en fus un peu surpris, mais très satisfait, qu’il avait imprimé et vendu deux mille exemplaires de la dernière [i.e. seconde ; dite faussement « première » dans la 2eédition de 1829 du livre de Dibdin] édition de son Manuel. […] Il est ferme et judicieux dans ses opinions, et parfois enclin à guerroyer pour les soutenir. Mais il aime par-dessus tout à respirer dans un élément bibliographique, et n’est jamais plus heureux que lorsqu’il découvre une erreur, ou qu’il peut se procurer quelques nouveaux renseignements, et surtout à l’égard d’une Editio Princeps. Il a quelque chose de naïf et de caractéristique dans ses manières et sa conversation. Il ne copie personne ; et on peut dire qu’il est citoyen du monde. »  (Thomas Frognall Dibdin. Abibliographical antiquarian and picturesque tour in France and Germany. London, Shakspeare Press, 1821, t. II, p. 397-400)


Brunet rédigeait toujours des catalogues de vente de livres : Bertin (1815), Chaptal (1816), Lecouteulx de Canteleu (1816), Thierry (1817), Bertrand (1818), Bélanger (1818), Lecocq (1819), Lair (1819), Regnauld-Bretel (1819), Leconte (1819)
La seconde édition de son Manuel étant épuisée depuis près de trois ans,






il publia une troisième édition, augmentée de plus de deux mille articles et d’un grand nombre de notes (Paris, chez l’auteur, 1820, 4 vol. in-8) :

« Cependant quoique les deux parties de mon ouvrage offrent une nomenclature très-considérable, elles sont bien loin de renfermer l’inventaire général des richesses littéraires de toutes les nations et de tous les siècles : je cite environ 30,000 ouvrages ou éditions différentes, et il en existe peut-être plus d’un million » (t. I, p. iij) 

Cette 3eédition du Manuel fut contrefaite par l’imprimeur-libraire bruxellois H. Henry en 1821. Informé que cette édition avait rectifié un grand nombre de numéros de renvoi fautifs, P. J. De Mat, imprimeur-libraire de l’Académie royale, à Bruxelles, traita avec son confrère du restant de l’édition, un mois après la mise en vente du dernier volume.
Dans cette édition de Bruxelles, les signatures sont placées de huit pages en huit pages et en chiffres, au lieu d’être en lettres et de seize pages en seize pages.
Le tome I de l’édition de Paris finit à la page 616. Celui de l’édition de Bruxelles a sa pagination continuée jusqu’à 620 : les deux derniers feuillets contenant les additions du même volume qui sont placés, avec celles des  tomes II et III de l’édition de Paris.
Le tome II de l’édition de Paris est terminé à la page 608. L’édition de Bruxelles a 610 pages, deux pages de plus pour les additions de ce volume.
Le tome III de l’édition de Paris, ayant à la fin toutes les corrections et additions de ses trois volumes, a 644 pages, tandis que le même volume de l’édition de Bruxelles a 638 pages. Les corrections de l’édition de Paris, ayant été rectifiées à leur place dans l’édition de Bruxelles, ne se trouvent conséquemment pas à la fin de chacun des volumes de cette édition.
Au tome IV, édition de Paris, la page VII des pièces préliminaires se termine par une table de 13 lignes dont la dernière est : Classiques italiens, imprimés à Milan (page) 588 ; Dans l’édition de Bruxelles, après cette même ligne, on a ajouté un Avis essentiel, contenu en 14 lignes, qui indique sommairement une partie des corrections faites dans les trois précédents volumes ; plus, la manière qu’on a été obligé d’employer dans ce volume pour rectifier les erreurs des chiffres de renvoi du tome I ; c’est-à-dire qu’on a placé, entre deux crochets, le vrai chiffre de renvoi, après celui de la série qui se trouve être fautif dans l’édition de Paris. Le tome IV dans les deux éditions finit à la page 589 : dans celle de Paris, au verso, est une correction pour la page 9, n° 339 qui a été faite à sa place dans l’édition de Bruxelles ; cette dernière a, sur le verso de la page 589, une addition pour le tome IV, composée seulement de trois lignes dans la première colonne et de quatre dans la seconde ; plus, un errata aussi de quatre lignes ; enfin il a été ajouté dans cette dernière édition des nouvelles additions au tome premier : elles sont sur les traductions françaises de deux ouvrages d’Aristote, données par Oresme, et imprimées chez Antoine Vérard, en 1488 et 1489 : l’article est signé L. F. A. Gaudefroy [Louis-François-André Gaudefroy (1758-1839), libraire parisien].

« En s’emparant ainsi de ma propriété, ces messieurs ont usé d’un droit que je ne puis légalement leur contester hors de France ; mais en même temps ils ont fait une chose qui n’est loyale nulle part : c’est d’avoir mis en circulation une partie des exemplaires de leur contrefaçon avec des titres portant l’indication de Paris et mon adresse, et d’avoir donné ainsi à certains libraires anglais qui me sont bien connus, le moyen de les vendre pour l’édition originale. Or, comme je ne veux répondre que de mes propres fautes, je désavoue entièrement cette édition de Bruxelles, qui se distingue de la mienne au premier coup d’œil » (J.-C. Brunet. Nouvelles recherches bibliographiques. Paris, Silvestre, 1834, t. I, p. xj)  

La position pécuniaire de Brunet s’était améliorée sensiblement : en 1821, il possédait une somme de près de cent mille francs, dont la plus grande partie provenait des bénéfices réalisés sur les deux premières éditions de son Manuel.

Les derniers catalogues qu’il rédigea furent ceux du marquis Germain Garnier (1822), de Chassériau (1822), de Dieulafoy (1824) et du duc de Plaisance (1824). Le 9 mai 1824, son père fut frappé de paralysie, et il mourut le 26 du même mois. Dès lors, Brunet ne désira pas conserver sa profession de libraire : le 15 janvier 1825, il renonça à son titre de libraire en faveur de Philippe-Auguste Sautelet (1800-1830), avocat, ami de Stendhal, libraire place de la Bourse, puis rue Richelieu, qui se suicida à la suite de difficultés financières et d’un drame amoureux.





Avant de publier la quatrième édition de son Manuel, Brunet donna un supplément sous le titre de Nouvelles recherches bibliographiques (Paris, Silvestre, 1834, 3 vol. in-8) :

« Après avoir publié, en moins de douze années, trois éditions du Manuel du Libraire et de l’Amateur de livres, qui ont successivement reçu de nombreuses additions et des corrections importantes, je me proposais d’en donner une quatrième, entièrement refondue, et augmentée de plus d’un tiers […]. Mais tandis que je me livrais sans relâche aux recherches nécessaires pour accomplir mon projet, il s’opérait dans notre littérature, et surtout dans les études historiques, une révolution soudaine, qui, en appelant l’attention des bibliophiles sur le moyen âge, si long-temps négligé parmi nous, donnait à une classe nombreuse de livres anciens une importance et une valeur que je n’avais pas pu prévoir en commençant mon travail ; et en même temps que ce mouvement favorable à ce qu’on appelle les livres gothiques se faisait sentir, une réaction toute contraire frappait de discrédit des productions littéraires plus récentes et naguère fort recherchées. […]
Voilà ce qui m’a déterminé à réunir en un corps particulier les nouvelles notices que je suis parvenu à recueillir et que je donne aujourd’hui au public comme un supplément du Manuel. » (t. I, p. v-vj)   

Bientôt, son éditeur Louis-Catherine Silvestre (1792-1867), libraire rue des Bons-Enfants (Ier), fit paraître un « Avis aux bibliophiles et aux libraires de tous les pays », dans le Feuilleton du Journal de la Librairie du 28 avril 1838 :

« Il vient de paraître à Bruxelles, une nouvelle contrefaçon du Manuel du Libraire et de l’Amateur de livres de M. Brunet, et des Nouvelles Recherches du même bibliographe, le tout, à ce que porte le titre, rédigé et mis en ordre (lisez désordre) par une société de bibliophiles belges [Bruxelles, 4eéd., Société belge de librairie, Hauman et Compe., Meline, Cans et Compe., 1838-1845, 5 vol. in-8, dont 1 vol. de « Table méthodique » complétée et mise en ordre par le Bibliophile Jacob]. Or, le travail de cette société anonyme, ou plutôt du plagiaire qui s’est caché sous un nom collectif, s’est réduit à intercaler, tant bien que mal, les articles des Nouvelles recherches dans le Dictionnaire formant la première partie du Manuel, en conservant du reste, sans autre changement que quelques coupures assez maladroites, le texte de l’édition de 1820. […] Encore si quelque intelligence avait présidé à cette déplorable opération […] nous nous serions contentés de gémir de ce nouvel attentat porté à la propriété litéraire [sic] et de prendre des mesures pour en atténuer l’effet […]. Mais dans l’état de mutilation et d’absurdité où l’on a réduit le grand travail de M. Brunet, nous devons hautement protester, au nom de l’auteur et de tous ceux qui apprécient l’utilité de son ouvrage, contre un abus aussi intolérable, et signaler aux pays étrangers comme à la France ce nouveau forfait de la piraterie belge. »





À Bruxelles en effet, le baron Frédéric de Reiffenberg (1795-1850) s’était chargé de revoir et de compléter le Manuel et son supplément dans la contrefaçon du libraire Louis Hauman, sur les instances d’un littérateur distingué, ami de Brunet, qui lui avait affirmé que cette entreprise était désirée par l’auteur. Mais averti par Joseph-Marie Quérard (1796-1865) qu’au contraire Brunet la désavouait, il rompit les engagements qui pouvaient porter atteinte à une propriété littéraire sacrée, et écrivit, le 20 octobre 1836, à Quérard : « j’aime mieux payer au libraire avec qui j’avais traité, des dommages et intérêts assez considérables que de faire quelque chose de désagréable à un homme pour qui j’ai une grande estime. » Hauman mit alors, sur le titre de son édition, qu’elle était rédigée par une Société de bibliophiles belges : cette société belge se réduisait en réalité à un ancien libraire parisien, Louis-François-André Gaudefroy, qui envoyait ses notes à Hauman.






Les Nouvelles recherches bibliographiques se trouvèrent refondues dans la quatrième édition du Manuel (Paris, Silvestre, 1842-1844, 5 vol. in-8). Dans une longue préface de vingt-deux pages, Brunet expose dans tous ses détails le plan de son ouvrage, se livre à l’examen de plusieurs points de bibliographie qu’il est nécessaire de bien connaître pour s’en servir utilement, traite de ce qu’on doit entendre par livres rares et précieux, des circonstances qui modifient plus ou moins leur valeur et des méthodes de classification des catalogues.

En 1844, la fortune de Brunet s’élevait à près de cinq cent mille francs, dont la majeure partie provenait des bénéfices que lui avaient produits les quatre premières éditions de son ouvrage et les Nouvelles recherches bibliographiques.
En 1845, sur la proposition du comte de Salvandy, alors ministre de l’Instruction publique, Brunet reçut la croix de la Légion d’honneur. En 1848 et 1849, il fit partie du Comité pour l’organisation des bibliothèques publiques.





Malgré son âge, il travailla à la cinquième et dernière édition de son livre, entièrement refondue et augmentée d’un tiers (Paris, Firmin Didot frères, fils et Cie, 1860-1865, 6 vol. in-8, 6.000 ex.) : définitive, elle était le chef-d’œuvre de la bibliographie française et faisait de son auteur le premier de tous les bibliographes en Europe. On trouve dans la 5eédition, comme dans la précédente, un grand nombre de marques des imprimeurs et des libraires des xve et xvie siècles ; le but principal de Brunet et de son éditeur, en insérant ces marques dans le texte, a été de rendre plus difficile l’industrie des contrefacteurs belges.


Depuis l’article de Joseph-Marie Guichard (1810-1852), un peu sévère pour Brunet, sur « La littérature française contemporaine, par J.-M. Quérard. Tom.I et II. – Manuel du libraire et de l’amateur des [sic] livres, par Jacques-Charles Brunet. 4eédit. Tom. I, II et III. », paru dans LeMoniteur de la Librairie (10 février 1844, p. 84-86, et 20 février 1844, p. 100-104), dont le rédacteur en chef était Quérard, les deux bibliographes devinrent de véritables ennemis.

À Quérard, qui lui écrivit « vous ne lisez rien, pas même les livres de votre spécialité, car vous êtes bouquinographe », Brunet répondit :

« que, ne se connaissant pas de titres littéraires aussi brillants que ceux dont s’enorgueillit l’auteur des Supercheries, il accepte volontiers la modeste qualification de faiseur de Manuel, sous laquelle il est désigné, et qui, jusqu’ici, lui a porté bonheur, laissant au savant M. Quérard celle de chef de la bibliographie française, qu’il s’est bénévolement donnée, sans avoir remarqué que si la pénurie de bibliographes était chez nous aussi grande qu’il le supposait, il se trouverait être placé dans la position d’un colonel sans régiment. »   






Brunet mourut dans son appartement de la rue de Seine (VIe), dans son fauteuil, au milieu des trésors littéraires qu’il avait amassés, à 87 ans :

«  Du quinze novembre mil huit cent soixante sept à deux heures de relevée, Acte de Décès dûment constaté de Jacques Charles Brunet ; rentier décédé en sa demeure rue de Seine n° 55, le quatorze de ce mois à quatre heures du soir, âgé de quatre vingt sept ans, né à Paris (Seine) célibataire ; Sur la déclaration faite par Messieurs hippolyte Germaine Jeanbin ; propriétaire, âgé de soixante deux ans, demeurant rue du marché Saint honoré n° 6 : cousin du défunt et Prosper Auguste Jeanbin, propriétaire, âgé de cinquante neuf ans, demeurant à Vire (Calvados) cousin du défunt ; qui ont signé après Lecture avec nous Dutertre Jacques Delaine, chevalier de la Légion d’honneur, adjoint au maire du Sixième arrondissement de Paris, officier de l’Etat civil. » [sic]

Il était resté célibataire, vivant avec un gros chien jaune qu’il promenait sur les quais, matin et soir. Ses obsèques eurent lieu le 16 novembre, en l’église Saint-Germain-des-Prés. Paul Lacroix prononça un discours sur la tombe réalisée en 1837 par l’architecte Henri Labrouste, au cimetière du Montparnasse (chemin circulaire 4e division), où il fut inhumé à côté de son père, rappelant ce qu’avait dit Charles Nodier, en parlant de Brunet : « Voilà notre maître à tous ; il n’a fait, il ne fera qu’un livre, mais il y mettra sa vie entière, et ce livre sera un chef-d’œuvre. »

Brunet a laissé une note, non datée, sur lui-même :

« Mon tempérament est à la fois flegmatique et nerveux, ce qui dans l’occasion semble faire de moi deux hommes différents. Un jugement assez sain fait la base de mon esprit, lequel manque d’imagination et a peu de vivacité quand il n’est pas surexcité par quelques stimulants. Mon caractère a de la franchise et plus de vivacité que mon esprit, mais il tient de mon tempérament de la timidité, un amour du repos qui va quelquefois jusqu’à la paresse. Toutefois cette paresse peut être surmontée par l’amour-propre, par le désir d’accomplir consciencieusement une entreprise difficile ; d’où il résulte que je suis susceptible, avec une certaine suite et quelque succès, d’un travail qui ne demande que du jugement et de la persévérance ; […]. Au reste, si le caractère et l’esprit ont été trop souvent dominés par le tempérament, si, par conséquent, je suis resté un homme médiocre, je ne dois pas regarder cela comme un malheur, puisque j’ai été préservé de l’ambition qui trop souvent tourmente les esprits plus brillants et plus ardents que le mien, et que, satisfait d’une modeste fortune, fruit de travaux utiles, j’ai pu jouir d’une douce indépendance et couler des jours paisibles, au milieu des agitations qui ont renversé, à côté de moi, tant d’existences en apparence dignes d’envie. » (Catalogue des livres rares et précieux composant la bibliothèque de feu M. Jacques-Charles Brunet. Paris, L. Potier et A. Labitte, et Londres, Th. et W. Boone, 1868, p. X-XI)  



Dix ans après la mort de Jacques-Charles Brunet, Pierre Deschamps (1821-1907) et Gustave Brunet (1805-1896) donnèrent un supplément au Manuel du libraire et de l’amateur de livres(Paris, Firmin-Didot, 1878-1880, 2 vol. in-8).


Brunet n’avait pas seulement une bibliothèque nombreuse, surtout en bibliographie, mais il possédait encore un cabinet. Livré pendant tant d’années à l’étude de la bibliographie, il était devenu peu à peu bibliophile. Dès 1789, âgé de 9 ans, son père l’avait conduit à la vente Soubise. Il aimait particulièrement les belles reliures anciennes, qu’il commença à recueillir à une époque où bien peu de personnes les recherchaient. Sa remarquable bibliothèque fut dispersée en 1868, en deux parties.







La première, du lundi 20 avril au vendredi 24 avril, rapporta 290.875 francs : Catalogue des livres rares et précieux composant la bibliothèque de feu M. Jacques-Charles Brunet […]. Première partie. Livres rares et précieux. Belles reliures anciennes et modernes (Paris, L. Potier et A. Labitte, et Londres, Th. et W. Boone, 1868, in-8, XLVI-143 p., 713 lots).




2. Biblia. Lutetiae, ex officina Rob. Stephani, 1545 ; 2 vol. gr. in-8, mar. rouge, compart. en mosaïque, ornements blancs et verts, tr. dor. Ex. offert par Grolier au président Christophe De Thou ; passé à J.-A. De Thou, il faisait partie en 1789 de la bibliothèque du prince de Soubise. Acheté par Brunet à la vente de Renouard. 3.000 fr. à Boone, libraire à Londres.
7. La Sainte Bible, par Le Maistre de Sacy. Paris, Desprez, 1711, 8 vol. pet. in-12, réglés, mar. r. compart., dos orné à mosaïque en mar. vert et citron, sur les plats une large dentelle, un médaillon au milieu, des rosaces en mar. vert et citr. aux coins, gardes de pap. doré, tr. dor. (Padeloup). Ex. de J. J. De Bure. 2.700 fr.
9. Psalterium Davidis. Lugduni, apud Joh. et Dan. Elsevirios, 1653, pet. in-12, réglé, mar. bl. fil. tr. dor. (Boyet). Aux armes du comte d’Hoym, très grand de marges. 700 fr.
11. I sacri psalmi di David. Venetia, per Aurelio Pincio, 1534, in-4, mar. vert à compart. dorés, tr. dor. Ex. qui porte le nom et la devise de Thomas Maioli. Il aurait également appartenu à Grolier. Ex-libris manuscrit de J. Ballesdens. 1.020 fr.
20. Histoire du Vieux et du Nouveau Testament. Paris, Pierre Le Petit, 1670, gr. in-4, réglé, fig., mar. r. doublé de mar. r., dent. tr. dor. (Duseuil). De la bibliothèque de La Bédoyère (1837). 3.050 fr.
22. Histoire du Vieux et du Nouveau Testament. Anvers (Amsterdam), Mortier, 1700 ; 2 vol. in-fol., mar. rouge, fil. tr. dor., grand papier ; avant les clous. Ex. de Longepierre. 1.500 fr. à Fontaine pour le duc de Chartres.
27. Livre de prières en latin et en français. In-4, mar. r. dent. et compart. doublé de mar. bl. avec ornements et dent. argentés, tr. dor. Manuscrit du xve siècle. Armes de la famille Guerchois, Normandie, sur le premier feuillet. 6.000 fr. à Fontaine, libraire.
29. Heures a lusage de Rome. Paris, Jehan Dupré, 1488 ; pet. in-4 goth., fig. et encadr., mar. noir. Seul ex. connu. 2.050 fr. à Fontaine, contre l’enchère de Ambroise Firmin Didot. Acheté en 1856 chez Techener, 140 fr.
30. Petit office de la Vierge. Par Nicolas Jarry, 1650, in-24, chagrin noir, tr. dor. avec fermoirs à charnières en or. Manuscrit sur vélin acheté 350 fr. à la vente Duriez. 1.650 fr. à Boone.







32. Les SainctesPrieres de l’ame chrestienne. Paris, Jean Henault, 1649. Pet.in-8, texte gravé et encadr. et fig., mar. r. compart . avec fermoirs en argent, tr. dor. (Le Gascon). 2.020 fr. à Fontaine pour le duc de Chartres. Acheté 70 fr. à la vente Nodier en 1844.
36. Theophanis archiep. Nicaeni quae extant opera. Romae, Fr. Zannettus, 1590, pet. in-8, mar. r. fil. tr. dor. Aux 3e armes de J.-A. De Thou. 145 fr.
49. L’Origine des masques, extrait du livre de la Mommerie de Claude Noirot. Lengres, Jean Chauvetet, 1609, pet. in-8, mar. r. fil. tr. dor. (Padeloup). Ex. de Girardot de Préfond (1ère bibliothèque). 610 fr.
51. Les Provinciales (par Pascal). Cologne, Nic. Schouten, 1700, 2 vol. in-12, réglés, mar. bl. doublé en mar. r., dent., tr. dor. Ex. de madame de Chamillart, avec ses armes à l’intérieur et son chiffre à l’extérieur. Vient de la bibliothèque Parison. 1.620 fr.
57. De l’Imitation de Jésus-Christ. Paris, Desprez, 1690, in-8, fig., réglé, mar. r. doublé de mar. r., fil. tr. dor. (Duseuil). En grand papier, provenant du duc de La Vallière. Acheté 500 fr. à la vente De Bure. 1.500 fr. à Bocher.
59.Œuvres spirituelles de Henri Suso. Paris, Guil. Chaudière, 1586, in-8, réglé, mar. r., riches compart., tr. dor. Armes, devise et tête de mort de Henri III, roi de France. 495 fr.
68. Bernardi Ochini dialogi XXX. Basileae, per Petrum Pernam, 1563, 2 vol. in-8, mar. bl. fil. tr. dor. (Padeloup). Aux armes du comte d’Hoym. 360 fr.
76. Corpus juris civilis. Amstelaedami, apud Joan. Blaeu, Lud. et Dan. Elsevirios, 1664, 2 vol. in-8, mar. r. fil. tr. dor. (Boyet). Aux armes du comte d’Hoym. A appartenu auparavant à Du Fay. 1.300 fr. à Fontaine pour le duc de Chartres.
78. Commentaria Jacobi de Marquilles super usaticis Barchiñ. (Barchinonae, 1505), in-fol. goth. à 2 col. demi-rel. Imprimé sur vélin. Provient de la vente Luguet (1836). 480 fr.
82. M. T. Cicero de Officiis. Amsterodami, Guil. Cesius, 1625, in-32, mar. r. à compart. tr. dor. (Le Gascon). Aux chiffres de Henri-Louis Habert de Montmor. 155 fr.        

102. Essais de Michel de Montaigne, 5eéd. Paris, Abel l’Angelier, in-4, mar. r., comp., tr. dor. (Duseuil). Ex. de Charles Nodier. 3.050 fr. à Porquet pour Ernest Odiot.
107. Les Caractères de Théophraste. Amsterdam, 1743, 2 vol. in-12, avec front. gr. et portrait par Folkema, mar. r. tr. dor. (Padeloup). De la bibliothèque de La Bédoyère (1837). 550 fr.
116. La Description de l’isle d’Utopie. Paris, Charles l’Angelier, 1550, pet. in-8, fig. sur bois, réglé, mar. bl. à compart., tr. dor. Avec les chiffres de Louis XIII et d’Anne d’Autriche. Ex. de La Vallière acheté à la vente J.-J. De Bure. 1.500 fr. à Fontaine pour le duc de Chartres.





121. Antonii Mizaldi phaenomena. Parisiis, ex officina Reginaldi Calderii, 1546 ; in-8, mar. v. à compart., tr. dor. Aux armes et au chiffre de François Ier. 3.150 fr. à Potier.
136. Cinq livres de l’imposture et tromperie des diables. Paris, Jaques Du Puys, 1567, pet. in-8, mar. r. riches compart. gardes de pap. doré à fleurs, tr. dor. (Padeloup). Aux armes de Turgot sur le dos et aux coins des plats. De la bibliothèque de La Bédoyère (1837). 355 fr.
141. La Cryptographie. Toulouse, Arnaud Gaissat et Raymond Aurèle, 1644, pet. in-12, mar. r. dent. tr. dor. (Mouillié). Ex. de Méon. 80 fr.
151. M. Verrii Flacci quae extant et Sex. Pompei Festi de verborum significatione libri XX. Lutetiae, apud Mamertum Patissonium, in officina Rob. Stephani, 1576, in-8, mar. v. à compart., tr. dor.Aux premières armes de J.A. De Thou. Admirable reliure à volutes et rinceaux de feuillages (Clovis Eve ?). Acquis à la vente Renouard (1853). 810 fr.
152. Joachimi Perionii dialogorum de linguae gallicae origine. Parisiis, apud Sebast. Nivellium, 1554, in-8, mar. riches compart. Aux armes et chiffre du roi Henri II, avec celui de Diane de Poitiers, et le triple croissant. Payé 5 fr. à la vente Anquetil du Perron (1805), 75 fr. à la vente Caussin de Perceval, 339 fr. à la vente Larcher de Saint-Vincent (30 avril 1852). 1.150 fr. à de Villeneuve.
155. Dictionnaire étymologique de la langue françoise, par Ménage. Paris, Briasson, 1750, 2 vol. in-fol., veau fauve, fil. tr. dor. (Padeloup). De la vente Parison. 210 fr.
167. Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, par l’abbé Du Bos. 4eéd. Paris, Mariette, 1740, 3 vol. in-12, mar. r. fil. tr. dor. (Derome père). De la bibliothèque de Pixerécourt. 205 fr.
170. Poetae graeci principes heroici carminis et alii nonnulli. 1566. Excudebat Henricus Stephanus (Genevae), in-fol., réglé, mar. vert, riches compart., tr. dor. Provient de la bibliothèque de J.A. De Thou, s’est trouvé dans celle du prince de Soubise vendue en 1789 ; Brunet l’a payé 641 fr. à la vente Parison. 650 fr.   
215. Q. Horatii Flacci opera. Londini, tabulis aeneis incidit Joannes Pine, 1733-1737, 2 tomes en 1 vol. gr. in-8, fig., mar. citr. à compart. de couleurs, tr. dor. avec étui. (Derome). 2.180 fr. à Eugène Dutuit.
220-221-222. vendus ensemble : 2.500 fr. à Boone.
- Publii Ovidii Nasonis Heroidum Epistolae. Auli Sabini Epistolae tres. Venetiis, in aedibus Aldi, 1502, pet. in-8, mar. bl. à compart., tr. dor. Ex. de Grolier.
- Publii Ovidii Nasonis. quae hoc in libello continentur. Venetiis, in Academia Aldina, 1502-1503, 2 tomes en 1 vol. pet. in-8, mar. bl. à compart., tr. dor. Ex. de Grolier. Ce volume et le précédent forment les tomes II et III de la première édition de l’Ovide des Alde. On ignore si le tome I (les Métamorphoses), à la reliure de Grolier, existe encore ; Brunet avait remplacé ce vol. par un autre exemplaire à la reliure de Laurin.







- Metamorphoseon libri XV. Venetiis, in aedibus Aldi, 1516, in-8, mar. bl. tr. dor. Porte d’un côté la devise « Virtus in arduo », et de l’autre « M. Laurini et amicorum ». Les livres à la reliure de Laurin sont beaucoup plus rares que ceux de Grolier.
260. Le Rommant de la rose. Paris, Galliot Du Pré (impr. par P. Vidoue), 1529, pet. in-8, lettres rondes, fig. en bois, mar. bl. fil. tr. dor. (Padeloup). Provient de la bibliothèque de Renouard. 1.500 fr. à Lacarelle.
262. Les Œuvres de Maistre Alain Chartier. Paris, Galliot Du Pré, 1529, pet. in-8, lettres rondes, fig. en bois, mar. v. fil. tr. dor. (Bauzonnet). 3.100 fr. à Cocoz, libraire.
266. La Dance des aveugles. Lyon, imprimee par Pierre Marechal et Bernarbe Chaussard, (vers 1500), in-4, goth., fig., mar. bl. doublé de mar. r., dent., tr. dor. (Bauzonnet). 1.600 fr.
269. Palinods, chantz royaulx, ballades, rondeaulx, et epigrammes a lhonneur de limmaculee conception de la toute belle mere de Dieu Marie (patronne des Normans). Paris, Petrus Vidoueus, v. 1525, in-8, lettres goth. et lettres rondes, mar. r. tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). 1.620 fr.    

271. Les Lunettes des princes. Paris, Philippe Pigouchet pour Simon Vostre, 1499, goth., in-8, mar. citr., fil. tr. dor. Ex. qui a figuré aux ventes La Vallière, d’Heiss, Thierry et Lang ; a aussi appartenu à du Roure. 880 fr. à Giraud de Savine.
273. Lamant rendu Cordelier a lobservance damours. S. l. n. d. (marque de Guill. Niverd). 4 pièces en 1 vol. pet. in-8, goth. mar. citr. tr. dor. (Rel. anc.). Provient de la bibliothèque de La Vallière (n° 1.853). Faisait partie de la vente Chabrol (1829). 1.520 fr.
275. Les Œuvres de Guillaume Coquillart. Paris, impr. de Jeanne de Marnef, 1546, in-16, mar. br. riches compart. tr. dor. (Le Gascon). Ex. d’Anne d’Autriche avec son chiffre et celui de Louis XIII. Marges sup. fort rognées. 600 fr. à Lebrument, libraire à Rouen.






Paris, 25 novembre 2008 : 24.000 €

276. Les Loups ravissans, dit le doctrinal moral. Paris, Phil. Le Noir (v. 1525), pet. in-4, goth., fig. sur bois, mar. bl. riches compart. double de mar. r. dent. tr. dor. (Koehler). 3.050 fr.
283. Les Dictz des oyseaux et des bestes, par hystores. Imprime a Chaalons (sur Marne) par Estienne Bally imprimeur, s. d. (v. 1500), pet. in-4, goth. Six feuillets d’une édition restée jusqu’ici inconnue. Non vendu !
288. Les Œuvres de Clement Marot. Lyon, a lenseigne du Rocher, 1545, 2 tomes en 1 vol. in-8, mar. bl. doublé de mar., réglé, tr. dor. (Duseuil). Ex. relié pour le grand Dauphin, fils de Louis XIV, qui a été depuis dans les bibliothèques La Vallière, Coulon, Bruyère-Chalabre et Richard Heber. 1.700 fr.       

290. Les Œuvres de Clément Marot. La Haye, Moetjens, 1.700, 2 vol. pet. in-12, portrait ajouté, réglé, mar. v. clair, doublé de mar. citr., tr. dor. (Boyet). A fait partie de la bibliothèque de Gaignat. 760 fr. au comte de Béhague, contre l’enchère de Bauchart.
298. Les Amoureuses Occupations de Guillaume de la Tayssonniere. Lyon, Guil. Rouille, 1555, in-8, mar. olive, dent. tr. dor. (Bauzonnet). Ex. d’Audenet. 430 fr. à Lacarelle.
307. L’Enfer de Cupido, par le seigneur des Coles. Lyon, Macé Bonhomme, 1555, pet. in-8, fig. en bois, mar. r. doublé de mar. r., dent., tr. dor. (Thouvenin). Ex. de Charles Nodier, avec son écusson sur l’un des plats. 460 fr.
309. La Muse chrestienne. Paris, Gervais Malot, 1582, pet. in-12, réglé, mar. v., riches compart., tr. dor. Ex. de Henri III, avec ses armes, sa devise et la tête de mort. Acheté à la vente Perrin de Sanson. 1.800 fr.
311. Livret de folastries, à Janot Parisien. Paris, veuve Maurice de la Porte, 1553, pet. in-8, v. à compart. tr. dor. (Rel. du xvie). Ex. de la vente Bruyère-Chalabre (1833) ; a figuré dans la bibliothèque Audenet. Manquent 3 pages. 500 fr.  
312. Evvres en rime de J.-A. de Baïf. Paris, Lucas Breyer, 1573, in-8, mar. r. à compart., tr. dor. 2.820 fr. à Caillot.
339. Contes et Nouvelles en vers, par J. de La Fontaine. Amsterdam (Paris), Barbou, 1762, 2 vol. in-8, fig. d’Eisen et Choffart, mar. citron, à compart. en mosaïque de mar. rouge, vert, citron, où sont représentés des fruits et des fleurs, doublé de tabis rose, tr. dor. Le chef-d’œuvre de Derome. Acheté à la vente de La Bédoyère en 1837 ; provenait de La Vallière, Naigeon et F. Didot. 7.200 fr.
349. Sensuyvent plusieurs belles chansons composées nouvellement. Imprimees en la cite de Genesue en la rue de Iuifrie, et se vendent aupres de Sainct Pierre, en la boutique de maistre iaqs Viviant (v. 1520), pet. in-8 goth., mar. r. doublé de mar., rich. compart. dorés à petits fers, tr. dor. (Bauzonnet). Provient de la 2e vente de R. Heber en 1836. Seul ex. connu. 2.250 fr. au comte de Lignerolles.
374. Tewrdannck. Die guerlicheiten und eins teils der geschichten des loeblichen streytparen und hochberümbten helds und Ritters herr Tewrdannckhs (von Melchior Pfintzing). Gedruckt in der Kayerslichen stat Nürnberg durch den Eltern Hannsen Schönsperger Burger zu Augspurg (1517), in-fol., vélin bl., dent. tabis, dor. (Bozerian jeune). Imprimé sur vélin. 6.600 fr. à Giraud de Savine. Un des plus beaux livres de la vente.
389. Le Mistere du Viel Testament. Imprime par Pierre Le Dru pour Geoffroy de Marnef (v. 1500), in-fol. goth., fig., v. f. (Rel. anc.). Ex. du duc de La Vallière puis de Soleinne. 4.700 fr. 
390. Le Mistere de la conception, nativite, mariage et annonciation de la benoiste vierge Marie. Paris, Alain Lotrian, 1539. – Le Mistere de la passion nostre seigneur Jesucrist. Paris, Philippe Le Noir, 1532. – La Resurrection de nostre seigneur Jesuchrist. Paris, Alain Lotrian, s. d. 3 tomes en 1 vol. in-4 goth., mar. r. fil. tr. dor. (Duseuil). Aux armes du duc de Roxburghe ; acheté 50 liv. st. (1.250 fr.) à la vente de R. Heber, pour Soleinne. 3.200 fr. à Giraud de Savine.
398. Théatre de P. Corneille. Paris, Guil. Cavelier, 1706, 10 vol. in-12, réglés, mar. v. dent., doub. de mar. r. dent.tr. dor. (Boyet). Aux armes de madame de Chamillart, placées à l’intérieur de la reliure. Acheté à la vente Soleinne. 4.100 fr. au comte Roger.
412. Les Amours pastorales de Daphnis et Chloé. S. l. (Paris), 1718, pet. in-8, fig. du Régent, gr.par Audran, mar. citr. à compart. en mosaïque de mar. bleu, rouge et citron, dorés en plein, réglé, gardes de pap. doré, dans un étui de mar. r. (Padeloup). A figuré aux ventes d’Ourches et Châteaugiron. 6.000 fr. à Fontaine, contre l’enchère de Grésy.
419. L’Histoire des deux vrays et parfaictz amans. Imprime en Avignon, par maistre Jehan de Channey, 1524, in-8, goth., mar. citr. fil. tr. dor. (Rel. anc.). 2.850 fr.
422. Gargantua. La Vie inestimable du grand Gargantua. Lyon, François Juste, 1535. – Pantagruel. Les Horribles Faictz et Prouesses espouventables de Pantagruel roy des Dipsodes. 1534. – Pantagrueline Prognostication pour lan 1535. Lyon, François Juste. 3 t. en 2 vol. pet. in-12 allongé, caract. goth., mar. v. dent. tr. dor. (Bauzonnet). Ces deux volumes étaient à la vente de la librairie De Bure ; depuis, ils ont été reliés. 3.750 au duc d’Aumale.
423. Gargantua. 1537. – Pantagruel. 1538. Pantagrueline Prognostication pour lan 1538. – Le Disciple de Pantagruel. 1538. 3 vol. in-16, lettres rondes, fig. en bois, mar. r. à compart. à la rose, doublé de mar. v., dent. tr. dor. (Bauzonnet). Provient de la seconde vente Heber ; a été relié depuis. On ne connaît qu’un seul ex. du 3e vol. 3.200 fr. à Lesoufachez.
425. Les Œuvres de maitre François Rabelais (remarques de Le Duchat). Amsterdam, Jean-Fréd. Bernard, 1741, 3 vol. in-4, fig., mar. r. fil. tr. dor. (Padeloup). Ex. en grand papier, de Girardot de Préfond et de Mac-Carthy. 3.950 fr. à Grésy.
430. Les Songes drolatiques de Pantagruel. Paris, Richard Breton, 1565, in-8, mar. r. fil. tr. Dor. (Derome père). Ex. qui réunit les écussons de Girardot de Préfond et de Nodier ; a été chez Mac-Carthy. 1.500fr.
433. Les Avantures de Télémaque, fils d’Ulysse. Paris, Fl. Delaulne, 1717, 2 vol. in-12, fig., mar. bl. fil. tr. dor. (Padeloup). Ex. aux insignes de Longepierre, que Brunet a payé 1.785 fr. à la vente Parison. 2.200 fr. à Fontaine.
436. Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaux. Amsterdam (Paris), 1753, 2 vol. pet. in-12, fig. de Gravelot et de Pasquier, mar. r. fil. tr. dor. (Padeloup). Provient de la bibliothèque de Pixerécourt ; antérieurement de celles de Bonnemet, de La Vallière, de Naigeon et de F. Didot. 2.150 fr.
454. Contes des fées, par Ch. Perrault. Paris, Lamy, 1781, 2 tomes en 1 vol. in-12, fig., mar. r., dent., tabis, tr. dor. (Derome). Edition la plus complète et la plus belle des contes de Perrault. Ex. en grand papier de Hollande. Front. tiré en triple épreuve, noire, rouge et bleue ; vignettes doubles et tirées en noir et rouge. 2.600 fr.





Coll. University of Virginia Library

458. Complainte tres piteuse de Flamette a son amy Pamphyle. Lyon, Françoys Juste, 1532, in-24 allongé, goth., fig. en bois, mar. bl., dent., doublé de mar. citr., riche compart., tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). Provient de la bibliothèque de Coste, de Lyon. 1.500 fr. au comte de Fresne.
463. Novelas exemplares de Miguel de Cervantes. Madrid, por Juan de la Cuesta, 1613, in-4, mar. v. fil. tr. dor. (Bauzonnet-Trautz). Première édition, rarissime. 1.550 fr.
468. Propos rustiques de maistre Leon Ladulfi. Lyon, Jean de Tournes, 1547. – L’Histoire plaisante et facetieuse de Lazare de Tormes. Paris, Jean Longis et Rob. Le Mangnier (1561). Les deux ouvrages en 1 vol. in-8, mar. v. Aux secondes armes de J. A. De Thou. Acheté à la vente de R. Heber. 2.005 fr.
478. Recueil général des Caquets de l’accouchée. Imprimé au temps de ne plus se fâcher (Paris), 1623, front. gravé, avec 41 autres pièces facétieuses, rel. en 3 vol. pet. in-8, mar. rouge, fil. tr. dor. (Rel. anc.). Se trouvait à la vente Lambert en 1780 (n° 1.885) où il a atteint le prix de 200 fr. 2.400 fr.
526. C. Plinii secundi Epistolarum libri X. Lugduni Batav., Hackius, 1669, in-8, mar. r., riches compart., tr. dor. Aux armes et aux chiffres de Du Fresnoy. 760 fr. à Villeneuve.
533. Tullii Ciceronis Opera. Lugd. Batavorum, ex officina Elzeviriana, 1642, 10 vol. pet. in-12, mar. r. doublé de tabis, fil. tr. dor. (Derome). Provient de la vente La Bédoyère et auparavant de Mac-Carthy. La plus haute taille connue : 138 mill. (5 p. 1 lig.) de hauteur de marges, comme l’exemplaire du comte de Noailles vendu 52 l. à Londres en 1835. 900 fr.
540. Les Œuvres de madame Helisenne de Crenne. Paris, Est. Grouleau, 1560, in-16, mar. bl. Aux armes de la comtesse de Verrue. 290 fr.      
542.Œuvres de Voiture. 6eéd. Paris, Augustin Courbé, 1660, 2 tom. en 1 vol. in-12, portr., mar. r. fil. tr. dor. (Padeloup). Aux armes du comte d’Hoym. 1.500 fr. au comte de Béhague.


571. Freculphi episcopi Lexoviensis chronicarum tom. II. Imprimebat (Coloniae), Melchior Novesianus, 1539, in-fol., v. f. à compart. tr. dor. Ex. de Grolier. A appartenu à Huet, dont il porte encore les armes, et en dernier lieu à Richard Heber. 3.950fr. à Eugène Dutuit.
579. De christiana expeditione apud Sinas. Lugduni, sumptibus Hor. Cardon, 1616, in-4, réglé, mar. v. à compart., tr. dor. La plus remarquable reliure du cabinet de Brunet. A fait partie de la bibliothèque de Le Tellier de Courtanvaux. 1.020 fr.
581. Opus auree et inexplicabilis bonitatis et continentie : Conformitatum scilicet vite Beati Francisci ad vitam domini nostri Jesu Christi. Mediolani, in aedibus Zanoti Castilionei, 1513, in-fol. réglé, mar. citr., compart. de couleur, doublé de mar. r., tr. dor. Véritable chef-d’œuvre de Derome et du doreur Monnier. A successivement appartenu à Gaignat, La Vallière, etc. 3.550 fr. au marquis de Ganay.




593. Pauli Orosii adversus paganos (quos vocant) historiarum libri septem. Coloniae, ex officina Jasparis Gennepiae, 1542, in-8, mar. br. à compart., tr. dor. Ex. du médecin  du pape Urbain VII,  Demetrio Canevari, dont les reliures richement décorées portent sur chacun de leurs plats un médaillon représentant le char d’Apollon, dirigé vers le Parnasse, avec la devise : ΟΡΘΩΣ ΚΑΙ ΜΗ ΑΟΣΩΣ. 650 fr.
608. Le Premier Livre des discours de l’estat de paix et de guerre, de messire Nicolas Macchiavel, sur la premiere decade de Tite Live. Paris, Denis Janot, 1544, in-fol. veau à compart., tr. dor. Ex. de François Ier. 5.000 fr.




641. Historia delle cose de Francia, raccolte fedelmente da Paolo Emilio. Venetia, per Michele Tramezzino, 1549, in-4, mar. r. riches compart. tr. dor.  Ex. de Thomas Maioli. 1.000 fr.
651. Epistre envoiée au Tigre de France. S. l., s. d. (v. 1561), pet. in-8, mar. br., fil. à froid (Bauzonnet). Seul ex. connu. 1.400 fr. au préfet de la Seine pour la bibliothèque de la ville de Paris.
657. Journal de Henri III, roy de France et de Pologne, par Pierre de l’Estoile. La Haye, P. Gosse (Paris), 1744, 5 vol. pet. in-8. – Journal de Henry IV, par P. de l’Estoile. La Haye (Paris), 1741, 4 vol. pet. in-8. Ensemble 9 vol., portr., mar. r. fil. tr. dor. (Derome) 2.900 fr. à Fontaine, pour le duc de Chartres.
662. Les Mémoires de la reine Marguerite. Paris, Chappellain, 1628, in-8, réglé, mar. r., riches compart., tr. dor. (Le Gascon). Acquis à la vente Perrin de Sanson. 1.500 fr. à Ernest Odiot.
672. Mémoires du cardinal de Retz. Amsterdam, Bernard, 1731, 4 vol. – Mémoires de G. Joly. Amsterdam, Bernard, 1738, 2 vol. – Mémoires de Mad. la duchesse de Nemours. Amsterdam, Bernard, 1738, 1 vol. En tout 7 vol.pet. in-8, mar. r. fil. tr. dor. (Padeloup). 1.510 fr. à de Janzé.      





La deuxième partie, du lundi 18 mai au vendredi 29 mai, rapporta environ 25.000 francs : Catalogue des livres composant la bibliothèque de feu M. Jacques-Charles Brunet […]. Deuxième partie. Ouvrages de divers genres. Histoire littéraire. Bibliographie (Paris, L. Potier et A. Labitte, 1868, in-8, XIII-[1 bl.]-232 p., 1.786 lots).   


« On trouvera dans cette seconde partie plusieurs ouvrages composés et écrits par Mercier, abbé de Saint-Léger, ainsi qu’un exemplaire de la Bibliothèque du Théâtre-Français depuis son origine, etc., 3 vol. in-8, annotés par lui [n° 1.782]. Cet ouvrage est attribué au duc de La Vallière, mais l’on sait maintenant qu’il a été fait par plusieurs hommes de lettres qui travaillaient pour l’illustre bibliophile, tels que Capperonnier, Marin et quelques autres, surtout par Mercier lui-même qui déclare y avoir beaucoup travaillé. » (p. VII)





Le 19 décembre 1868 suivit la vente des autographes : Catalogue des autographes précieux provenant de la bibliothèque de feu M. Jacques-Charles Brunet (Paris, L. Potier, A. Labitte et J. Charavay, et Londres, Ch. Labussière, Th. et W. Boone, 1868, in-8, 47 p., 136 lots).









 







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